URSS | Habitat et Dom-Kommuny



« En quoi consiste aujourd'hui notre tâche, que devons-nous apprendre en premier lieu, vers quoi devons-nous tendre ? Il faut apprendre à bien travailler – avec précision, avec propreté, avec économie. Nous avons besoin de développer la culture du travail, la culture de la vie, la culture du mode de vie. »

Leon Trotsky, Les questions du mode de vie
Moscou, 1923


Pour l'architecte et historien marxiste [et militant] d'origine russe Anatole KOPP, la révolution d'Octobre devait mettre fin aux principes dépassés de l'architecture pré-révolutionnaire. En abolissant la propriété individuelle, Octobre ouvrit aux architectes soviétiques les perspectives d'un grandiose travail de planification, et leur donna la possibilité d'élaborer un type nouveau d'organismes, de complexes et d'ensembles architecturaux. Ces perspectives vinrent remplacer les tâches étroitement individualistes imposées par les commanditaires d'avant la révolution.

Il ne s'agissait pas pour les architectes constructivistes – cette distinction est indispensable – de croire, comme l'avait cru à certains moments Le Corbusier -, qu'une architecture rationnelle mise à la disposition de tous pouvait remplacer la révolution. « Architecture ou Révolution » [la célèbre formule de Le Corbusier] était pour les constructivistes une interrogation vide de sens. La révolution avait eu lieu sur un sixième de la surface du globe ; aussi la seule question qui se posait réellement était de savoir comment, par les moyens de l'architecture, il était possible de contribuer à la reconstruction de la société.

VIENNE La ROUGE


Karl-Marx-Hof | Karl Ehn architecte | 1929


Manfredo TAFURI
Francesco Dal CO

Vienne la Rouge : la politique du logement
 dans la Vienne socialiste [1920 - 1933]


La politique du logement qu'adopte la majorité social-démocrate de Vienne, après l'effondrement de l'Empire austro-hongrois, représente une solution de rechange radicale à la stratégie urbanistique de l'avant-garde allemande [République de Weimar]. La spécificité de la situation viennoise est d'ailleurs déterminante. À la spéculation foncière qui, dans l'avant-guerre, avait été la cause d'une forte hausse des loyers et de conditions de logement épouvantables pour les ouvriers, il faut ajouter le démembrement de l'Empire, qui prive la nouvelle Autriche de ses centres de production, en faisant de la capitale une tête sans corps, une agglomération improductive qui se cherche désespérément une fonction. En outre, à la majorité socialiste de la capitale répondent un territoire et un État que dirigent les classes conservatrices. De 1920 à 1933, Vienne sera un petit État dans l'État et, dans cette situation contradictoire, elle doit faire face à la ruine de son héritage. 

REISER | Le Corbusier





Reiser

Charlie-Hebdo n° 152
 1973



REISER | Les Promoteurs





Reiser

Pilote n° 631
 1972



Une ville et une Révolution | La Havane

Esquema de Plan director para La Habana, años 60

Instituto de Planificación Física.

Jean-Pierre Garnier
Une ville et une révolution, La Havane
De l'urbain au politique
Revue Espaces et Sociétés | n° 1, 1970


LA VILLE ENTRE PARENTHESES

« ... Notre capitale est une cité géante, compte tenu de la taille de notre pays. Si nous avions eu entre les mains le pouvoir de fonder la ville de La Havane, en vérité nous l'aurions fondée en un autre endroit où nous n'aurions pas permis que cette ville croisse tant. »
Fidel Castro
Le tournant décisif

Ville touristique et récréative, commerciale et consommatrice, tertiaire et bureaucratique, La Havane demeurait en 1963, en dépit ou à cause du bouleversement révolutionnaire, une ville productive, une ville parasitaire (1). Les habitants avaient pris possession de leur ville. Il restait au pays à s'approprier sa capitale. Peu en étaient conscients dans les années d'euphorie qui suivirent le triomphe de la rébellion. Il semblait normal que les masses exproprient leur ancienne classe dominante. On oubliait que de ce fait la population de la capitale risquait de se convertir en une sorte d'aristocratie urbaine aux dépens du reste du pays, maintenant avec lui des relations semi-coloniales. Refusant les conditions de vie dégradantes qui régnaient dans les campagnes, des flots d'immigrants venus des autres provinces grossissaient chaque jour la population de la capitale, dans l'espoir de participer aux avantages que pouvait leur offrir une ville désormais ouverte à tous. Un tel phénomène était incompatible avec les nécessités du développement, et c'est de cette contradiction que devait naître une première prise de conscience.

VENISE | Disneyland historique



Venise est un cadeau de l’Italie à l’humanité
Jean-François REVEL

La Sérénissime a également légué à l'humanité le mot ghetto : en 1516, le conseil des Dix décida de rassembler tous les juifs de Venise sur une petite île de Cannareggio, où se trouvait une fonderie (getto ou gheto signifie fusion en vénitien). Il a été successivement agrandi, ajoutant à la petite île appelée Ghetto Nuova des origines, le Ghetto Vecchio en 1541 puis, en 1633, le Ghetto Nuovissimo. C'est dans ce quartier que l'on rencontre des immeubles parmi les plus élevés de la ville. En effet, du fait de l'impossibilité de construire de nouvelles habitations dans ces quartiers limités et clos, les habitations se sont développées verticalement.

Architecture de la Révolution




L'architecture peut-elle être "révolutionnaire" ?
Une société révolutionnaire peut-elle produire une architecture qualifiée de révolutionnaire ? Quelle est la portée du terme « révolutionnaire » lorsque celui-ci s'applique à l'architecture, avec ses implications idéologiques, fonctionnelles, esthétiques, son contenu, etc.. Peut-on appliquer valablement un tel terme à une forme détachée de son contenu idéologique ? Comment s'exprime le contenu idéologique de la nouvelle société dans l'architecture qui la représente, c'est-à-dire, comment cette architecture est-elle révolutionnaire ? Peut-on parler d'une révolution architecturale en termes de forme-espace-technique- fonction, qui ait une incidence sur la transformation de la société ? En définitive, a-t-on le droit de postuler des formes, des structures ou des espaces « révolutionnaires » en dehors d'une fonction sociale révolutionnaire qui les précède et les motive ?


Roberto SEGRE
Signification de l'architecture cubaine
dans le monde contemporain
Revue Espaces et Sociétés | n° 1, 1970

HUMANISME, ARCHITECTURE
ET TIERS MONDE.

L'architecture, ou plus exactement la pratique architecturale (1), constitue un des niveaux de la praxis sociale globale. Ce n'est pas le lieu, ici, de postuler une hiérarchisation des niveaux, mais d'indiquer l'importance qu'elle revêt au sein de notre milieu physique.

L'architecture — conçue de nos jours comme environmental design (2) — constitue le cadre et la manifestation de notre vie sociale, depuis la cellule individuelle minimum, jusqu'à l'ensemble du territoire, que la main de l'homme a transformé. Si la forme construite et l'espace habitable constituent la réalité essentielle de l'architecture, celle-ci se rattache de façon indissoluble aux exigences fonctionnelles et esthétiques de l'homme en tant qu'être social. L'abstraction implicite qui identifie Homme et Architecture, en dehors de toute particularité sociale, caractérise la théorie architecturale qui s'inspire de la philosophie idéaliste. En accord avec l'affirmation d'une essence universelle de l'homme (3), on proclame l'existence de valeurs éternelles, immuables — tout particulièrement dans le domaine esthétique et dans celui de la signification —, valeurs qui seraient demeurées semblables à elles-mêmes tout au long du procès historique. Ce sont ces valeurs qui font apparaître le contenu « humaniste » de l'architecture — terme utilisé par Geoffrey Scott en 1914 (4) — et qui tout au long du xxe siècle n'a cessé d'être proclamé par les tendances les plus diverses (5). L'architecture rationaliste, dans la période qui va de 1920 à 1930, s'avère humaniste dans sa volonté d'assurer les conditions d'existence minimum indispensables à l'homme de la société industrielle ; il en va de même du courant qualifié de « post-rationaliste » des années cinquante, dans son désir d'atténuer la sécheresse technique antérieure (6). Humaniste, l'architecture « organique » l'est aussi dans son souci du milieu et des facteurs psychologiques (F.L. Wright), comme d'ailleurs son interprétation européenne, le « néo-empirisme Scandinave ». Les expériences utopiques actuelles, fondées sur les conquêtes techniques, qui créent un nouveau cadre de vie humain (s'opposant au cadre de vie naturel) ou reposent sur la récupération du passé (des périodes où il existait un équilibre entre l'homme et le milieu ambiant), afin de libérer la société de son actuelle aliénation dans la technique, peuvent aussi être qualifiées d' « humanistes » ; il en va de même pour l'orientation prise par l'architecture dans les pays socialistes européens (7).

Fidel CASTRO | Arquitectura Socialista




Fidel CASTRO
Discurso pronunciado en la clausura del VII congreso
de la Union Internacional de Arquitectos

La Habana | 3 de octubre de 1963

Señores de la presidencia, delegados e invitados :

Hace varios años ya surgió la idea de efectuar en nuestro país este Congreso de la Unión Internacional de Arquitectos. Ciertas circunstancias surgieron en el trayecto, que dificultaron, o crearon algunas dificultades para la celebración del congreso en nuestro país. De eso no tiene la culpa nadie; ni la tiene la Unión Internacional de Arquitectos, ni siquiera la tenemos nosotros, surgió la Revolución en Cuba (APLAUSOS).

MARINALEDA


Juan Manuel Sanchez Gordillo


Marinaleda, est un village d'Andalousie, dans la province de Séville ; le maire, Juan Manuel Sanchez Gordillo, anticapitaliste et républicain, et les 2700 habitants s'activent depuis maintenant plus de 30 ans pour construire une alternative socialiste au capitalisme : une expérience unique en Europe de gestion municipale. Ici, peu de chômage, pas de police, pas de promoteur, ni de curé, ni de slogan politicien, mais une politique mettant en pratique les droits au travail, au logement, à l'éducation, à la culture, sous l'égide d'une démocratie directe, authentique pouvoir populaire : Utopique ? Juan Manuel Sanchez Gordillo la revendique :

« La gauche doit se situer le plus à gauche possible, et doit donc aspirer à l'Utopie. Elle ne doit pas être considérée comme une chimère, mais comme le droit que les personnes ont de rêver et, grâce à la lutte, de voir leurs rêves devenir réalité. […] Nous pensons que le pouvoir ne peut pas être neutre. Le pouvoir entre les mains des travailleurs doit être un contre-pouvoir. Pour que ce pouvoir du peuple et pour le peuple soit une force, nous avons pensé que la participation était essentielle. C'est pour cela que nous avons créé l'assemblée générale des quartiers, notre organe suprême de décision. Nous avons compris que la démocratie directe est meilleure que la démocratie représentative : les gens ne participent pas à la politique tous les 4 ans lors d'élections, mais chaque jour, à ce qui relève du quotidien. »


Mike DAVIS vs Frank GEHRY


Frank Gehry : Disney Concert Center de Bunker Hill 

L'architecte américain-canadien Frank Gehry* est considéré comme l'un des plus grands architectes de son temps ; il a été récompensé en 1989 par le prestigieux prix Pritzker - le Nobel de l'Architecture. Mike Davis n'apprécie guère ses oeuvres construites à Los Angeles : il nous explique pourquoi. 

Mike DAVIS

Extraits de
City of Quartz


Le Los Angeles des années 1990 s'est trouvé un autre emblème avec l'architecture déconstructiviste pop de Frank Gehry, célébrée comme le premier grand style vraiment autochtone depuis le bungalow. Le travail de Gehry se distingue en effet par sa capacité unique à « poppiser » le genre noir en recyclant les éléments d'un paysage urbain dégradé et socialement sinistré (ciment brut, grosses chaînes barrant le passage, murs aveugles, etc.) dans le décor lumineux et aéré d'espaces conviviaux (écoles de droit, aquariums, cinémathèques, etc.). On a là une alchimie architecturale qui revalorise des « espaces urbains sinistrés », comme le centre de Hollywood ou le quartier Pico-Union, en combinant formes séduisantes et des équipements sécuritaires complexes, comme nous le verrons par la suite. 

Art Politique / Art Social 1960 / 1980



 Haacke : Shapolsky et al. Manhattan Real Estate Holdings, 1971

Michael Archer

Art politique et Art social, 1960 / 1980
Idéologie, identité, différence


Le type d'art produit par la Factory d'Andy Warhol – dépersonnalisé, mécanique, et faisant appel à des procédés de fabrication multiples – caractérisait l'idéologie d'une grande partie du Pop Art : l'art comme tous les produits industriels manufacturés pour une économie de marché capitaliste, n'était qu'un bien de consommation et rien d'autre. Le travail du marchand consistait à créer un marché dans lequel de tels biens pouvaient être vendus et achetés. Face à cette réalité, les notions de beauté, de valeur esthétique et de transcendance perdent de leur pertinence. Au bout du compte, une oeuvre d'art vaut le prix que quelqu'un est prêt à y mettre et, par conséquent, la réponse à la question de savoir ce qui pousse les gens à se consacrer à l'art est facile : ils le font pour l'argent. A la fin des années 1960 et au début des années 1970, tout ce qui pouvait nourrir le marché et, donc, contribuer au succès commercial des économies occidentales était perçu, tout particulièrement par certains artistes américains, comme apportant un soutien tacite, aussi indirect qu'il fût, à l'intervention américaine dans la guerre du Vietnam – entre autres. Il existait donc une raison de plus d'explorer la nature intrinsèquement non-mercenaire du conceptualisme et celle, éphémère, de la Performance. En effet, un art qui pouvait s'affirmer comme tel, tout en rejetant l'aspect mercantile des objets, portait en lui une certaine efficacité idéologique et politique, contraire aux principes capitalistes de l'économie de marché.

Communes Libertaire et Anarchiste en France


Les colonies communistes sont des phares qui illuminent l'océan sombre et perfide des systèmes économiques basés sur l'arbitraire d'un petit nombre ou le déterminisme aveugle des majorités.
E. ARMAND | 1904
 

Michel ANTONY

Ressources sur l'utopie, sur les utopies libertaires et les utopies anarchistes
Extrait de :
Essais utopiques libertaires de « petite » dimension

L’utopie anarchiste ou libertaire est également une utopie active, en acte(s). Pour les anarchistes, « la propagande par le fait » inclut la propagande par l’écrit, la parole, le mode de vie, les actes, les réalisations exemplaires, même à petite échelle. Ainsi, pour beaucoup d’anarchistes et de libertaires de toute mouvance, et pas seulement pour les seuls « éducationnistes réalisateurs », « vivre en anarchiste »[1], ou « relocaliser l’utopie »[2], ici et maintenant représente :

Caza : Scènes de la vie de banlieue



Caza, UN des plus grands maîtres de la Bande Dessinée de science fiction, imagine depuis quarante années maintenant des mondes wagnérien, un univers  proche de Druillet et du regrétté Moebius. C'est à partir de 1975 que Caza nous offre les plus belles planches de la bande déssinée à propos de la ville et notamment des Habitations à Loyer Modéré [HLM] : la science fiction s'invite dans la vie quotidienne des citadins mis en cage. Les Scènes de la vie de banlieue sont une chronique d'une époque, qui annonçait les catastrophes urbaines de la ville modernisée offerte au capitalisme ; une critique politique inédite dans le monde de la bande dessinée, véritable  pavé dans la mare du conformisme ambiant, qui le place aux côtés du dessinateur américain Robert Crumb, autre grand pourfendeur de la vie et ville moderne. Une critique corrosive qui prolonge celle du monde absurde des Shadocks, qui s'imprègne du dessin de Gébé et de la satire de Reiser - et d'autres - contre la même middle-class et influencée, pour un temps, par le " Pop Art " et la libération sexuelle, elle nous offre de sublimes corps féminin dénudés s'opposant à la laideur des HLM et de leurs habitants. Des hlmiens qui à cette époque ne sont pas encore des "relégués", pauvres et immigrés. Ces fantastiques histoires ont maintenant valeur de documents historique, ethnologique, politique et drôlatique, incontournables. 


Mao Zedong : Dàzhài, une Commune populaire modèle

 Dazhai-1970

La pauvreté pousse au changement, à l'action, à la révolution. Une feuille blanche offre toutes les possibilités; on peut y écrire ou y dessiner ce qu'il y a de plus nouveau et de plus beau.
MAO ZEDONG
Présentation d'une coopérative (15 avril 1958).


Première partie | Territoire et Villes en Chine Maoïste

Dàzhài : un village – une brigade de production agricole , pauvre et isolé dans une région montagneuse, organise et débute la construction, à partir de 1952 et sous l'égide d'un pauvre paysan analphabète, d’imposantes cultures en terrasses, sans aucune aide – financière, matériel, technique - des autorités régionale ou nationale de la jeune République. Un exploit remarquable auto-initié bien avant la campagne du Grand Bond en avant décidée par Mao Zedong. Un travail titanesque, qualifié de sur-humain,  qui préserva ses habitants-agriculteurs des ravages de la Grande famine des années 1960, et força l'admiration – littéralement – des plus hauts dignitaires du régime. 

USA : American Indian Movement

1973, Wounded Knee


Les premières batailles des colons contre les Améridiens de l'Amérique du Nord [Native American] se déroulent en 1778 ; une longue guerre, ponctuée de massacres qui deviendra un véritable génocide, caractérisé selon l'historien américain Howard Zinn par le fait que « les gouvernements américains ont signé plus de quatre cents traités avec les Indiens et les ont tous violés, sans exception ». Un siècle plus tard, après la redition de Geronimo en 1886, le massacre de Wounded Knee en 1890 sonne le glas de la résistance Amérindienne sur le continent Nord Américain ; les survivants de ce génocide sont parqués dans des réserves aux terres arides et poussiéreuses où s'abîment les larmes de tristesse des nations Indiennes vaincues et humiliées, et durant les années 1890-1930 les Indiens sombrent dans une torpeur funèbre aggravée par l'alcoolisme. C'est durant cette période que le taux de natalité est le plus bas, faisant croire à certains "observateurs" de Washington que les Indiens sont destinés à complètement disparaître, d'ailleurs beaucoup d'Américains de cette époque pensent qu'il n'y a plus d'Indiens vivants aux Etats Unis.


PARIS : Barricades and Boulevards

Paris : plan des barricades 1795 - 1871 


Carl Douglas


Barricades and Boulevards:
Material transformations of Paris, 1795-1871


Destroying and constructing are equal in importance, and we must have souls for the one and the other”.1
Paul Valéry


Large-scale urban violence is a tumultuous, messy and distressing affair. Materials and patterns of everyday life are blown apart. Amongst death and disarray, important spatial operations that take place in urban conflict are easily overlooked. However, the construction of street barricades and boulevards in Paris between 1795 and 1871 transformed the city. The struggles over these transformations can be described as both the disruption and the policing of what Rancière calls the “distribution of the sensible”. 2

A. BLANQUI : Instructions pour la prise de Paris

Paris 1871


La stratégie insurrectionnaliste blanquiste.


La forme la plus achevée de cette stratégie est la stratégie blanquiste, théorisée dans Instructions pour une prise d’armes. Un petit groupe de conspirateurs armés (entre 500 et 800 dans le cas du coup de force du 12 mai 1839) frappe lorsqu’il croit le peuple subjectivement prêt à l’insurrection agissant à la place du prolétariat inorganisé : ils s’emparent des armureries et distribuent les armes, frappent à la tête le pouvoir politique et les forces répressives (attaque de la Préfecture de police), produisent un plan systématique des barricades et organisent les masses ralliées à l’insurrection. Au niveau tactique, Blanqui faisait grand fonds de la tactique des barricades justement critiquées par Engels. La tactique passive des barricades, suivie par le prolétariat révolutionnaire jusqu’en 1848, et avait pour seule chance de victoire un refus d’obéissance massif des soldats de l’armée bourgeoise, voire leur passage au camp de l’insurrection.
T. Derbent *

Auguste Blanqui
Instructions pour une prise d'armes
1866

Ce programme est purement militaire et laisse entièrement de côté la question politique et sociale, dont ce n'est point ici la place : il va sans dire d'ailleurs, que la révolution doit se faire au profit du travail contre la tyrannie du capital, et reconstituer la société sur la base de la justice.


Saul Alinsky : Donner du pouvoir au peuple, pas aux élites



Donner du pouvoir au peuple, pas aux élites
Entretien avec Saul Alinsky dans le magazine Playboy, 1972.

Via le site du collectif  : Pouvoir d'agir

INTRODUCTION

Ces 35 dernières années, l'establishment américain a été l'objet d'attaques incessantes de la part d'un organisateur communautaire binoclard, vêtu comme un conservateur, ressemblant à un comptable et parlant comme un manutentionnaire. Selon The New York Times, Saul Alinsky « est haï et craint en haut lieu, de la côte Ouest à la côte Est », pour être « une force majeure dans la révolution des sans-pouvoir (...) émergeant comme un véritable mouvement à lui seul. » Et un article du Time magazine concluait en disant que « c'est peu dire d'avancer que la démocratie américaine est en train d'être transformée par les idées d'Alinsky. »

Saul Alinski : Rules for Radicals, 1971



Cet agitateur professionnel organise les quartiers pauvres sur la base des collectivités d'habitation et des communautés. Réformiste, actif, il ne se contente pas de paroles : depuis trente ans, il sème la révolte dans toutes les grandes villes des États-Unis.
Actuel, n° 24, 1972.

Ce qui suit s'adresse à ceux qui veulent changer le monde et le faire passer de ce qu'il est à ce qu'ils croient qu'il devrait être. Si Machiavel écrivit le Prince pour dire aux nantis comment conserver le pouvoir, j'écris Rules for Radicals pour dire aux déshérités comment s'en emparer.
Saul Alinsky

Jean Gouriou
Saul Alinsky
Rules for Radicals
1971

De toute évidence, le niveau de connaissance que le public français a pu avoir d'Alinsky est faible. En présentant la traduction de Rules for Radicals et l'introduction à ce livre enrichie de quelques documents annexes, nous souhaitons simplement que cet homme soit mieux connu. Il est certes provocant et peut exaspérer, mais sa complicité avec la vie des gens et sa santé dans l'action sont choses trop rares pour qu'on ne les retienne pas au passage.

Saul ALINSKY : Être Radical


 Editions Aden, janvier 2012


« Un type a dit un jour que j’étais un marxiste, financé par les églises et qui reprenait les méthodes du gang d’Al Capone… Remarquez, je trouve le mélange intéressant… »

Saul D. Alinsky



A l'occasion de la réédition aux éditions Aden, du livre [manuel intemporel] culte de Saul Alinsky, Rules for Radical publié en 1971, nous remettons en première ligne un de nos premiers articles qui lui était consacré - peu consulté en fait - et publions ici, un texte de la revue Mauvais sang :

Saul Alinsky ou l’angle aveugle de la gauche…
Par Nic Gortz et Daniel Zamora
Revue Mauvais Sang n°3 (Editions Aden)

Introduction

Saul Alinsky constitue l’une des figures les plus emblématiques de la culture populaire radicale aux États-Unis dans les années septante. À ce titre, il incarne une référence dans la vie politique américaine encore à ce jour, ayant eu une influence non négligeable sur des figures actuelles telles que Hilary Clinton ou Barack Obama. Cependant, s’il est un auteur et un activiste reconnu outre-Atlantique, il demeure tout à fait inconnu auprès du public européen. Ses travaux et livres n’ayant fait l’objet que d’une seule – et contestable – traduction[1], Alinsky n’a acquis une certaine reconnaissance que dans le milieu des travailleurs sociaux. Or, si sa pensée est certes méconnue comme sociologue, elle présente pourtant une grande richesse sur les questions liées à l’action sociale et l’émancipation humaine. Ces apports pourraient donc s’avérer, à notre sens, d’un grand intérêt pour l’action politique et la pratique sociologie contemporaine.

Ernesto Che Guevara : Le Socialisme et l'Homme à Cuba


El Lissitzky, l'Homme Nouveau, 1923
   

Pour le ministre de l'Industrie, Ernesto Che Guevara, la question des stimulants, moraux et surtout matériels, celle de la "motivation", seront les fondements même à partir desquels pourra être façonné cet "Homme nouveau" plus sensible aux joies du travail créateur plutôt qu'à l'intérêt matériel : " Nous ne nions pas la nécessité objective du stimulant matériel " écrit Guévara, mais " Nous luttons contre sa prédominance quand il s'agit de l'utiliser comme levier essentiel car il finit par imposer sa propre force aux rapports entre les hommes".  L'attitude nouvelle qu'il espère de chaque individu est de refuser tout stimulant matériel pour n'obéir qu'à des incitations d'ordre moral au service du bien général. La "moralité" de l"'Homme nouveau", contre l'individualisme égoïste, contre la société de consommation excessive, aura été la problématique fondamentale de tous les gouvernements post-révolutionnaires communistes : " Pour construire le communisme, il faut changer l'homme en même temps que la base économique ", résume ainsi  Che Guévara.

Le Socialisme et l'Homme à Cuba
Ernesto Che Guevara
12 mars 1965

Cher camarade,

Je termine ces notes au cours de mon voyage en Afrique. Bien que tardivement, j'espère ainsi tenir ma promesse. J'aimerais le faire en traitant le thème du titre de cet article. Je crois que cela peut intéresser les lecteurs uruguayens.
 

Caracas : Luttes urbaines et Démocratie


Caracas Golpe 2002
Armelle Racinoux
Emiliano Zapata

Luttes urbaines et démocratie à Caracas
(2001-2004).
Vers la redéfinition de l’espace public vénézuélien

L’élection à la présidence du Venezuela d’Hugo Chávez Frias en 1998 a été renouvelée en 2000 et confirmée par le référendum de 2004. Cette période s’est accompagnée d’une crise politique d’envergure. Dans un contexte de tensions classistes, la Coordinadora Democrática 1 (dissoute en 2005) dénonce le mode autoritaire de gouvernement du président à l’agenda « socialiste révolutionnaire » et cherche à le pousser à la démission.Fin novembre 2001, les 49 décrets-lois passés par Hugo Chávez suscitent en effet un tollé politique : ils entérinent entre autres une réforme agraire qui permet la réquisition des terres non exploitées et leur redistribution à des fins productives et une restructuration du domaine clef de l’industrie pétrolière.

CARACAS : Guérilla Communicationnelle

Collectif Guerrilla comunicacional 

Le collectif Guerrilla comunicacional à Caracas, s'inscrit dans la stratégie « Trueno comunicacional » [Tonnerre de la communicationimaginée par le gouvernement du  Président Hugo Chavez, afin  de combattre le monopole et d'opposer une contre-propagande aux médias privés - chaînes de télévision et grands quotidiens - hostiles à la Révolution. Leurs actions ne s'arrêtent pas à couvrir les murs de Caracas et des villes de province,  de [magnifiques] slogans et d'images glorifiant la Révolution - plus que Chavez - : leurs membres forment de jeunes adolescents aux différentes techniques du street art, au sein d'ateliers. Ils nous offrent ce Manual de producción comunicacional destiné à vous en apprendre les rudiments.

La haine des villes, entretien avec É. Hazan et B. Marchand


Grand Paris, proposition équipe MVRDV


Eric Hazan : Je pense que la discussion sur le Grand Paris est absurde : il existe, il est là, sous nos yeux, avec ses dix millions d’habitants. Penser qu’il faut, pour avancer, de grands gestes architecturo-urbanistiques, c’est du cynisme ou de la bêtise – ou les deux à la fois. Le concours dont les projets étaient exposés à Chaillot était à cet égard très éclairant : tout pour les ego, rien pour la ville. Il faudrait retirer le dossier des mains des « spécialistes », faire un recensement précis de ce qui existe, de ce qu’il faut garder, de ce qu’il faut aménager et de ce qu’il faut remplacer. Un micro-travail modeste et long – ce dont sont précisément incapables les grands noms convoqués au Trocadéro.

Entretien sur les banlieues et l’urbaphobie française
À propos de :
Éric Hazan, Paris sous tension, Paris, La Fabrique, 2011.
Bernard Marchand, Les Ennemis de Paris, Rennes, PUR, 2009.
Propos recueillis par :
Germinal Pinalie

Qu’est-ce que « Paris » ? Une ville-État, dominatrice, coeur d’un État centralisateur et bureaucratique qui « pomperait » la substance de la France et l’écraserait de tout son poids ? Pour Bernard Marchand, cette représentation est une pure et simple falsification, qui puise sa force dans la profonde « urbaphobie » française. Selon lui, celle-ci est au principe de la légitimation de l’État, réalisée sur le dos des classes populaires et des banlieues au profit de la province et des zones rurales. Entretien croisé, hautement polémique, avec un autre ami de Paris, Eric Hazan.

Bombay Maximum City


Bombay | photo : Martin Roemers

Suketu Mehta,
auteur de Bombay Maximum City
entretien avec Frédéric Joignot

En 1950, Bombay comptait 2,9 millions d’habitants. Aujourd’hui 19 millions. Soit la moitié de l’Espagne concentrée dans une ville. Ou deux Portugal. Des projections de la « Far Eastern Economic Review » annoncent 33 millions d’habitants en 2030. Des chiffres comme « 20 millions d’habitants » restent abstraits. De préciser qu’à Bombay la moitié de la population n’a pas de toilettes donnera une idée des conditions de vie. SUKETU MEHTA, auteur d'un prodigieux reportage fleuve sur Bombay (aujourd'hui Mumbai), "Bombay Maximum City" qui lui a pris trois ans. Pendant 700 pages pleines de rebondissements et de rencontres, l'auteur décrit de l'intérieur la folle mégapole indienne. Ses bidonvilles où s'entassent 9 millions d'habitants, où se réfugient les voleurs et tous ceux dont la vie s'effondre, sa pollution effrayante avec ce soleil devenu invisible les jours de "fog", sa classe moyenne en expansion faisant vivre d'innombrables petits métiers et craignant toujours de redescendre, ses familles richissimes de Malabar Hill et des producteurs de Bollywood, ses quartiers musulmans inquiets, menacés par les hindouistes radicaux depuis les derniers attentats islamistes, ses voleurs et ses trafiquants, ses prostituées rodant dans les quartiers réservés, ses tueurs payés 500 euros. Bombay, mégapole du Sud, l'avenir du monde - et déjà le présent. "Une nouvelle espèce humaine, une espèce surpeuplée et suburbaine" dit Suketu Mehta.

Arundhati Roy : La face obscure du miracle indien


Bombay, le Palais Antilla.


Non, ce bel édifice, non sans qualité, n'est pas le siège social d'une multinationale,  un ministère ou une administration ou même un immeuble de logements de luxe quelconque, qui dresse ses 27 étages dans le ciel de Bombay, mais la résidence de l'homme le plus riche de l'Inde : Mukesh Ambani.  Plus de 10.000 m²  pour sa famille, soit 6 personnes, pour un coût estimé à plus d'un milliard de dollars. Arundhati Roy voit dans ce palais vertical démesuré - Antilla -  le symbole des maux qui gangrènent la société indienne : corruption généralisée, concentration des pouvoirs dans les mains de quelques grandes familles dont rien ne semble pouvoir contrôler la puissance, tandis que 800 millions de déshérités, spoliés au bénéfice des grands groupes privés, continuent de subir une extrême pauvreté. Non, malgré la démocratie, Rien n'a changé depuis l'époque féodale  où les princes pouvaient bâtir des palais tels que le Taj Mahal. 

Arundhati Roy
La face obscure du miracle indien
21 janvier 2012

Est-ce une maison, un temple érigé à la gloire de l’Inde nouvelle, ou un entrepôt rempli de ses fantômes ? Depuis que Antilla a été bâti dans Altamount Road, à Bombay, exsudant une atmosphère de mystère et de tranquille menace, les choses ont changé. « Nous y sommes », me dit l’ami qui m’a conduit ici. « Fais preuve de respect devant nos nouveaux maîtres. » Antilla appartient à l’homme le plus riche de l’Inde, Mukesh Ambani. Je me suis renseignée : c’est l’habitation la plus chère jamais construite, comptant 27 étages, trois hélipads, neuf ascenseurs, avec des jardins suspendus, des dancings, des gymnases, six étages de parking, et 600 employés. Rien ne m’avait préparée au choc provoqué par cette pelouse verticale, ce mur d’herbe tenu par une structure métallique. L’herbe était par endroit jaunie, et des portions rectangulaires s’en étaient détachées. Visiblement, la théorie du « ruissellement » [de la richesse des plus fortunés vers le bas - ndt ] n’avait pas produit les résultats escomptés.