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▲ “Urbaniser la lutte de classe” | Groupe “Utopie” | 1969
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Jean-Louis
Violeau
Jean
Baudrillard, 68 et la fonction
utopique
Enfants
des années 1980 et nostalgiques des années 1960, s’il fallait
retenir trois événements qu’aurait permis Mai 68 et qui auraient
réciproquement permis Mai 68, alors sans hésiter plus longtemps :
la prise
de parole,
celle que Michel de Certeau a si bien restituée pour tous ceux qui
n’auront pas vécu Mai, les rencontres hors des temporalités
atomisées de la vie quotidienne, et enfin le retour de l’Utopie. À
la fin d’un tout récent ouvrage, l’anthropologue Maurice
Godelier délivre ce message : « Les humains, à la
différences des autres espèces, ne vivent pas seulement en société,
ils produisent de la société pour vivre. C’est cela qui les
distingue des deux espèces de primates qui descendent avec l’homme
du même ancêtre commun, et avec lesquels les humains partagent 98%
de leur patrimoine génétique, les chimpanzés et les bonobos. » [1].
Jamais en effet, ajoute-t-il, ceux-ci ne sont parvenus à modifier
leurs façons de vivre en société, à transformer leurs rapports
sociaux. Or, c’est précisément ce que les humains ont la capacité
de faire : ils produisent, pour un groupe humain, une histoire
différente, un avenir différent. Bref, ils font l’histoire. Du
possible, sinon j’étouffe ! écrivaient Gilles Deleuze et
Félix Guattari en reprenant Kierkegaard. C’était en 1984, au
creux des années 80 d’hiver, dans un texte intitulé « Mai
68 n’a pas eu lieu ». Mai 68 comme un « phénomène de
voyance », voir autant l’intolérable que la possibilité de
son dépassement [2] :
« le possible ne préexiste pas, il est créé par l’événement.
C’est une question de vie. L’événement crée une nouvelle
existence. Il produit une nouvelle subjectivité. »
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▲ “Urbaniser la lutte de
classe” | Groupe “Utopie” | 1969
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