« En
quoi consiste aujourd'hui notre tâche, que devons-nous apprendre en
premier lieu, vers quoi devons-nous tendre ? Il faut apprendre à
bien travailler – avec précision, avec propreté, avec économie.
Nous avons besoin de développer la culture du travail, la culture de
la vie, la culture du mode de vie. »
Leon
Trotsky, Les questions du mode de vie
Moscou,
1923
Pour l'architecte et historien marxiste [et militant] d'origine russe Anatole KOPP, la
révolution d'Octobre devait mettre fin aux principes dépassés de
l'architecture pré-révolutionnaire. En abolissant la propriété
individuelle, Octobre ouvrit aux architectes soviétiques les
perspectives d'un grandiose travail de planification, et leur donna
la possibilité d'élaborer un type nouveau d'organismes, de
complexes et d'ensembles architecturaux. Ces perspectives vinrent
remplacer les tâches étroitement individualistes imposées par les
commanditaires d'avant la révolution.
Il
ne s'agissait pas pour les architectes constructivistes – cette distinction est indispensable –
de croire, comme l'avait cru à certains moments Le Corbusier -, qu'une
architecture rationnelle mise à la disposition de tous pouvait
remplacer la révolution. « Architecture ou Révolution »
[la célèbre formule de Le Corbusier] était pour les
constructivistes une interrogation vide de sens. La révolution avait
eu lieu sur un sixième de la surface du globe ; aussi la seule
question qui se posait réellement était de savoir comment, par les
moyens de l'architecture, il était possible de contribuer à la
reconstruction de la société.
C'est
le concept fondamental de « culture du mode de vie » qui
sera à la base de toutes les théories des années 1920. Ce concept
de « culture » prendra, chez les théoriciens des années
1920, un sens beaucoup plus large que celui donné habituellement. Il
ne s'agira nullement de faire du Russe un « homme cultivé »,
un « honnête homme ». Loin de se limiter à la simple
acquisition de connaissances, la révolution culturelle des années
vingt envahira tous les domaines de la vie. Il a inspiré tous les
créateurs qui, par-delà leurs préoccupations propres, en avaient
une en commun : créer un monde nouveau totalement en accord
avec la nouvelle structure politique, économique et sociale. Tous
les domaines de l'art furent bouleversés par cet objectif nouveau :
Changer la Vie.
C'est
sans doute en architecture que le concept d'un art, non plus
considéré comme un divertissement de l'esprit, trouve le terrain
d'application le plus concret. L'architecture traditionnelle faisait
appel au formalisme de la décoration. Brisant net avec la tradition,
les architectes soviétiques des années 1920 assignent à
l'architecture moderne un champ d'action beaucoup plus vaste.
L'architecte n'est plus seulement un technicien du ciment ou du stuc,
c'est un homme politique en même temps qu'un sociologue : « La
conception du monde de l'architecte contemporain se forme au contact
de l'époque » [Guinzburg, Les nouvelles méthodes de la
pensée architecturale, 1926]. Les nouveaux rapports de
production devaient déboucher nécessairement sur une nouvelle
conception de l'usine et de la place de la production dans la ville
elle-même. (Ou plutôt dans l'espace car, la notion de ville sera
contestée). Mais le travail productif, dont on pensait d'ailleurs
qu'il se réduirait très rapidement, ne représente qu'une partie de
la vie quotidienne. Par conséquent, le temps libre allait croître.
Alors le problème des loisirs et de la culture (auquel le Club
ouvrier devait apporter une réponse) se poserait ainsi que celui de
l'habitat. Ce dernier était l'un des plus complexes parmi ceux que
les constructivistes allaient tenter de résoudre. Il passait par
l'idée d'une « autre » manière de vivre : plus
collective, plus socialisée, libérant les femmes des tâches
domestiques et introduisant la culture et l'éducation des enfants au
sein même de l'unité d'habitation.
Les
constructivistes
Il n'est pas possible, dans le cadre de cet article, de refaire l'histoire du mouvement constructiviste. Rappelons seulement que le constructivisme soviétique, c'est-à-dire comportant, dès l'origine une dimension politique, trouve son origine dans l'ouvrage publié par le designer et metteur en page Alexei Gan sous le titre « Konstruktivizm » en 1922 à Tver :
« En occident, le constructivisme est en coquetterie avec la politique et déclare que l'art nouveau se situe hors de la politique (…). Notre constructivisme est un constructivisme de combat sans merci. Il mène une bataille sévère contre (…) les peintres de droite et de gauche, en un mot contre tous ceux qui, tant soit peu, défendant l'activité spéculative de l'art. »
Les constructivistes soviétiques, un des courants de l'architecture et de l'urbanisme « moderne » en URSS, a été de 1925 à 1931 un groupe structuré dans une association : l'Union des Architectes Contemporains (Obchestvo Sovremenykh Arkhitektorov), composé non seulement d'architectes, mais aussi d'économistes, de sociologues, de géographes, de militants politiques, etc. Pour eux, les disciplines allant du design d'objets usuels à l'aménagement du territoire n'étaient pas seulement des disciplines artistiques et techniques, mais ce qu'ils appelaient des « condensateurs sociaux », c'est-à-dire des instruments permettant d'agir sur la société par l'intermédiaire de l'environnement bâti, pour contribuer à sa transformation. C'est dans ce sens qu'ils étaient proches des « socialistes utopiques » puisque, pour eux comme pour ces derniers, le « projet de société » était inséparable du projet construit.
C'est
sur la base d'un projet social et politique élaboré par les
dirigeants du parti bolchévik que les constructivistes fondèrent
leurs propositions. Nikolaï Boukharine, Evgueni Preobrajenski,
Alexandra Kollontaï, Léon Trotsky, Anatoli Lounatcharsky, Iouri
Larine et bien d'autres, qui – notons-le en passant – seront soit
liquidés au cours des années 1930, soit écartés de leurs
responsabilités – seront les auteurs d'un véritable projet de
société dont l'architecture et l'urbanisme présenteront l'un des
aspects.
Une
notion capitale est au centre des travaux et des recherches des
constructivistes : celle de la « Reconstruction du mode de
vie » ou « Perestroïka byta ». Dans une brochure
populaire destinée à une large diffusion, on pouvait lire en 1928
:
« La
révolution n'est pas terminée. Depuis la victoire d'Octobre, se
sont dressées devant elle des tâches infiniment plus complexes que
celles de la préparation des masses à la révolution politique.
Devant le pays se sont posées les tâches de la
« révolutionarisation » de toute la vie économique du
pays. Mais ceci n'est encore rien : s'est posé devant la révolution,
le problème de la reconstruction de tout le mode de vie ».
La
volonté d'agir en même temps sur les bases économiques et sur les
rapports de production, donc sur le mode de vie et sur ce qui
constitue son cadre bâti, c'est-à-dire l'environnement, est
caractéristique de la période pré-stalinienne, de la période des
années 1920. Il s'agissait d'utiliser la littérature, la poésie,
l'art, le design, l'architecture pour agir directement sur le
comportement humain, pour aider à sa transformation.
L'objectif
est clairement défini : transformer – reconstruire –
(perestroit) le mode de vie. Mais dans quel sens ? Que doit être le
mode de vie d'une société socialiste ou, plus exactement, comment
les révolutionnaires soviétiques des années 1920 envisageaient-ils
ce mode de vie pour lequel les architectes constructivistes allaient
projeter un nouvel environnement ?
Lissitzky architecte |
Le
projet de société des années vingt part d'une critique de ce que
l'on désigne alors comme le mode de vie petit-bourgeois. Etriqué,
individualiste, replié sur lui-même, préoccupé avant tout des
aspects matériels de l'existence. A cette manière de vivre, les
révolutionnaires opposent une pratique sociale fondée sur le
collectif plutôt que sur l'individuel, sur le désintéressement,
sur l'ouverture sur l'extérieur, sur la participation de tous à la
conduite des affaires, sur une autogestion des moyens de production,
sur la transformation des rapports entre les sexes, sur de nouvelles
relations au sein d'une famille « nouvelle ». Ce
que l'on a appelé en URSS la « collectivisation » ou la
« socialisation » du mode de vie (oboopchtchnia byta)
impliquait une transformation de la famille traditionnelle.
Bytovyi
kommouny
Tout
au long des années 1920 se créent spontanément ce que l'on
appelait alors en URSS des « bytovyi kommouny » (communes
de mode de vie). C'étaient des familles ou des individus travaillant
dans la même entreprise qui se regroupaient pour « vivre dès
aujourd'hui le mode de vie de demain ». Il leur était affecté
une surface habitable proportionnelle à leur nombre et aux normes en
vigueur. Ils organisaient cette surface totale en espaces individuels
minimes (fonction sommeil) et en espaces collectifs (repas, étude,
loisirs, etc.). Ils groupaient leurs cartes d'alimentation et
faisaient cuisine commune, dans certaines de ces communes, même les
vêtements étaient propriété collective. Au sujet de ces
expériences, Léon Trotsky disait qu'elles n'étaient pas encore
généralisables vu le niveau de développement culturel du
prolétariat en URSS :
« Notre ouvrier (à
l'exclusion de la couche supérieure) ignore jusqu'aux habitudes
culturelles les plus élémentaires. (Il ne connaît par exemple ni
la propreté, ni l'exactitude, il ne sait ni lire, ni écrire, etc. »
Néanmoins
écrivait-il :
« Ce que l'on vient de
dire ne signifie nullement (…) qu'il existe un moment précis du
développement matériel favorisant l'apparition de la famille
nouvelle. Non, la formation de la famille nouvelle est possible dès
à présent. Il est vrai que l'État ne peut pas encore se charger de
l'éducation collective des enfants, de la création de cuisines
collectives meilleures que les cuisines familiales, de la création
de laveries collectives où le linge ne serait ni déchiré ni volé.
Mais cela n'empêche pas du tout les familles les plus progressistes
de prendre l'initiative de se regrouper dès maintenant sur une base
collectiviste. L'expérience de ces collectivités familiales, qui
constituent une première approche encore très imparfaite du mode de
vie communiste, doit être soumise à une étude et à une analyse
minutieuse (…). Il faut que le pouvoir (…) apporte son soutien à
ces initiatives partielles. Actuellement l'affaire ne peut démarrer
qu'avec la création de foyers démonstratifs. (…) Il faudra
prendre progressivement de l'assurance (…) sans tomber dans le
fantastique bureaucratique. À un moment donné, c'est l'Etat qui
prendra les problèmes en charge (…). »
Impossible
dans le cadre de cet article, d'entrer dans le détail de ces
organisations communautaires. Disons seulement qu'à la veille de
leur disparition au tout début des années 1930 – sans qu'aucune
explication ne soit fournie officiellement (très probablement
considérées comme étant « gauchiste »), le Congrès du
Komsomol de 1928 consacrait encore une portion importante des débats
à discuter d'un « statut type » pour ces communes. Ceci
montre bien qu'il ne s'agissait pas de prétextes à des recherches
architecturales abstraites mais d'un véritable projet social.
Le
domaine de la famille fera tout particulièrement l'objet de débats
innombrables où s'opposeront des positions extrêmement différentes.
Or qui dit « forme familiale » dit aussi « forme de
logement ». pour les classiques du marxisme –
particulièrement pour Engels – la famille, au sens traditionnelles
du terme, ne constituait qu'un stade transitoire du développement
de la société humaine. La famille, telle que nous la connaissons
n'a pas, selon Engels, toujours existé et n'existera pas toujours.
Dès 1921, un publiciste soviétique avait écrit :
« Il faut construire
de nouveaux immeubles, non pas comme les hôtels particuliers de la
bourgeoisie, renfermés sur eux-mêmes, mais des maisons qui
correspondent aux nouveaux rapports sociaux, sans cuisines
individuelles, sans repliement sur soi, des immeubles avec des salles
et des salons communs, avec des clubs d'immeubles, avec des cuisines
et des blanchisseries collectives ; des immeubles qui aideraient à
rapprocher sur une base de camaraderie, ceux qui y vivent. »
De
même, en 1927, Anatoli Lounatcharsky évoquait le mode d'habitat
voulu par les révolutionnaires :
« La révolution a
pour objet de faire de tous les hommes des frères (…) elle veut
construire de grandes maisons dans lesquelles la cuisine, la salle à
manger, la buanderie, la crèche, le club seront conçus suivant le
dernier cri de la science et dans lesquelles ces équipements
desserviront tous les habitants de la Maison-Commune. »
DES
EXPERIENCES SPONTANEES
AUX
PROJETS D'ARCHITECTES
L'Union
des Architectes Contemporains a défini leur méthode
(développée à la conférence de 1928 de leur organisation) dans laquelle la construction est envisagée d'une triple point de
vue : technique, fonctionnel et social. C'est au même moment que le
Congrès du Komsomol de 1928 étudie un statut type pour les communes
spontanément constituées. Le texte de ce statut – aurait pu
constituer la plate-forme théorique du constructivisme en
architecture :
« Les tâches de la
commune sont d'élever le nouvel homme collectif, défenseur actif et
constructeur du socialisme (…). Une des tâches de la commune est
la construction du nouveau mode de vie socialiste (…). Toute la
vie, l'activité et le travail de la commune sont dirigés vers la
création des conditions les plus favorables pour la construction
conséquente du nouveau mode de vie socialiste (…). Le
bouleversement radical dans l'économie, les renversement des
rapports sociaux, conduit à une transformation radicale du mode de
vie. La construction des communes, dans les conditions de la
dictature du prolétariat, ne constitue pas un but en soi, mais un
moyen de transformation du mode de vie et de propagande par l'action,
pour la mise en pratique de l'édification du ode de vie
socialiste. »
Ce
sont ces objectifs – ceux du parti pendant la période des années
1920 – que poursuivirent les architectes constructivistes aidés
par des spécialistes de toutes disciplines. Ils étaient certains
d'être « dans la ligne » lorsqu'ils déclaraient : « Le
problème du logement – le problème de la vie nouvelle – est
l'un des problèmes fondamentaux du socialisme en construction. » A
la première (et dernière) conférence de l'Union des Architectes
Contemporains, celui qui fut le leader théorique incontesté du
mouvement, Moïsei Guinzburg, annonçait :
« Nos travaux doivent
essentiellement s'appuyer sur une étude approfondie (…) du
programme vu à la lumière de nos conditions politiques et sociales.
Ils doivent avoir pour but essentiel la création des condensateurs
sociaux de notre époque. C'est là l'objectif essentiel du
Constructivisme en architecture. »
Qu'était
– dans l'esprit des constructivistes – un « condensateur
social » ? C'était un ouvrage bâti qui contribuait, par
l'usage que l'on en faisait, à transformer le mode de vie de ses
utilisateurs. C'était avant tout le club ouvrier, la maison de la
culture, la « Fabrika kukhnia » (Usine-cuisine) qui
produisait des repas en lieu et place de l' « ancienne »
cuisine familiale, c'était « l'usine nouvelle » dans
laquelle les rapports de production devaient être entièrement
transformés, mais c'était surtout le logement et, à plus grande
échelle, la ville toute entière. Les fonctions du condensateur
social devaient suivant les constructivistes :
- Préfigurer les formes architecturales et urbanistiques de l'avenir de manière à y habituer les futurs habitants.
- Agir par ses propriétés spatiales sur ces usagers, de manière à introduire dans leur pratique sociale ce « nouveau mode de vie », objectif central de l'édification de la société socialiste.
Ainsi
devaient-ils contribuer à former cet « homme nouveau »
dont il est tant question en URSS pendant les années 1920.
Quelle
était alors la réalité du logement en Union soviétique ? Après
avoir, au lendemain de la révolution, relogé les ouvriers dans les
appartements bourgeois, on se mit, dans les grands centres
industriels des premiers et deuxièmes plans quinquennaux, à
construire, pour parer à l'urgence, des baraquements qui n'avaient
de foyers que le nom « Obchtchejinie ». Jean-Louis
Cohen analyse que " jusqu'à la fin des années 1920, les programmes
d'habitations construits par le nouveau régime ne se différenciaient
pas réellement des productions liées aux politiques publiques du
logement apparues dans les municipalités réformistes d'Europe
occidentale, et oscillaient entre les cités-jardins et les ensembles
d'habitations proches des HBM [Habitations à Bon Marché] ou des
ensembles allemands. La cité Sokol à Moscou et les logements de la
rue Traktornaja à L éningrad en sont respectivement des
exemples. Mais avec la mise en oeuvre du programme de « révolution
culturelle » dans le domaine du byt, du « mode de vie »
et avec l'accroissement des ressources disponibles pour construire,
s'affirment deux programmes, qui connaissent alors leur expression
architecturale la plus radicale : le club ouvrier et la
maison-commune."
A partir des
expériences spontanées des premières années
post-révolutionnaires, de nombreux projets de ce que l'on appelait
alors des « dom-kommuna » (maisons-communes) furent
étudiés et certains de ces projets – très peu nombreux, compte
tenu de la situation économique du pays, furent édifiés. Certaines
de ces maisons-communes étaient tragiquement caricaturales comme
celle (non construite) proposée par l'architecte V. Kouzmine qui
avait une vue précise sur l'avenir de la famille :
« La famille dans le
sens habituel du terme, n'existe plus. Les enfants vivent
indépendamment tout en ayant évidemment les relations nécessaires
avec les parents à travers des galeries chauffées (…). les
communards adultes dorment par groupes de six (les hommes et les
femmes dans des locaux distincts) ou par deux : anciens 'époux' et
'épouse'. »
Plus
sérieusement, dès 1920, Alexandra Kollontaï avait mis en cause la
conception traditionnelle de la famille et évoqué les rapports
parents-enfants qui seront ceux que les programmes de
maisons-communes voudront rendre possibles :
« La travailleuse,
consciente de son rôle social, doit s'élever à ne plus faire de
différence entre les tiens et les miens ; elle doit se
rappeler qu'il n'y a que nos enfants, ceux de la société
communiste, communs à tous les travailleurs. »
DOM-KOMMUNY
La
plupart des maisons-communes projetées et les très rares réalisées
n'étaient ni carcéralo-caricaturales comme celle proposée par
Kouzmine, ni située dans un avenir lointain, évoqué par Alexandra
Kollontaï. Ainsi, au cours des années 1920, d'innombrables projets
et études théoriques porteront sur le thème de la Maison-Commune,
et certains architectes adoptaient une position plus modérée, plus
réaliste et pensaient plutôt qu'il fallait « accompagner le
phénomène » de la disparition de la famille et non le
procéder. A
partir de 1926, et jusqu’au début des années trente, les
architectes de
l'Union des Architectes Contemporains définissent la physionomie architecturale et l'agencement de la
nouvelle habitation socialiste grâce à des méthodes scientifiques
rigoureuses. Le modèle traditionnel de la maison bourgeoise à
appartements monofamiliaux cède le terrain à la Dom-kommuny
(maison-commune),
un type d’habitation alternatif se fondant sur la configuration de
la cellule modulaire.
Projet type de Dom Kommuna à Moscou,
commanditaire : Strojkom de la RSFSR
architectes : M. Barshch & V. Vladimirov | 1929
Projet type de Dom Kommuna
Architectes : Ivanov-Terechin-Smolin | 1927
Le Corbusier reprendra le principe des duplex
En 1928, le Strojkom, le Comité des bâtiments de la République Socialiste Fédérative des Soviets de Russie (RSFSR), constitue une section de recherche et d’études pour la standardisation et la normalisation des habitations. Cette section, qui reprend les projets engagés à cette époque en Europe sur le thème de l’Existenzminimum, met au point, tout au long des années qui suivent, l’étude de typologies différentes de logements modulaires.
Ces
études aboutissent à un projet composé de cinq types de cellules
d’habitation duplex superposées (unité-Type F) avec un couloir
intérieur. Ces unités présentent des variantes d’agencement,
elles-mêmes définies selon les indices légaux de surface minimale.
La construction de l’unité d’habitation Narkomfin
(1928-30)
est le résultat de ce processus. Le bâtiment, un prototype
“pionnier” de maison-commune, abrite cinquante familles. Il est
réservé aux fonctionnaires du Commissariat populaire des Finances
de la RSFSR.
DOM KOMMUNY NARKOMFIN
Дом Наркомфина
Les architectes Moïsei Guinzburg et Ivan Milinis sont commandités pour la construction de cet immeuble d'habitations, conçu
pour une affectation semi-communautaire, l’objet d’un essai
typologique de transition. En effet, l’élimination de la structure
sociale familiale n’y est pas prévue, contrairement à ce que les
prescriptions du programme de la maison-commune établissaient à
cette époque. Comme Ernesto Pasini l’a noté, le caractère
communautaire de ce bâtiment ressort “dans la mesure où on y
affirme la nécessité de socialiser certains services, ou de
collectiviser des moments de la vie quotidienne, mais il n’atteint
pas la fonction déterminante de la Dom-kommuny
:
c’est à dire celle de la réalisation d’“une structure capable
de transformer radicalement l’organisation sociale de ses
habitants”, tout en modifiant le système de vie dans un sens
authentiquement socialiste. En fait, bien que l’essor de
l’idéologie communautaire et la réalisation des premières
hypothèses pour l’application diffusée d’un nouveau type
d’habitation se produisent à cette époque, cette intention,
d’après ce qu’admet Guinzburg lui-même, ne fait pas partie de
ses recherches expérimentales.
Narkomfin : plan masse |
La démarche architecturale de
Guinzburg privilégie en fait les problématiques issues de la
carence chronique de logements et les méthodes d’agrégation
typologique de la cellule d’habitation modulaire. En ce sens, le
Narkomfin est le résultat d’une application “hétérodoxe” de
la maison-commune: les services collectifs qui sont prévus ne
prennent pas une fonction prédominante en relation avec le secteur
résidentiel, le bâtiment affecté aux fonctions sociales restant
subordonné aux logements privés. En tant que “maison
transitoire”, cet édifice témoigne de l’intention de procéder
avec gradualité à la constitution d’un système de vie
communautaire. Il s’agit d’un essai visant l’introduction, dans
le débat disciplinaire sur la “ville nouvelle” socialiste, d’un
instrument scientifique capable d’influencer d’une façon
concrète les dynamiques du processus de transformation de
l’organisation de l’état pré-révolutionnaire.
Illustrations : Proletariat Unit
Dans
la construction du Narkomfin, Guinzburg entrevoit “la double
possibilité de justifier sur le plan scientifique les nouveaux
modèles des logements élaborés à cette époque”, tout en
prouvant, en même temps, “les caractéristiques d’économie et
la capacité d’innovation de ses recherches”. Les premiers
projets de Guinzburg montrent une Unité d’habitation se composant
de quatre bâtiments : l’édifice résidentiel, l’ensemble social
(une unité fonctionnelle communautaire autonome, équipée d’un
gymnase et d’un réfectoire, reliée à l’unité d’habitation
par un passage couvert), une école maternelle et une construction
auxiliaire, cette dernière étant affectée à des services communs
(blanchisserie, atelier de réparation, équipements techniques).
L’Unité résidentielle, de cinq étages sur pilotis, est
constituée par des cellules d’habitation modulaires dotées de
typologies différenciées (type K et 2F au premier et au deuxième
étage, type F au troisième, au quatrième et au cinquième étage).
Les cellules sont desservies par deux rues corridor au premier et au
quatrième étage. Le toit en terrasse est occupé en partie par un
appartement, la surface dégagée étant affectée à un solarium.
Dans
l’élaboration du projet du Narkomfin, le facteur technologique
prend une fonction prépondérante : l’adoption de techniques de
construction expérimentales, aussi bien que des critères
d’agencement les plus avancés en ce qui concerne l’équipement
des services - tout cela étant associé à la standardisation de
chaque élément (piliers, poutres, portes, fenêtres, cloisons) -
font de ce bâtiment un modèle de référence privilégié pour le
plan de modernisation de l’industrie de la construction soviétique
naissante.
Au
sein de la presse spécialisée internationale,
la construction du Narkomfin bénéficie d’un écho tout à fait exceptionnel. La
culture européenne promeut ce bâtiment à
l’unanimité, en tant que “l’abstraction la plus audacieuse du
mouvement constructiviste”, l’un “des exemples les plus
excitants de logements publics des années vingt construits en
Europe”. La précision géométrique austère de ses lignes
“incisives et hardies” produit des effets qui déconcertent Le
Corbusier lui-même. En 1930, il note dans ses Commentaires
:
“J’ai eu l'occasion de visiter une maison-commune à Moscou,
bâtie solidement, où, néanmoins, l’agencement intérieur et la
conception architecturale générale sont si froids et impassibles
(…), que l’on se sent pénétré d’un sens immense de
tristesse, non seulement à la pensée d’y habiter nous-mêmes,
mais aussi à celle de considérer que plusieurs centaines
d’individus ont été privés tout simplement des joies de
l'architecture”.
Comme
Ernesto Pasini l’a remarqué, la culture occidentale “reconnaît
unanimement dans le Narkomfin le message de Le Corbusier”.
La conception et la mise en œuvre du bâtiment, aussi bien que
l’évolution de la pratique de projet de Guinzburg, tirent sans
doute profit de la doctrine de composition du maître suisse, bien
connu en URSS. Mais la démarche de Guinzburg n’est pas l’issue
d’une approche formaliste ; elle ne se réduit pas à des
citations, bien que nobles et exemplaires, ses recherches
expérimentales s’appuyant sur les implications proprement sociales
de l’habitation collectiviste. La valeur spécifique du Narkomfin
réside essentiellement dans sa nature communautaire, ainsi que dans
les caractéristiques d’innovation en tant que condensateur social,
modèle alternatif par rapport à l’organisation privée
traditionnelle de la société. Dans ce contexte, celui d’une
démarche pleinement autonome et originale, l’étude des
typologies, l’emploi “brutaliste” et avancé des matériaux et
des techniques de construction, convergent vers l’application
intégrée des procédés industriels de standardisation.
STALINE
et L'ARCHITECTURE
S’agissant
de la légitimation sociale et culturelle de l’édifice, le
Narkomfin connaît une déchéance fulgurante dans les années qui
suivent immédiatement son achèvement. En avril 1932, en application
de l’ukase
décrété
directement par Staline, la doctrine du régime soviétique est
synthétisée dans le slogan populiste d’Anatole Lunacharsky, “il
faut donner des colonnes au peuple”. Ce slogan déclare la fin de
la “décennie héroïque” de l’architecture moderne en Russie.
Il en découle l’essor d’un néo-classicisme style Empire, qui
ouvre une phase de régression culturelle. Au cours des années
trente, quand seront condamnées les recherches de l'avant-garde (et
implicitement le « mode de vie » qu'elles supposaient),
les constructivistes seront accusés d'avoir eux-même inventé des
programmes « fantastiques et utopiques » pour servir de
support à des créations abstraites et « détachées de la
vie ». Pour Manfredo Tafuri : Le kitsch stalinien trouvera son expression dans le retour à Palladio : le "réalisme socialiste" brûle ainsi et pour toujours les nostalgies humanistes et les utopies sémantiques qui s'échangent au sein même des avant-gardes.
Après
quelques temps, le réfectoire est démantelé, l’école maternelle
ne sera jamais mise en fonction. L’édifice, conçu au départ pour
les employés du Commissariat des Finances, est affecté par la suite
à une résidence pour la nomenklatura soviétique. Plus tard,
des constructions sauvages – crise du logement oblige - prendront
place au rez-de-chaussée libre tandis que l'immeuble non entretenu
se détériorait dangereusement.
Aujourd'hui,
ce bâtiment est encore dans un état de délabrement avancé mais il
fait l'attention des associations – du monde entier – oeuvrant
pour la préservation des bâtiments historiques ; mais aussi d'un
promoteur – ayant acheté plusieurs appartements – dans le but
d'ouvrir un luxueux hôtel. La municipalité de Moscou envisageait
plutôt sa démolition, comme tant d'autres bâtiments de l'ère
soviétique.
Les HABITANTS
La « collectivisation » ou « socialisation » engendrée par le nouveau mode de vie, dans le domaine particulier de l'habitat, fera l'objet d'un débat dépassant largement les frontières de l'architecture, et opposant architectes, politiciens et militants. Lorsqu'il s'agit de définir le contenu de l'habitation de base, les avis sont loin d'être unanimes.
Anatole
Kopp souligne qu'en 1927, une enquête est entreprise par les
architectes de l'Union des architectes contemporains sur le thème de
la maison-commune en prenant en compte la réaction des habitants.
Cette enquête elle-même appelle une observation : elle considère
le principe de la maison-commune comme acquis et accepté par les
masses, et ne le remet pas en question en cherchant à savoir si on
lui préfère le mode de vie traditionnel basé sur la cellule
d'habitation uni-familiale. Certaines réponses sont d'ailleurs
publiées dans la revue d'architecture Sovremennaja Arkhitektura
[n°1, 1927], mais Anatole Kopp s'interroge sur le fait que les
réponses émanaient de militants : "Dans quelle mesure,
compte tenu du contexte politique et social, ne disent-ils pas ce
qu'ils croient devoir dire ? A cette question, il n'y a aujourd'hui encore aucune réponse. Il semble néanmoins, si on les rapproche de certaines données répandues à l'époque, que le problème de la vie collective fut effectivement débattu et que ses partisans étaient en nombre non négligeable, tout au moins dans la classe ouvrière."
Le régime de Staline met fin à ce débat - public - dès les premières années de 1930, mais après la guerre mondiale et le décès de Staline, le thème de la maison-commune réapparaît. En
1960, le débat se réanime par la publication d'une étude de
G. Strumilin sur la vie quotidienne, au stade du communisme : « Rabocij byt i Kommunizm » (La vie quotidienne de
l'ouvrier et le communisme). L'auteur revient à ses idéaux d'antan : la maison commune, l'internat pour
les enfants, la petite ville où l'on chemine à pied pour aller à
son travail en alternant les travaux manuels et intellectuels, les
tâches industrielles et agricoles. Les critiques lui opposèrent les
exigences de l'économie moderne dont la complexité impose une
spécialisation poussée du travail qui s'accommode mal avec
l'alternance des activités et des agglomérations de dimension
restreinte. D'autre part V. Manevic, dans un article publié dans
Voprosy Ekonomiki, [n° 5, 1961] estimait également que la maison-commune, qui avait été envisagée autrefois, ne correspondait plus à
l'idée qu'on se fait du communisme.
Maison de la Vie Nouvelle
Puis,
en 1965, les architectes N. Osterman, A. Petruskova, N. Kanaeva et G.
Konstantinokij, sont commandités pour l'élaboration d'une unité
d'habitation à
titre expérimental, à Moscou, dans le quartier de Novo-Ceremuski.
Cet ensemble, sous le nom de « Maison de la Vie nouvelle », conçu
pour loger 2000 personnes,
célibataire ou famille avec un enfant,
comprend un centre social et
culturel enserré perpendiculairement entre deux immeubles de 15
étages chacun. Ces trois bâtiments en forme de H groupent 340
appartements de deux à trois pièces, 772 chambres individuelles
(10,1 m2 par personne), une salle de spectacle de 400 places, un
jardin, des locaux d'éducation physique, un groupe médical avec un
médecin résident, une bibliothèque, un studio de radio et
télévision, des salles de repos, des ateliers pour bricoleurs et
amateurs, une hôtellerie.
La
particularité de cette Maison est l'élimination des cuisines
d'appartement ; on
ne conserve que des placards-cuisine avec réchaud électrique, les
repas étant pris soit dans un grand restaurant de 250 places, soit à
des buffets-offices situés à chaque étage et reliés à une même
cuisine centrale. De même, les appareils ménagers sont prêtés ou
loués selon les besoins par un poste de service. Les vêtements
seront conservés au rez-de-chaussée, dans des compartiments
individuels où ils recevront un traitement spécial de désinfection
pendant la nuit. Au total, les équipements collectifs vont occuper
24,5 m3 par locataire et nécessiter un personnel de service de 350
personnes soit, avec leurs familles, 16 % des habitants de
l'immeuble.
Selon Kerblay Basile, de
nombreux volontaires se sont fait inscrire pour participer à cette
expérience de vie communautaire qui devrait permettre de réduire de
moitié le temps absorbé par les occupations domestiques. Le
temps ainsi gagné compense, aux
yeux des économistes, les coûts sensiblement plus élevés de ces
ensembles qui sont en avance d'une quinzaine d'années sur les normes
en vigueur. Pour cette raison, certains esprits chagrins
s'indignent que les bénéficiaires puissent jouir, sous l'angle du
confort, de privilèges injustifiés. « Avec des arguments
analogues, il aurait fallu refuser de bâtir des appartements pour
une seule famille, sous prétexte que il y a douze-quinze ans 99 %
des Moscovites devaient partager leur existence avec d'autres
familles », réplique le constructeur.
D'autres
contestent la finalité même du projet. L'éducation des enfants en
dehors du foyer, et l'alimentation collective, sont dénoncées comme
des « déviations gauchistes » menaçant l'institution familiales.
On répond à cela que les locaux pré-scolaires sont situés dans
l'immeuble ; il ne s'agit donc pas de séparer les enfants des
parents, mais de leur permettre de s'épanouir dans un univers à eux
qui est, qu'on le veuille ou non, différent de celui des adultes.
D'autre part, une attention particulière a été accordée à
l'organisation de l'alimentation collective ; celle-ci ne peut
espérer attirer les familles que si les conditions de distance, de
confort, la qualité et le prix des repas se comparent favorablement
avec les habitudes et les ressources familiales. L'optimum du nombre
de places dans le restaurant a été fixé en fonction de ces
exigences et ce chiffre a déterminé à son tour celui des
locataires de l'immeuble.
Divers
autres projets de « Maisons de la Vie nouvelle » ont été retenus
pour être construits à Moscou, Leningrad et Kiev. Ils comportent
un nombre élevé d'étages et des équipements collectifs
développés, mais moins importants toutefois que dans l'exemple
précédent. A Kiev et à Leningrad, on envisage une formule mixte
qui offre aux locataires des appartements avec et sans cuisine :
prudence et hardiesse qui correspond à la diversité des aspirations
et des besoins.
Mais dans
les faits, peu après la construction en 1970, à proximité immédiate de
l'Université d'Etat de Moscou Lomonossov, la
Maison de la Vie nouvelle
sera utilisée comme une auberge-hôtel pour les enseignants,
stagiaires, étudiants, et notamment étrangers, des cycles
supérieurs. Selon
Kerblay Basile, les choix fondamentaux des urbanistes qui ont
parié sur un style de vie communautaire où les activités sociales
auraient le pas sur la vie familiale, où la cuisine individuelle
ferait progressivement place à l'alimentation collective et où la
voiture automobile personnelle serait remplacée par des transports
publics, étaient en 1970, en parfaite contradiction avec les
comportements observés, voire analysés, des citadins soviétiques : les enquêtes sociologiques de l'époque faisaient apparaître
que les besoins d'autonomie individuelle et familiale restaient très
vivaces. C'est dans
les couches les plus évoluées de la population soviétique, chez
les « chercheurs » d'Akademgorod, que l'exiguïté des appartements
récents individuels suscite le plus de critiques. Les repas à la
cantine, qui constituent un palliatif dans les régions et les
périodes où le ravitaillement est irrégulier, n'occupent qu'une
modeste place dans la vie soviétique : 7,7 % des dépenses
alimentaires en 1960 contre 11,6 % en 1940. Dans les conditions
actuelles, cette forme d'alimentation est plus onéreuse pour les
budgets ouvriers que les repas en famille. Les
loisirs collectifs ne sont pas considérés par tous comme la
meilleure forme de
détente. Les clubs d'entreprise sont moins « à la mode »
aujourd'hui que ces « Cafés » où une certaine jeunesse, qui se
veut d'avant-garde, se réunit pour écouter réciter des vers ou
entendre les derniers « tunes ». Beaucoup préfèrent se rencontrer
entre amis dans une ambiance plus intime. Une enquête effectuée à
Tambov révèle que seulement 10 à 15 % du temps libre des personnes
interrogées est pris par des activités de groupe. Les besoins
d'information et de participation, satisfaits par les mass-media,
l'emportent aujourd'hui sur la nécessité des contacts physique
directs. A
Moscou, les appartements neufs qui ne sont pas raccordés au
téléphone restent inoccupés. Le charme des nouveaux quartiers, où
tous les immeubles se ressemblent, est vite épuisé. Le citadin veut
échapper à la monotonie des grands ensembles ; tout comme
l'architecte, il se méfie des excès du « fonctionnalisme » et de
la banalité de la préfabrication . Il a surtout besoin d'évasion.
Quelques-uns se réfugient dans le passé et, redécouvrant la
personnalité des hauts lieux de la culture nationale, ils ont le
souci d'en préserver le caractère. Des cafés à la mode ont
compris le profit qu'ils pouvaient tirer d'une vieille enseigne ; à
Leningrad, on se réunit « Sous le chêne
de Pierre (le Grand) » ou à « La Frégate ». Les « Cosmos »,
que l'on trouve un peu partout, ne font plus recette. En 1970, pour l'immense majorité de la population soviétique, qui a connu pendant des décennies des conditions de logement précaires, l'obtention d'un appartement pour une seule famille constitue la norme idéale. L'ouvrière, à peine arrivée de la campagne, acceptait plus facilement la vie commune des années trente, que l'employée d'aujourd'hui qui rêve d'un « chez soi ».
Déclaration que l'on peut comparer à celle d'un ouvrier en 1924, dans un article intitulé Des cages, encore des cages paru dans la Pravda, repris par la revue Sovremennaja Arkhitektura [n°1, 1927] :
Lorsque les ouvriers de cette coopérative se sont réunis en assemblée, voilà ce qu'ils ont dit : " Nous n'avons pas besoin de maisonnettes anglaises. Nous n'avons pas besoin d'appartements individuels. Donnez-nous un immeuble entier où la famille ouvrière puisse vivre, avoir des contacts avec les autres familles, se réunir dans une salle commune pour lire, pour discuter. On parle du nouveau mode de vie et on continue de construire des cages individuelles, comme par le passé. [...] Chaque appartement a "sa" cuisine. Elle dresse un mur entre chaque famille ouvrière. Rien ne se fera en commun dans cet immeuble. Chaque appartement a son propre confort ménager. Nous proclamons la nécessité d'un nouveau mode de vie, et en même temps, nous enfermons l'ouvrier dans son appartement, avec sa cuisine et son entrée. Mais cela ne nous convient pas. Si en Angleterre, on construit pour les ouvriers des maisons individuelles (de jolies maisons, c'est vrai), c'est dans un but déterminé : c'est pour les priver de tout contact avec autrui."
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| Architecture et Politique / la République de Weimar 1919-1933
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| CHINE : Territoire et Ville en Chine Maoïste
| CUBA : Che Guevara : Le socialisme et l'Homme Nouveau à Cuba
| VIETNAM : Du Communisme au Capitalisme
EXTRAITS
Anatole KOPP
Architecture
et mode de vie
Textes
des années 20 en U.R.S.S.
Presses
Universitaires de Grenoble | 1979
Architecture
et Urbanisme
l'URSS,
années 20
Riccardo Forte
Mito, Rivoluzione, Utopia.
La casa-comune Narkomfin a Mosca
Arkos n°11 | 2005
Kerblay
Basile
La
ville soviétique entre le possible et l'imaginaire.
Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations | 1970.
Jean-Louis Cohen
Le Corbusier et la mystique de l'URSS | 1987
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