Ai Weiwei : Beijing

  Ai Weiwei

Ai Weiwei 

Août 2011
Publié par The Daily Beast

Pékin est une ville à deux visages. D’un côté, c’est une ville de pouvoir et d’argent. Les gens ne se soucient pas de qui sont leurs voisins ; ils n’ont pas confiance en vous. De l’autre côté, c’est une ville de désespoir. Je vois des gens dans les bus publics, et je vois leurs yeux, et je vois qu’ils ne reflètent aucun espoir. Ils ne peuvent pas même imaginer qu’ils pourraient un jour acheter une maison. Ils viennent de villages très pauvres où ils n’ont jamais vu ni électricité, ni papier toilette.
Chaque année, des millions de personnes viennent à Pékin pour y construire des ponts, des routes et des maisons. Chaque année, ils construisent l’équivalent de la taille de la ville de Pékin en 1949. Ce sont les esclaves de Pékin. Ils squattent des bâtiments illégaux, que Pékin fait détruire à mesure que la ville s’étend. Qui possède des maisons ? Ceux qui font partie du gouvernement, les patrons du charbon, les chefs des grandes entreprises. Ils viennent à Pékin pour faire des cadeaux, ce qui enrichit considérablement les restaurants, les salons de karaoké et les saunas.


study of perspective – tian anmen, 1995-2010 © ai weiwei

Marxisme critique et religion


Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu'à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. — Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations, quels jeux sacrés serons-nous forcés d'inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne fût-ce que pour paraître dignes de Lui ? 

Friedrich Nietzsche

Die fröhliche Wissenschaft, la gaya scienza
1882

Noël : deux articles de circonstance présentant brièvement l'appréciation des théoriciens/penseurs/révolutionnaires marxistes à propos de la  religion ; le premier de Michael Löwy prélude celui de Razmig Keucheyan ; paradoxalement, aujourd'hui, les  principaux penseurs critiques contemporains de Gauche s'y intéressent,  notamment  Alain Badiou Slavoj Zizek, Giorgio Agamben, Toni Negri, etc...
Il faut lire ces textes en ayant à l'esprit l'engagement des mouvements de chrétiens révolutionnaires et celui des prêtres au sein de la révolution -nombreux en Amérique du Sud-, comme ce fut le cas pour le padre Camilo Torres Restrepo, guérillero de l'Ejército de Liberación Nacional, en Colombie, mort les armes à la main*.

Daniel BENSAÏD Cités interdites

Bansky London 2009


Daniel BENSAÏD
Cités interdites 
novembre 2008

« La plupart prennent une ville pour une Cité et un bourgeois pour un Citoyen. Ils ne savent pas que les maisons font la ville, mais que les citoyens font la Cité. »
J.J. Rousseau, Le Contrat social.

« Comme à l’époque victoriennne, la criminalisation radicale des urbains pauvres est une prophétie qui porte en elle les germes de son accomplissement et prépare avec certitude un avenir de guerre urbaine permanente. A mesure que les classes moyennes du tiers mode se bunkérisent dans les parcs à thème électrifiés et autres villages suburbains sécurisés, elles perdent progressivement toute compréhension culturelle des marais urbains qu’elles ont laissé derrière elles. »
Mike Davis, Le pire des mondes possibles.

Il existe un lien historique étroit entre les métamorphoses de l’espace urbain, en tant que théâtre contemporain des luttes de classe, et ce qu’il était convenu, jusqu’il y a peu, d’appeler la gauche. C’est un thème trop souvent ignoré du Passagenwerk de Walter Benjamin, superbement illustré depuis par David Harvey (Paris, Capital of Modernity, Rutledge 2003) ou par Chris Ealham (La Lucha por Barcelona. Clase, cultura y conflicto, 1878-1938, Allianza Editorial, 2005). Plus généralement, le capital a plus d’une ruse géographique dans sa besace (déplacement et réorganisation des espaces) quand il s’agit de surmonter la crise qui perpétuellement le ronge, et de fuir la contradiction tenace entre la fixité des lieux et la mobilité des flux monétaires et commerciaux.

Michel Foucault, Hétérotopies, des Espaces Autres




On voit pourquoi le bateau a été pour notre civilisation, depuis le XVIème siècle jusqu’à nos jours, à la fois non seulement, bien sûr, le plus grand instrument de développement économique, mais surtout la plus grande réserve d’imagination. Le navire, c’est l’hétérotopie par excellence. Les civilisations sans bateaux sont comme les enfants dont les parents n’auraient pas un grand lit sur lequel on puisse jouer ; leurs rêves alors se tarissent, l’espionnage y remplace l’aventure, et la hideur des polices, la beauté ensoleillée des corsaires.

Michel Foucault 
Des espaces autres  
Conférence au Cercle d'études architecturales [1], 14 mars 1967
Dits et écrits, 1984 

La grande hantise qui a obsédé le XIX' siècle a été, on le sait, l'histoire des thèmes du développement et de l'arrêt, thèmes de la crise et du cycle, thèmes de l'accumulation du passé, grande surcharge des morts, refroidissement menaçant du monde. C'est dans le second principe de thermodynamique que le XIXe siècle a trouvé l'essentiel de ses ressources mythologiques. L'époque actuelle serait peut-être plutôt l'époque de l'espace. Nous sommes à l'époque du simultané, nous sommes à l'époque de la juxtaposition, à l'époque du proche et du lointain, du côte à côte, du dispersé. Nous sommes à un moment où le monde s'éprouve, je crois, moins comme une grande vie qui se développerait à travers le temps que comme un réseau qui relie des points et qui entrecroise son écheveau. Peut-être pourrait-on dire que certains des conflits idéologiques qui animent les polémiques d'aujourd'hui se déroulent entre les pieux descendants du temps et les habitants acharnés de l'espace. 

ARGENTINE, Justice Populaire

Buenos-Aires : ICI VIVENT DES  GÉNOCIDAIRES

Si no hay justicia, hay escrache
S'il n'y a pas de justice, il y a l'escrache [1]


Une décennie après la dictature,  les militaires et civils ayant participé à la répression dictatoriale, [ dont le bilan est de 30 000 détenus disparus, 10.000 prisonniers politiques, des milliers d'exilés] avaient obtenu le pardonamnistiés par le gouvernement de Alfonsín et du président  Menem. Les lois dites d'impunité et notamment la Ley de Punto Final [Loi du Point Final] et la « loi d'obéissance due » pour les sous-officiers et les sans grades, avaient été adoptées dans un esprit de réconciliation supposée. Ces lois signifiaient un revers pour les organisations des droits de l'Homme et pour le peuple argentin, un sentiment d'impunité et de faiblesse des institutions démocratiques face aux milicos. Il faut préciser que rétroactivement, le modèle argentin en terme de « réconciliation » ne fut que très peu satisfaisant. En Argentine, les demandes de vérité s'accompagnèrent de demandes de sanctions et, en définitive, il y eut peu de sanctions, et peu de vérités -du moins, avouées par les acteurs militaires. Ce nombre relativement faible de sanctions peut d'ailleurs parfaitement s'expliquer par le fait qu'il aurait été difficile pour l'État (ou du moins pour la Justice Argentine) d'emprisonner à vie plus de 2000 militaires ayant directement participé à la dictature, car l'armée l'aurait évidemment empêché par un nouveau soulèvement.

L'organisation des Hijos e Hijas por la Identidad y la Justicia contra el Olvido y el Silencio [(acronyme de H.I.J.O.S. ) [2] fils et filles de disparus pour la justice, contre l'oubli et le silence] est créée en 1995, comme réponse face à cette trop grande indulgence et demande Justice pour les 30.000 disparus.

ARGENTINE : Los Iconoclasistas



La cartographie est un instrument politique dont l'impact sur les consciences, est insidieux. Car la cartographie a toujours été régie par un principe de sélection des informations représentées, pour les besoins d'un Etat, d'un commanditaire et/ou en fonction d'un public. La subjectivité des cartes est révélée par l'étude critique et comparative des Atlas géographiques par Philippe Rekacewicz qui la résume ainsi : « La carte géographique n'est pas le territoire. Elle en est tout au plus une représentation ou une 'perception'. La carte n’offre aux yeux du public que ce que le cartographe (ou ses commanditaires) veut montrer. Elle ne donne qu'une image tronquée, incomplète, partiale, voire trafiquée de la réalité. Voilà de quoi sonner le glas des illusions de cette partie du public qui lit la carte comme un fidèle reflet de ce qui se passe sur le terrain. »

Pour ces raisons le collectif argentin Los Iconoclasistas a décidé de se consacrer à ce que l'on pourrait appeler une cartographie de Classe, ou critique élaborant des cartographies thématiques à l'échelle d'un continent, d'un pays, d'une région, et plus généralement d'une ville ou d'un quartier. 

La cartographie, entre science, art et manipulation

Guy Debord, 1956 Les lèvres nues n° 8

La carte géographique n'est pas le territoire. Elle en est tout au plus une représentation ou une «perception ». La carte n’offre aux yeux du public que ce que le cartographe (ou ses commanditaires) veut montrer. Elle ne donne qu'une image tronquée, incomplète, partiale, voire trafiquée de la réalité. La carte géographique n’est pas le territoire. Voilà de quoi sonner le glas des illusions de cette partie du public qui lit la carte comme un fidèle reflet de ce qui se passe sur le terrain.

Philippe Rekacewicz
2006
Le Monde Diplomatique

« C’est inacceptable ! Monsieur le président, je refuse que nous poursuivions si nous devons garder comme base de travail le document que vous venez de nous soumettre ! » Nous sommes à Prague, en 2002, à la fin d’un forum économique international sur la gestion de l’eau en Eurasie. Le représentant azerbaïdjanais vient de découvrir une carte du Caucase dont les frontières laissent penser que le Haut-Karabakh – objet d’une guerre meurtrière entre Azerbaïdjanais et Arméniens – est rattaché à l’Arménie. Or Bakou le considère comme un territoire occupé faisant partie intégrante de l’Azerbaïdjan et juge illégitime toute autre représentation que celle-ci.

ITALIE : Corviale 957 mètres


Rome, bienvenue à Nuovo Corviale, l'immeuble-cité [edificio-città], le complexe d'habitations le plus long du monde : 957 mètres de long, 200 m. de large et 30 m. de hauteur, 750.000 mètres cubes de béton formant 1.202 logements pour une population de 6.000 habitants et une série d'équipements publics. Un monstre de béton érigé loin du centre-ville, dans la périphérie sud-ouest, à mi-chemin entre la métropole et la mer, sur une crête dominant la campagne romaine. Neuf niveaux, dont huit d'habitations et un, au quatrième étage, pour accueillir théoriquement les services : boutiques, cabinets médicaux, ateliers d'artisans, salles de réunion, espaces communs et associatifs. 

ITALIE : Luttes Urbaines 1978 / 1983


«Pour appuyer cette revendication, ils jambisèrent Umberto Siola, le maire adjoint de Naples chargé du logement. Umberto Siola était le président de l’école d’architecture. Il était professeur et membre du PCI. C’était le grand organisateur de la spéculation immobilière.»

Ugo Tassinari [1]


Après l'assassinat d'Aldo Moro par les Brigades Rouges, la police procède à des milliers d’arrestations, approuvées et appuyées par le Parti communiste : leurs militants et les syndicats zélés n’hésitaient pas à dénoncer les ouvriers ayant participé aux luttes des groupes Autonomes. Les militants les plus actifs ou impliqués sont emprisonnés ou en fuite, les ouvriers simplement suspectés sont licenciés. Ce niveau de répression, la condamnation de cet acte par l'opinion publique, entraînent la disparition de la quasi-totalité des collectifs politisés de la Gauche extraparlementaire. L’acharnement de la presse nationale se distingua particulièrement par une campagne diffamatrice contre l’ensemble des comités et des collectifs de l’Autonomie ouvrière argumentant qu’ils étaient, de fait, les principaux réservoirs de militants terroristes et qu’ils entretenaient des liens étroits, voire idéologiques, avec eux. Les Brigades Rouges ont ainsi offert au gouvernement italien, une occasion, un prétexte pour procéder à une répression qui mettra un terme à tout ce que l'Italie possédait en matière de subversion. La répression, les arrestations, les départs de militants en exil et le refus d'autres de poursuivre la lutte conduisent à une réorganisation chaotique des groupes révolutionnaires armés et la naissance de nouveaux groupes.


ITALIE : Groupes Révolutionnaires Armés




Il n'existe pas, à notre connaissance, d'ouvrages donnant une vue d'ensemble parfaite des groupes révolutionnaires armés actifs en Italie entre 1970 et le milieu des années 1980 ; le plus généralement, les auteurs se limitent aux actions des célèbres Brigate Rosse et de Prima Linea, abandonnant ainsi aux limbes de l'histoire les dizaines d'autres,  et les centaines d'organisations, de groupuscules pratiquant une violence mesurée essentiellement limitée aux biens matériels. Certes les Brigades Rouges ont largement dominé la scène, par le nombre de membres, de sympathisants et une longévité exceptionnelle malgré des dispositifs policiers, de justice -et financiers- conséquents : dans les années 1980, un policier pouvait ainsi abattre un militant sans être inquiété par la justice. 

David Harvey : Le droit à la ville

Guy DEBORD Village-défendu, 1953
David Harvey
Le droit à la ville
La Revue Internationale des Livres et des Idées2009

Retraçant deux cent ans d’histoire de l’urbanisme, David Harvey met au jour le lien fondamental existant entre ville et capitalisme : de Haussmann à la crise des subprimes, de Robert Moses aux expropriations de Mumbai, la ville a toujours été le lieu naturel de réinvestissement du surproduit, et, par conséquent, le premier terrain des luttes politiques entre le capital et les classes laborieuses, avec pour enjeu le « droit à la ville » et à ses ressources.

Un droit précieux et négligé

Les idéaux des droits humains sont aujourd’hui passés au centre de la scène éthique et politique. On dépense une grande énergie politique à défendre la place de ces droits dans la construction d’un monde meilleur. Pour la plupart, les concepts en circulation sont individualistes et fondés sur la propriété, et à ce titre, ils ne remettent nullement en question les fondements du néolibéralisme, l’hégémonie des logiques marchandes ou les formes juridiques et d’action de l’État. Après tout, dans le monde où nous vivons, les droits de la propriété privée et du taux de profit priment sur tous les autres

JAPON : Manga & Politique



A propos de l’Armée Rouge japonaise, il y a une anecdote assez intéressante : lors du détournement de lavion Yodo vers la Corée du Nord en mars 1970, lorganisation publie un communiqué où ils signent à la fin " Nous sommes Ashita no Joe".


Julien BOUVARD

Le manga des années soixante : à la croisée des histoires culturelle, sociale et politique



Le 23 mars 1970, à Tôkyô, sept cents jeunes gens participent à une cérémonie funéraire devant le siège de la maison dédition Kôdansha. Ils viennent ainsi célébrer la mémoire du défunt boxeur Rikiishi Toru, décédé au combat alors quil affrontait son rival, mais néanmoins ami Joe Yabuki. Terayama Shuji 1, poète et cinéaste de « la nouvelle vague » japonaise est présent et cest lui qui lit une oraison funèbre dont ces mots sont extraits : « Nous sommes heureux, car de son vivant Rikiishi Toru vécut jusquà la limite de ses forces avant de disparaître comme un rayon de lune.». En passant devant le portrait du défunt, tous, avec application, rejoignent leurs mains et prient à la mémoire du boxeur, connu et adoré dans tout le Japon.


99 % OCCUPY

TOYOTA CITY 豊田市



Oui, Toyota est en train de détruire l'homme lui-même, et moi ce n'est pas en rêvant, mais avec effroi, que je travaille dans cette grandiose usine Toyota ! Ainsi, le titre de ce livre serait plutôt Toyota : l'usine-bagne.
Satoshi Kamata, journaliste


豊田市
                                                  
Ikigai est un terme japonais désignant littéralement le « sens de la vie » qui imprègne fortement le sens commun des japonais, pouvant aller tant au niveau de l'interrogation philosophique individuelle « Pourquoi vis-je ? » ou « A quoi sert ma vie ? », qu'au niveau politique et économique « Pourquoi travaille-t-on ? » ou « A quoi sert de l'argent si on n'a pas d'Ikigai ? » Des questions que se poseront souvent les Toyotomen, de la ville-bagne Toyota, selon le témoignage du journaliste Satoshi Kamata [1], tiré de son livre Toyota, l'usine du désespoir : Journal d'un ouvrier saisonnier, auquel nous empruntons de longs extraits.
C'est un article d'une grande importance, car Toyota City représente la perfection même du système productif de l'industrie japonaise. Un système parfait qui dépasse largement celui de ces concurrents américains [Toyota est jumelé avec la ville de Detroit aux USA, elle aussi dédiée à l'automobile]. Si Manhattan à New York représente le symbole de la ville et de l'architecture du capitalisme improductif et financier, Toyota City constitue son pendant pour le capitalisme industriel et productif. Le fondateur de Toyota, Sakichi Toyoda, son fils Kiichiro, et l’ingénieur Taiichi Ohno imaginèrent pour elle un grand destin : elle sera le laboratoire d’une nouvelle forme d’organisation du travail qui implique également celle de l'aménagement d'un territoire ; qui s'inscrit dans l'immatériel par une pression psychologique quotidienne de ses employés-habitants.

Japon : Tokyo, Kôenji : la fronde des précaires



Julien Bielka
La Revue des ressources
mai 2011
Un cliché a la vie dure : celui d’un Japon monolithique, englué dans le fatalisme, l’absence de contestation, la résignation à l’ordre établi. Un Japon qui aurait intériorisé le respect de la hiérarchie, de l’autorité, de l’Impératif Catégorique - en accord avec une hypothétique “japonité” (1). Si ce conformisme japonais existe, il est faux de le généraliser, de nombreux écrivains en témoignent. N’oublions pas qu’il y a même eu un mouvement Dada sur le sol nippon ! Faux car c’est aussi consolider le mythe d’une "japonité" fictive, en ce qu’elle est faite d’éléments disparates et instables. Devant l’insistance du discours (lourd et lassant) visant à essentialiser les Japonais en en faisant un groupe homogène, aux propriétés transhistoriques, il me paraissait nécessaire de faire ce petit rappel préliminaire. L’hétérogène comme l’hétérodoxe, mêmes minoritaires, existent au Japon.

JAPON : Renouveau militant de la société civile

Manabu Yamanaka,  Homeless - Gyahtei

David Antoine MALINAS
UMIFRE 19 CNRS-MAE (MFJ)

ANALYSE DU RENOUVEAU MILITANT
DE LA SOCIÉTÉ CIVILE JAPONAISE

Le mouvement des sans-abri de Shinjuku à Tokyo


La précarité, et tout particulièrement la grande précarité, 
est devenue l'un des phénomènes les plus préoccupants de la société japonaise actuelle. Entre le début et la fin de la décennie 1990, le nombre de sans-abri, tout comme le taux de chômage, a doublé. Au tournant des années 2000, les réformes politiques d'inspiration néolibérale ont certes permis d'infléchir légèrement ces courbes, mais la crise mondiale actuelle est en train d'effacer rapidement ces résultats avec, pour la première fois, une répercussion quasi-immédiate de la récession sur les chiffres du chômage et sur celui du nombre de personnes à la rue. Entre temps, le taux des emplois précaires — 35 % en 2008 - et le taux d'allocataires du revenu d'assistance minimal - 12 % en 2007 -, n'a cessé d'augmenter. Ainsi, selon une enquête de l'OCDE, le Japon ne serait plus seulement la deuxième puissance économique du monde, il serait également devenu le pays ayant l'un des plus fort taux de pauvreté (15,3), devancé seulement, au sein des pays développés, par les Etats-Unis [2].

BOLOGNE "La Rouge" : Mythes et Réalités

BOLOGNA, 1977, Université, photo : Tano D'Amico

Ici bourgeois et communistes c’est du pareil au même, ils vont dans les mêmes cafés, les mêmes restos, s’habillent à l’identique et d’ailleurs souvent ce sont tout simplement les mêmes personnes. 
Valerio Monteventi  
Militant Nuova Sinistra - 1996
La réhabilitation de l'habitat ancien 
et le maintien sur place des habitants sont deux objectifs inconciliables.
François Aballea, - 1978

Bologne, ville dirigée dès 1945 par le Parti communiste associé au Parti socialiste pendant 54 années [21 avril 1945 - 30 juin 1999 date de l'élection d'un maire pro-Berlusconi], était jusque dans les années 1980, le laboratoire urbain expérimental du Parti, une « vitrine de propagande » du communisme démocratique destinée à assurer au Peuple italien qu'il était en mesure d'apporter à l'ensemble des classes sociales d'une ville, d'une région, une réponse face aux problèmes urbains. Voire même, un style de vie conciliant modernité et traditions, et ce pour le bien-être et le confort urbain de la communauté.

BARCELONE : Luttes Urbaines 1950 / 1980




Tout indique que la Barcelone qui se détruit et qui se construit est guidée par le désir inavoué d'éliminer presque entièrement ce qui avait fait d'elle une ville ouvrière et littéraire. [...] Barcelone détruit les traces archéologiques de la lutte des classes, disperse ses quartiers résidentiels ou les réaménage pour nouveaux riches, tranche dans le vif de ses chairs marginales et les relègue à la périphérie, désinfecte ses gueux au point d'en faire de risibles fantômes hantant les labyrinthes que créent les buldozers. La culture de l'emballage et du simulacre domine la réinauguration d'une ville qui s'ouvre à la mer et aux esterminateurs de toutes ses bactéries. J'ignore qui mettra en littérature cette ville de yuppies, partagées entre penseurs organiques du néant et du pas grand chose, peuplée d'employés en transit et de fast-foods opulents.

Manuel Vasquez Montalban
Barcelonas

Barcelone.

Barcelone qui depuis sa re-naissance post dictature est considérée par l'élite et l'intelligentsia comme une prodigieuse réussite d'expérience d'urbanisme. Re-naissance que les architectes et urbanistes, en France, accordent bien volontiers, en partie, à leurs homologues barcelonais. La Barcelone Olympique, décidée par le politique, dessinée par les architectes est devenue une icône sacrée à laquelle tous accordent des vertus miraculeuses. Les projets prestigieux des nouvelles constructions, des espaces publics requalifiés, l'ouverture de la ville sur la Mer ont fait figure, pendant longtemps, de symboles de la réussite. Les quelques détracteurs au projet de la nouvelle ville olympique, dont le célèbre écrivain Montalban, étaient tout au plus considérés comme des nostalgiques.


ESPAGNE : Lutte pour le Droit au Logement


Nous présentons ici plusieurs articles de presse consacrés aux expulsions de logement et aux saisies qui se multiplient en Espagne. Paradoxalement, l'Espagne compte plus d'un million de logements vides, faute d'acquéreurs... Pour faire face à cette situation d'injustice, de démesure capitaliste soutenue par le politique, les militants au sein d'organisations, de simples citoyens ont décidé d'entrer en résistance et d'empêcher toute exécution de procédure d'expulsion, en s'opposant pacifiquement mais fermement, le temps de la saisie, aux huissiers et aux policiers ; opération qualifiée de guérilla pacifique par le journal El País. Trop pacifique face aux enjeux et au nouveau gouvernement de Droite ? 

ESPAGNE : les Architectes face à la crise

Photo : web


Architectes en déconstruction

Sandrine Morel | Photos Carlos Luján
Le Monde Magazine | Décembre 2011

Ils ont vécu le boom immobilier. Aujourd'hui réduits au chômage, ils sont nombreux à partir à l'étranger ou à accepter des conditions de travail médiocres. Leurs rêves brisés, les architectes forment une profession à la dérive dans une Espagne en crise.

ESPAGNE : De la Crise Immobilière


Espagne 2011 : la bulle immobilière [2000-2008] a engendré une situation où l'offre de logement est supérieure à la demande et, plus grave, une crise financière exceptionnelle dont une des conséquences -comme aux Etats-Unis- est l'impossibilité pour un grand nombre de familles de rembourser leur prêt bancaire - à taux variable- pour certains, payer leur loyer pour d'autres. Ainsi, chaque jour, neuf [voire 20 pour d'autres] expulsions ont lieu en Espagne : le rêve de propriété, initié et soutenu par le gouvernement socialiste, s'envole ; alors que les banques disposent d'un parc immobilier estimé à 1,5 millions d'unités vides, inoccupées.

ITALIE : Luttes Urbaines : 1976 / 1978

Imaginez une alliance politique entre Valéry Giscard d'Estaing et Georges Marchais, entre Nicolas Sarkozy et Jean-Luc Mélenchon ; C'est pourtant ce qui arriva en Italie en 1976, une incroyable entente contre-nature entre le Parti communiste et la Démocratie-chrétienne. Un des évènements parmi d'autres qui sera à l'origine de ce qui est considéré comme le second mai 68 italien : les grandes grèves de 1977, le Mouvement de 77.
A. Cavazzini explique la dissolution du Parti communiste italien -après une lente agonie en 1991- par sa collaboration totale avec les partis politiques de la Droite et du Centre, les forces les plus rétrogrades du pays :

Vers la moitié des années 1970, le Parti accélèrera les démarches de sa « candidature » à gouverner la crise sociale et économique, qui apparemment échappait au pouvoir de maintenir l’ordre de la part des forces politiques bourgeoises. Le succès électoral du juin 1975 – largement redevable des espoirs en une traduction politique des instances des luttes – poussa le PCI à franchir une étape décisive en direction d’une alliance avec les classes dominantes.
En 1976, le PCI entame sa politique de « solidarité nationale », c’est-à-dire, d’abstention « constructive » (donc de soutien larvé) vis-à-vis des gouvernements démo-chrétiens au nom d’une collaboration nécessaire à « sortir de la crise » ; les décrets et les lois économiques approuvés avec le consensus du Parti Communiste déchaînèrent une offensive capitaliste brutale contre les acquis normatifs et salariaux issus des luttes des années précédentes. Au fur et à mesure que le PCI était légitimé à pénétrer la sphère étatique et gouvernementale, il devint l’instrument, conscient et volontaire, d’une stratégie visant à faire reculer les positions des mouvements des années précédentes, en déchargeant sur les classes travailleuses, les ouvriers, les techniciens et les couches moyennes, les effets de la crise (« l’usage capitaliste de la crise » comme stratégie contre-révolutionnaire, pour reprendre le langage opéraïste). Lorsque la crise frappera surtout les jeunes générations, en produisant des couches sociales appauvries de plus en plus nombreuses et structurellement destinées à la précarité, voire à la marginalité, le PCI opposera un refus total aux instances portées par ces mêmes groupes, en lançant les mots d’ordre d’une « nouvelle » éthique du travail et de l’étude (voire d’une stigmatisation bigote des chômeurs, des précaires et, bien entendu, des jeunes militants) et en se proposant comme acteur direct de la répression par son appareil d’encadrement des classes travailleuses, en agissant comme une sorte de police parallèle à côté des forces de l’ordre.
Le rôle joué par le PCI lors de la « période de l’état d’exception » sera donc celui d’un outil implacable de la répression étatique ; dans leur ensemble, ces choix auront par conséquence rien de moins que la fin du mouvement ouvrier italien au début des années 1980, et le déclin sans retour de la gauche en Italie.


L'argent fait le bonheur... par Guédiguian


L'argent qui pourrit jusqu'à la conscience des hommes.
François Mitterrand, congrès d'Epinay, en 1971

Ne soyons pas mendiants. Soyons voleurs !
Robert Guédiguian, L'argent fait le bonheur, 1993

L'argent fait le bonheur, le téléfilm de Guédiguian, avait été à l'origine commandité par Antenne 2 qui accepte le scénario mais refuse de le diffuser. La chaine de télévision publique n'a sans doute pas apprécié cette fable sociale et politique se déroulant à Marseille présentant une idéologie limpide : Ne soyons pas mendiants. Soyons voleurs !