Tout indique que la Barcelone qui se détruit et qui se construit est guidée par le désir inavoué d'éliminer presque entièrement ce qui avait fait d'elle une ville ouvrière et littéraire. [...] Barcelone détruit les traces archéologiques de la lutte des classes, disperse ses quartiers résidentiels ou les réaménage pour nouveaux riches, tranche dans le vif de ses chairs marginales et les relègue à la périphérie, désinfecte ses gueux au point d'en faire de risibles fantômes hantant les labyrinthes que créent les buldozers. La culture de l'emballage et du simulacre domine la réinauguration d'une ville qui s'ouvre à la mer et aux esterminateurs de toutes ses bactéries. J'ignore qui mettra en littérature cette ville de yuppies, partagées entre penseurs organiques du néant et du pas grand chose, peuplée d'employés en transit et de fast-foods opulents.
Manuel Vasquez Montalban
Barcelonas
Barcelone.
Barcelone qui depuis sa re-naissance post dictature est considérée par l'élite et l'intelligentsia comme une prodigieuse réussite d'expérience d'urbanisme. Re-naissance que les architectes et urbanistes, en France, accordent bien volontiers, en partie, à leurs homologues barcelonais. La Barcelone Olympique, décidée par le politique, dessinée par les architectes est devenue une icône sacrée à laquelle tous accordent des vertus miraculeuses. Les projets prestigieux des nouvelles constructions, des espaces publics requalifiés, l'ouverture de la ville sur la Mer ont fait figure, pendant longtemps, de symboles de la réussite. Les quelques détracteurs au projet de la nouvelle ville olympique, dont le célèbre écrivain Montalban, étaient tout au plus considérés comme des nostalgiques.