BARCELONE : Luttes Urbaines 1950 / 1980




Tout indique que la Barcelone qui se détruit et qui se construit est guidée par le désir inavoué d'éliminer presque entièrement ce qui avait fait d'elle une ville ouvrière et littéraire. [...] Barcelone détruit les traces archéologiques de la lutte des classes, disperse ses quartiers résidentiels ou les réaménage pour nouveaux riches, tranche dans le vif de ses chairs marginales et les relègue à la périphérie, désinfecte ses gueux au point d'en faire de risibles fantômes hantant les labyrinthes que créent les buldozers. La culture de l'emballage et du simulacre domine la réinauguration d'une ville qui s'ouvre à la mer et aux esterminateurs de toutes ses bactéries. J'ignore qui mettra en littérature cette ville de yuppies, partagées entre penseurs organiques du néant et du pas grand chose, peuplée d'employés en transit et de fast-foods opulents.

Manuel Vasquez Montalban
Barcelonas

Barcelone.

Barcelone qui depuis sa re-naissance post dictature est considérée par l'élite et l'intelligentsia comme une prodigieuse réussite d'expérience d'urbanisme. Re-naissance que les architectes et urbanistes, en France, accordent bien volontiers, en partie, à leurs homologues barcelonais. La Barcelone Olympique, décidée par le politique, dessinée par les architectes est devenue une icône sacrée à laquelle tous accordent des vertus miraculeuses. Les projets prestigieux des nouvelles constructions, des espaces publics requalifiés, l'ouverture de la ville sur la Mer ont fait figure, pendant longtemps, de symboles de la réussite. Les quelques détracteurs au projet de la nouvelle ville olympique, dont le célèbre écrivain Montalban, étaient tout au plus considérés comme des nostalgiques.


ESPAGNE : Lutte pour le Droit au Logement


Nous présentons ici plusieurs articles de presse consacrés aux expulsions de logement et aux saisies qui se multiplient en Espagne. Paradoxalement, l'Espagne compte plus d'un million de logements vides, faute d'acquéreurs... Pour faire face à cette situation d'injustice, de démesure capitaliste soutenue par le politique, les militants au sein d'organisations, de simples citoyens ont décidé d'entrer en résistance et d'empêcher toute exécution de procédure d'expulsion, en s'opposant pacifiquement mais fermement, le temps de la saisie, aux huissiers et aux policiers ; opération qualifiée de guérilla pacifique par le journal El País. Trop pacifique face aux enjeux et au nouveau gouvernement de Droite ? 

ESPAGNE : les Architectes face à la crise

Photo : web


Architectes en déconstruction

Sandrine Morel | Photos Carlos Luján
Le Monde Magazine | Décembre 2011

Ils ont vécu le boom immobilier. Aujourd'hui réduits au chômage, ils sont nombreux à partir à l'étranger ou à accepter des conditions de travail médiocres. Leurs rêves brisés, les architectes forment une profession à la dérive dans une Espagne en crise.

ESPAGNE : De la Crise Immobilière


Espagne 2011 : la bulle immobilière [2000-2008] a engendré une situation où l'offre de logement est supérieure à la demande et, plus grave, une crise financière exceptionnelle dont une des conséquences -comme aux Etats-Unis- est l'impossibilité pour un grand nombre de familles de rembourser leur prêt bancaire - à taux variable- pour certains, payer leur loyer pour d'autres. Ainsi, chaque jour, neuf [voire 20 pour d'autres] expulsions ont lieu en Espagne : le rêve de propriété, initié et soutenu par le gouvernement socialiste, s'envole ; alors que les banques disposent d'un parc immobilier estimé à 1,5 millions d'unités vides, inoccupées.

ITALIE : Luttes Urbaines : 1976 / 1978

Imaginez une alliance politique entre Valéry Giscard d'Estaing et Georges Marchais, entre Nicolas Sarkozy et Jean-Luc Mélenchon ; C'est pourtant ce qui arriva en Italie en 1976, une incroyable entente contre-nature entre le Parti communiste et la Démocratie-chrétienne. Un des évènements parmi d'autres qui sera à l'origine de ce qui est considéré comme le second mai 68 italien : les grandes grèves de 1977, le Mouvement de 77.
A. Cavazzini explique la dissolution du Parti communiste italien -après une lente agonie en 1991- par sa collaboration totale avec les partis politiques de la Droite et du Centre, les forces les plus rétrogrades du pays :

Vers la moitié des années 1970, le Parti accélèrera les démarches de sa « candidature » à gouverner la crise sociale et économique, qui apparemment échappait au pouvoir de maintenir l’ordre de la part des forces politiques bourgeoises. Le succès électoral du juin 1975 – largement redevable des espoirs en une traduction politique des instances des luttes – poussa le PCI à franchir une étape décisive en direction d’une alliance avec les classes dominantes.
En 1976, le PCI entame sa politique de « solidarité nationale », c’est-à-dire, d’abstention « constructive » (donc de soutien larvé) vis-à-vis des gouvernements démo-chrétiens au nom d’une collaboration nécessaire à « sortir de la crise » ; les décrets et les lois économiques approuvés avec le consensus du Parti Communiste déchaînèrent une offensive capitaliste brutale contre les acquis normatifs et salariaux issus des luttes des années précédentes. Au fur et à mesure que le PCI était légitimé à pénétrer la sphère étatique et gouvernementale, il devint l’instrument, conscient et volontaire, d’une stratégie visant à faire reculer les positions des mouvements des années précédentes, en déchargeant sur les classes travailleuses, les ouvriers, les techniciens et les couches moyennes, les effets de la crise (« l’usage capitaliste de la crise » comme stratégie contre-révolutionnaire, pour reprendre le langage opéraïste). Lorsque la crise frappera surtout les jeunes générations, en produisant des couches sociales appauvries de plus en plus nombreuses et structurellement destinées à la précarité, voire à la marginalité, le PCI opposera un refus total aux instances portées par ces mêmes groupes, en lançant les mots d’ordre d’une « nouvelle » éthique du travail et de l’étude (voire d’une stigmatisation bigote des chômeurs, des précaires et, bien entendu, des jeunes militants) et en se proposant comme acteur direct de la répression par son appareil d’encadrement des classes travailleuses, en agissant comme une sorte de police parallèle à côté des forces de l’ordre.
Le rôle joué par le PCI lors de la « période de l’état d’exception » sera donc celui d’un outil implacable de la répression étatique ; dans leur ensemble, ces choix auront par conséquence rien de moins que la fin du mouvement ouvrier italien au début des années 1980, et le déclin sans retour de la gauche en Italie.


L'argent fait le bonheur... par Guédiguian


L'argent qui pourrit jusqu'à la conscience des hommes.
François Mitterrand, congrès d'Epinay, en 1971

Ne soyons pas mendiants. Soyons voleurs !
Robert Guédiguian, L'argent fait le bonheur, 1993

L'argent fait le bonheur, le téléfilm de Guédiguian, avait été à l'origine commandité par Antenne 2 qui accepte le scénario mais refuse de le diffuser. La chaine de télévision publique n'a sans doute pas apprécié cette fable sociale et politique se déroulant à Marseille présentant une idéologie limpide : Ne soyons pas mendiants. Soyons voleurs !

Vidéosurveillance : Qui Vous Surveille ?

Bansky


Que fait un agent de vidéosurveillance devant son écran? Principalement, il s'ennuie... assure le journaliste Jérôme Thorel qui se base sur une étude faite par le sociologue Tanguy Le Goff, chercheur de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France (IAU-IDF). La conclusion du journaliste est sans appel : exiger une cellule psychologique dans chaque CSU [Centres de surpervision urbaines] de France et de Navarre.

Jérôme Thorel

Le blues du vidéosurveillant



La surveillance vidéo, pratique de plus en plus courante en milieu urbain, même si elle reste toujours très aléatoire pour contrer la délinquance, s'avère, pour les principaux intéressés (les surveillants), une source de stress, d'ennui et de frustration. Ce qui n’améliore pas l’efficacité réelle de ces dispositifs. C'est ce qu’on apprend dans une étude très pointilleuse réalisée pendant plusieurs mois dans deux communes françaises par un chercheur de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France (IAU-IDF). Le sociologue, Tanguy Le Goff, a passé au total 60 heures dans chaque ville à «surveiller les surveillants», courant 2010, afin d'étudier leurs tâches quotidiennes et analyser en quoi leur travail concourt ou non à restaurer la «tranquillité publique» grâce aux œilletons électroniques disséminés dans leurs communes.

DEBORD : Mode d'emploi du détournement

Asger Jorn-Guy Debord : La fin de Copenhague, 1957

En étendant le détournement jusqu'aux réalisations de l'urbanisme, il ne serait sans doute indifférent à personne que l'on reconstituât minutieusement dans une ville tout un quartier d'une autre. L'existence, qui ne sera jamais trop déroutante, s'en verrait réellement embellie.

Debord et les situationnistes pratiqueront la technique du détournement, utilisée comme une des bases pour le dépassement de l'art et de la politique au sens traditionnel des termes. Base qui repose elle-même sur une réalisation de l'art DANS l'action politique, et sur l'ouverture de cette dernière à de nouvelles formes de vie collective. Pour les situationnistes, l'idée d'une éthique révolutionnaire du jeu est ancrée dans la conviction d'une unité essentielle entre art et politique, ou encore entre jeu et vie quotidienne. Le détournement d'image est utilisé pour des campagnes de propagande, par le recyclage -politique- satirique des slogans d'aménagement urbain, d'images tirées de la publicité, parfois juxtaposées à des mots d'ordre politique. Mais cette technique subversive doit également, pour les situationnistes, se développer par tous et dans tous les domaines : de la poésie à l'urbanisme. 

Guy-Ernest Debord / Gil J. Wolman
Mode d'emploi du détournement
Les Lèvres Nues,  n°8 
Mai 1956
[Nota Bene : Le texte original ne comporte aucune image ]
Tous les esprits un peu avertis de notre temps s'accordent sur cette évidence qu'il est devenu impossible à l'art de se soutenir comme activité supérieure, ou même comme activité de compensation à laquelle on puisse honorablement s'adonner. La cause de ce dépérissement est visiblement l'apparition de forces productives qui nécessitent d'autres rapports de production et une nouvelle pratique de la vie. Dans la phase de guerre civile où nous nous trouvons engagés, et en liaison étroite avec l'orientation que nous découvrirons pour certaines activités supérieures à venir, nous pouvons considérer que tous les moyens d'expression connus vont confluer dans un mouvement général de propagande qui doit embrasser tous les aspects, en perpétuelle interaction, de la réalité sociale.

USA : Pschit Pepper Spray

Liberty Cop
John Pike, policier de l'université de Californie : après son intervention musclée contre des manifestants anti-Wall Street,   [une vidéo  le montre en train d'asperger méthodiquement de « pepper spray » (gaz lacrymogène) des manifestants du mouvement « Occupy Wall Street » déjà arrêtés, genoux à terre sur le campus de l'université de Californie, à Davis], ... est devenu une sorte de symbole ironique de l'oppression. John Pike est devenu sur le Web le policier qui asperge tout, tranquille, de gaz au poivre. Un personnage réel qui se retrouve, par la magie du logiciel Photoshop, placé dans d'autres contextes que le vrai. C'est un phénomène viral : chaque internaute peut produire son mème, et rivaliser d'imagination.

ITALIE : Lutte urbaine 1974 / 1976

ROMA, S. Basilio. Un momento degli scontri Roma, settembre 1974


Toutes les photographies sont signées [sauf mention contraire] 
par le journaliste et photo-reporter italien Tano D'Amico. 


Du bon usage capitaliste de la crise
comme stratégie contre-révolutionnaire

Les premières conséquences de la crise économique internationale liée au choc pétrolier affecteront de manière profonde l’Italie : l‘idéologie de la croissance continue, du plein emploi sera relayée par une situation de crise ouverte. La Fiat licencie 65.000 ouvriers : c’est le signal le plus spectaculaire de la fin de l’ère de plein emploi, de la contre-attaque du capital contre les acquis des luttes de la classe ouvrière mais aussi du début de la restructuration de l’industrie.

ITALIE : Luttes Urbaines 1968 / 1974

ROMA, Occupazione di case, photo : Tano D'Amico, 1974

Si le mai 68 français a été spectaculaire, les révoltes des étudiants et des mouvements ouvriers en Italie ont été plus radicales et de plus grande ampleur car elles agitèrent le pays durant dix années. Elles sont également le prélude à une guerre civile de « faible intensité », initiée par des groupuscules néo-fascistes, sous contrôle du réseau Gladio. Pour beaucoup, le 68 italien se terminera symboliquement le jour de l’exécution par les Brigades Rouges du politicien Aldo Moro, le 15 mai 1978. Entre ses deux dates, l’Italie connaîtra deux grands mouvements de grèves étudiantes et ouvrières : l’automne «Chaud» de 69 et le mouvement de 77.

PORNOTOPIA : Architecture et sexualité dans Playboy

Playboy n° 1, 1953
Pornotopía 
Arquitectura y sexualidad en Playboy durante la guerra fría

Anagrama Editorial 
Edición : 2010
Prix Sade de l'essai, 2011


Beatriz Preciado, philosophe et activiste queer, nous offre un ouvrage brillant à propos de l'empire Playboy en analysant, de façon inédite,  les rapports entre architecture, technologie notamment communicationnelle et sexualité, par le biais d'un questionnement qui échappe à toute catégorisation morale. L'empire Playboy, fondé en 1953, première industrie de loisirs sexuels du capitalisme global, n'est pas seulement un magazine, mais une bien une Pornotopia, ou une révolution des moeurs intentée par son créateur Hugh Hefner  ;  celui qui tenta de libérer l'homme des traditions puritaines et passéistes pour inventer a new way of life, le modèle de l’homme célibataire moderne. A sa manière, Hefner a lutté contre la morale sexuelle et certains conservatismes en vigueur dans les années 50 en créant un véritable manifeste pour "l'émancipation masculine". 

Micro et Nano Drone en VILLE

Micro Drone

Le drone, c’est l’application modernisée du panoptique à la ville entière, c’est un système de surveillance disciplinaire généralisé qui a pour mission de quadriller, contrôler, dresser les individus.
Noël Mamère, maire et député

Septembre 2007, une manifestation anti-guerre se tient à Washington. Une militante remarqua alors, survolant la foule, d'étranges insectes au comportement inhabituel, ressemblant à « des sortes de libellules ou de petits hélicoptères ». La presse s'intéressa à ses déclarations et s'interrogea sur la possibilité de l'utilisation à des fins policières de micro-drones, et d'accuser le gouvernement d'avoir mis à profit ces nouveaux micro-espions afin de filmer les manifestants. Mais en 2007, les directeurs des laboratoires ou centres de recherche affirmaient qu'aucun nano-drone de ce type était opérationnel. A-t-elle rêvé ? Il n’est pas aisé de l’affirmer car elle n’est pas seule à avoir observé ces étranges insectes qui ont été signalé par la suite -selon des témoignages de manifestants- au-dessus d'autres cortèges à New York. Comme l’on peut s’y attendre aucune agence gouvernementale n’a revendiqué un tel exploit d'innocentes libellules, de mouches énormes, véritables espionnes [?] d'un type nouveau.
Bilal, Album 32 décembre

Eric Hazan : la fin des barricades





Entretien avec Eric Hazan

La fin des barricades
Contretemps, 13 mai 2011
Propos recueillis par Razmig Keucheyan


À l'occasion de la parution de son dernier ouvrage, Paris sous tension (La Fabrique, 2011), qui poursuit une réflexion amorcée avec L'Invention de Paris (Seuil, 2002), nous nous sommes entretenus avec Eric Hazan, historien, éditeur et camarade.
[...]
Comment se présenteront alors les insurrections dans le cadre de cette nouvelle configuration géographique ? Quelles implications stratégiques cette dernière a-t-elle ? Sachant que les centres de pouvoir politique et économique restent en large part concentrés dans Paris intra-muros...


Repenser le Paris révolutionnaire implique aussi de repenser la question du pouvoir, et notamment sa dimension spatiale. Dans les insurrections classiques, il fallait prendre l'Hôtel de ville, situé au cœur de Paris. On commence par prendre l'Hôtel de ville, et après on voit ce qu'on fait. L'insurrection qui vient, celle du 21e siècle, n'investira pas militairement quelque lieu que ce soit, sauf peut-être les télévisions et les dépôts d'essence. Le pouvoir ne va pas être pris, l'insurrection va plutôt l'évaporer. 

ISTANBUL : Luttes Urbaines et Oppositions Politiques


Clémence Petit

Engagement militant et politisation
des mobilisations au sein des
oppositions urbaines à Istanbul

EchoGéo | numéro 16 | 2011

Tout au long de l’année 2010, Istanbul a célébré son statut de « Capitale Européenne de la Culture ». Outre le soutien de nombreux projets culturels et artistiques, l’Agence 2010 créée pour l’occasion avait en charge le développement du tourisme à Istanbul et la mise en oeuvre de projets de protection du patrimoine architectural [1]. Et c’est précisément la « Direction des projets urbains » qui a été le principal bénéficiaire du budget alloué par l’Union européenne, les administrations publiques turques (en particulier le Ministère de la Culture et du Tourisme) et plusieurs investisseurs privés. Mais si de nombreux projets de « restauration » ont ainsi été financés dans le cadre d’Istanbul 2010, l’événement a également joué un rôle de catalyseur pour des projets de rénovation urbaine consistant à transformer radicalement le tissu urbain et social de quartiers entiers, aussi bien dans les zones centrales historiques « dégradées » que dans les quartiers périphériques « informels ».

Italie : Luttes Urbaines 1958 / 1968

Appropriation Roma quartier Magliana 1974, photo : Tano D'Amico

1958/1968, sont les années qui précèdent les grandes révoltes, la période de naissance, de gestation, de questionnement des futures organisations ouvrières, étudiantes et politiques de la Nuova Sinistra. L'environnement des villes qui se constitue pendant cette période, va leur offrir un front de lutte inédit en Europe.  En attendant, les années 1958 / 1963 sont celles du « miracle économique » et à la période de reconstruction succède celle de la modernisation de l’industrie ; et notamment de l’industrie du bâtiment dont les techniques permettent à présent la construction de grands ensembles d’habitation en béton préfabriqué, et en série. 

ITALIE : La Ville illégale ou l'abusivismo edilizio

Photo : Massimo Cristaldi

En Italie, la spéculation n’est pas le seul fléau car un autre phénomène apparaît dès les années 1950 : l’abusivismo edilizio ; formule signifiant une construction abusive, c'est à dire illégale, concernant l'habitat. Un phénomène collectif et une forme de désobéissance civile et d'illégalisme qui transcendent toutes les formes d’appartenances aussi bien sociale que politique. Si les premières constructions illégales étaient l’oeuvre des classes pauvres, puis ensuite de la classe ouvrière, ce phénomène deviendra un phénomène de masse et concernera, en grande majorité la classe ouvrière et la classe moyenne. 
Des millions de maisons individuelles, des millions de m² d'appartements en immeuble collectif seront construits ainsi, hors réglementation et illégalement dans les périphéries des villes, jusqu'au coeur même des villes. Des quartiers entiers surgissent, puis se développent et se densifient ; qui nous rappellent le roman La Ville Invisible d'Italo Calvino car bien que ne figurant pas sur les plans cadastraux, des milliers d'habitants y vivent.

ITALIE : Luttes Urbaines 1948 / 1958

Arrivée en gare de Milan de jeunes méridionaux, vers 1950

L’expérience de la démocratie représentative commence effectivement qu’en 1948. Une démocratie de faible portée car dépendante des accords de Yalta qui plaçaient le pays, allié de l’Allemagne nazie, sous la zone de contrôle des Etats-Unis.[1] Les élections de 1948 assurent la majorité au parti Démocrate-Chrétien, de droite, qui restera au pouvoir durant près de vingt années. La première tâche des autorités sera la transformation et la modernisation de l’économie rurale traditionnelle et de l’industrie ruinée par la guerre, avec l'aide massive financière des Etats-Unis. 

Une des particularités essentielles de la modernisation industrielle de l’Italie est l'emploi d'une masse ouvrière d’origine rurale, et non pas étrangère, des « émigrés de l’intérieur» selon l’expression de Pellicani [2]. Cette particularité [3] explique la vigueur des mouvements sociaux ouvriers, et notamment des ouvriers spécialisés, employés dans les tâches les plus répétitives et abrutissantes des grandes chaînes de montages des usines. L’immigration étrangère de masse s’effectuera en Italie à partir des années 1980.

D'autre part le développement industriel de l’Italie se caractérise par la concentration de l’industrie et des grands bassins d’emploi dans les régions Nord qui aura comme conséquence l’immigration massive des méridionaux fuyant la pauvreté du Sud. Des millions de méridionaux, en grande majorité pauvres, analphabètes et d’origine rurale, s’installeront dans les villes du Nord.


ITALIE | Luttes Urbaines 1950-1980



Les Années de plomb, 
                                    [gli anni di piombo]?


Il serait erroné, voire complètement faux, de résumer les années 1970 de la contestation en Italie à cette dénomination  années de plomb car, bien au contraire, il s'agit d'une époque d’intense créativité politique et intellectuelle, un formidable renouvellement idéologique, ayant pour principe d'imaginer la vie libérée du poids du capitalisme et des moyens pour y parvenir. Aujourd'hui, les médias, les publications ne retiennent que l’essor de la lutte armée, l'activité terroriste de quelques groupes révolutionnaires armés, dont celle des Brigades Rouges. 

A. Cavazzini [1] juge ainsi : « d’où la sombre dénomination «années de plomb», qui est entièrement négative et ne saisit que le côté désastreux ou obscur de l’époque. Il faut remarquer que l’autre dénomination de « Mai rampant » est autant fourvoyante que la première : la conflictualité politique et sociale était loin d’être « rampante », étant plutôt virulente et ouverte tout au long des deux décennies considérées. »

Burkina Faso : Révolution et Politique Urbaine

Thomas Sankara
Il vaut mieux faire un pas avec le peuple que cent pas sans le peuple.
Thomas Sankara

L'architecture et l'urbanisme ne sont guère des domaines 
où les révolutionnaires, une fois parvenus au pouvoir, excellent. Fidel Castro n'engagea pas les architectes vers une vision sociale/conceptuelle aussi radicale que sa politique anti-impérialiste, les dirigeants socialistes enclins aux grandes réformes radicales, tel qu'Hugo Chavez [1], n'ont jamais défini comme prioritaire l'habitat social, l'habitat pour le plus grand nombre et au-delà la ville idéale. Les Comités de quartier, dans les pays du bloc soviétique, ceux de La Havane ou de Caracas, seront les principales avancées, certes non négligeables. 

Thomas Sankara n'échappe pas à la règle ;  Révolutionnaire, considéré, à juste titre, comme le Che Africain, panafricaniste et tiers-mondiste burkinabé, il incarna et dirigea la Révolution Burkinabé du 4 août 1983 jusqu’à son assassinat lors du coup d’état de son successeur -et compagnon- Blaise Compaoré. Figure incomparable de la politique africaine et mondiale, radicalement insoumis à tous les paternalismes et docilisations pourtant plus sûrs placements en longévité politique post-coloniale, Thomas Sankara a légué aux générations futures la verve et l’énergie de l’espoir, l’emblème de la probité et la conscience historique de l’inaliénabilité de la lutte contre toutes oppressions. Plus de vingt années après son assassinat, il demeure toujours un exemple pour les jeunes africains contestataires.