Terrain
Vague
Film
de Marcel Carné | 1960
Les
plans séquences du générique du film Terrain
Vague,
de Marcel Carné [Les enfants du Paradis, Quai des Brumes, etc.],
plongent le spectateur dans l'intimité des nouveaux monstres de
béton destinés à loger le plus grand nombre : la caméra descend
le long de la façade d'une nouvelle Habitation à Loyer Modéré, et
par les fenêtres laisse entrevoir un instant de vie des familles,
empilées verticalement dans leurs cellules
d'habitation, selon
la terminologie – parfaitement appropriée - des technocrates
planificateurs de l'époque.
Nous
sommes en 1959, dans la banlieue sud de Paris, alors en pleine phase
de déconstruction-reconstruction : les immeubles modernes en périphérie, disputent
le territoire à des lambeaux de quartiers anciens, de masures, de
ruines et de terrains vagues ; où se retrouvent les bandes
d'adolescents. Les premiers à souffrir de cet environnement d'une
nouvelle modernité urbaine et architecturale. Le
Terrain Vague, c'est ici, comme dans les usines en ruine, les points de ralliement des bandes de banlieue de jeunes désœuvrés, des
voyous et des fameux « blousons noirs », de familles de
la classe moyenne et ouvrière, exilées du centre de Paris. Marcel
Carné nous entraîne dans une de celles-ci, un groupe de jeunes
garçons menés – surprise étonnante - par Dan, une jolie jeune
fille du quartier, qui commettent de menus larcins, des vols à la
tire, et pratiquent sans rechigner la baston. Sur l'échelle Richter
de la violence, la bande à Dan pourrait être placée dans la
catégorie « petite délinquance juvénile ». Deux
"intronisations" bouleversent l’équilibre : un "gros coup" imaginé par un des nouveaux venus,
divise le groupe, certains apprécient, d'autres refusent, dont Dan, et son complice-amoureux Lucky ; elle le pousse alors à devenir mécanicien comme il
l'a toujours souhaité.
Générique de fin |
Terrain
Vague ne sera guère apprécié par la critique, même si le
jeune François Truffaut accorda une lettre félicitant Carné. Mais
Terrain vague pose, pour la première fois au cinéma, la
question de la place des jeunes et de leur avenir dans les nouvelles
cités d'habitat social ; et ouvre, si l'on peut dire, avec d'autres,
le bal des études des phénomènes psychologiques ou sociaux liés
aux grands ensembles urbains, et non seulement l'attention des
chercheurs, mais aussi celle du grand public. Car en 1959, les avis
étaient encore partagés, sur les effets pathogènes de ces formes
urbaines jusqu'à présent inconnues : des bandes identiques à
celles de Dan, opéraient dans les vieux quartiers des villes de
France, et certains accusaient le milieu social et non pas l'espace
social. D'autre part, selon une enquête de L'express, la
France comptait, en 1955, sept millions de mal-logés, tandis qu'une
étude de 1956 établit qu'en région parisienne plus de la moitié
des logements, soit 1,300,000 d'entre eux, ne disposaient pas de
w.c., et nombre d'historiens et de sociologues admettent l'idée que
la population, de manière générale, pouvait apprécier le confort
et la modernité des HLM, par rapport à la nocivité des conditions
matérielles antérieures, et notamment de logement. Quitter un
appartement trop petit ou vétuste, sans confort, un taudis ou un
bidonville pour une HLM, permettait une mise au calme après la
souffrance physique et psychique éprouvée, voire de gravir une
marche de l'escalier social.
Mais
tous les historiens de la ville et de l'architecture en conviennent :
la reconstruction puis la période d'expansion urbaine, ne se sont
pas effectuées selon les prescriptions des architectes théoriciens,
mais bien selon celles des affairistes et des spéculateurs, dont le
modèle parfait est représenté par Bouygues. Françoise Choay,
citée par Fatiha Belmessous, dénonçait dans son article
Cités-jardins ou "cages à lapins ? [France-Observateur,
n°474, 4 juin 1959] le mythe des grands ensembles et ne se
contentait pas de décliner les pathologies du grand ensemble mais
dénonçait ouvertement la responsabilité des pouvoirs publics,
départementaux et municipaux dans cette production urbaine. Selon
l’auteur, l'adoption de plans d’urbanisme « sérieux » pourrait
éviter les spéculations d'organismes comme les « innombrables
monstres patronnés par la Caisse des Dépôts, devenue assez
puissante pour enfreindre les consignes du ministère et même se
passer de permis de construire », éliminer les entrepreneurs «
douteux » et certains architectes qui « tirent des profits honteux
de la répétition, à des milliers d’exemplaires, de cellules ni
conçues, ni construites. »
Le
critique Jean-Pierre Le Dantec résumait ainsi les réactions au
sein de l'intelligentsia des années 1970 : certains jugent que l'expérience de la
vraie modernité urbaine n'a jamais eu lieu et qu'on ne peut, par
conséquent la juger, pour d'autres, à l'inverse, l'histoire s'est jouée,
qui a montré ce que donne dans la pratique la confrontation d'un
discours utopique avec un réel nécessairement impur. Tous s'accordent sur le fait que les généreuses propositions architecturales - et non urbaines -, les beaux duplex des immeubles-villas
imaginés par Le Corbusier – et tant d'autres - se transformeront
en cages à lapins, les terrains de sport, les jardins et
espaces verts en terrains vagues.
Le réalisateur Jean-Luc Godard arrêtera en 1963, sa caméra sur Elle, la Région parisienne meurtrie autant par les infrastructures de transport en construction que par les grands ensembles d'habitat, dont La Courneuve ; tandis que Pier Paolo Pasolini filmait dans Mamma Roma, les mêmes constructions inhumaines de la périphérie de Rome, et tout aussi nostalgique que Guy Debord regrettait les vieilles pierres, et le petit peuple.
Sourds aux critiques acharnées de la décennie 60, puis reconnaissant leurs "erreurs", les
politiciens gaullistes, alors aux commandes de l'appareil français
décideront en 1973 seulement, de mettre un terme à ce que certains
considéraient comme la plus grave faillite et catastrophe urbaine de
tous les temps : les spéculateurs, groupes financiers, constructeurs
et technocrates de France ayant en effet, portés au plus haut degré
de perfection ce type urbano-architectural. La circulaire du ministre Guichard
est éloquente :
« Les
défauts des grands ensembles sont connus depuis toujours : ils
rompent l'harmonie du paysage urbain ; ils s'intègrent mal ou se pas
à la vie de la ville ; ils donnent à leurs habitants l'impression à
la fois de l'isolement et de l'entassement dans un monde complètement
artificiel ; ils entraînent une dépossession de la commune au profit
de l'organisme constructeur […] ; ils favorisent la ségrégation
sociale parce que l'organisme responsable est très souvent « à
vocation sociale » ; enfin, ils tendent, dans de très nombreux
quartiers de nos villes, à transformer le citoyen en résident. »
Une
circulaire énoncée peu avant la crise de 1973 qui emporta les
habitants des grands ensembles sociaux, pour beaucoup, vers un destin
tragique ; tandis qu'étaient enrichis les principaux bénéficiaires,
par des décennies de corruption, de spéculation et de mal-façons –
de malhonnête - : Francis Bouygues, simple maçon en 1952,
milliardaire trois décennies plus tard, pourra acquérir une
nouvelle arme encore plus redoutable, la première chaîne de
télévision de France. Les budgets pharaoniques accordés par les gouvernements successifs depuis 1980 pour réparer l'"erreur" urbaine des grands ensembles, ne suffisent toujours pas aujourd'hui à contenir la détresse et la violence de ceux qui y vivent. Les contribuables français payent ainsi encore la malhonnêteté des profiteurs.
Fatiha
Belmessous
Colloque
Cerisy 5-12 juin 2007 « La ville mal aimée »
L’image
du Grand Ensemble : de la représentation d’une forme urbaine à
celle
d’un territoire
Cette
communication traitera de l’apparition de la forme urbaine « grand
ensemble » tant dans la presse écrite que dans les travaux
scientifiques (enquêtes sociales),particulièrement des
représentations véhiculées par ces deux canaux. Avant tout, une
mise en garde d’ordre méthodologique s’impose. Tout d’abord,
en ce qui concerne l’expression de représentation, cette
terminologie est suffisamment floue pour facilement prêter à
controverse. Admettons a
minima que
ces deux matériaux (l’enquête sociale comme les articles de
presse) donnent à voir et forment une image plausible sur les effets
induits par la construction de cette forme urbaine qui ne correspond
à aucune autre forme d’habitat jusqu’alors connue.
Autre
préalable méthodologique : nous rapporterons les débats tels
quels. La confrontation entre la lecture des articles de presse d’une
part et les entretiens effectués par les sociologues d’autre part
nous aidera à appréhender ce qui relèverait du domaine de la «
réalité » de ce qui relèverait du domaine de la « mythologie ».
Par exemple, à la fin des années 1950, le débat technique n’existe
pratiquement pas dans la presse voire même dans les travaux de
recherche, tant la modernité des constructions tranche avec
l’habitat insalubre des quartiers anciens et des taudis. Les
critiques portent prioritairement sur l’adaptation des femmes à
cette nouvelle forme d’habitat ainsi que sur la délinquance
juvénile.
Premier
corpus : la presse
Dès
la fin des années 1950, les critiques formulées par la presse
mettent l’accent sur les conséquences provoquées par ce mode
d’habitat sur les comportements des résidents : elles sont
essentiellement le fait de la presse quotidienne (Le Monde, Le
Figaro, France Soir, Le Parisien Libéré) et des revues à caractère
social telles que Economie et Humanisme et Christianisme social.
L’ensemble de ces articles présente la vie dans les grands
ensembles comme une situation problématique. En effet ils mettent
d’une part, l’accent sur des constats réels comme le manque de
vision prospective quant à la structure démographique et les
équipements collectifs et d’autre part, ils interprètent ces
faits sur un mode généralisé, établissant des rapports de
causalité directe sur la vie sociale. Ainsi, les problèmes
psychologiques et sociaux rencontrés parmi les habitants seraient le
résultat de cette structure démographique, véritables « ghettos
démographiques »1. Par ailleurs, les statistiques établies sur
l’accroissement de la délinquance juvénile et sur le taux
important de suicides de femmes ne sont pas établis à partir de
données vérifiables mais suggérées comme relevant de « l’absence
de cadre naturel et affectueux »2. Au-delà de l’aspect
informatif, l’intention des articles est d’élaborer un discours
destiné à l’appropriation affective d’un phénomène nouveau
aux conséquences importantes sur le mode d’habiter.
Premier
type d’articles :
autour
de la résorption de la crise du logement
La
constitution de l’imaginaire autour du grand ensemble est
tributaire de l’évolution de sa réalité : d’abord perçu comme
une réponse aux impératifs de la crise du logement, il se
transforme ensuite en fonction de l’évolution des normes urbaines.
L’image et la mythologie qui s’y rattachent caractérisent cette
double détermination. En 1955, le grand ensemble est encore un
projet mal défini presque inconnu du public et rarement cité comme
exemple de remède à la crise du logement. Les constructions
nouvelles sont souvent désignées par leur nombre ou le groupe de
logements, telle structure composée d’une quantités d’unités
non différenciées.
« 414
logements de la ceinture verte mis en location, ce premier groupe a
été inauguré hier à la porte d’Ivry » (Le Figaro, 1er décembre
1955)
«
Inauguration des 112 premiers logements de la ceinture verte » (Le
Monde, 1er décembre 1955)
Les
travaux de la psychosociologue Michèle Huguet ont mis en relation
les mécanismes entre la femme et son environnement, en l’occurrence
le grand ensemble, en essayant de comprendre en quoi la prétendue
pathologie de l’habitat favoriserait les désordres psychologiques,
voire psychopathologiques 3. Il nous paraît intéressant de
reprendre ces travaux tant ils nous renseignent sur la perception du
grand ensemble dans la presse. Michèle Huguet découpe l’analyse
en deux moments distincts:
La
période 1955-1959 est caractérisée par la nécessité de résoudre
la crise du logement. Les articles portent principalement sur
l’efficacité des solutions adoptées. Ainsi, les constructions
nouvelles sont appréhendées comme des solutions possibles à la
crise ;
A
partir de 1959, l’abondance d’articles change de ton et la presse
s’intéresse au développement psychologique des habitants puisque
la crise semble se résorber (du moins par la presse) Les articles
mettent l’accent sur la corrélation entre la forme d’habitat et
les pathologies qu’elle engendrerait.
A
partir de 1958, l’expression « grand ensemble » vient s’ajouter
à la liste de désignation des formes urbaines telles que « ville
nouvelle » ou « cité ». Toutefois, contrairement à ces deux
terminologies, la notion « grand ensemble » se structure comme un
concept original qui n’emprunte plus à des images familières.
L’imprécision dans la désignation rend compte de cette absence de
composition de la forme urbaine, trop grande pour appartenir au monde
du logement et sous-équipée pour pouvoir évoquer la ville. En
réalité, cette fluidité de la terminologie contribue à la
constitution du mythe du « grand ensemble » et sert de principe à
la structuration symbolique de cette forme urbaine. Ainsi, en
comparant les titres qui emploient le terme « grand ensemble » à
ceux qui incorporent les termes de « cité » et de « ville
nouvelle », les connotations diffèrent selon l’usage. Le second
groupe lexical est employé pour décrire la modernité en matière
de logement et d’urbanisme.
« Une
nouille de 1 060 m de long et neuf tours rivalisent de succès aux
Courtillières de Pantin avec un marché villageois et un bois
enfantin » (Le Parisien Libéré, 1er décembre 1960)
«
Vivre dans les cités nouvelles ; une ville qui a épousé son temps
» (Le Figaro, 25 avril 1963)
Pour
désigner le « grand ensemble », les titres expriment d’autres
aspects et suscitent des interrogations.
« Que
penser des grands ensembles ? » (Le Figaro, 3 avril 1962)
« Ce
qu’on ne vous dit pas sur les grands ensembles » (L’Humanité,
18 décembre 1960)
La
connotation négative s’attache à ce terme selon de subtils
procédés. Ainsi une enquête du Figaro intitulée « Vivre dans les
cités nouvelles » intégrait le sous-titre suivant : « La plaie
des grands ensembles encore dans l’enfance : le manque de
distractions » (Le Figaro, 12 février 1963)
La
valeur psychosociologique est affirmée dans la désignation de son
originalité à un trouble symptomatique. Les raisons de cette
structuration spécifique se trouvent dans la possibilité du «
grand ensemble » de « rendre problématique l’ordre humain ».
Les maux attribués au grand ensemble mettent à jour une forme de
refus de la modernité où l’inhumain devient danger puis folie.
« Un
cri d’alarme de M. Sudreau : les grands ensembles sont trop souvent
inhumains » (Le Figaro, 14 juillet 1959)
«
Psychiatres et sociologues dénoncent la folie des grands ensembles »
(Sciences et Vie, septembre 1959)
Le
redoutable titre du Monde « Pour humaniser les grands ensembles »
vise au-delà d’une demande d’équipements d’animation et de
loisirs, à revendiquer une continuité temporelle entre passé et
présent, afin que les résidents puissent se reconnaître et
s’épanouir dans ce nouveau cadre urbain.
Des
critiques d'ordre médical
L’article
de Jean Royer paru en 19594 dans la revue Urbanisme inaugure une
série d'articles consacrée à la "maladie des grands
ensembles", présentés comme des "enfers climatisés"
où toute vie individuelle et familiale serait impossible. Le
journaliste insiste sur le gigantisme des formes construites et sur
l'absurdité du plan masse. Conçu comme une simple "juxtaposition
d’espaces libres et de volumes construits", ce type de plan ne
pouvait contribuer au bonheur des résidents. Toutefois, en raison
des différences des groupes dans la société, chacun n'exprimait
pas ses craintes ou cette peur de façon univoque. Les femmes et les
jeunes sont particulièrement présentés comme les groupes les plus
atteints par la forme urbaine.
"Les
jeunes et les mères de famille dans les grands ensembles." (Le
Figaro, 12 février 1963).
"Délinquance
juvénile accrue dans certains grands ensembles." (Le Figaro, 11
juin 1963).
La
représentation du grand ensemble se nourrit de l'image féminine
traditionnelle, un mythe évocateur d'un mode de vie. De même,
l'idée de délinquance juvénile produit un effet de dramatisation
de la situation. Les enquêtes menées dans la région parisienne 5
ont porté sur les modes de sensibilisation de la femme à leur
nouvel environnement bâti (un grand ensemble ou un quartier
présentant des caractères similaires) et permis de cerner les
conditions d’apparition de tolérance ou d’intolérance à leur
habitat. Ainsi, l’agrément à vivre dans le grand ensemble serait
perceptible lorsque l’arrivée dans le logement faisait cesser un
sentiment de frustration ou de souffrances antérieures.
L’aménagement dans le nouvel habitat correspond alors à
l'accomplissement de la vie personnelle et familiale du résident.
Bien qu’aucune considération statistique ne soit possible à
donner, ces manifestations positives semblent convenir aux cadres
moyens 6.
L'intolérance
au grand ensemble se manifeste par un comportement dépressif,
caractérisé par l’ennui, un besoin accru de sommeil, l’impression
de solitude et d’isolement, la difficulté de communiquer et le
sentiment de culpabilité vis-à-vis de l’accomplissement des
tâches journalières 7. Néanmoins, cette apparence dépressive ne
doit pas être confondue avec l’état pathologique de dépression
nerveuse car, bien que l’ennui et la solitude affectent la
conscience, ils ne parviennent pas à laisser la femme prostrée et
dépossédée d’elle-même comme cela se rencontre dans l’état
dépressif.
De
manière paradoxale, les critiques d'ordre médical sur les grands
ensembles provenaient souvent des médecins qui, bien que favorables
aux grands ensembles en tant que solution à la crise du logement,
ils restaient suspicieux quant à l'épanouissement des enfants «
livrés à eux-mêmes » dans cet environnement 8. Toutefois, ces
constats seraient valables dans d'autres lieux résidentiels,
d'habitat ancien ou moderne, car le problème vient de l'importance
de la population juvénile par rapport au reste de la population.
Ainsi, dans le grand ensemble de Sarcelles, la proportion des
résidents âgés de moins de 14 ans représente plus de 50% de
l’ensemble de la population. En menant des travaux sur la densité
de la population juvénile par rapport à la surface habitable, le
pédopsychiatre Jacques Jenny a ainsi élaboré un « seuil critique
» minimum à ne pas franchir sans risquer de provoquer des problèmes
de « promiscuité psychologique » pour les enfants. Les travaux du
docteur R.-H. Hazemann 9 concernaient le caractère
anti-psychologique de la forme bâtie, perçue comme un « organisme
présentant une pathologie, en partie congénitale, due à une
conception à la fois déficiente et monstrueuse, tératologique. »10
Étant
donné que l'habitat doit permettre la structuration et un
développement harmonieux de la famille, le grand ensemble
favoriserait des maladies « sociales » (troubles affectifs ou
mentaux) puisque sa composition n'intègre pas ces paramètres.
Ainsi, la difficulté de pouvoir nouer des rapports humains corrects
comme dans toute collectivité conventionnelle pourrait être l'une
des causes des maladies sociales. Ces pathologies menacent
particulièrement les jeunes qui, sans espace structuré, demeurent
les sujets les plus fragilisés. Le grand ensemble pourrait néanmoins
devenir un mode d'habitat convenable avec la construction
d'équipements et un changement de
composition
d'ensemble à échelle humaine.
Selon
ces divers raisonnements, la forme urbaine du grand ensemble
porterait préjudice à ses résidents, notamment les plus «
fragiles » (les femmes et les enfants). Ces analyses auront toujours
cours lors des débats politiques engagés au début des années 1970
sur la "maladie des grands ensembles", une maladie urbaine
et sociale.
Retour
sur trois articles de presse
Devant
l'impossibilité de rendre compte de manière exhaustive, de
l'hétérogénéité des articles de presse sur les grands ensembles,
nous avons choisi trois articles publiés entre juin et septembre
1959 "représentatifs" du ton et du contenu sur l'imagerie
du grand ensemble dans la presse. Le premier est extrait de la revue
Économie et Humanisme 11. Sous la plume de son directeur, Roger
Caillot, l'article interroge le choix du grand ensemble comme
solution à la crise du logement.
Le
second extrait de la revue Science et Vie 12 est en quelque sorte un
condensé de commentaires de chercheurs sur les aspects
déshumanisants du grand ensemble. Enfin, le dernier article provient
du quotidien France-Observateur 13 , ancêtre de l’hebdomadaire Le
Nouvel Observateur. Ce choix est principalement dicté par l'auteur
de l'article, en l'occurrence Françoise Choay, ardente défenseur de
l'architecture moderne mais qui adopte dans cet article une position
mitigée sur la production du grand ensemble, ce qui nous permettra
de dissocier architecture moderne et grand ensemble.
L'analyse
de ces trois articles, différents dans leur construction et leurs
critiques sur la forme urbaine, n’en est pas moins révélatrice de
l’engouement passionné suscité par cet habitat avant même la
systématisation de sa production.
Économie
et Humanisme ou le rejet du grand ensemble
L'article
de R. Caillot fait suite à l'élaboration d'un rapport basé sur des
enquêtes menées auprès de locataires de 48 groupes d’immeubles
répartis dans la région parisienne et dans 10 grandes villes
françaises. Sans vouloir nous attarder sur l’aspect méthodologique
14, notons que l'absence des sites étudiés nous empêche de
considérer de manière objective cet article car à la fin des
années 1950, l’appellation « grand ensemble » était attribué
indifféremment à toute construction nouvelle. Toutefois, cet
article introduit des critiques peu habituelles à cette forme
urbaine dont l’inadaptation des normes architecturales à
l'individu et la fabrication de principes selon des modèles.
Serait-ce une référence implicite à la grille Dupont, du moins aux
principes fonctionnalistes sur l'organisation de la composition
urbaine ?
« En
tenant compte des "normes" officielles, chaque appartement
serait comparable à une serre de botanique : dans une serre, le
volume d’air est proportionné à la respiration des plantes qui y
sont entreposées et la surface disponible par plante permet à
chacune de ne pas gêner sa voisine. »
Sous
couvert philosophique d’une revendication sur l’unicité et, par
conséquent, de l'analyse foucaldienne sur l'enfermement de l’être
humain dans des normes et non pas dans un épanouissement subjectif,
il met en cause ouvertement la politique d’attribution des
logements.
«
Combien de ménages se voient attribuer généreusement un F1 (une
pièce, une cuisine) ou mieux un F2 (une salle de séjour, petite, et
une chambre, petite aussi) sous prétexte qu’ils ne sont que deux ?
Or souvent, 3 ou 4 ans plus tard, la famille a doublé et la salle de
séjour se transforme en chambre des enfants. »
Il est
intéressant d'évoquer la manière dont le taux de rotation à
l’intérieur du parc locatif était appréhendé. Existait-il un
nombre suffisant de grands logements pour accueillir les ménages
dont la famille s’agrandissait? En changeant de logement suite à
l'agrandissement de la famille, les ménages pouvaient-ils bénéficier
de loyers préférentiels ? Dans cet article, Caillot poursuit ce
débat à partir de données sociologiques. Ainsi, il se demande si
le grand ensemble ne caractériserait pas les avatars d’un "ghetto"
15 démographique.
«
A-t-on imaginé les problèmes posés dans certains grands ensembles
par la présence au pied de chaque montée d’escaliers d’une
centaine d’enfants appartenant sensiblement aux mêmes classes
d’âge ? »
Pour y
répondre, il note les particularités de la structure démographique
tout en projetant les difficultés à venir. Caillot n'est certes pas
un visionnaire mais pointe les dysfonctionnements que pourraient
provoquer une telle proportion de jeunes dans un même lieu.
Conjointement, il est intéressant de noter combien ce paramètre,
autrefois célébré comme le symbole d’une vitalité, d’une
dynamique essentielle après les traumatismes de la guerre, ait pu se
transformer négativement. Dans la même optique, l'usage du terme
"ghetto", choisi pour désigner cet habitat, correspond à
la volonté appuyée de connoter le peuplement du grand ensemble.
Tout ceci conduit Caillot à prédire l’avenir d’un grand
ensemble comme un lieu de concentration de "catastrophes
humaines".
En
raison de l'absence d'aménagements de loisirs pour les enfants,
l'auteur prévoit une augmentation de la délinquance. Pour étayer
cette prévision, il fait référence à des travaux sur la
pédo-psychiatrie qui montrent que les adolescents et les
grands-parents sont des repères pour construire un "cadre
naturel et affectueux" aux jeunes enfants. Cette affirmation
n'est appuyée sur aucune référence sérieuse pour pourvoir la
discuter. Sous prétexte de donner les conclusions d'une grande
enquête nationale effectuée dans différents grands ensembles,
Caillot réitère les critiques faites à cette forme urbaine de la
même manière que la presse quotidienne. Ainsi, les conclusions
apportées font figure de "déjà vu" et "déjà lu".
En demandant aux organismes bailleurs d’effectuer un "équilibre
humain, psychologique et moral pour tous", Caillot se situe
davantage dans la déclaration d’intention que dans le possible,
voire dans l'idéal du catholicisme social qui souhaiterait faire
coexister tous les milieux sociaux afin qu'une vie sociale "à
taille humaine" puisse se construire.
Science
et Vie ou la compilation de toutes les critiques
Cet
article est issu d'entretiens avec divers "experts ès grands
ensembles", comme en témoigne l'introduction consacrée à "la
maladie du grand ensemble".
«
Quatre experts, un sociologue, un technicien, un économiste et un
médecin, viennent de mettre à nu cette nouvelle plaie sociale,
infiniment plus redoutable que celle des taudis et qui, par delà les
explications classiques de la misère et de l’abandon, tire son
origine du fonctionnement même de la société contemporaine. »
C'est
un mode de discours judicieux car en faisant « parler » 16 des
experts, chacun devait confirmer le postulat sur le caractère
pathologique du grand ensemble. Le premier expert est le sociologue
P.-H. Chombart de Lauwe, qu'il n'a pas directement interrogé mais
dont il reprend des observations émises sur le comportement des
familles 17 dans leur environnement résidentiel. Le journaliste
bâtit sa démonstration à partir de l’énoncé des besoins 18
élémentaires définis par Chombart de Lauwe pour l’épanouissement
de chacun. Même si le socio-anthropologue expliquait dans un article
que l'absence de satisfaction des besoins ou de certains d’entre
eux risque de « mettre en péril la santé physique et mentale de
ceux qui l’éprouvent », ce dernier ne prenait pas la position si
radicale laissée entendre par le journaliste.
«
Dans les H.L.M., c’est tout le contraire qui se produit ! Les
constructeurs semblent avoir pris le contre-pied des indications de
la sociologie. »
A
partir de ce prétexte sociologique, émanant par celui même
considéré comme « le » spécialiste du comportement de
l’individu, Caro donne alors la parole aux autres experts. Nous ne
retranscrirons seulement les propos de deux d’entre eux, Guy Houist
19, rapporteur au Conseil Économique des questions de l’habitat et
du professeur Delore, directeur de l'Institut de médecine sociale.
«
Pour des raisons de prix de revient, on a poussé à la
multiplication de logements trop restreints. C’est une hérésie.
La cage à lapins ne résout pas la crise. 25% de logements de la
région parisienne sont déjà en état de sur occupation. 60% des
deux-pièces et 34% des trois-pièces le seront dans un avenir
proche... Autre grief : on a négligé l’équipement
complémentaire, administratif, social et sanitaire des cités; il
faut aller au diable pour trouver une garderie, une buanderie, un
bureau de poste. On n’a pareillement rien fait pour créer ces «
facilités collectives » rendues nécessaires pour l’exiguïté
des logis : un garage à scooters, un atelier de bricolage, un espace
pour les jeux. Hors les murs et le toit, qui constituent l’abri,
rien n’a été prévu... Et puis, il y a la question du style :
tous ces immeubles se ressemblent et tendent à la caserne. On aurait
voulu renforcer la nostalgie de la masse pour la « petite maison
individuelle » qu’on ne s’y serait pas pris autrement. »
« Si
les citadins ne chantent plus, c’est qu’ils n’arrivent pas à
trouver dans leurs nouveaux ensembles, trop impersonnels, et leurs
nouveaux quartiers, trop excentriques, la compensation "en
détente" que réclame leur vie professionnelle fébrile et
chronométrée... L’angoisse du retard torture le banlieusard voué
à la poursuite des autobus; l’anxiété des murs étreint la
ménagère condamnée à attendre les siens dans des "surfaces
habitables" de 10 à 12 m² ; de redoutables carences, manque
d’appétit, troubles cutanés, retard dans le développement,
menacent l’enfant privé de tout contact direct avec la nature et
dont le seul exutoire devient la rue... C’est d’ailleurs dans les
faubourgs suburbains que le médecin rencontre le plus grand nombre
de cas de déprimés et d’excités, de consommateurs de fortifiants
et de tranquillisants, d’asthéniques et de psychasthéniques, de
gosses retardés et caractériels, de candidats aux suicides. Il
faudra bientôt consacrer tout un traité de médecine et de névrose
aux banlieues ! »
A
partir de ces remarques, le journaliste esquisse une liste précise
de pathologies affectant les résidents de ces habitations. Tout
d'abord, le bruit serait à l’origine de 20% des internements dans
les asiles psychiatriques, également des maladies liées au coeur et
à l’estomac -dont les « ébranlements nerveux » -et source
d’excitation excessive de l’appareil auditif.
Puis,
le manque d’espace (sur-occupation des logements) traduirait un «
complexe de frustration, la formation de bandes à l’extérieur et
la naissance d’un gangstérisme infantile. » Pour convaincre ses
lecteurs, le journaliste reprend les propos de M. Chazal, juge au
Tribunal pour enfants, qui avait déjà dénoncé un taux de
délinquance anormalement élevé dans les ensembles H.L.M. Afin de
vérifier cette affirmation, nous avons cherché un article de cet
auteur 20 déjà cité, qui effectivement constatait, à partir de
son expérience professionnelle, de la corrélation entre des
conditions de logement difficiles (taudis, vieux hôtels meublés de
Paris et de la banlieue ou dans les lamentables H.B.M. construits
entre les deux guerres) et des comportements. Ainsi, un enfant issu
d’un milieu défavorisé et évoluant dans un environnement peu
épanouissant, serait plus propice à devenir délinquant qu’un
autre. Sans déterminisme absolu, cette affirmation est plausible
sans même connaître l'argumentaire du juge Chazal. L'utilisation
tronquée par le journaliste de Science et Vie pour étayer ses
propos relève de la pratique malhonnête.
Le
second paramètre pour mesurer la souffrance vécue par les résidents
des grands ensembles concerne le manque de souplesse dans les
rapports sociaux, à l'origine des multiples querelles de palier.
Ensuite, l’absence de services communs et d’équipements de
proximité contraindrait les résidents à des déplacements longs et
répétés et empêcherait la construction d’une vie sociale.
«
Arriveront-ils [les habitants] eux-mêmes à constituer une
communauté de sentiments, alors qu’ils ne représentent pour
l’instant qu’une communauté de ressentiments et qu’ils
viennent parfois de tous les horizons géographiques et sociaux ? »
Enfin,
l’ultime mal du grand ensemble proviendrait de l’absence de tout
contact avec la nature. Il est cependant difficilement conciliable
avec les habituels griefs dans la mesure où l'auteur prend Paris
comme exemple de grand ensemble. La ville de Paris constituerait-elle
l'archétype du Grand Ensemble ?
Françoise
Choay, défenseur de l’architecture moderne
mais
pas du grand ensemble
L’article
de Françoise Choay, totalement a-typique des deux précédents dans
le ton et le contenu, fait cependant partie de cette sélection dans
la mesure où son auteur l'a écrit pour « dénoncer le mythe des
grands ensembles »21 .
«
Sarcelles, Poissy, Châtenay-Malabry : ces noms étaient, il y a
quelques années encore, évocateurs de verdure et de rusticité.
Aujourd’hui vous ne reconnaîtrez plus rien. Des villes se dressent
aux lieux de vos souvenirs. »
Après
un rapide récapitulatif sur les motifs de production du grand
ensemble, qualifié de « programme de construction à outrance »22,
l’auteur se lance dans les critiques. Mais, contrairement aux
écrits précédents, l'article de F. Choay porte véritablement sur
l'esthétique de l'objet « grand ensemble » tout en faisant
l’amalgame entre une forme urbaine et un mode de financement
(logement social). D'ailleurs non sans ironie, elle note la facilité
déconcertante avec laquelle on reconnaît ce type de logement.
«
H.L.M. ou Logécos sont décelables par leur manque d’architecture,
régis par un principe de discrimination : au pauvre, logement pauvre
et laid. »
Toutefois,
elle distingue clairement l'architecture moderne de cette production
urbaine où la pauvreté conceptuelle du bâti prévaut.
«
Dans la majorité des cas, les immeubles sont construits de façon
traditionnelle et informe (Poissy, Vitry, etc.). C’est inexcusable
dans une période d’industrialisation et de structuralisme, qui
permet une forte individuation des façades. »23
Elle
poursuit sa démonstration en indiquant qu’il n’existe pas un «
seul exemple qui ne [tende] vers la monstruosité plastique, qu’il
s’agisse des pâles démarcations de Le Corbusier (à Nanterre) ou
de ces masses géantes et indifférenciées qui, à Fresnes (La
Peupleraie) contrastent de façon saisissante avec les 2 ou 3 fermes
magnifiques qui subsistent encore à proximité. »
En
admettant que ces nouveaux logements constituent néanmoins un
progrès par rapport aux taudis antérieurs, elle reprend en écho
les critiques déjà rencontrées sur le bruit. Pour illustrer cette
assertion, elle évoque un exemple assez curieux de logement
insonorisé, reconnaissable par tout lecteur, l’Unité d’habitation
de Le Corbusier à Marseille, « si parfaitement insonorisée que
certains de ses occupants se plaignent d’un silence excessif à
l’intérieur de leur logement. »
F.
Choay a également recours à l'argumentaire psychiatrique pour
étayer ses critiques. Les logements seraient invivables, non pas sur
le plan physiologique (elle signale l'absence de mort par asphyxie
vue la qualité des chauffages) mais sur le plan mental.
Aux
maladies physiques rencontrées dans les îlots insalubres se
superposeraient des affections psychosomatiques et mentales.
Là-dessus, l’auteur fait appel à une explication rapide pour
argumenter cette affirmation.
«
L’adulte brimé, atteint dans ses libertés essentielles (manque
d’espace, bruit, enfermement), privé d’éléments de
différenciation, condamné à l’ennui d’un milieu visuel
uniformisé, d’un milieu social artificiel, dépourvu de
distractions; l’enfant est livré à une trop grande autonomie. Les
espaces extérieurs sont trop vastes, impossibilité d’une
structuration du milieu extra familial, la perte de l’échelle du
sentiment de la présence humaine dans des lieux informes et
indifférenciés. »
Afin
d’éviter l'énumération des défauts « pathogènes » sont cités
deux exemples de réussite architecturale: l’ensemble des
Courtillières à Pantin, opération de l’architecte Émile Aillaud
et le grand ensemble des Grandes Terres à Marly, oeuvre des
architectes Lods et Beufé. La solution aux problèmes des grands
ensembles consisterait dans le refus des conceptions architecturales
traditionnelles et dans l’adoption des principes
d'industrialisation encore nouveaux en 1959.
Toutefois,
F. Choay ne se contente pas de décliner les pathologies du grand
ensemble mais dénonce ouvertement la responsabilité des pouvoirs
publics, départementaux et municipaux dans cette production urbaine.
Selon l’auteur, l'adoption de plans d’urbanisme « sérieux »
pourrait éviter les spéculations d'organismes comme les «
innombrables monstres patronnés par la Caisse des Dépôts, devenue
assez puissante pour enfreindre les consignes du ministère et même
se passer de permis de construire », éliminer les entrepreneurs «
douteux » et certains architectes qui « tirent des profits honteux
de la répétition, à des milliers d’exemplaires, de cellules ni
conçues, ni construites. »
Enfin,
l'auteur ne ménage pas non plus le public dont elle souhaiterait une
éducation profonde des « valeurs architecturales et urbanistiques.
»
A
travers ces critiques, nous constatons que la forme urbaine a très
peu été remise en cause, seulement durant les premières années.
Les grands ensembles ont interrogé les médias sur des aspects
jusqu’ici absents des débats. Vouloir confirmer ou dénigrer les
effets nocifs dus au grand ensemble équivaut à poser l’existence
d’un lien causal entre la santé mentale et cette forme d’habitat,
comme nouvelle organisation de l’espace. La plupart des études de
socio-psychologie ne tentent pas de récuser cette approche, essayant
même de trouver avant tout des liens entre l’adaptation et les
conditions de vie.
Le
psychosociologue G. Michel 24, bien qu’il essaye de se départir de
cette solution en dénonçant l’idée d’une pathologie mentale
spécifique aux grands ensembles, conclut que « la grille
d’équipement, structure véritable, est certainement le remède le
plus efficace aux maux des grands ensembles actuels. » La difficulté
de recenser des données n'a pas aidé les chercheurs dans cette
approche. Elle marque davantage la limite d’une telle démarche
théorique, la recherche sur l’individu et son environnement 25,
sujets de nature subjective.
Second
corpus: les enquêtes publiques
Les
premiers recensements initiés par l’Institut national de la
statistique et des études économiques (I.N.S.E.E.) fournissent
essentiellement des informations de nature économique comme le
nombre de logements et de ménages, la densité d’occupation des
lieux, les divers éléments de confort ou d’équipement sanitaire
26. Ainsi, à l’intérieur de ces analyses, rien ne permet de
saisir des paramètres plus restreints comme la nature des logements
(neufs ou anciens) ou encore des facteurs plus subjectifs comme les
attitudes, les désirs ou les besoins psychologiques ou sociaux des
ménages. Les enquêtes
plus
fines menées conjointement par l’I.N.S.E.E. et le CREDOC 27 en
mars-avril 1961 font figurer les opinions des habitants et leur désir
de changement de logement. Les travaux ont également porté sur les
structures démographique et socioprofessionnelle de ces nouveaux
venus.
Qui
sont-ils ? D’où viennent-ils ? Pour quelles raisons y sont-ils
venus ? Sont-ils les premiers occupants des logements ou ont-il
succédé à d’autres ? Que pensent-ils du mode de vie qui est le
leur, dans ses différents aspects familiaux, professionnels ou de
loisirs ? Ont-ils eut du mal à s’adapter ? Sont-ils bien adaptés
? Envisagent-ils de changer de logement, dans les limites du grand
ensemble ou ailleurs ? Quelles critiques ont-ils à formuler ?
Quelles suggestions à présenter, etc. ?
• Les
enquêtes sociales et les représentations sur cet habitat
Première
grande enquête menée en 1963 par le Centre de recherche et
d'urbanisme sur la population des grands ensembles avec un groupe de
travail présidé par Pierre George et composé de géographes,
d'urbanistes, de sociologues et de démographes en région
parisienne. La mission consistait à cerner les problèmes
d'urbanisme de cette forme urbaine « sous l'angle des besoins et des
aspirations des hommes. » Cette recherche s'est inscrite dans la
lignée des travaux de la section socio-psychologique sur l'habitat
individuel qui devait en constituer le pendant.
L’objectif
était clairement de vérifier le bien-fondé de l'hypothèse sur
l'aspect déshumanisant de cette forme urbaine. Cette hypothèse
correspond-elle à une expérience vécue de l'intérieur par les
habitants ou bien à la représentation tronquée de la vie dans un
grand ensemble? Les résultats 28 sont particulièrement éclairant
dans la mesure où ils donnent à voir avec précision les
particularités de la structure démographique comme celles de la
structure sociale. En général, le grand ensemble serait un mode
d'habitation où l'on trouve peu des couches défavorisées,
essentiellement des salariés. La proportion d'ouvriers, d'employés
et de cadres moyens est plus importante que dans l'ensemble de la
population urbaine. La particularité de cette structure
démographique n'indique pas si cette population serait issue de
cette forme urbaine.
Quatre
questions nous intéressent directement :
1. «
D'une manière générale, diriez-vous que vos conditions de logement
sont
maintenant
très satisfaisantes, satisfaisantes, acceptables, insuffisantes ou
très insuffisantes ? »
2. «
D'une manière générale, qu'est-ce qui l'emporte, les avantages ou
les
inconvénients
? »
3. «
D'une manière générale, les logements nouveaux sont le plus
souvent construits sous forme d'immeubles collectifs et de grands
ensembles d'habitation. A votre avis, est-ce une bonne chose ou une
mauvaise chose de construire de grands ensembles, ou est-ce une chose
sans importance? »
4. «
En supposant que les dépenses de logement soient les mêmes,
préféreriez-vous habiter un logement dans un immeuble collectif ou
dans une maison individuelle? »
Réponse
à la 1° question : 88% des personnes estiment être logées dans
des conditions satisfaisantes voire très satisfaisantes (54%) alors
que seules 12% n'en sont pas satisfaites.
Réponse
à la 4° question, 82% des personnes souhaiteraient, si les
contraintes
financières
disparaissaient, résider dans un pavillon. L'expression de cet idéal
non envisageable car, entre la réalité dont on se satisfait, et
l'idéal auquel on aspire, il existe une différence de jugement.
Même
si les avantages d'habiter dans un grand ensemble l'emportent à 82%
sur les inconvénients, il est intéressant d'identifier ce que cela
recouvre. A travers le jugement de valeur sur le grand ensemble, le
lieu d'habitat ne semble pas être mis en cause. La question suscite,
de manière implicite, un jugement sur la politique de construction.
Des quatre questions, elle connut le plus de réticences auprès des
enquêtés : seules 52% des personnes approuvent ce type de
construction.
Avantages
du site: présence de la nature dans l'habitat, vision proche de la
maison individuelle avec la possibilité d'élever les enfants dans
un "environnement naturel".
"C'est
une ville dans une petite ville; de la verdure, peu de circulation,
du grand air" (architecte)
"Être
à la fois à la campagne et à Paris; c'est beaucoup mieux pour les
enfants" (prothésiste)
Avantages
du logement : le confort, possibilité d'avoir de l'eau chaude chez
soi et mieux, le chauffage central.
"Le
chauffage central supprime certaines corvées ménagères"
(gendarme)
Inconvénients
: éloignement du centre de la ville et l'insuffisance des transports
sont les critiques fréquentes dans la mesure où ils auraient des
répercussions sur la vie sociale et familiale.
"On
ne vit pas avec sa famille; on part le matin de bonne heure, on
revient le soir, on n'a pas le temps de les voir"
(réceptionniste)
"La
cité est très morte, les mamans s'ennuient, elles discutent ! La
ville me manque; je préfère la vie un peu plus vivante. Lorsque je
travaillais, j'aimais retrouver la cité très calme. Comme mon mari.
Dans la ville, on s'instruit, on élève son niveau intellectuel, ici
on ne peut pas" (femme de fonctionnaire)
Autres
inconvénients : désagréments de l'habitation collective, le
brassage social.
"Trop
de monde. Trop les uns sur les autres" (épouse de chauffeur)
"Dans
les logements, on est trop mélangés socialement" (femme sans
profession)
• Enquête
menée dans la région lyonnaise sur le grand ensemble de
Bron-Parilly en juin 1962 (deux ans après la date de construction).
On
retrouve le même type de questionnement que dans l’enquête de
l’INED.
«
Préférez-vous vivre dans un urbanisme de plein air comme
Bron-Parilly ou dans un quartier concentré comme la Croix-Rousse ? »
La
réponse positive est massive à plus de 80%. La nostalgie de
l'animation de la ville se rencontre davantage chez les femmes
n'exerçant pas d'activité professionnelle ou les personnes dont le
travail se trouve éloigné du lieur de résidence. Lorsque est
évoqué l'avenir dans le grand ensemble, 47% des personnes
souhaiteraient déménager. Pour ces personnes, il constitue
seulement un lieu de passage et une étape dans leur parcours
résidentiel avant d'habiter une maison individuelle. Pour les
candidats au départ, 45% en attribuent la cause au logement,
considéré comme trop petit (30,6%), pas encore fini (30,6%), trop
sonore (13,3%). Les autres difficultés évoquées portent notamment
sur la lourdeur des charges locatives, la conception du logement
ainsi que des problèmes techniques.
La
conclusion des auteurs de cette enquête est intéressante dans la
mesure où ils dessinent les dysfonctionnements que pourrait
connaître ce quartier dans un futur proche : ils seraient notamment
dus à l'absence de vision prospective concernant le nombre croissant
d'enfants; la notion de cité-dortoir « sans âme » construite pour
héberger ceux qui travaillent ailleurs et ne faisant rien pour
construire une vie sociale dans leur nouvel environnement
résidentiel.
Les
enquêteurs évoquent une « trahison » des promoteurs puisque les
logements seulement ont été construits au lieu de créer un
environnement avec des équipements sociaux, culturels, éducatifs,
sanitaires et sportifs. Les projets étaient prévus avec dans le
domaine des loisirs, une salle de cinéma, une brasserie, un hôtel,
des restaurants, des espaces de jeux et des espaces plantés.
Commentaires
sur ces enquêtes
L'appréciation
se traduit d'abord en tenant compte de la crise du logement dans les
années 1960 et les difficultés d'accès au logement pour les
classes populaires. Ensuite, les sociabilités ne se comprennent pas
sans référence aux filières d'attribution des logements: chacun se
prononce sur la distance qu'il perçoit entre son groupe social et
les autres groupes dont il a artificiellement été rapproché. Les
catégories situées aux deux extrémités ont émis des réserves
sur cette "cohabitation".
Contrairement
aux sociologues, les habitants vivent différemment cette
coexistence, selon leur appartenance à tel ou tel groupe : les
réponses favorables se trouvent dans les classes ouvrières et les
classes moyennes dont le désir d'ascension sociale est renforcé
dans le côtoiement des catégories à laquelle elles aspirent
d’intégrer. De même, les opinions liées au cadre de vie comme le
bruit traduisent une réaction face à cette situation de
coexistence. En
associant le thème du bruit à celui de la promiscuité et du
mélange social, les résidents attribuent une signification sociale
à l'insonorisation.
• Grands
ensembles et quartiers nouveaux
À la
suite de ces divers enquêtes sociologiques, d’autres chercheurs
tentent d’apporter un regard différent sur le mode d’habitat
particulier lié aux grands ensembles qu’un regard statistique. Le
célèbre article de Pierre George 29, sorte de plaidoyer en faveur
de la recherche sur le grand ensemble, concentre les diverses
interrogations des chercheurs des années 1960. En effet, il affirme
que l’analyse des problèmes des grands ensembles ne serait pas
seulement résolue par les analyses sociologiques (analyse des
besoins) mais surtout par la médecine pathologique. Ainsi, P. George
s’inscrit dans le « courant dominant » qui associe forme urbaine
et pathologie médicale. Cette situation reposerait selon l’auteur
sur une interprétation simpliste des grands ensembles en tant
qu’unité d’habitation, interprétation due à l’affectation
des crédits, destinés exclusivement à l’édification des
logements. Or, le logement seul ne pouvait vraiment répondre aux
besoins d’encadrement matériel de la vie quotidienne des familles.
« Le
grand ensemble [n’accède] au premier degré de l’autonomie que
par la possession d’un équipement commercial et scolaire. »30
L'auteur
projette ainsi divers types de dysfonctionnements dont voici les
principales.
• La
structure de la population offrirait-t-elle des perspectives normales
de peuplement ?
• La
mobilité serait-elle suffisante pour assurer la meilleure
utilisation des logements ?
• Les
relations sociales pourront-elles s’y établir de manière à
réaliser un équilibre des rapports avec autrui et de la
participation à une vie collective, d’une part, et une pression
sociale toujours contraignante, d’autre part ? 31
• Les
équipements commerciaux, scolaires, sanitaires, sportifs et
culturels,
répondront-ils
aux besoins des habitants ?
• La
distance des grands ensembles par rapport au noyau urbain ancien ou
par rapport aux lieux de travail serait-elle ressentie comme
excessive ou non 32
Les
réponses apportées par les études sociologues devraient être
transmises au Centre de Recherche d'Urbanisme, groupe de réflexion
chargé de proposer des normes de conception et de réalisation pour
les grands ensembles. Suite à ces injonctions, René Kaës,
psychosociologue et disciple de Chombart de Lauwe, publie un ouvrage
sur la question en 1963 -Vivre dans les grands ensembles 33 -ouvrage
qui initie l’approche conjointe basée sur la méthode des enquêtes
sociales et l’adaptation psychologique des habitants à ce nouveau
type d’habitat.
L'auteur
entend dépasser les critiques 34 faites par la presse, critiques
qu’il juge imprégné d’idées préconçues, et propose un autre
schéma qui serait plus proche de la réalité. Il reprend également
le même type de discours que P. George sur les difficultés à
prévoir le bon fonctionnement d’un grand ensemble, en insistant
sur les problèmes démographiques, au regard des caractères
particuliers de leur population et du manque d’équipements
collectifs. En guise de projection, le sociologue envisage de définir
des normes minimales d'habitabilité pour chaque logement.
En
conclusion :
la
négation du grand ensemble
ou
l’apparition de la sarcellite
Il
apparaît que la production des grands ensembles a suscité autant
d’articles de presse que d’enquêtes sociales car au-delà de la
construction d’une nouvelle forme urbaine, l’échelle, les
dimensions sans précédent et la rapidité d’exécution ont laissé
penser que ces nouveaux espaces urbanisés allaient devenir des
quartiers, voire des morceaux de ville. D’où les travaux portant
sur le développement futur de ces territoires. Pourtant, les aspects
négatifs, qu’ils relèvent de la presse ou des mises en garde des
travaux sociologiques, ont permis d’élaborer un imaginaire autour
de ces lieux comme en témoigne le terme même de « sarcellite ».
En effet, au début des années 1960, la presse se fait l’écho de
l’apparition d’une maladie propre au grand ensemble, la «
sarcellite », qui cristalliserait l’ensemble des maux dus à cette
forme urbaine.
«
Sarcellite, total désenchantement, indifférence à la vie sociale,
ennui insurmontable, aboutissant à la dépression nerveuse dans les
cas bénins, au suicide dans les cas aigus. » « Les raisons de la
Sarcellite », L’Humanité, (5 novembre 1963)
«
Malgré les caves, l’alcool et les ouvriers étrangers, les
Sarcellois souffrent d’une curieuse épidémie : je ne plaisante
plus. La sarcellite n’est pas une maladie imaginaire : la
sarcellite existe. Cette affection qui est un “ état dépressif ”
particulier aux habitants des grands ensembles, atteint surtout
quelques jeunes femmes en mal d’oisiveté. » R. Miquel, L’Aurore,
(26 avril 1965)
Le mot
« sarcellite » s'est construit à partir du nom emblématique en
1962, du grand ensemble de la ville de Sarcelles auquel on lui a
accolé le suffixe « ite », habituellement utilisé dans le champ
lexical médical pour désigner une « maladie de nature
inflammatoire.» 35 . L’exemple de Sarcelles n’est pas anodin
puisque ce grand ensemble est le premier de la région parisienne
construit entre 1954 et 1960 par la SCIC et regroupant 13 000
logements pour une population nouvelle de 25 000 habitants. Ainsi
naissait ce néologisme qui traduirait tous les maux des grands
ensembles, les nouveaux territoires de pathologie urbaine.
En
1962, le journaliste M. Bernard s’installe pendant trois mois dans
un des immeubles de Sarcelles afin de décrire la vie sociale du
quartier, s'arrêtant longuement sur les signes avant-coureurs de
cette nouvelle névrose, qui touche principalement les femmes.
« Peu
à peu, quelques-unes, dit-on, tombent dans une sorte de langueur que
je n’ai jamais eu l’occasion d’observer autour de moi, mais que
l’on décrit à peu près de cette façon : la patiente va au
hasard dans les rues; bien loin de trouver un apaisement dans cette
promenade, elle sent son angoisse augmenter. Elle a l’impression
d’habiter dans une ville morte située dans un lieu indéterminé,
assez pareil aux limbes. Les gens qu’elle rencontre sont des
ombres, des spectres. Elle marche d’une avenue à l’autre en
croyant être au même endroit, qu’à sa droite et à sa gauche se
dressent toujours les mêmes maisons. Elle presse le pas, impatiente
tout à coup de rentrer dans son « logéco », et se trompe
d’immeuble, incapable qu’elle est de reconnaître le sien parmi
les autres. Une fois chez elle, son malaise s’accroît [...]. Elle
se sent retranchée du monde, un peu comme si on l’avait mise dans
une couveuse, tel un enfant qui vient au monde avant terme. Tout lui
semble trop net, désinfecté, trop silencieux, trop vide [...]. Sa
solitude l’étouffe [...]. Son logement lui fait horreur; le soleil
même qui entre par la baie aggrave son trouble. Tout ce qu’elle
voit est faux; les arbres sont trop petits, les enfants ne sont que
des jouets, l’avenue est peinte. » 36
La
description d'une telle pathologie semble difficilement concevable
car l’auteur avoue n’avoir pas constaté de visu ces symptômes
mais seulement de les avoir entendus narrés. L'apparition de cette
nouvelle maladie s'apparenterait davantage à une maladie fantasmée
telle que la presse la décrivait déjà abondamment sous d'autres
termes, (« maladie des grands ensembles »), une maladie mythique
qui aurait la « fonction idéologique classique d’invisibilisation
de conflits. »37
Le
sociologue A. Vulbeau apporte une explication intéressante au choix
du grand ensemble de Sarcelles dans ces années pour exprimer cette
pathologie. Au cours de l’hiver 1962, un conflit violent a opposé
un comité d’habitants et le bailleur social à propos du mauvais
fonctionnement des canalisations du chauffage qui plongeaient les
habitants dans un froid glacial. A la même époque s’est également
produit un accident mortel dans le quartier. En effet, une petite
fille a succombé à des brûlures, provoquées par un accident dans
un conduit souterrain, accident du à une plaque d’égout mal
scellée. L’émoi provoqué par ce décès entraîna des réactions
virulentes auprès de la population, obligeant la SCIC à reconnaître
que, par souci d’économie, elle avait installé des stations de
chauffage ne fonctionnant plus si la température était inférieure
à 4° C. Ainsi, il serait possible que la narration de cette action
militante dans la presse ait conduit les journalistes à focaliser
leurs articles sur Sarcelles, sans toutefois chercher à mettre en
avant les responsabilités du bailleur mais, au contraire, à
exprimer des pathologies propres à la vie urbaine telles que
l’aspect inhumain de l’habitat, la promiscuité, le nombre
important d’enfants, la délinquance, l’absence de commerces,
etc.
NOTES
1 R.
Caillot, « Logement et équilibre humain », Economie et Humanisme,
vol. 10, n°118, mai-juin 1959, pp.55-61.
2
Ibid.
3 M.
Huguet, Les femmes dans les grands ensembles. De la représentation à
la mise en scène, Paris, Ed. du CNRS, 1971, p.11.
4 J.
Royer, « Pour ou contre l’homme ? », Urbanisme, n°65, 1959,
pp.13-14.
5
Souvent, ces études ne précisent pas la localisation des groupes de
logements dans le but explicite de renforcer l’anonymat des études;
cf. M. Huguet, « Les femmes dans les grands ensembles. Approche
psychologique de cas d’agrément et d’intolérance », Revue
française de sociologie, vol. VI, n°2, avril-juin 1965, pp.215-227.
Toutefois, l’auteur nous apprend que ces ensembles construits dans
deux communes de la banlieue présentent certains caractères communs
aux grands ensembles tels que la structure démographique ;
l’éloignement du centre de la commune et le nombre important de
logements réunis (1 700 pour l’un, 350 pour l’autre).
6
M.-J. Chombart de Lauwe, M. Huguet, E. Perroy, N. Bisseret, La femme
dans la société. Son image dans différents milieux sociaux, Paris,
Ed. du CNRS, 1963, chap. III, p.103.
7 M.
Huguet, Les femmes dans les grands ensembles, op. cit., p.222.
8 J.
Chazal, « Les enfants et les adolescents dans les grands ensembles
», Revue d’hygiène et de médecine sociale, n°2, mars 1962,
pp.154-158.
9
R.-H. Hazemann, « L’humanisation des grands ensembles », Revue
d’hygiène et de médecine sociale, n°2, mars 1962, pp.159-174.
10 La
tératologie est une science dont l'objet d'étude porte sur les
anomalies et les monstruosités des êtres vivants. Ibid., p.160.
11 R.
Caillot, « Logement et équilibre humain. Conclusions d’une
enquête », Économie et Humanisme, n°118, XVIII° année, mai-juin
1959, pp.55-61.
12 L.
Caro, « Psychiatres et sociologues dénoncent la folie des grands
ensembles », Science et Vie, n°504, tome XCVI, septembre 1959,
pp.30-37.
13 F.
Choay, « Cités-jardins ou "cages à lapins ? »,
France-Observateur, n°474, 4 juin 1959, pp.12 13.
14 Cet
article ne peut être considéré autrement que comme un témoignage
sur la représentation du grand ensemble en dépit de ses références
à certaines enquêtes sociologiques de terrain.
15
Nous soulignons ce terme car, dans les années 1980, il sera l’objet
d’analyses auprès de nombreux sociologues, tels que François
Dubet, pour désigner le phénomène communautaire nouveau dans les
quartiers d’habitat social.
16 En
dehors du sociologue dont il reprend, de manière schématisée, des
conclusions d'enquêtes, dans le cas des trois autres experts, il
s'agit soit d'entretiens soit d'une reprise de propos publiés.
17
Bien que l’article n’y fasse pas allusion, nous pensons que la
référence implicite est la publication des résultats dans la
presse spécialisée des analyses issues de l’ouvrage Famille et
Habitations. Il sera publié en 1960.
18
Ces 9 besoins sont les suivants : besoin d’espace; besoin
d’appropriation et d’aménagement de l’espace; besoin
d’indépendance des groupes de personnes à l’intérieur du
logement; besoin de repos et de détente; besoin de séparation des
fonctions; besoin de bien-être et de libération des contraintes
matérielles; besoin d’intimité du groupe familial; besoin d’être
bien considéré par et à travers le logement; besoin de relations
sociales extérieures.
19
Notons seulement que Caro le présente d’abord comme un militant
catholique avant de préciser ses fonctions institutionnelles.
20 J.
Chazal, "Les enfants et les adolescents dans les grands
ensembles", Revue d’hygiène et de médecine sociale, n°2,
mars 1962, pp.154-158.
21
Notons que pour éviter toute ambiguïté, F. Choay donne une
définition du terme grand ensemble dans la note 3. "Nouveaux
ensembles d’habitation de 30 000 à 40 000 habitants (8 à 10 000
logements), implantés sur des terrains acquis et aménagés par le
Fonds National d’Aménagement du Territoire, mis à la disposition
des constructeurs selon une procédure destinée à éviter la
spéculation", définition de janvier 1956.
22 F.
Choay explique comment de 1945 à 1954, seuls 89 000 logements furent
mis en oeuvre pour tenter d’endiguer l’afflux de population alors
qu’à partir de 1954, près de 70 000 logement sont construits
chaque année.
23 Les
enduits, à bas prix, sont qualifiés de « gaieté factice conférée
par la polychromie dont on use et abuse. »
24 G.
Michel, Structure des grands ensembles et santé mentale, Paris,
Institut de l’Université de Paris, sd.
25 Les
recherches des chercheurs américains sur l’écologie urbaine ont
tenté de voir comment les maladies mentales s’inscrivaient dans
les territoires urbains. Basées sur le modèle de l’expansion des
villes en cinq zones concentriques, les recherches de l’Ecole de
Chicago ont tracé des cartes de répartition des troubles mentaux en
fonction de ces divisions. Les conclusions ont estimé que les
phénomènes pathologiques sont plus importants dans la zone dite de
"transition proche du centre de la ville".
26
Recensement 1962, Population légale et statistiques communales
complémentaires, Institut National de la Statistique et des Études
Économiques, Paris, 1963.
27 P.
Gounod, « Une enquête par sondage sur les logements neufs. Novembre
1959 », Études statistiques, avril-juin 1960, pp.65-79; E.
Salembien, « Les conditions de logement des Français en 1961.
Premiers résultats d’une enquête auprès des ménages »,
Consommation, n°3, 1962.
28 Ils
sont publiés par Paul Clerc dans l’ouvrage Grands ensembles,
banlieues nouvelles, en 1967.
29 P.
George, « Présent et avenir des « grands ensembles ». Un appel à
l’étude (de la géographie humaine à la sociologie) », Cahiers
internationaux de sociologie, XXXV, 1963.
30
Ibid., p.34.
31 R.
Ledrut, « Sociabilité d’habitat et structure urbaine », Cahiers
internationaux de sociologie, XXXIV, 1963.
32 P.
George, op. cit.
33 R.
Kaës, Vivre dans les grands ensembles, Paris, Ed. ouvrières, 1963,
p.74.
34 Dès
le début des années 1960, les critiques assimilent ces habitations
à un "univers concentrationnaire" ou à des casernes (une
réminiscence des critiques faites par les socialistes au siècle
dernier sur les cités ouvrières).
35
Dictionnaire Le Petit Robert, édition 1993.
36 M.
Bernard, Sarcellopolis, Paris, Flammarion, 1964.
37 A.
Vulbeau, "De la sarcellite au malaise des banlieues : 30 ans de
pathologie des grands ensembles", Lumières de la ville, n°5,
juin 1992.
loin de la realitée que j ai connu dans les annees 58 et 57 on a payé tres chere notre deplacement de paris vers la cite de chatenay malabry
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