Laboratoire Urbanisme Insurrectionnel
USA 1960's | Urbanisme Underground | Architectures Alternatives
VIETNAM | Guerre Écologique
Lazar Khidekel | Architecture et Environnement
Préserver la nature au sol : une aéro-ville (1923)
Ah, encore, songeons nous à priori, un délire d’architecte sinon une utopie irréalisable. Et bien non : son projet de cité hors sol était parfaitement réalisable : techniquement ses constructions aériennes ne comportent aucune difficulté pour leur réalisation.
Mais ce projet nous intéresse particulièrement car en effet, l’idée maîtresse de l’architecte était de protéger le sol, de le laisser libre à la nature, dans une démarche que l’on qualifie de nos jours d’environnementaliste. Pour Khidekel, l'"interaction avec la nature environnante" devait être différente de l'approche adoptée par "les artistes du passé [qui] ne percevaient que l'aspect extérieur de la nature". Il soulignait que :
"avec la découverte des forces internes et cachées de la nature, une nouvelle civilisation supérieure est née, dans laquelle l'architecture de l'avenir doit être basée sur ses propres lois qui, au lieu de détruire le milieu naturel, entreront dans une relation bénéfique et spéciale avec la nature environnante".
Cette approche distingue les visions futuristes de Khidekel de celles de ses contemporains, qui envisageaient la victoire de la technologie sur la nature. Khidekel anticipe les approches modernes du changement environnemental et les développements des années 1950-1960. Bien avant les projets de villes aériennes de Yona Friedman, la New Babylon de Constant et le projet Clusters in the Air d'Isozaki, Khidekel imaginait un monde de gratte-ciel horizontaux qui, en apesanteur, semblaient flotter à l'infini à la surface de la terre, préservant au mieux, son milieu naturel.
TAHITI | Papeete
Les (rarissimes) études, rapports émanant des services concernés de Polynésie et des technocrates de la Métropole, s'accordent à estimer que la population [1] à Tahiti vivant sous le seuil de pauvreté s'élève à 25 % ; estimation indécente contestée par les observateurs de la chose qui affirment une réalité plus proche des 50 %, chiffre devant être augmenté par les effets dévastateurs de la pandémie, ayant en particulier ravagé les emplois associés aux activités touristiques, principales richesses des archipels.
Mais la pandémie ne peut expliquer une situation - dramatique - d'aussi grande pauvreté, elle l'exacerbe ; la Polynésie française est en effet dotée de dispositifs fiscaux spécifiques, ayant pour conséquence le renforcement des inégalités sociales : ici, au Paradis, les aides et protections sociales accordées aux plus vulnérables et indigents mais aussi aux salariés n'existent pas, les allocations chômage, de logement, le revenu de solidarité active, etc., ces formes d'assistanat promptes à ruiner le Pays et l'ardeur des travailleurs, dit-on. A l'inverse, l’absence d’impôt sur le revenu des personnes physiques, y compris aisées, et de frais de succession en cas d'héritage grèvent le budget du Pays, compensé par des taxes douanières et indirectes, qui elles pèsent très lourdement sur celui des ménages, en particulier des plus modestes.
D'autre part, les élites gouvernantes de Polynésie ne se sont pas privé, pendant des décennies, et dans une moindre mesure, aujourd'hui, à abuser de leurs pouvoirs afin de s'enrichir en puisant allègrement dans les aides financières offertes par les gouvernements de France, à les utiliser pour asseoir au mieux leur clientélisme, à régner. [2] Ainsi, selon Julien Gué [3], habitant à Tahiti, ancien journaliste de l'hebdomadaire Toere, interrogé en 2020 :
« Donc c'est cela la Polynésie, plus de la moitié de la population sous le seuil de pauvreté, c'est une élite locale qui détourne les fonds publics en toute impunité. Et rien n'est fait d'un point de vue sociale, sociétale, rien n'est fait pour l'avancée du pays.»Les incidences et conséquences urbaines et architecturales, et environnementales dans le Grand Papeete [4] sont à la mesure des inégalités sociales qui régissent le Pays : l'urbanisation rapide de l'agglomération dans les années 1960 s'est effectuée sans plan d'urbanisme d'ensemble, ou même communal, sinon des schémas prêtant à de multiples interprétations, sans contraintes architecturales, sinon celle de la hauteur des constructions ; une modernisation placée sous l'égide du laisser-faire, des dérogations, d'un laxisme des plus hautes autorités locale et de Paris, et sans aucun doute, de l'incompétence extravagante et notoire des administrateurs et ingénieurs, débarqués de la métropole, et n'ayant aucune connaissance de la société "indigène", qu'il s'agit de moderniser ; certes, malgré de temps à autres de grandes déclarations d'intention et, parfois, des tentatives devant ordonner les désordres, toutes vaines, ou bien sans grande portée face à la machine spéculative et celle technocratique.
MIKE DAVIS | Ecologie en temps de guerre
"La Seconde Guerre mondiale donna ainsi lieu à la plus grande expérience d’écologie populaire de l’histoire des États-Unis."
Écologie en temps de guerre. Quand les États-Unis luttaient contre le gaspillage des ressources
In la revue Mouvements 2008/2
Mike Davis nous a quitté ce 25 octobre 2022.
Aux États-Unis, les générations actuelles sont-elles équipées pour répondre au défi homérique que représente le réchauffement climatique ? Si les grands médias glosent à longueur de pages sur les « crédits de carbone », les « voitures hybrides » et l’« urbanisme intelligent », il n’en reste pas moins que notre empreinte écologique ne cesse d’augmenter. À titre d’exemple, la maison américaine typique est aujourd’hui 40 % plus grande qu’il y a vingt-cinq ans, alors même que la taille de chaque foyer s’est réduite. Dans le même temps, les mammouths du genre 4×4 (qui représentent 50 % des voitures particulières) ont envahi les autoroutes, tandis que la taille des surfaces commerciales par habitant – un moyen indirect, mais fiable, de mesurer l’augmentation de la consommation – a quadruplé.
2Autrement dit, nous sommes trop nombreux à parler d’écologie tout en conservant un mode de vie surdimensionné – donnant ainsi du grain à moudre aux conservateurs qui multiplient les tribunes fustigeant cyniquement les factures d’électricité d’Al Gore. Nous sommes désespérément drogués aux énergies fossiles, au shopping compulsif, à l’expansion suburbaine et au régime carnivore. Les Américains pourront-ils jamais renoncer volontairement à leurs 4×4, à leurs hamburgers, à leurs énormes manoirs de banlieue et à leurs sacro-saintes pelouses ?
3Surprise : la bonne nouvelle nous vient du passé. Dans les années 1940, les Américains combattaient simultanément le fascisme à l’étranger et le gaspillage chez eux. Mes parents, leurs voisins, et des millions d’autres Américains laissaient la voiture au garage pour se rendre au travail à vélo, retournaient leur pelouse pour planter des choux, recyclaient les tubes de dentifrice et l’huile de cuisson, prêtaient bénévolement leurs services aux crèches et aux centres de l’United Service Organization, offraient le gîte et le couvert à des inconnus, et s’efforçaient consciencieusement de réduire leur consommation et d’éviter le gaspillage inutile. La Seconde Guerre mondiale donna ainsi lieu à la plus grande expérience d’écologie populaire de l’histoire des États-Unis. Lessing Rosenwald, le directeur du Bureau pour la conservation des matériaux industriels, exhortait ses compatriotes « à passer d’une économie de gaspillage – et on connaît les habitudes de ce pays en matière de gaspillage – à une économie de préservation. » Une majorité de civils répondit à l’appel, certains à contrecœur, d’autres avec beaucoup avec enthousiasme.
Godard | La Gestapo des structures : l'Aménagement de la Région de PARIS
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Jean-Luc Godard filme La Courneuve en 1966 |
"Apprenez en silence deux ou trois choses que je sais d’elle.
Elle, la cruauté du néo-capitalisme.
Elle, la prostitution.
Elle, la région parisienne.
Elle, la salle de bains que n’ont pas 70% des Français.
Elle, la terrible loi des grands ensembles.
Elle, la physique de l’amour.
Elle, la vie d’aujourd’hui."
10 ANS !
« La critique radicale tant de la philosophie de la ville que de l’urbanisme idéologique est indispensable sur le plan théorique et sur le plan pratique. Et elle peut passer pour une opération de salubrité publique ».
Henri Lefebvre
IBIZA : Ile Paradis HIPPIE
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IBIZA 1968, image du film MORE
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Puis, comme Saint Tropez ou l’île de Capri, Ibiza a été sur l’itinéraire de la jet-set des années 1950, stars du cinéma, de la chansonnette et milliardaires, portés par leurs yachts jettent l’ancre ici, profitant de la relative tranquillité d’une île sauvage encore préservée du tourisme ; ont-ils influencés les premiers freaks à venir la visiter ? Nul ne le sait exactement, mais en ce milieu des années 1960, commence l'invasion hippie.
L'île littéralement colonisée par l'utopie immédiate et anti-autoritaire exigeant l'amour, la fraternité, l'esprit de la fête permanente, et au-delà "The Death of Money", devint mythique, et plus encore Formentera, la petite soeur d'Ibiza. C'est sur cette île minuscule, pauvre, aux terres désertiques et aux plages de rêve, habitée par deux mille habitants seulement, que s'exprimera au mieux la radicalité hippie dans son refus de participer à la société de consommation. Au-delà des clichés, la petite communauté hippie résidente à Ibiza et Formentera organisera entre 1967 et 1975, des structures tout à fait originales permettant à ses membres et à leurs enfants de vivre sinon en autarcie mais en marge du système et des institutions de l'Espagne qui, rappelons-le, était sous le contrôle de la dictature de Franco. Une dictature qui avait abandonné les îles Baléares à leur sort, pauvreté qui explique, en partie, les bonnes dispositions des Ibicencos à accepter l'arrivée de cette étrange population, très différente et insolente mais qui se révèle être bonne et fidèle cliente.
Plus tard, victime de son succès, Ibiza devint alors la proie du tourisme de masse mais orienté vers la folklorisation du mouvement hippie qui s'exprima par la commercialisation de ces valeurs : l'amour libre se métamorphosa en tourisme sexuel, l'esprit festif improvisé en boîtes de nuit et de jour gigantesques, les drogues en un commerce lucratif, les fantaisies vestimentaires remplacées par ceux des drag-queens, les écoles internationales destinées aux enfants et aux adolescents fermeront une à une, et les portes ouvertes au monde entier des vieilles masures retapées se transformeront en vastes demeures luxueuses fermées et sécurisées, pour certaines habitées par d'anciens hippies huppés ayant fait fortune...
Que reste-t-il de la grande communauté hippie ? Quelques marchés hippies pathétiques rappelant, avec tristesse, leur grande aventure aussi belle qu’éphémère, où les personnes ne se différenciaient pas par leurs classe ou origine sociales, mais à leur appartenance à un mouvement, une nébuleuse désirant une autre vie, et la construire.
Michel Foucault | Quadrillage spatial et Panoptisme

POLYNÉSIE | Habitat insalubre, Habitat précaire
POLYNÉSIE
Habitat Précaire - Habitat Insalubre
Chine Maoïste | Une Dictature Ecolo ?
« Des cités rurales et des villages urbains. »
Certes, en aucune manière, les dirigeants révolutionnaires maoïstes ne se préoccupèrent d’écologie et d’environnement. Et au contraire, les premières années de la République Populaire de Chine auront donné lieu dans le secteur de l’agriculture à des expérimentations suivies d’insensés programmes parfaitement catastrophiques pour l’environnement et le Peuple chinois ; la Chine maoïste n’échappa pas au modèle d’un productivisme exacerbé, même restreint et limité, et Mao Zedong et ses partisans ont adopté le modèle stalinien, d’une nature devant être soumise et transformée aux impératifs productifs. Nous y reviendrons.
Mais au-delà, Mao, plus qu’aucun autre dirigeant planétaire de l’ère moderne se sera fait l’apôtre du désurbanisme, et à sa mort en 1976, la Chine présentait toutes les caractéristiques, dans les domaines de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, d'un pays ayant réussi un développement équilibré du territoire ; « équilibré » ? Un sociologue comprendra sans doute qui assure à tous les ménages des niveaux de vie semblables ; pour les géographes, il s’agit plutôt d'une répartition de la population et des activités aussi également que possible sur tout le territoire. En Chine maoïste, cette définition se réfère explicitement à la pensée – plus que théorie – de Marx et Engels concernant l’opposition ville-campagne ; et Mao Zedong bâtira ses programmes politiques selon une doctrine anti-urbaine ruralophile oscillant selon les événements et les époques entre idéologie et utopie, entre incitation, invitation et despotisme.
SILENT WORLD | Lucie & Simon
This Is Not an Atlas
This Is Not an Atlas gathers more than 40 counter-cartographies from all over the world. This collection shows how maps are created and transformed as a part of political struggle, for critical research or in art and education: from indigenous territories in the Amazon to the anti-eviction movement in San Francisco; from defending commons in Mexico to mapping refugee camps with balloons in Lebanon; from slums in Nairobi to squats in Berlin; from supporting communities in the Philippines to reporting sexual harassment in Cairo. This Is Not an Atlas seeks to inspire, to document the underrepresented, and to be a useful companion when becoming a counter-cartographer yourself.
AMSTERDAM en LUTTES
...faute de résistance, les quartiers centraux d’Amsterdam, là où la résistance est née, encerclant le vieux centre historique, sont à présent embourgeoisés ou en passe de l’être totalement, les plus pittoresques sont à la merci et sous la pression d’un tourisme de masse tout aussi destructeur que pouvaient l’être jadis les bulldozers (avec ses conséquences sur la mutation du commerce, la pression hôtelière sur le logement, maisons de ville transformées en Bed & Breakfast, programmes d’hôtel des investisseurs, exacerbé par les offres d’Airbnb, saturation des espaces publics et nuisances dues à la surconsommation des lieux, etc.), tandis que les plus grands squats de jadis, dont les anciennes friches portuaires squattées, là où soufflait le vent libertaire, ont été évacués pour faire place, souvent, à des équipements ludico-touristiques, ou touristico-artistiques, aux côtés de nouveaux sièges sociaux de multinationales, objets spectaculaires tentant de capturer l'attention mondiale, symbolisant la nouvelle IAMsterdam. C'est-à-dire l'embourgeoisement de la ville et la grande pénurie de logement abordable, la destruction littérale du parc de logements sociaux mis en vente, la spéculation forcenée et la hausse véritablement vertigineuse de l’immobilier, les privatisations à outrance des services publics, les programmes d'éviction des indésirables, marginaux, délinquants et squatters, entre autres abominations urbaines ; tout ceci ne suscite aucune réaction d’opposition telle qu’elle s’exprimait jadis : la police, sans doute elle aussi nostalgique, n’a plus aucune tête subversive sur laquelle abattre sa matraque ; la contestation n’est même pas muselée, elle n’existe plus, sauf parfois, en réaction contre une nouvelle loi par trop libérale (notamment celle concernant l’université), à l’occasion d’un mouvement des mouvements, tel Occupy, mais sans lendemain sérieux, lutte inorganisée et inorganique. Certes, la pratique du squat perdure, tant bien que mal après la loi de 2010 l’interdisant et la pénalisant, mais comme la contestation, elle tient plus de l’anecdote marginale individualiste que du grand discours libertaire collectif, occupe illégalement l’espace artistique plutôt que l’espace social.
PEROU | DICTATURE & ARCHITECTURE SOCIALISTES | 1968 - 1975
JOHN TURNER au PEROU
société,
il n’y a que des
individus.
Margaret Thatcher
Premier ministre,
Royaume britannique
Au Pérou, la politique des gouvernements démocratiques et des dictatures militaires qui se succèdent entre l’après seconde guerre mondiale et la révolution socialiste de 1968, pour ce qui concerne l’habitat social, peut être résumée simplement : laisser libre cours à la puissance et au marché privés, privilégier le propriétarisme «populaire» au détriment de l’habitat locatif. Confrontés à un déficit spectaculaire de logements, les millions de péruviens mal-logés et sans logis n’eurent guère d’autre choix, que d’entrer dans l’illégalité : pour échapper aux dangereux taudis urbains, infectés de maladies mortelles, des groupes solidaires parfois de plusieurs centaines de personnes déterminées, se constituèrent pour squatter des terres libres, et y bâtir leurs baraques, avec l’espoir d’obtenir une régularisation, et cela acquis, de réaliser leur rêve : construire une vraie maison. Généralement, le président, ou le dictateur y consentait, prouvant ainsi ses nobles intentions à l’égard de ses administrés-électeurs. De là est né ce que l’on nomme l’urbanisation populaire, l’urbanizacion de tipo popular [1], programme porté par le gouvernement ultra-libéral de Manuel Prado, basé sur les expériences de site and service et de self-help housing de l’après guerre, et adapté au contexte péruvien par de jeunes architectes et sociologues. C’est dans ce contexte que débarque le jeune architecte britannique déclaré anarchiste, John F.C. Turner, invité à venir travailler au Pérou.
Après plusieurs années d’expériences il devint l’apôtre de l’habitat informel, le Don Quichotte des immeubles d’habitations modernes, orthonormés, inhumains, représentant un gaspillage gigantesque en efforts humain et financier, et le partisan convaincu de la participation populaire. Pour l’architecte en reprenant les mots du sociologue et ami William Mangin, le bidonville était moins le problème, que la solution, tout du moins si l’on s’occupait de l’« organiser » en « Slum of Hope », les bidonvilles - en réalité - de l’espoir, construits et gérés par et pour ses communautés d’habitants sans qu’interviennent de manière - trop - autoritaire, l’Etat. Ce n’est plus l’architecture qui est au centre de ses préoccupations mais bien l’homme, ou plus exactement la collectivité d’individus, et il tentera de résoudre la difficile équation d’accorder les principes anarcho-libertaires qu’il défend, aux exigences légitimes des pobladores, au marché de la construction, et dans une moindre mesure, en l’occurence, à l’autoritarisme de l’Etat.
APARTHEID | TOWNSHIPS & HOMELANDS
En réponse au péril noir, la dictature pseudo-démocratique devait assurer à chaque instant et dans chaque lieu, même le plus reculé du pays, une sécurité totale, un risque zéro, pour les populations d’origine européenne et leurs alliés Africains. L’aménagement du territoire, l’urbanisme et l’architecture ont ainsi été mis à contribution pour assurer cet enjeu premier, de sécuriser et de défendre le territoire, dans le cadre d’un apartheid social engineering s’appuyant sur un appareil et une stratégie militaires intervenant dans la vie quotidienne de chaque citoyen de la société civile.
ARGENTINE | Piqueteros
Pueblada de Cutral Co. 26 de junio de 1996.
"On peut penser qu’il n’est pas juste de couper la route aux autres citoyens, mais on rétorquera que ce n’est guère plus juste de ne pas pouvoir vivre dignement de son travail."
Mouvement Gilet Jaune en France d'aujourd'hui, hier, Movimiento Piquetero en Argentine : on ne peut évidemment pas comparer ces deux mouvements, tant les différences structurelles - historique, sociale, politique, économique, etc., divergent. Cela étant, quelques points communs émergent : dont le modus operandi, bloquer les routes, agir hors partis politiques au sein d'organisations de "ceux qui restent exclus des canaux traditionnels de la mobilisation collective" et leurs relations avec les différentes classes sociales de leurs pays, entre approbation et rejet. Denis Merklen, spécialiste de l'Argentine, nous éclaire.
Une nouvelle politicité pour les classes populaires
Les piqueteros en Argentine
Denis Merklen
TUMULTES, numéro 27, 2006
Octobre 2000, deux fédérations regroupant de petites organisations populaires, essentiellement des associations de quartier de la banlieue de Buenos Aires, coupent pendant un mois la route n° 3, principale artère alimentant la métropole par l’Ouest. Initié cinq ans plus tôt par des barrages de routes dans des villes de province secouées par la fermeture d’usines pétrolières, le mouvement des piqueteros consolide ainsi sa présence dans le paysage politique national avec son arrivée dans la capitale. Un nouveau mouvement de protestation, de résistance et de mobilisation sociale émerge. L’Argentine inaugure son XXIe siècle. Après la fin des dictatures dans les années quatre-vingt, et vingt-cinq années de réformes brutales de l’économie et de l’Etat, les foules réagissent. Les piqueteros demandent davantage d’aide sociale et contestent les effets les plus dévastateurs de la mise en oeuvre des politiques néolibérales orientées par ce qu’on appelle le « consensus de Washington [1] ».
USINES en VILLES
" Il est maintenant temps de décider s’il faut poursuivre la tendance à expulser l’industrie urbaine de la ville ou de la réintégrer dans l’économie locale."
Cette étude réalisée par le Cities of Making project team nous interroge à double titre ; d’une part sur le rôle et la place de l’industrie en milieu urbain (à Bruxelles, Londres et Rotterdam), et d’autre part sur l’état de la pensée urbaine en France, de l’intelligentsia, qui d’une manière générale se désintéresse prodigieusement de cette question politique, écologique et sociale, pourtant cruciale...
L’étude est en anglais, téléchargeable ici :
https://www.thersa.org/globalassets/pdfs/reports/cities-of-making-lo-res.pdf
Le site :
http://citiesofmaking.com/project/
Introduction en français :
‘Urban manufacturing’
MARSEILLE | Holger Trülzsch
Jean-Paul de Gaudemar, de la Datar, exprimait son point de vue sur la photographie de la porte d'Aix en chantier et plus largement sur l'urbanisation alors en cours à Marseille (extrait) [2] :
" Pour qui connaît Marseille, l'image est saisissante et porte sur l'un des points les plus névralgiques et les plus symboliques de la ville. A gauche, cette sorte d'arc de triomphe, c'est la porte d'Aix où surgit brutalement une autoroute, pénétrant jusqu'au coeur de la ville. Au-delà de cette porte commencent en somme la Provence et les Alpes puisque c'est la principale sortie de Marseille vers le nord. Au fond à gauche, on devine les "barres" des années 1960 construites à la va-vite pour accueillir les milliers de rapatriés d'Afrique du Nord qui se bousculaient sur le port.
A droite, au premier plan, un vieux quartier insalubre longe la rue d'Aix, une sorte de "Barbès" marseillais, depuis longtemps abcès de fixation du débat sur l'immigration maghrébine. Et ce réverbère moderne au premier plan laisse deviner que devant l'image s'est posé Trülzsch, la rénovation est déjà faite. Exact : là est maintenant le nouveau siège du conseil régional, symboliquement situé au centre névralgique de la ville, sur cette butte des Carmes qui fut si souvent dans l'histoire un des bastions ultimes de résistance, mais aussi à la porte de la ville vers le nord, c'est-à-dire le reste de la région non maritime.
Cette rénovation en marche donne le sentiment de contempler une ville qui vient d'être bombardée, une ville usée, fatiguée, au bout du rouleau, comme laminée par son propre territoire.
MARSEILLE | Gated Communities
Marseille | Résidence privée Roucas Blanc |
Fermeture résidentielle et politiques urbaines : le cas marseillais