Paris 1871
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La stratégie insurrectionnaliste blanquiste.
La
forme la plus achevée de cette stratégie est la stratégie
blanquiste, théorisée dans Instructions pour une prise d’armes.
Un petit groupe de conspirateurs armés (entre 500 et 800
dans le cas du coup de force du 12 mai 1839) frappe lorsqu’il
croit le peuple subjectivement prêt à l’insurrection agissant à
la place du prolétariat inorganisé : ils s’emparent des
armureries et distribuent
les armes, frappent à la tête le pouvoir politique et les forces
répressives (attaque de la Préfecture de police), produisent un
plan systématique des barricades et organisent les masses ralliées
à l’insurrection. Au niveau tactique, Blanqui faisait grand fonds
de la tactique des barricades justement critiquées par Engels. La
tactique passive des barricades, suivie par le prolétariat
révolutionnaire jusqu’en 1848, et avait pour seule chance de
victoire un refus d’obéissance massif des soldats de l’armée
bourgeoise, voire leur passage au camp de l’insurrection.
T.
Derbent *
Auguste
Blanqui
Instructions
pour une prise d'armes
1866
Ce
programme est purement militaire et laisse entièrement de côté la
question politique et sociale, dont ce n'est point ici la place : il
va sans dire d'ailleurs, que la révolution doit se faire au profit
du travail contre la tyrannie du capital, et reconstituer la société
sur la base de la justice.
Une
insurrection parisienne, d'après les vieux errements, n'a plus
aujourd'hui aucune chance de succès.En
1830, le seul élan populaire a pu suffire à jeter bas un pouvoir
surpris et terrifié par une prise d'armes, événement inouï, qui
était à mille lieux de ses prévisions.
Cela
était bon une fois. La leçon a profité au gouvernement, resté
monarchique et contre-révolutionnaire, bien que sorti d'une
Révolution. Il s'est mis à étudier la guerre des rues, et il y a
repris bientôt la supériorité naturelle de l'art et de la
discipline sur l'inexpérience et la confusion.
Cependant,
dira-t-on, le peuple en 1848, a vaincu par la méthode de 1830. Soit.
Mais point d'illusions ! La victoire de février n'est qu'un raccroc.
Si Louis-Philippe s'était sérieusement défendu, force serait
restée aux uniformes.
A
preuve les journées de juin. C'est là qu'on a pu voir combien est
funeste la tactique, ou plutôt l'absence de tactique de
l'insurrection. Jamais elle n'avait eu la partie aussi belle : dix
chances contre une.
D'un
côté, le Gouvernement en pleine anarchie, les troupes demoralisées
: de l'autre, tous les travailleurs debout et presque certains du
succès. Comment ont-ils succombé ? Par défaut d'organisation. Pour
se rendre compte de leur défaite, il suffit d'analyser leur
stratégie.
Le
soulèvement éclate. Aussitôt, dans les quartiers du travail, les
barricades s'élèvent ça et là, à l'aventure, sur une multitude
de points.
Cinq,
dix, vingt, trente, cinquante hommes, réunis par hasard, la plupart
sans armes, commencent à renverser des voitures, lèvent et
entassent des pavés pour barrer la voie publique, tantôt au milieu
des rues, plus souvent à leur intersection. Quantité de ces
barrages seraient à peine un obstacle au passage de la cavalerie.
Parfois,
après une grossière ébauche de retranchement, les constructeurs
s'éloignent pour aller à la recherche de fusils et de munitions.
En
juin, on a compté plus de six cents barricades, une trentaine au
plus ont fait à elles seules tous les frais de la bataille. Les
autres, dix-neuf sur vingt, n'ont pas brûlé une amorce. De là, ces
glorieux bulletins qui racontaient avec fracas l'enlèvement de
cinquante barricades, où il ne se trouvait pas une âme.
Tandis
qu'on dépave ainsi les rues, d'autres petites bandes vont désarmer
les corps de garde ou saisir la poudre et les armes chez les
arquebusiers. Tout cela se fait, sans concert ni direction, au gré
de la fantaisie individuelle.
Peu
à peu, cependant, un certain nombre de barricades, plus hautes, plus
fortes, mieux construites, attirent de préférence les défenseurs
qui s'y concentrent. Ce n'est point le calcul, mais le hasard qui
détermine l'emplacement de ces fortifications principales.
Quelques-unes seulement, par une sorte d'inspiration militaire assez
concevable, occupent les grands débouchés.
Durant
cette première période de l'insurrection, les troupes, de leur
côté, se sont réunies. Les généraux reçoivent et étudient les
rapports de police. Ils se gardent bien d'aventurer leurs
détachements sans données certaines, au risque d'un échec qui
démoraliserait le soldat. Dès qu'ils connaissent bien les positions
des insurgés, ils massent les régiments sur divers points qui
constitueront désormais la base des opérations.
Les
armées sont en présence. Voyons leurs manoeuvres. Ici va se montrer
à nu le vice de la tactique populaire, cause certaine des désastres.
Point
de direction ni de commandement général, pas même de concert entre
les combattants. Chaque barricade a son groupe particulier, plus ou
moins nombreux, mais toujours isolé. Qu'il compte dix ou cent
hommes, il n'entretient aucune communication avec les autres postes.
Souvent il n'y a pas même un chef pour diriger la défense, et s'il
y en a, son influence est à peu près nulle. Les soldats n'en font
qu'à leur tête. Ils restent, ils partent, ils reviennent, suivant
leur bon plaisir. Le soir, ils vont se coucher.
Par
suite de ces allées et venues continuelles, on voit le nombre des
citoyens présents varier rapidement, du tiers, de moitié,
quelquefois des trois quarts. Personne ne peut compter sur personne.
De là défiance du succès et découragement.
De
ce qui se passe ailleurs on ne sait rien et on ne s'embarrasse pas
davantage. Les canards circulent, tantôt noirs, tantôt roses. On
écoute paisiblement le canon et la fusillade, en buvant sur le
comptoir du marchand de vins. Quant à porter secours aux positions
assaillies, on n'en a pas même l'idée. « Que chacun défende son
poste, et tout ira bien », disent les plus solides. Ce singulier
raisonnement tient à ce que la plupart des insurgés se battent dans
leur propre quartier, faute capitale qui a des conséquences
désastreuses, notamment les dénonciations des voisins, après la
défaite.
Car,
avec un pareil système, la défaite ne peut manquer. Elle arrive à
la fin dans la personne de deux ou trois régiments qui tombent sur
la barricade et en écrasent les quelques défenseurs. Toute la
bataille n'est que la répétition monotone de cette manoeuvre
invariable. Tandis que les insurgés fument leur pipe derrière les
tas de pavés, l'ennemi porte successivement toutes ses forces sur un
point, puis sur un second, un troisième, un quatrième, et il
extermine ainsi en détail l'insurrection.
Le
populaire n'a garde de contrarier cette commode besogne. Chaque
groupe attend philosophiquement son tour et ne s'aviserait pas de
courir à l'aide du voisin en danger. Non « il défend son poste, il
ne peut pas abandonner son poste.»
Et
voilà comme on périt par l'absurde !
Lorsque,
grâce à une si lourde faute, la grande révolte Parisienne de 1848
a été brisée comme verre par le plus pitoyable des gouvernements,
quelle catastrophe n'aurait-on pas à redouter, si on recommençait
la même sottise devant un militarisme farouche, qui a maintenant à
son service les récentes conquêtes de la science et de l'art, les
chemins de fer, le télégraphe électrique, les canons rayés, le
fusil Chassepot ?
Par
exemple, ce qu'il ne faut pas compter comme un des nouveaux avantages
de l'ennemi, ce sont les voies stratégiques qui sillonnent
maintenant la ville dans tous les sens. On les craint, on a tort. Il
n'y a pas à s'en inquiéter. Loin d'avoir créé un danger de plus à
l'insurrection, comme on se l'imagine, elles offrent au contraire un
mélange d'inconvénients et d'avantages pour les deux partis. Si la
troupe y circule avec plus d'aisance, par contre elle y est exposée
fort à découvert.
De
telles rues sont impraticables sous la fusillade. En outre, les
balcons, bastions en miniature, fournissent des feux de flanc que ne
comportent point les fenêtres ordinaires. Enfin, ces longues avenues
en ligne droite méritent parfaitement le nom de boulevards qu'on
leur a donné. Ce sont en effet de véritables boulevards qui
constituent des fronts naturels d'une très grande force.
L'arme
par excellence dans la guerre des rues, c'est le fusil. Le canon fait
plus de bruit que de besogne. L'artillerie ne pourrait agir
sérieusement que par l'incendie. Mais une telle atrocité, employée
en grand et comme système, tournerait bientôt contre ses auteurs et
ferait leur perte.
La
grenade, qu'on a pris la mauvaise habitude d'appeler bombe, est un
moyen secondaire, sujet d'ailleurs à une foule d'inconvénients;
elle consomme beaucoup de poudre pour peu d'effet, est d'un maniement
très dangereux, n'a aucune portée et ne peut agir que des fenêtres.
Les pavés font presque autant de mal et ne coûtent pas si cher. Les
ouvriers n'ont pas d'argent à perdre.
Pour
l'intérieur des maisons, le revolver et l'arme blanche, baïonnette,
épée, sabre et poignard. Dans un abordage la pique ou la pertuisane
de huit pieds triompherait de la baïonnette.
L'armée
n'a sur le peuple que deux grands avantages, le fusil Chassepot et
l'organisation. Ce dernier surtout est immense, irrésistible.
Heureusement on peut le lui ôter, et dans ce cas, l'ascendant passe
du côté de l'insurrection.
Dans
les luttes civiles, les soldats sauf de rares exceptions, ne marchent
qu'avec répugnance, par contrainte et par eau-de-vie. Ils voudraient
bien être ailleurs et regardent plus volontiers derrière que devant
eux. Mais une main de fer les retient esclaves et victimes d'une
discipline impitoyable ; sans affection pour le pouvoir, ils
n'obéissent qu'à la crainte et sont incapables de la moindre
initiative. Un détachement coupé est un détachement perdu. Les
chefs ne l'ignorent pas, s'inquiètent avant tout de maintenir les
communications entre tous leurs corps. Cette nécessité annule une
partie de leur effectif.
Dans
les rangs populaires, rien de semblable. Là on se bat pour une idée.
Là on ne trouve que des volontaires, et leur mobile est
l'enthousiasme, non la peur. Supérieurs à l'adversaire par le
dévouement, ils le sont bien plus encore par l'intelligence. Ils
l'emportent sur lui dans l'ordre moral et même physique, par la
conviction, la vigueur, la fertilité des ressources, la vivacité de
corps et d'esprit, ils ont la tête et le coeur. Nulle troupe au
monde n'égale ces hommes d'élite.
Que
leur manque-t-il donc pour vaincre ? Il leur manque l'unité et
l'ensemble qui fécondent, en les faisant concourir au même but,
toutes ces qualités que l'isolement frappe d'impuissance. Il leur
manque l'organisation. Sans elle, aucune chance. L'organisation,
c'est la victoire; l'éparpillement, c'est la mort.
Juin
1848 a mis cette vérité hors de conteste. Que serait-ce donc
aujourd'hui ? Avec les vieux procédés, le peuple tout entier
succomberait si la troupe voulait tenir, et elle tiendra tant qu'elle
ne verra devant elle que des forces irrégulières, sans direction.
Au contraire, l'aspect d'une armée parisienne en bon ordre
manoeuvrant selon les règles de la tactique frappera les soldats de
stupeur et fera tomber leur résistance.
Une
organisation militaire, surtout quand il faut l'improviser sur le
champ de bataille, n'est pas une petite affaire pour notre parti.
Elle suppose un commandement en chef et, jusqu'à un certain point,
la série habituelle des officiers de tous grades. Où prendre ce
personnel ? Les bourgeois révolutionnaires et socialistes sont rares
et le peu qu'il y en a ne fait que la guerre de plume. Ces messieurs
s'imaginent bouleverser le monde avec leurs livres et leurs journaux,
et depuis seize ans ils barbouillent du papier à perte de vue, sans
se fatiguer de leurs déboires, ils souffrent avec une patience
chevaline le mors, la selle, la cravache, et ne lâcheraient pas une
ruade. Fi donc ! Rendre les coups ! C'est bon pour des goujats.
Ces
héros de l'écritoire professent pour l'épée le même dédain que
l'épauletier pour leurs tartines. Ils ne semblent pas se douter que
la force est la seule garantie de la liberté, qu'un pays est esclave
où les citoyens ignorent le métier des armes et en abandonnent le
privilège à une caste ou a une corporation.
Dans
les républiques de l'antiquité, chez les Grecs et les Romains, tout
le monde savait et pratiquait l'art de la guerre. Le militaire de
profession était une espèce inconnue. Cicéron était général,
César avocat. En quittant la toge pour l'uniforme, le premier venu
se trouvait colonel ou capitaine et ferré à glace sur l'article.
Tant qu'il n'en sera pas de même en France, nous resterons les
Pékins taillés à merci par les traîneurs de sabre.
Des
milliers de jeunes gens instruits, ouvriers et bourgeois, frémissent
sous un joug abhorré. Pour le briser, songent-ils à prendre l'épée
? Non ! la plume, toujours la plume, rien que la plume. Pourquoi donc
pas l'une et l'autre, comme l'exige le devoir d'un Républicain ? En
temps de tyrannie, écrire est bien, combattre est mieux, quand la
plume esclave demeure impuissante. Eh bien ! point ! On fait un
journal, on va en prison, et nul ne songe à ouvrir un livre de
manoeuvres, pour y apprendre en vingt-quatre heures le métier qui
fait toute la force de nos oppresseurs, et qui nous mettrait dans la
main notre revanche et leur châtiment.
Mais
à quoi bon ces plaintes ? C'est la sotte habitude de notre temps de
se lamenter au lieu de réagir. La mode est aux jérémiades. Jérémie
pose dans toutes les attitudes, il pleure, flagelle, il dogmatise, il
régente, il tonne, fléau lui-même entre tous les fléaux. Laissons
ces bobèches de l'élégie, fossoyeurs de la liberté ! Le devoir
d'un révolutionnaire, c'est la lutte toujours, la lutte quand même,
la lutte jusqu'à extinction.
Les
cadres manquent pour former une armée ? Eh bien ! Il faut en
improviser sur le terrain même, pendant l'action. Le peuple de Paris
fournira les éléments, anciens soldats, ex-gardes nationaux. Leur
rareté obligera de réduire à un minimum le chiffre des officiers
et sous-officiers. Il n'importe. Le zèle, l'ardeur, l'intelligence
des volontaires, compenseront ce déficit.
L'essentiel,
c'est de s'organiser. Plus de ces soulèvements tumultueux, à dix
mille têtes isolées, agissant au hasard, en désordre, sans nulle
pensée d'ensemble, chacun dans son coin et selon sa fantaisie ! Plus
de ces barricades à tort et à travers, qui gaspillent le temps,
encombrent les rues, et entravent la circulation, nécessaire à un
parti comme à l'autre. Le Républicain doit avoir la liberté de ses
mouvements aussi bien que les troupes.
Point
de courses inutiles, de tohu-bohu, de clameurs ! Les minutes et les
pas sont également précieux. Surtout ne pas se claquemurer dans son
quartier ainsi que les insurgés n'ont jamais manqué de le faire, à
leur grande dommage. Cette manie, après avoir causé la défaite, a
facilité les proscriptions. Il faut s'en guérir, sous peine de
catastrophe.
Ces
préliminaires posés, indiquons le mode d'organisation.
L'unité
principale est le bataillon. Il se compose de huit compagnies ou
pelotons.
Chaque
compagnie compte un lieutenant, quatre sergents, cinquantesix
soldats; en tout soixante et un hommes.
Deux
compagnies forment une division commandée par un capitaine. Le
bataillon présente par conséquent treize officiers, savoir: un
commandant, quatre capitaines, huit lieutenants, plus 32 sergents,
448 soldats et le porte-drapeau, total: 494 hommes. Les tambours sont
en sus, si on en trouve.
La
rareté prévue de l'élément qui forme les cadres, oblige de
supprimer dans chaque compagnie deux officiers, le capitaine et le
sous-lieutenant, deux sous-officiers, le sergent-major et le
fourrier, enfin les huit caporaux. L'état-major de la compagnie se
trouve ainsi réduit de seize à cinq individus. Il est vrai qu'elle
est moins nombreuse que dans l'armée, où elle compte 90 hommes sur
pied de guerre. Proportion gardée, c'est une différence
d'état-major de cinq à onze.
Le
chiffre de la compagnie est faible, afin de faciliter les manoeuvres
tant du peloton que du bataillon.
Le
capitaine, au lieu de commander un peloton comme dans la troupe, en
commande deux, c'est-à-dire une division. Cependant les manoeuvres
par division n'auront presque jamais lieu. A peu près impraticables
dans Paris, elles ne peuvent servir qu'à plier le bataillon en masse
Par divisions, sur une place ou une grande voie. Mais il importe de
donner un chef spécial à la division, soit qu'elle occupe une, deux
ou quatre barricades. Dans le premier cas, la barricade est
importante par le nombre de ses défenseurs. Dans les deux autres, il
est essentiel de ne pas laisser dans une direction supérieure les
deux ou quatre petits postes.
Organisation
du peloton.
Le
peloton se divise en deux sections, chacune de 28 soldats et de deux
sous-officiers.
La
section se subdivise en deux demi-sections, chacune de 14 soldats et
un sous-officier.
Place
des officiers et sous-officiers dans le peloton en bataille.
Le
lieutenant à la droite de son peloton, au premier rang.
Le
premier sergent derrière le lieutenant, au second rang.Le deuxième sergent, à la gauche de la section de droite, au premier rang.
Le
troisième sergent, derrière le deuxième, à la droite de la
section de gauche, au second rang.
Le
quatrième sergent, à la gauche de la section de gauche et du
peloton, au premier rang.
Des
guides.
Le
premier sergent est guide de droit du peloton et de la section de
droite. Il est guide de droite et de gauche de la première
demi-section de droite. Le
deuxième sergent est guide de gauche de la section de droite. Il est
guide de droite et de gauche de la seconde demi-section de droite. Il
est porte-fanion du peloton. Le
troisième sergent est guide de droite de la section de gauche. Il
est guide de droite et de gauche de la première demi-section de
gauche. Le
quatrième sergent est guide de gauche du peloton et de la section de
gauche. Il est guide de droite et de gauche de la seconde
demi-section de gauche.
Placer
les officiers et sous-officiers, quand le bataillon est en colonne,
la droite ou la gauche en tête.
1°
En colonne, par pelotons, le lieutenant se tient à droite du
peloton. Le premier, deuxième et quatrième sergents, au premier
rang, le troisième au second rang, derrière le deuxième ;
2°
En colonne par sections, le lieutenant se tient à droite de la
section de tête. Les quatre sergents à droite et à gauche de leurs
sections respectives au premier rang ;
3°
En colonne par demi-sections le lieutenant se tient à la droite de
la demi-section de tête. Les quatre sergents, étant guides de
droite et de gauche de leurs demi-sections, sont tantôt à droite,
tantôt à gauche, selon le commandement, toujours au premier rang.
Les
deux sergents qui se trouvent aux extrémités du bataillon en
bataille, en sont guides de droite et de gauche et se tiennent au
premier rang. Le lieutenant du peloton de droite, s'écarte à
droite, pour faire place au guide.
Place
des capitaines, en bataille et en colonne :
Le
bataillon étant en bataille, les capitaines se tiennent à quelques
pas en arrière du centre de leurs divisions respectives. Le
bataillon étant en colonne, chaque capitaine se tient sur le flanc
gauche de sa division.
Le
chef de bataillon n'a point de place fixe.
Nota.
- Les quatre sous-officiers restent constamment dans les rangs qu'ils
encadrent. Ils ne sont jamais en serre-file comme dans la troupe. Les
ouvriers Parisiens, volontaires au service de la liberté, n'ont pas
besoin de sergents pousseculs.
Place
du porte-drapeau, en bataille et en colonne
1°
en bataille, le porte-drapeau est à la gauche du quatrième peloton,
au premier rang ;
2°
en colonne, par divisions, le porte-drapeau est au centre, à égale
distance entre la seconde et la troisième divisions ;
3°
en colonne, par pelotons, le porte-drapeau est à gauche, dans
l'alignement des guides, à égale distance entre le quatrième et le
cinquième peloton ;
4°
en colonne par sections, ou par demi-sections, le porte-drapeau est
au centre, à. égale distance entre le quatrième et le cinquième
peloton.
Le
drapeau est rouge, - chaque compagnie a son fanion ou guidon de
couleur particulière :
1°
peloton-fanion rouge ;
2°
peloton-fanion violet;3° peloton-fanion verd (sic);
4°
peloton-fanion jaune;
5°
peloton-fanion bleu;
6°
peloton-fanion rose;
7°
peloton-fanion orange;
8°
peloton-fanion noir.
Les
officiers et sous-officiers porteront, comme insignes, un ruban de
couleur du guidon de leur compagnie, les lieutenants au bras gauche,
entre l'épaule et le coude, les sergents au poignet gauche. Le ruban
de la 8e compagnie sera noir à double lisere rouge. Les
capitaines porteront entre l'épaule et le coude un ruban de la
couleur de chacune des deux compagnies formant leur division, au bras
droit du peloton impair, au bras gauche celui du peloton pair. Le
ruban noir du 4e capitaine aura double liseré rouge. Le
chef de bataillon porte au bras gauche, entre l'épaule et le coude,
un large ruban rouge, à frange pendante. Le
numéro de chaque bataillon sera inscrit au haut de la hampe du
fanion de ses huit compagnies. Les
diverses couleurs tant des fanions que des officiers et
sous-officiers, ont pour but de faire reconnaître a première vue
dans la mêlée les différentes compagnies et d'opérer un prompt
ralliement. Chaque
homme occupant deux pieds dans le rang, la demi-section a cinq mètres
de front, la section dix, le peloton, vingt, la division, quarante,
le bataillon, cent soixante.
Il
faut toujours manoeuvrer avec 70 ou 75 centimètres de distance entre
les deux rangs, afin que le second rang ne soit pas obligé
d'emboîter le pas, chose très incommode pour des novices. Si on
doit faire feu, le deuxième rang serre le premier, afin de passer
les fusils entre les têtes des hommes du premier rang.
Des
manoeuvres.
Tous
les officiers doivent connaître parfaitement l'école de peloton et
l'école de bataillon. Pour savoir le moins, il est bon de savoir le
plus. Néanmoins, il est évident qu'il n'y aura lieu d'employer
qu'un petit nombre des mouvements décrits dans l'une et l'autre
école. Il est donc essentiel d'étudier ceux-là de préférence.
Ils ont surtout pour but de régulariser la formation en bataille.
Voici les principaux :
1°
Le bataillon étant en bataille rompre à droite ou à gauche soit
par pelotons, soit par sections, soit par demi-sections ;
2°
Le bataillon étant en bataille, rompre en arrière à droite ou à
gauche, soit par pelotons, soit par sections, soit par demi-sections. Nota-bene.
- Dans ce dernier mouvement, faire par le flanc sans dédoubler. - Du
reste, l'autre manière de rompre est préférable ;
3°
Le bataillon marchant en colonne par pelotons, rompre les pelotons;
4°
Le bataillon marchant en colonne par sections, rompre les sections. Nota-bene.
- Ces deux derniers mouvements doivent s'exécuter au pas de
gymnastique, afin de ne pas perdre de temps ni de terrain;
5°
Le bataillon marchant en colonne par demi-sections, former les
sections;
6°
Le bataillon marchant en colonne par sections, former les pelotons. Nota-bene.
- Les pelotons ayant vingt mètres de front, le bataillon ne pourra
marcher en colonne par pelotons que sur les plus larges chaussées.
La marche la plus habituelle sera en colonne par sections qui
n'occupe que onze de front. On rompra les sections, avant d'entrer
dans une rue ayant moins de douze mètres de large;
7°
Le bataillon marchant en colonne par pelotons, ou par sections, ou
par demi-sections, le former à droite ou à gauche en bataille.Nota-bene.
- Cette formation en bataille étant la plus prompte, est la
meilleure. Mais elle présente des difficultés. On ne peut former
régulièrement la colonne à droite ou à gauche en bataille, que si
les pelotons, ou les sections ou les demi-sections ont exactement
conservé leurs distances, c'est-à-dire si la distance qui les
sépare est égale à leur front. Si elle est plus grande, il reste
des vides dans le bataillon formé en bataille. Si, au contraire, la
distance est moindre que le front, les fractions du bataillon, en
arrivant à l'alignement, se heurtent et s'entassent les unes sur les
autres, faute de place ;
8°
La colonne étant en marche par pelotons, par sections ou par
demi-sections, la former sur la droite ou sur la gauche en bataille. Nota-bene.
- Ce mouvement n'a pas les inconvénients du précédent, et devant
l'ennemi, il a l'avantage d'ouvrir le feu dès le début de la
formation. Mais, pour mettre simplement la colonne en bataille, il
est d'une extrême lenteur.
Le
mouvement de flanc, par dédoublement, a le très grand avantage de
former instantanément le bataillon en colonne, s'il est en bataille,
ou en bataille, s'il est en colonne. Mais il a cet inconvénient
qu'il est impossible de serrer la colonne. En outre, les deux
mouvements: faire par le flanc, et faire front, sont difficiles pour
des hommes qui n'ont jamais été exercés. Néanmoins il sera utile
d'enseigner cette manoeuvre au bataillon, aussitôt qu'il sera
organisé. L'intelligence des ouvriers Parisiens leur en fera
comprendre le mécanisme en quelques minutes. Lorsqu'un
bataillon en marche doit faire tête de colonne à droite ou à
gauche, pour entrer dans une rue latérale, il faut employer le
mouvement « tournez à droite », ou « tournez à gauche »,
préférable à la conversion régulière qui est plus lente et plus
difficile. Tous
les changements de direction de la colonne doivent se faire par ce
même mouvement « tournez à droite ou à gauche ». Le
bataillon devra toujours marcher et manoeuvrer au pas de route,
c'est-à-dire les deux rangs à distance de 70 ou 75 centimètres,
afin que le second rang ne soit pas obligé d'emboîter le pas, et
marche en liberté. Tous
les mouvements devront être exécutés avec rapidité, sans se
piquer de précision ni d'élégance. La promptitude avant tout. Le
port d'armes en sous-officier, le fusil dans la main droite, le bras
allongé le long de la cuisse, la sous-garde tournée en avant. Il
faudra faire appel aux hommes qui savent battre la caisse. Les
tambours sont de première nécessité pour les commandements.
Manoeuvres
par divisions.
Les
manoeuvres par divisions ne peuvent être que fort rares dans Paris.
Il importe néanmoins d'étudier les suivantes:
1°
Le bataillon étant en colonne par pelotons, serrés en masse, ou à
demi-distance ou à distance entière, former les divisions ;
2°
Le bataillon étant en bataille, le ployer en colonne serrée par
division sur l'une quelconque des quatre divisions, la droite ou la
gauche en tête ;
3°
Le bataillon étant en colonne serrée par divisions, en marche ou de
pied ferme, le déployer sur l'une quelconque des quatre divisions.
La colonne par peloton.
Esquisse
de la marche à suivre dans une prise d'armes à Paris.
Les
hommes qui prennent l'initiative du mouvement, ont choisi d'avance un
commandant en chef et un certain nombre d'officiers, dont les
fonctions commencent avec l'insurrection elle-même.
Manière
d'organiser.
Aussitôt
que des citoyens accourent, à la vue du soulèvement, les faire
mettre en bataille sur deux rangs. Les
engager au silence et au calme, leur adresser une brève allocution.
Leur annoncer ensuite que tout citoyen marchant sous le drapeau de la
République, recevra des vivres et cinq francs par jour, en indemnité
de salaire, pendant la durée de la lutte. Inviter
tous ceux qui ont servi dans l'armée ou fait partie de la garde
nationale, à sortir des rangs et à se présenter sur le front de la
ligne. Les
classer en officiers, sous-officiers et simples soldats. Mettre en
réserve les premiers comme officiers supérieurs, choisir les
sous-officiers pour lieutenants, chefs de pelotons, les simples
soldats pour sergents. Distribuer
aux lieutenants et aux sergents un imprimé qui leur explique
l'organisation de l'armée populaire et les diverses mesures à
prendre. Les
caser à leurs places respectives comme-officiers et sous-officiers
et encadrer entre eux les soldats de chaque peloton, et former ainsi
les compagnies jusqu'à épuisement du personnel présent. S'il
n'y a pas assez d'hommes pour compléter un bataillon, ranger a la
suite des pelotons constitués, les cadres de ceux qui restent à
former, cadres prêts à recevoir les volontaires nouveaux. Si,
au contraire, c'est le personnel des cadres qui est insuffisant,
faire appel aux hommes qui se sentent assez d'intelligence pour
commander, leur assigner les fonctions de lieutenant et de sergents,
et leur donner l'imprimé qui les mettra au courant de
l'organisation. Le
nombre des pelotons ainsi formés restant inférieur à huit,
déclarer néanmoins le bataillon constitué. S'il
est supérieur à huit, constituer avec l'excédent un deuxième
bataillon, qui se complétera par l'adjonction de nouveaux
volontaires.
Distribuer
aux lieutenants et aux sergents les rubans de diverses couleurs
qu'ils doivent porter comme insignes; déployer le drapeau du
bataillon, ainsi que les fanions des compagnies qui seront confiés
aux deuxièmes sergents. Aussitôt
le drapeau déployé, faire prêter aux officiers, sous-officiers et
soldats le serment ci-après :
«
Je jure de combattre jusqu'à la mort pour la République, d'obéir
aux ordres des chefs, et de ne pas m'écarter un seul instant du
drapeau, ni de jour ni de nuit, avant que la bataille soit terminée.
»
Distribuer les armes disponibles aux compagnons et aux bataillons, dans l'ordre chronologique de leur formation; premiers organisés, premiers armés. S'il n'existe que quelques fusils, les donner aux sergents porte-fanions. Les officiers et sous-officiers feront constamment aux soldats les recommandations suivantes:
« Ne jamais perdre une seconde - rester en ordre - observer le silence
(sauf le cri de Vive la République poussé seulement à un signal
donné) - marcher d'un pas rapide. Dans le cas d'un engagement,
n'agir que d'après le commandement. Si on a le dessous, se rallier
vite et sans tumulte au drapeau et aux fanions. - Si on a le dessus,
garder les rangs, sans bruit, ni cri, prêts à marcher. - Exécuter
tous les ordres avec rapidité et si on doit s'éloigner du drapeau
pour les remplir, le rallier vivement, aussitôt l'ordre accompli. »
Le
cri de Vive la République ne doit être poussé qu'au signal des
chefs, parce qu'une marche silencieuse est souvent de la plus
impérieuse nécessité.
Qu'on
soit en marche ou en halte, organiser aussitôt tous les ouvriers qui
se rencontreront sur le passage de la colonne. S'il
y a des cadres en excédent, ils marcheront à la queue de la
colonne, dans l'ordre des numéros de leurs compagnies, incorporant
en chemin, sans s'arrêter, tous les hommes de bonne volonté trouvés
sur la route. Les
officiers et sous-officiers des pelotons ainsi formés pendant la
marche, demandent immédiatement aux citoyens incorporés s'ils ont
servi dans l'armée ou appartenu à la garde nationale; et ils font
sortir sur le flanc de la colonne ceux qui se trouvent dans ce cas.
Des
officiers d'état-major accompagnent la colonne afin de constituer
avec ces nouveaux éléments des cadres de compagnies et de
bataillons, en assignant les grades d'après la règle indiquée plus
haut. Ils distribuent les rubans servant d'insignes, font déployer
les fanions et les drapeaux des nouveaux corps qui se mettent à la
suite.
L'organisation
des nouveaux bataillons continuera ainsi sans înterruption, pendant
la durée de la lutte. Toute colonne en marche ralliera les ouvriers
rencontrés sur son chemin et les formera en compagnies et en
bataillons d'après les procédés ci-dessus. Aussitôt
que le nombre des bataillons dépassera neuf, ils pourront être
réunis par régiments et par brigades.
Dès
le début de l'insurrection, des citoyens dévoués seront chargés
de couper les fils télégraphiques et de détruire les
communications du gouvernement avec la province.
Mesures
insurrectionnelles.
Aussitôt
que la chose sera possible, le commandant en chef établira des
commissions d'armement, de vivres et de sûreté publique.
Commission
d'armement.
La
commission d'armement fera rechercher, soit dans les magasins et
fabriques d'arquebuserie, soit chez les particuliers, toutes les
armes disponibles, fusils de guerre et de chasse, pistolets,
revolvers, sabres et épées, ainsi que les poudres entreposées chez
les débitants ou réunies en dépôt, notamment chez les
artificiers.
Elle
requerra le plomb en existence chez les plombiers, les moules à
balles de tous calibres chez les quincailliers, fera fabriquer des
mandrins par les tourneurs, des mesures à poudre, installera des
ateliers où les femmes et les enfants seront employés moyennant
salaire à la fonte des balles et à la confection des cartouches.
Elle
fera préparer des fanions, des drapeaux et des rubans pour insignes.
Elle
requerra chez les fabricants de produits chimiques, les matières qui
entrent dans les diverses sortes de poudres notamment l'acide
sulfurique et l'acide nitrique anhydres ou concentrés, éléments du
fulmicoton. On mettra en réquisition pour ces travaux les élèves
en pharmacie.
Commission
des vivres.
La
commission des vivres requerra chez les boulangers, bouchers et dans
les entrepôts de liquides, le pain, la viande, les vins et liqueurs
nécessaires à la consommation de l'armée Républicaine, Elle
mettra en réquisition les traiteurs, restaurateurs et autres
établissements de ce genre pour la préparation des vivres.
Il
y aura, par chaque bataillon, un commissaire des vivres chargé de
veiller à la distribution et de faire connaître à la commission
les besoins du bataillon.
Commision
de sûreté publique.
La
commission de sûreté publique a pour mission de, déjouer les
trames de la police et les manoeuvres des contre-révolutionnaires,
de faire imprimer, distribuer et afficher les proclamations ou
arrêtés du Commandant en chef, de surveiller les télégraphes, les
chemins de fer, les établissements impériaux, en un mot, de
dissoudre les moyens d'action de l'ennemi, d'organiser et d'assurer
ceux de la République. Les
fonds nécessaires pour le service de ces trois commissions et pour
le paiement de l'indemnité quotidienne de cinq francs, allouée aux
citoyens présents sous les drapeaux, seront prélevées sur les
caisses publiques.
Il
sera délivré aux marchands et industriels, récépissé régulier
des livraisons de marchandises quelconques par eux fournies, sur
réquisition. Ces fournitures seront soldées par le gouvernement
républicain.
Les
trois commissions rendront compte de leurs travaux, d'heure en heure
au commandant en chef et exécuteront ses ordres.
Il
sera formé un service spécial pour les ambulances.
Aucun
mouvement militaire ne devant avoir lieu que d'après l'ordre du
commandant en chef, il ne sera élevé de barricades que sur les
emplacements désignés par lui.
Sous
peine d'une prompte débâcle, les barricades ne peuvent plus être
aujourd'hui une oeuvre comme en 1830 et 1848, confuse et désordonnée.
Elles doivent faire partie d'un plan d'opération, arrêté d'avance.
Dans
ce système, chaque retranchement est occupe par une garnison qu'on
abandonne point à elle-même, qui reste en communication suivie avec
les réserves et en reçoit constamment des renforts proportionnés
aux dangers de l'attaque.
Le
tohu-bohu et l'éparpillement ne constituaient pas le seul vice des
anciennes barricades. Leur construction n'était pas moins
défectueuse.
Amas
informe de pavés, entremêlés de voitures sur le flanc, de poutres
et de planches, ce mauvais barrage n'était pas un obstacle pour
l'infanterie qui l'enlevait au pas de course. Quelques gros
retranchements peut-être, faisaient exception. Encore pas un seul
n'était à l'abri de l'escalade. Ils servaient eux-mêmes d'échelle.
Arrêter
les troupes, les contraindre à un siège, résister même assez
longtemps au canon, telle est. la destination d'une barricade. Il
faut donc la construire d'après ces données, pour qu'elle atteigne
son triple but. Jusqu'ici, elle n'y a pas satisfait le moins du
monde.
«
Profil de la barricade complète, rempart et contre-garde avec
glacis. Le rempart et le mur interne de la contre-garde sont maçonnés
en plâtre. »
Dans
l'état actuel de Paris, malgré l'invasion du macadam, le pavé
reste toujours le véritable élément de la fortification passagère,
à condition toutefois d'en faire un usage plus sérieux que par le
passé. C'est une affaire de bon sens et de calcul.
L'ancien
pavé, qui tapisse encore la majeure partie de la voie publique est
un cube de 25 centimètres de côté. On peut, dès lors, supputer
par avance le nombre de ces blocs qui sera mis en oeuvre pour bâtir
un mur, dont les trois dimensions, longueur, largeur et hauteur sont
déterminées.
Barricade
régulière.
La
barricade complète consiste dans un rempart et sa contre-garde ou
couvre-face.
Le
rempart est en pavés maçonnés au plâtre, large d'un mètre, haut
de trois, encastré par des extrémités dans les murs de façade des
maisons.
La
contre-garde, placée à six mètres en avant du rempart se compose
de deux parties attenantes l'une à l'autre, savoir : un mur interne
de mêmes dimensions et constructions que le rempart, et un glacis en
pavés secs amoncelés s'étendant sur une longueur de quatre mètres
jusqu'à l'entrée de la rue.
Un
mètre cube contient 64 pavés de 25 centimètres de côté. Le
rempart ainsi que le mur interne de la contre-garde ont toujours deux
facteurs fixes, la hauteur 3 mètres, la largeur ou épaisseur un
mètre. La longueur seule varie. Elle dépend de la largeur de la
rue.
En
supposant ici la rue de 12 mètres, et par conséquent, le chiffre
12, facteur commun pour le rempart, le mur interne maçonné du
glacis, et le glacis lui-même, on aura:
Le
rempart = 3 × 1 × 12 = 36
Le
mur interne du glacis = 3 × 1 × 12 = 36
Le
glacis = 3 × 4 × 12 = 72
Le
cube total de la barricade et de sa contre-garde sera de 144 mètres
qui, à 64 pavés par mètre cube, donnent 9186 pavés, représentant
191 rangées à 4 × 12 ou 48 par rangées. Ces 192 rangées occupent
48 mètres de long. Ainsi la rue serait dépavée dans une longueur
de 48 mètres, pour fournir les matériaux du retranchement complet. Le
calcul n'ayant pas tenu compte de la place occupée par le plâtre
dans le rempart et le mur interne de la contre-garde le nombre de
pavés serait diminué d'autant. Il serait moindre encore dans le
glacis, par suite des vides existant entre les pavés entassés en
désordre.
Les
petits pavés rectangulaires qui ont remplacé en partie le macadam
des grandes voies, pourraient servir également à l'érection des
barricades. Mais le travail des parties maçonnées serait plus long
et consommerait plus de plâtre. Dans
tous les cas, il est bien évident qu'un pareil retranchement ne
serait pas bâclé dans une heure. Or, il importe de se mettre en
défense le plus promptement possible. On peut parer à cette
difficulté.
Le
détachement chargé de construire et d'occuper la barricade doit se
rendre sur le terrain avec une voiture de sacs de plâtre, plus des
brouettes, des voitures à bras, des leviers, des pics, des pelles,
des pioches, des marteaux, des ciseaux à froid, des truelles, des
seaux, des auges. Les réquisitions de tous ces objets seront faites
chez les marchands respectifs dont les adresses se trouvent dans
l'Almanach du Commerce. On choisira les plus voisins du point de
départ.
Une
fois sur le terrain, le chef du poste fait commencer le rempart à 15
mètres environ du débouché de la rue, et au lieu de trois mètres
de hauteur, ne lui en donne que la moitié.
Ce
mur de quatre pieds et demi a précisément la hauteur normale pour
le tir d'un fantassin debout. On peut l'escalader sans doute, mais
l'opération n'est pas commode. C'est déjà un obstacle respectable.
Or, ce massif n'a que 18 mètres cubes ou 1152 pavés, qui représente
24 rangées ou 6 mètres de longueur à dépaver. Cela peut se faire
assez rapidement.
On
achève ensuite le rempart jusqu'à trois mètres à mi-hauteur (1 m
1/2), c'est-à-dire à un mètre et demi, on laisse, de distance en
distance, des trous destinés à recevoir des solives, sur lesquelles
on posera des planches formant banquette pour le tir.
Le
dessus du mur interne de la contre-garde doit être plan, sans
inclinaison ni en dedans ni en dehors afin de ne pas donner prise au
boulet qui écrêterait la partie la plus haute amincie.
Le
dessus du rempart peut être incliné légèrement, afin de ménager
au tir une certaine plongée. Il sera crépi et lissé à la truelle,
ainsi que la paroi faisant face à la contre-garde.
Les
trous pratiqués à mi-hauteur pour l'échafaudage de construction,
tant au mur de la contre-garde qu'au rempart seront bouchés avec
soin. Les parois du rempart et de la contre-garde qui se font face,
devront être lissées à la truelle, et n'offrir aucune aspérité
favorisant l'escalade.
Les
rangées de pavés de chaque assise de deux murs seront posées en
échiquier, ainsi que les assises elles-mêmes, par rapport l'une à
l'autre.
Si
le rempart dépassait en hauteur le mur de la contre-garde, les
boulets démoliraient la partie saillante. Dans le cas cependant où
du rempart on voudrait tirer au loin sur l'ennemi, il suffirait d'y
placer des sacs à plâtre remplis de terre. Les combattants se
hausseraient eux-mêmes au moyen de pavés.
Du
reste, le retranchement est plutôt une barrière qu'un champ
d'action. C'est aux fenêtres que se trouve le véritable poste de
combat. De là, des centaines de tirailleurs peuvent diriger dans
tous les sens un feu meurtrier.
L'officier
chargé de défendre le débouché d'une rue, fait occuper, en
arrivant, les maisons des deux angles par le tiers de son monde, les
hommes les mieux armés, détache en avant quelques vedettes pour
éclairer les rues et prévenir une surprise, et commence les travaux
du retranchement avec les précautions et dans l'ordre indiqués plus
haut.
Si
une attaque survient avant l'achèvement du mur simple, d'un mètre
et demi de haut, l'officier se retire avec tout son monde dans les
maisons des deux angles, après avoir mis en sûreté dans une cour
intérieure, voiture, chevaux, matériel de toute espèce. Il se
défend par les feux des fenêtres et les pavés lancés des étages
supérieurs. Les petits pavés rectangulaires des grandes voies
macadamisées sont excellents pour cet usage.
L'attaque
repoussée, il reprend et presse sans relâche la construction de la
barricade en dépit des interruptions. Au besoin des renforts
arrivent.
Cette
besogne terminée, on se met en communication avec les deux
barricades latérales, en perçant les gros murs qui séparent les
maisons situées sur le front de défense. La même opération
s'exécute simultanément, dans les maisons des deux côtés de la
rue barricadée jusqu'à son extrémité, puis en retour à droite et
à gauche, le long de la rue parallèle au front de défense, en
arrière.
Les
ouvertures sont pratiquées au premier et au dernier étage, afin
d'avoir deux routes; le travail se poursuit à la fois dans quatre
directions.
Tous
les îlots ou pâtés de maisons appartenant aux rues barricadées,
doivent être percés dans leur pourtour, de manière que les
combattants puissent entrer et sortir par la rue parallèle de
derrière, hors de la vue et de la portée de l'ennemi.
Dans
ce travail, la garnison de chaque barricade doit se rencontrer à
mi-chemin, tant sur le front de défense que dans la rue de derrière
avec les deux garnisons des deux barricades voisines, de droite et de
gauche.
Plan
d'un phalanstère en grande échelle
Plan
du secteur envisagé
Exemple
de barricades sur un front de défense, reliées entre elles par le
percement des maisons des îlots adjacents.
Le
boulevard Sébastopol étant supposé front de défense, on a pris
sur ce front une étendue d'environ 140 mètres, qui comprend les
débouchés de trois rues et un peu au-delà, savoir les rues
Aubry-le-Boucher, de la Reynie, et des Lombards.
Les
trois rues sont fermées à leur issue sur le boulevard, par des
barricades avec contre-gardes. Les dimensions et les distances sont
rigoureusement exactes sur le plan.
La
garnison du retranchement La Reynie, après avoir complété les
constructions de la rue et simultanément même percé des maisons le
long du boulevard, vers la rue Aubry-le-Boucher, à droite, et vers
la rue des Lombards, à gauche.
Elle
fait la même opération des deux côtés de la rue de la Reynie, en
gagnant la rue des Cinq-Diamants, et parvenue à l'extrémité,
tourne à gauche, vers la rue Aubry-le-Boucher, à droite vers la rue
des Lombards, en continuant son travail.
De
leur côté, les garnisons des barricades Aubry-le-Boucher et
Lombards vont à la rencontre des travailleurs La Reynie, d'après la
même méthode, et la jonction s'opère à mi-chemin.
Les
maisons ont été indiquées au hasard sur le boulevard Sébastopol,
mais dans les rues de La Reynie, Aubry-le-Boucher, des Lombards et
des Cinq-Diamants, le nombre des maisons ou plutôt des gros murs qui
les séparent a été relevé avec exactitude sur un ancien plan très
détaillé.
La
Garnison La Reynie aurait donc à percer, entre la moitié des
maisons du boulevard, entre les deux rues latérales, douze murs dans
la rue de La Reynie, cinq d'un côté, sept de l'autre, plus sept
autres dans la rue des Cinq-Diamants, cinq à droite, deux à gauche.
En
admettant dix maisons sur le front Sébastopol, ce qui ne donne à
chacune que neuf mètres de façade, il y aurait donc en tout 24 murs
à percer, six pour chaque escouade de travailleurs, puisqu'on
procéderait dans quatre directions à la fois.
Du
reste, si on est en nombre, on peut percer en même temps toutes les
maisons de la rue barricadée et de la rue de derrière, puisqu'on a
ses communications libres, en arrière du retranchement.
L'intérieur
des îlots consiste généralement en cours et jardins. On pourrait
ouvrir des communications à travers ces espaces, séparés
d'ordinaire par de faibles murs. La chose sera même indispensable
sur les points que leur importance ou leur situation spéciale
exposent aux attaques les plus sérieuses.
Il
sera donc utile d'organiser des compagnies d'ouvriers
non-combattants, maçons, charpentiers, etc., pour exécuter les
travaux conjointement avec l'infanterie.
Lorsque
sur le front de défense, une maison est plus particulièrement
menacée, on démolit l'escalier du rez-de-chaussée, et l'on
pratique des ouvertures dans les planchers des diverses chambres du
premier étage, afin de tirer sur les soldats qui envahiraient le
rez-de-chaussée pour y attacher des pétards. L'eau bouillante
jouerait aussi un rôle utile dans cette circonstance.
Si
l'attaque embrasse une grande étendue de front, on coupe les
escaliers, et on perce les planchers dans toutes les maisons exposes.
En règle générale, lorsque le temps et les autres travaux de
défense plus urgents le permettent, il faut détruire l'escalier du
rez-de-chaussée dans toutes les maisons de l'îlot, sauf une, à
l'endroit de la rue derrière le moins exposé.
La
troupe enlève toujours assez facilement les barricades, à cause du
petit nombre de leurs défenseurs, de l'isolement où on les
abandonne, et du défaut de confiance mutuelle dû à l'absence
d'organisation et de commandement. Les choses prendraient une toute
autre face, avec une direction énergique et l'envoi successif de
puissants renforts.
Jusqu'ici
dans les luttes parisiennes, les insurgés sont toujours demeurés
inactifs derrière leur semblant de barricades, oisiveté fatale chez
des combattants très mal armés, sans artillerie, presque sans
munitions. La bravoure seule ne suffit pas à compenser tous les
désavantages matériels.
Les
ouvriers Parisiens semblent ignorer leur principale force, la
supériorité de l'intelligence et de l'adresse. Inépuisables en
ressources, ingenieux, tenaces, initiés à toutes les puissances de
l'industrie, il leur serait facile d'improviser en peu d'heures tout
un matériel de guerre. Charpentiers, menuisiers, mécaniciens,
fondeurs, tourneurs, maçons, ils peuvent suffire à tout, et opposer
à l'ennemi cent sapeurs du génie pour un.
Mais
il faut pour cela une activité incessante. Pas un seul homme ne doit
rester inoccupé. Quand une besogne est finie, on en commence une
autre, il y a toujours quelque chose à faire. En voici quelques-unes
qui ont leur importance : Emmancher droites sur des hampes de sept
pieds des lames de faux dont on a redressé au feu le crochet de la
base et coupé le bourrelet formant dos, on fait tourner les hampes
chez le tourneur le plus proche. Les lames de faux se trouvent en
quantité chez les quincailliers.
Enlever
les portes des appartements ou prendre des planches dans les
magasins, les percer d'étroites meurtrières, longues de dix
centimètres, les doubler d'épaisses feuilles des tôles percées de
la même façon, et garnir de ces volets mobiles l'ouverture des
fenêtres, le devant et les côtés des balcons pour diriger des feux
de flanc dans la longueur des rues.
Amonceler
des pavés à tous les étages, les plus petits au quatrième, au
cinquième, aux mansardes, les plus gros au second et au troisième.
En munir surtout les chambres situées au-dessus du retranchement.
Tout
chef de barricade fera prendre chez les marchands les plus proches,
les matériaux ou engins utiles à la défense, il mettra en
réquisition les industriels, tels que tourneurs, menuisiers,
serruriers, etc..., pour le confectionnement des objets que les
soldats de la garnison ne seraient pas en mesure de fabriquer
eux-mêmes. Il délivrera en échange des récépissés réguliers,
valant factures.
Les
commandants de barricades ne retiendront pas auprès d'eux les
recrues qui viendraient les rejoindre. Ils les adresseront à leur
supérieur immédiat, les lieutenants au capitaine, les capitaines au
chef de bataillon, afin que ces hommes soient dirigés sur la réserve
où s'opèrent l'organisation des nouveaux corps.
Cette
règle est dictée par des motifs impérieux: 1° l'indemnité ne
peut être allouée aux volontaires que sur constatation officielle
de leur présence sous le drapeau, avec date précise; 2° le
commandant en chef doit toujours connaître le chiffre exact des
forces de chaque retranchement; 3° le bon ordre exige que l'effectif
des compagnies et des bataillons demeure à peu près uniforme.
Les
commandants de barricade adresseront des rapports fréquents à leurs
supérieurs qui les feront tenir au quartier général.
Défense
des barricades.
En
supposant que l'armée tienne pied et s'acharne à la lutte, il est
aisé de pressentir sa méthode d'attaque contre les positions
républicaines.
D'abord,
des détachements plus ou moins nombreux tirant aux fenêtres pendant
leur marche, s'avanceront pour enlever une barricade. S'ils sont
repoussés, et peut-être même sans avoir couru cette chance, ils
perceront les maisons des îlots qui font face aux insurgés, et
arriveront ainsi par l'intérieur sur le front de défense.
Les
deux parties n'étant plus alors séparées que par la largeur de la
rue, les soldats dirigeront un feu violent sur les fenêtres en face,
pour chasser les défenseurs. Il faut s'attendre aussi que la troupe,
en cas de résistance un peu longue, amènera du canon à travers
l'îlot quelle occupe.
Elle
le mettra en batterie sous une porte cochère, vis-à-vis une des
maisons du front de défense, puis ouvrant soudainement la porte,
canonnera les murs à bout portant, pour jeter bas l'édifice. Il ne
tombera pas aux premiers coups, il faut un certain temps.
Dès
que le canon sera démasqué, les Républicains tireront sur les
artilleurs par les ouvertures du rez-de-chaussée, soupiraux, portes
et balcons ayant vue sur l'allée de la porte cochère. On percera
rapidement des meurtrières vis-à-vis, afin de multiplier les feux.
Règle
générale : il est inutile de riposter aux soldats qui fusillent des
fenêtres. C'est perdre sa poudre. L'ennemi en a de reste. Elle est
rare chez les insurgés. Il est donc indispensable de la ménager. On
se garantira des balles au moyen des volets doublés de tôle qui
garnissent les fenêtres des balcons.
La
garnison, dédaignant le feu des croisées, surveillera la rue pour
empêcher l'ennemi de la traverser. Dès qu'il tentera le passage, il
faut le fusiller à outrance, l'accabler de pierres et de pavés, du
haut des maisons. En même temps, on se tiendra prêt à la fusiller,
à l'arroser d'eau bouillante par le plancher du premier étage, s'il
pénétrait dans le rez-de-chaussée, malgré le barricadement des
portes et des fenêtres. Durant le combat, veiller avec soin à ce
qu'il ne puisse attacher des pétards. Ne pas ménager les pavés,
les bouteilles pleines d'eau, même les meubles, à défaut d'autres
projectiles. Oter les volets en tôle des hauts étages, pour lancer
les pierres, en évitant les balles d'en face.
Quant
au retranchement, il ne sera pas facile d'en avoir raison. Le boulet
ne pourrait atteindre le rempart que par le tir à ricochet, et le
faible intervalle de six mètres, qui le sépare de la contre-garde,
rendrait ce tir inefficace.
L'obus
sera également impuissant. il viendra faire explosion en avant ou en
arrière ou dans l'intervalle des deux ouvrages, et ses éclats
écorcheront le plâtre des murailles, rien de plus. Car il ne
trouvera là personne. La barricade sera défendue par les fenêtres.
Plan
du secteur envisagé
L'assaut
serait très meurtrier pour les assaillants. Il faudrait essuyer la
fusillade jusqu'au pied du glacis, et à partir de ce point, braver
un péril plus redoutable encore, il ne serait possible de descendre
du mur interne, puis de franchir le rempart qu'avec des échelles de
huit pieds, bagage incommode, et sous une grêle de pavés et de
balles.
Si,
en construisant la barricade, on a pu enfermer une ou deux portes
cochères, dans l'intervalle de six mètres, entre le rempart et sa
contregarde, des pelotons de faucheurs massés derrière les battants
de la porte qui s'ouvrira tout à coup, se jetteront sur les soldats
qui seraient descendus de la contre-garde et les mettront en pièces
dans cette souricière car leurs baïonnettes ne seront pas de
longueur contre leurs pertuisanes.
S'il
n'existe point de porte cochère, les faucheurs se masseront au
rez-de-chaussée afin de s'élancer par les portes d'allées ainsi
que par les fenêtres basses. Au préalable, le commandant aura fait
cesser la pluie de balles et de pavés, ce que la troupe pourra
prendre pour un signe de défaite, méprise qui lui deviendrait
fatale.
Si
l'ennemi est rebuté par la longue résistance d'une ou de plusieurs
barricades, il recourra peut-être à l'incendie des maisons par les
obus. Eteindre le feu sera difficile. Si on n'y réussit pas, la
retraite deviendra inévitable. Il faudra se replier de maison en
maison sur une deuxième ligne de défense. Les troupes ne joueraient
pas longtemps ce jeu-là. On ne fera pas de Paris une seconde
Saragosse.
La
lutte des barricades fournira au commandant en chef l'occasion de
prendre à son tour l'offensive et de jeter des colonnes d'attaque
sur les flancs et les derrières des assaillants.
Les
blessés seront évacués sur les ambulances, désignées aux chefs
de corps; les morts seront transportés aux hôpitaux.
Des
mines.
Les
troupes pourraient avoir recours à la mine pour forcer un front de
défense trop tenace. C'est un moyen puissant, mais assez peu
probable. L'ennemi n'en usera certainement pas au début. Ce moyen
est long et dénote d'ailleurs une certaine timidité, qui
ébranlerait l'esprit du soldat en lui montrant l'insurrection très
redoutable.
Cependant
il se peut que la nécessité fasse passer par-dessus cet
inconvénient. Dans ce cas, le système d'égouts prend une grande
importance. Dans toutes les rues où il s'en trouve, ils
deviendraient le point de départ des galeries de mines.
L'ennemi
a un plan détaillé des égouts de Paris. Ils sont de plusieurs
dimensions. La carte des plus grands, dit égouts collecteurs, est
connue de tout le monde. On la trouve dans le second volume de
Paris-Guide. Mais ceux-là ne forment que le très petit nombre. La
masse des canaux moyens et des rigoles demeure inconnue. Il serait
utile de s'en enquérir auprès des ouvriers égoutiers.
Pendant
le combat, il sera indispensable de faire reconnaître ces voies
souterraines, par de nombreux détachements, auxquels on tracera un
itinéraire. Ils seront munis d'échelles pour remonter à volonté
par tous les regards.
On
barricadera les embranchements qui aboutissent aux collecteurs
eux-mêmes, d'après un plan réglé sur celui des opérations à
ciel ouvert.
Toute
rue servant de défense peut être traversée par une galerie de
mine, il faudra donc s'assurer si elle recouvre un égout, et dans ce
cas, occuper l'égout par des barricades, lorsque le front de défense
sera attaqué avec vigueur par l'ennemi.
Des sentinelles le parcourront à pas de loup, posant l'oreille contre la paroi du côté des troupes, afin d'entendre le bruit de la sape et avertir aussitôt. Du reste, l'ennemi ne tenterait de pénétrer dans l'égout par la sape que s'il ne pouvait y arriver par la voie naturelle des embranchements, sa rencontre dans ses détours souterrains serait donc l'indice de ses projets de mine. Ces rencontres viendraient accroître les difficultés de l'opération et la rendre moins probable.
Des sentinelles le parcourront à pas de loup, posant l'oreille contre la paroi du côté des troupes, afin d'entendre le bruit de la sape et avertir aussitôt. Du reste, l'ennemi ne tenterait de pénétrer dans l'égout par la sape que s'il ne pouvait y arriver par la voie naturelle des embranchements, sa rencontre dans ses détours souterrains serait donc l'indice de ses projets de mine. Ces rencontres viendraient accroître les difficultés de l'opération et la rendre moins probable.
Dans
les rues sans égouts, s'il en existe, la galerie serait creusée
directement, à partir d'une cave, pour traverser la rue jusqu'à la
maison vis-à-vis. Ce travail serait plus difficile à découvrir et
à surprendre que celui des égouts. Des sentinelles devront coller
l'oreille au mur de la cave bordant la rue, afin d'écouter le bruit
des mineurs. La garnison, prévenue, les attendrait à l'issue pour
leur faire un mauvais parti.
Somme
toute, la guerre de mine est peu probable; celle d'égout l'est
davantage.
Des
habitants des maisons occupées.
Les
habitants des maisons occupées par les républicains seront invités
dans leur propre intérêt, à se retirer avec leur numéraire, leurs
valeurs quelconques et leur argenterie, après avoir fermé tous les
meubles. On leur rappellera, d'après l'exemple du 2 décembre, que
les soldats de Bonaparte, en pénétrant dans toute maison d'où il
est parti un coup de feu, égorgent sans distinction hommes et
femmes, vieillards au lit et enfants à la mamelle.
Si
les vieillards, les femmes et les enfants se retirent, les hommes
devront les suivre. On ne les laissera pas demeurer seuls au logis.
Lorsqu'on
aura percé les murs de toutes les maisons d'un îlot, on pourra
faire retirer les familles qui habitent le front de défense, dans la
partie de derrière de l'îlot.
Dans
le cas où, par suite de communications interceptées, les vivres
viendraient à leur manquer, les Républicains leur en donneront, en
prévenant du fait les commissaires de bataillon pour qu'ils
approvisionnent en conséquence.
Il
faut encore le répéter: la condition sine qua non de la victoire,
c'est l'organisation, l'ensemble, l'ordre et la discipline. Il est
douteux que les troupes résistent longtemps à une insurrection
organisée et agissant avec tout l'appareil d'une force
gouvernementale. L'hésitation les gagnera, puis le trouble, puis le
découragement, enfin la débâcle.
Auguste Blanqui
Instructions pour une prise d'armes
1866
* T.
Derbent
Catégories
de la politique militaire révolutionnaire
Conférence
présentée dans le cadre des formations du Bloc Marxiste Léniniste,
les
3 et 10 avril 2006.
PARIS, 1830
PARIS, 1848
PARIS, 1871
PARIS, 1944
PARIS, 1968
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