DUBAI, Luxe et Travailleur/ étranger |
Contrairement à la légende, Dubaï n'est pas une ville champignon née de rien. Dubaï, à l'origine village de pécheurs et de contrebandiers, était au début du 20e siècle un port dynamique. La transformation de Dubaï a commencé dans les années 60. Son développement a été tributaire des événements dans la région du Golfe Persique et des conflits du Proche-Orient : la guerre civile au Liban à la fin des années 1970, la guerre Iran-Irak (1980-1988) et la guerre en Irak suite à l'intervention américaine à partir de 2003. Dubaï a acquis une extraordinaire notoriété depuis quelques années. Magazines et journaux du monde entier ne trouvent plus d’adjectifs pour qualifier le développement fantastique de cette petite cité-État de la péninsule arabique : Dubaï s’est surtout fait connaître pour ses projets architecturaux pharaoniques et ses gratte-ciels gigantesques. Dans le texte que nous publions ici, initialement publié par la New Left Review Mike Davis dresse le portrait de cette future capitale du XXIe siècle, mélange fascinant et terrifiant de capitalisme sauvage, d’absolutisme féodale et d’extravagance urbanistique, fruit de la rencontre improbable « d’Albert Speer et de Walt Disney sur les rives d’Arabie ». Mais Davis décrit aussi les conditions de vie et de travail cauchemardesques, voire inhumaines des dizaines de milliers d’ouvriers et d’employés venus de toutes l’Asie pour transformer ce petit bout de désert en paradis pour touristes milliardaires et stars du show business.
DUBAI, Martin Parr / The Cartier International Dubai Polo Challenge, 2007 |
DUBAI, nombre d'ouvriers viennent de l'Inde, Pakistan, Bengladesh et Chine |
DUBAÏ : Plan de développement |
Dubaï,
Le stade Dubaï du capitalisme
Mike Davis
2007
« Votre avion commence sa descente, vous êtes littéralement scotché au hublot. La scène est proprement stupéfiante : un archipel d’îles aux tons coraliens forme un puzzle presque complet de 60 km2 imitant les contours d’une mappemonde. Des eaux vert émeraude et peu profondes qui séparent les continents surgissent les silhouettes englouties des Pyramides de Gizeh et du Colisée romain. Au loin, trois autres groupes d’îles en forme de palmiers enfermés dans des demi-lunes sont parsemés d’hôtels de luxe, de parcs d’attractions et d’un millier de résidences construites sur pilotis. Ces « palmiers » sont reliés par des digues à un front de mer digne de celui de Miami, où s’alignent les hôtels monumentaux, les tours résidentielles et les marinas. « Alors que l’avion vire lentement en direction du désert, un spectacle encore plus invraisemblable vous coupe le souffle : d’une forêt de gratte-ciels chromés surgit une nouvelle tour de Babel d’une hauteur invraisemblable – huit cents mètres, plus haut que deux Empire State Building empilés l’un sur l’autre. « Vous n’avez pas fini de vous pincer l’avant-bras que l’avion atterrit : le centre commercial de l’aéroport vous accueille, offrant aux regards concupiscents des montagnes de sacs Gucci, de montres Cartier et de lingots d’or d’un kilo pièce. Le chauffeur de l’hôtel vous attend au volant d’une Rolls Royce dernier cri. Des amis vous ont recommandé l’hôtel Armani et sa tour de cent soixante-dix étages, ou encore cet hôtel 7 étoiles dont l’atrium est si gigantesque que la Statue de la Liberté pourrait s’y loger sans peine et le service si raffiné que chaque chambre y dispose d’un majordome attitré. Mais vous avez préféré réaliser un rêve d’enfant : être le capitaine Nemo dans Vingt mille lieues sous les mers. « Votre hôtel en forme de méduse, l’Hydropolis, se situe à vingt mètres sous la mer. Chacune de ses deux cent vingt luxueuses suites est équipée de murs de plexiglas qui offrent une vue spectaculaire sur les évolutions de gracieuses sirènes et sur le célèbre "feu d’artifice sous-marin" : un show hallucinant "d’eau, d’air et de sable tourbillonnant éclairés par un jeu de lumière sophistiqué". Votre appréhension bien naturelle quant à la sécurité de votre demeure sous-marine sera vite dissipée par le sourire du réceptionniste : l’édifice dispose d’un système de sécurité high tech imparable qui le protège contre les missiles, les attaques aériennes et les sous-marins terroristes. « Demain, vous avez un rendez vous d’affaires important à la Cité Internet avec des clients venus de Hyderabad et Taïpeh, mais vous êtes arrivé un jour plus tôt pour vivre l’une des aventures proposées par le célèbre parc à thème « Restless Planet » (la Planète déchaînée !). Après une agréable nuit de sommeil sous-marin, vous empruntez un monorail à destination de la jungle jurassique. Vous ferez d’abord connaissance avec quelques paisibles brontosaures en pleine rumination. Puis vous serez attaqués par une horde de vélociraptors, créatures « animatroniques » conçues par des experts du Museum d’Histoire naturelle de Londres et si incroyablement ressemblantes que vous ne pourrez pas vous empêcher de pousser des cris de terreur et de plaisir mêlés. L’adrénaline au maximum, vous couronnerez l’après-midi par une descente en snowboard sur une piste de ski indoor (à l’extérieur, il fait plus de quarante degrés). Pas très loin se trouve le plus grand centre commercial du monde – le sanctuaire du célèbre Festival du Shopping qui, chaque année, au mois de janvier, attire des millions de consommateurs déchaînés. Mais ce sera pour plus tard : pour l’heure, vous préférez vous payer – à prix d’or un dîner cuisine-fusion à la mode thaï. Une blonde spectaculaire accoudée au bar du restaurant vous dévore littéralement des yeux. C’est une prostituée russe. Vous vous demandez si les plaisirs de la chair sont ici aussi extravagants que ceux de la consommation. »
DUBAI Downtown project |
Fantasmes en lévitation
Bienvenue dans cet étrange paradis. Mais où êtes-vous donc ? Dans le nouveau roman de Margaret Atwood, dans la suite posthume du Blade Runner de Philip K. Dick ou dans la tête d’un Donald Trump sous acide ? Erreur. Vous êtes à Dubaï, ville-État du Golfe persique, en 2010. Après Shanghaï (15 millions d’habitants), Dubaï (1,5 million) est le plus grand chantier du monde : le berceau d’un monde enchanté entièrement dédié à la consommation la plus ostentatoire et, selon l’expression locale, aux « modes de vie hyper haut de gamme ». Malgré son climat infernal (jusqu’à 49 degrés en été : les hôtels les plus chics disposent de piscines réfrigérées) et le voisinage de zones de conflit armé, les autorités de Dubaï estiment que leur forêt enchantée de 600 gratte-ciels et centres commerciaux attirera aux environs de 2010 près de 15 millions de visiteurs étrangers par an, soit trois fois plus que la ville de New York. La compagnie Emirates Airlines a commandé pour pas moins de 37 milliards de dollars de nouveaux appareils Boeing et Airbus pour transporter cette masse de touristes jusqu’à la nouvelle plaque tournante du traffic aérien mondial, le vaste aéroport international Jebel Ali [1]. Grâce à la fatale addiction d’une planète désespérément assoiffée de pétrole arabe, cet ancien village de pêcheurs et de contrebandiers est bien placé pour devenir l’une des capitales mondiales du XXIe siècle. Parce qu’elle préfère les vrais diamants au strass, Dubaï a déjà surpassé Las Vegas, cette autre vitrine désertique du désir capitaliste, dans la débauche spectaculaire et la surconsommation d’eau et d’électricité [2]. Des dizaines de méga-projets extravagants dont l’« Île-Monde » artificielle (où le chanteur Rod Stewart aurait acquis la « Grande-Bretagne » pour 33 millions de dollars), le plus haut gratte-ciel du monde (Burj Dubaï, conçu par le cabinet d’architectes Skidmore, Owings et Merrill), l’hôtel de luxe sous-marin, les dinosaures carnivores, la piste de ski indoor et le giga-centre commercial sont déjà en chantier ou au moins à l’état de projet avancé [3]. Le Burj Al-Arab, un hôtel 7 étoiles en forme de voile parfait pour tourner un futur James Bond s’est déjà rendu célèbre pour ses chambres à 5 000 dollars la nuit, ses vues panoramiques sur 150 kilomètres de mer et de désert et sa clientèle exclusive de familles royales arabes, de rock stars anglaises et de milliardaires russes. Quant aux dinosaures, pour le directeur financier du Muséum d’Histoire naturelle de Dubaï, ils « seront homologués par le Muséum de Londres et démontreront qu’on peut se cultiver tout en s’amusant »… et en remplissant la caisse, puisque « l’accès au parc des dinosaures se fera exclusivement par le centre commercial [4] ». Le plus gros projet, Dubailand, représente une avancée prodigieuse en matière de création d’univers virtuels. Il s’agit tout bonnement d’un « parc à thème de parcs à thème », deux fois plus grand que Disney World, avec ses 300 000 employés censés accueillir 15 millions de visiteurs par an (ces derniers devraient y dépenser un minimum de 100 dollars par jour, hors hébergement). Telle une encyclopédie surréaliste, il inclut 45 grands projets de « classe mondiale », dont les répliques des jardins suspendus de Babylone, du Taj Mahal et des pyramides d’Égypte [5], une montagne enneigée avec remontées mécaniques et ours polaires, un espace dédié aux « sports extrêmes », un village nubien, un « Eco-Tourism World », un complexe thermal de style andalou, des parcours de golf, des circuits de vitesse, des pistes de course, « Giants’ World », « Fantasia », le plus grand zoo du Moyen-Orient, plusieurs hôtels 5 étoiles, une galerie d’art moderne et le « Mall of Arabia » [6].
Gigantisme
DUBAI |
Sous le règne de l’Émir-PDG Cheikh Mohammed el Maktoum, son despote éclairé âgé de 58 ans, Dubaï est devenue la nouvelle icône globale de l’ingénierie urbanistique d’avant-garde. Le multimilliardaire « Cheikh Mo » comme le surnomment les occidentaux résidents à Dubaï a une ambition explicite et totalement dénuée d’humilité : « Je veux être le Numéro Un mondial [7]. » Collectionneur enthousiaste de purs-sangs (il possède la plus grande écurie du monde) et de super yachts (le Project Platinum, une embarcation de 160 mètres de long, possède son propre sous-marin et sa piste d’atterrissage), sa passion la plus dévorante est toutefois l’architecture « extrême » et l’urbanisme monumental [8] . De fait, c’est un peu comme si le livre-culte de l’hyper-réalité, Learning From Las Vegas, de Robert Venturi, était devenu pour l’émir de Dubaï ce que la récitation du Coran est aux musulmans pieux. L’une de ses plus grandes fiertés, raconte-il souvent à ses hôtes, est d’avoir introduit les « communautés résidentielles fermées » de style californien (gated communities) au pays des tentes et des nomades. Grâce à cette passion débordante pour le métal et le béton, le littoral désertique de l’émirat s’est transformé en un gigantesque circuit intégré sur lequel l’élite transnationale des bureaux d’études et des promoteurs immobiliers est invitée à brancher des pôles de développement high tech, des complexes de loisirs, des îles artificielles, des « montagnes enneigées » sous cloche de verre et des banlieues résidentielles à la Truman Show. Cité des mille et une villes, Dubaï déploie vers le firmament une architecture gonflée aux stéroïdes. Chimère fantasmagorique plus que simple patchwork, elle incarne l’accouplement monstrueux de tous les rêves délirants des Barnum, Gustave Eiffel, Walt Disney, Steven Spielberg, Jon Jerde, Steve Wynn, les architectes de Las Vegas et autres Skidmore, Owings et Merrill. Souvent comparé à Las Vegas, Manhattan, Orlando, Monaco et Singapour, l’émirat est tout cela à la fois, mais porté à la dimension du mythe : un pastiche hallucinatoire du nec plus ultra en matière de gigantisme et de mauvais goût. Certes, des dizaines d’autres villes aspirent aujourd’hui à participer à ce formidable et délirant concours de Lego (y compris les voisins jaloux de Dubaï, les riches oasis pétrolières de Doha et Bahreïn [9] ), mais ce qui distingue le projet d’El Maktoum, c’est l’exigence implacable que tout, à Dubaï, soit « world class », à savoir numéro un potentiel dans le Livre des Records : le plus grand parc à thème du monde, le plus gigantesque centre commercial (doté du plus grand aquarium), le plus haut gratte-ciel, le plus grand aéroport international, la plus vaste île artificielle, le premier hôtel sous-marin, et ainsi de suite (voir ci-dessous). Bien que cette mégalomanie architecturale rappelle étrangement les projets imaginés par Albert Speer et ses commanditaires pour la capitale du IIIe Reich, elle n’a rien d’irrationnel. Ayant beaucoup « appris de Las Vegas » (comme le recommande Venturi), El-Maktoum a compris que, si Dubaï voulait devenir le super-paradis consumériste du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud (un « marché intérieur », selon la définition officielle, d’environ 1,6 milliards de consommateurs), l’émirat devait constamment aspirer à l’excès visuel et urbain. Si l’on en croit Rowan Moore, les immenses montages psychotiques de kitsch fantasmagorique que nous offre la cité post-moderne visent à provoquer le vertige. Vu sous cet angle, il est clair qu’El-Maktoum est un magnétiseur hors pair [10] .
Les plus hauts immeubles du monde
*Prévu ou en construction
Les plus grands centres commerciaux du monde
*Prévu ou en construction
Du point de vue d’un promoteur immobilier, cette monstrueuse caricature futuriste est simplement un argument de vente à l’adresse du marché mondial. L’un d’entre eux confiait ainsi au Financial Times : « Sans Burj Dubai, le Palmier ou l’Île-Monde, franchement, qui parlerait de Dubaï aujourd’hui ? Il ne s’agit pas simplement de projets extravagants, à prendre isolément. Tous ensemble, ils contribuent à construire une marque [11] . » Et, à Dubaï, on adore les propos flatteurs d’architectes ou d’urbanistes de renom comme George Katodrytis : « Dubaï est le prototype de la ville post-globale, dont la fonction est plutôt d’éveiller des désirs que de résoudre des problèmes… Si Rome était la “ville éternelle” et Manhattan l’apothéose de l’urbanisme hyper-dense du XXe siècle, Dubaï peut être considérée comme le prototype émergent de la ville du XXIe siècle : une série de prothèses urbaines et d’oasis nomades, autant de villes isolées gagnant sur la terre et sur l’eau [12] . » Dans cette quête effrénée des records architecturaux, Dubaï n’a qu’un seul véritable rival : la Chine, un pays qui compte aujourd’hui 300 000 millionnaires et devrait devenir d’ici quelques années le plus grand marché mondial du luxe (de Gucci à Mercedes) [13] . Partis respectivement du féodalisme et du maoïsme paysan, l’émirat et la République populaire sont tous deux parvenus au stade de l’hypercapitalisme à travers ce que Trotsky appelait la « dialectique du développement inégal et combiné ». Comme l’écrit Baruch Knei-Paz dans son admirable précis de la pensée de Trotsky : « Au moment d’adopter de nouvelles structures sociales, la société sous-développée ne les reproduit pas sous leur forme initiale, mais saute les étapes de leur évolution et s’empare du produit fini. En réalité, elle va encore plus loin ; elle ne copie pas le produit tel qu’il existe dans les pays d’origine mais son “idéal-type”, précisément parce qu’elle peut se permettre d’adopter directement ces nouvelles formes au lieu de repasser toutes les phases du processus de développement. Ce qui explique pourquoi les dites nouvelles formes ont une plus grande apparence de perfection dans une société sous-développée que dans une société avancée. Dans cette dernière, elles n’offrent en effet qu’une approximation de l’idéal, dans la mesure où elles ont évolué peu à peu et de façon aléatoire, limitées par les contraintes de l’expérience historique [14] ». Dans le cas de Dubaï et de la Chine, le télescopage des diverses et laborieuses étapes intermédiaires du développement économique a engendré une synthèse « parfaite » de consommation, de divertissement et d’urbanisme spectaculaire à une échelle absolument pharaonique. Véritable compétition d’orgueil national entre Arabes et Chinois, cette quête effrénée de l’hyperbole a évidemment des précédents, telle la fameuse rivalité entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne impériale pour construire des cuirassés dans les premières années du XXe siècle. Mais peut-on parler d’une stratégie de développement économique soutenable ? Les manuels diraient sans doute que non. À l’époque moderne, le gigantisme architectural est généralement le symptôme pervers d’une économie en état de surchauffe spéculative. Dans toute leur arrogance verticale, l’Empire State Building ou feu le World Trade Center sont les pierres tombales de ces époques de croissance accélérée. Les esprits cyniques soulignent à juste titre que les marchés immobiliers hypertrophiés de Dubaï et des métropoles chinoises jouent le rôle de déversoirs pour les surprofits pétroliers et industriels de l’économie mondiale. Une suraccumulation due à l’incapacité des pays riches à réduire leur consommation de pétrole et, dans le cas des États-Unis, à équilibrer leur balance des comptes courants. Si l’on en croit la leçon des cycles économiques antérieurs, tout cela pourrait très mal finir, et dans un délai assez rapproché. Et pourtant, comme le roi de Laputa, l’étrange île flottante des voyages de Gulliver, El-Maktoum pense avoir découvert le secret de la lévitation éternelle. La baguette magique de Dubaï, c’est évidemment le « pic pétrolier » : chaque fois que vous dépensez 50 dollars pour faire le plein de votre voiture, vous contribuez à irriguer l’oasis d’El-Maktoum. Les prix du pétrole sont actuellement tirés à la hausse par la demande de l’industrie chinoise autant que par la peur de la guerre et du terrorisme dans les régions productrices. D’après le Wall Street Journal, « les consommateurs ont dépensé en produits pétroliers 12 000 milliards de dollars de plus en 2004 et 2005 qu’en 2003 [15] ». Comme dans les années 1970, il s’opère un transfert de richesse gigantesque, qui est aussi un facteur de déséquilibre, entre pays consommateurs et pays producteurs de pétrole. En outre, on voit pointer à l’horizon le « pic de Hubbert », à savoir le moment à partir duquel les nouvelles réserves de pétroles ne pourront plus satisfaire la demande mondiale, propulsant les prix du brut à des niveaux carrément stratosphériques. Dans un scénario économique utopique, ces gigantesques profits pourraient servir à financer la conversion de l’économie mondiale à l’ère de l’énergie renouvelable, en étant investis dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’augmentation de l’efficacité écologique des systèmes urbains. Mais, dans le monde réel du capitalisme, ils alimentent la débauche de luxe apocalyptique dont Dubaï est l’illustration exemplaire
La Miami du Golfe persique
DUBAI, Martin Parr |
À entendre ses thuriféraires, Dubaï est parvenu à cet état de grâce en grande partie grâce à l’esprit visionnaire que El-Maktoum a hérité de son père, Sheikh Rashid, qui « a investi toute son énergie et ses ressources financières dans la transformation de son émirat en une vaste plate-forme économique mondialisée et un véritable paradis de la libre entreprise [16] ». En réalité, l’irrésistible ascension de Dubaï, comme celle des Émirats arabes unis en général, doit beaucoup à une série d’événements géopolitiques parfaitement fortuits. Paradoxalement, le principal atout de Dubaï, c’est la maigreur de ses réserves de pétrole offshore, aujourd’hui épuisées. Avec son minuscule arrière-pays dépourvu de la richesse géologique du Koweït ou d’Abou Dhabi, Dubaï a échappé à la pauvreté en adoptant la stratégie de Singapour et en devenant le principal centre du commerce, des finances et des loisirs dans le Golfe. Version postmoderne de la « ville-piège » — telle la Mahagonny de Brecht —, elle a su intercepter les superprofits du commerce pétrolier et les réinvestir dans la seule véritable ressource naturelle inépuisable d’Arabie : le sable. (De fait, à Dubaï, les méga-projets sont mesurés en volume de sable déplacé : 30 millions de mètres cube pour l’« Île-Monde », par exemple). Si la nouvelle vague de gigantisme immobilier incarnée entre autres par Dubailand atteint ses objectifs, vers 2010, la totalité du PIB de Dubaï proviendra d’activités non-pétrolières comme la finance et le tourisme [17].
En arrière-fond des ambitions exceptionnelles de Dubaï, il y a sa longue histoire de refuge pour pirates, contrebandiers et trafiquants d’or. À la fin de l’ère victorienne, un traité donna à Londres tout pouvoir sur la politique étrangère de l’émirat, ce qui eut pour effet de le maintenir à l’écart du contrôle de la cour ottomane et de ses percepteurs. Cette autonomie relative permit également à la dynastie El-Maktoum de tirer profit de sa souveraineté sur le seul port naturel en eaux profondes de la « Côte des Pirates », longue de 650 kilomètres. La pêche des perles et la contrebande restèrent les deux piliers de l’économie locale jusqu’au moment où, sous l’effet de la richesse pétrolière, l’expertise commerciale et les facilités portuaires de l’émirat devinrent un atout sur le marché régional. Jusqu’en 1956, date où fut construit le premier édifice en béton, l’ensemble de la population vivait dans un habitat traditionnel de type « barastri », sous des toits de palme, consommait l’eau du puits du village et faisait paître ses chèvres au milieu des rues étroites [18].
En 1971, peu après le retrait britannique de la péninsule arabique en 1968, le Cheik Rashid s’associa au dirigeant d’Abu Dhabi, le Cheik Zayed, pour créer les Émirats arabes unis, une fédération de type féodal mobilisée contre la menace commune de la guérilla marxiste d’Oman, puis du régime islamiste iranien. Abu Dhabi possédait la majorité des ressources pétrolières des Émirats (presque un douzième des réserves mondiales prouvées d’hydrocarbures) mais Dubaï était le port et le centre commercial le mieux situé. Quand le petit port d’origine se révéla trop petit pour absorber l’essor du commerce, les émirs utilisèrent une partie des profits du premier choc pétrolier pour aider Dubaï à financer la construction du plus grand port artificiel du monde, achevé en 1976. Après la révolution khomeyniste de 1979, Dubaï devint également le Miami du Golfe persique en accueillant un grand nombre d’exilés iraniens. Nombre d’entre eux se spécialisèrent dans le trafic d’or, de cigarettes et d’alcool à destination de l’Inde et de leur très puritaine patrie d’origine. Plus récemment, sous le regard indulgent de Téhéran, Dubaï a attiré de nombreux Iraniens aisés qui utilisent la ville comme plate-forme commerciale et enclave binationale, plus à la manière de Hong-Kong que de Miami. On estime que ces nouveaux immigrants de luxe contrôlent près de 30 % du marché de la construction immobilière de l’émirat [19]. Entre les années 1980 et le début des années 1990, sur la base de ces connexions plus ou moins clandestines, Dubaï est devenu la capitale régionale du blanchiment d’argent sale ainsi que le repaire de truands et de terroristes notoires. Le Wall Street Journal décrit comme suit la face cachée de la ville : « Avec ses souks de négociants d’or et de diamants, ses maisons de troc et ses bureaux de transferts d’argent informels, Dubaï prospère sur tout un réseau opaque de relations personnelles et d’allégeances claniques. Contrebandiers, trafiquants d’armes, financiers du terrorisme et professionnels du blanchiment profitent du laxisme ambiant, même si l’essentiel des affaires traitées dans l’émirat sont légales [20]. »
Début 2006, les congressistes américains se sont fortement émus de l’OPA lancée par la compagnie Dubaï Port World sur la Peninsular and Oriental Steam Navigation Company, une entreprise londonienne qui gère de nombreux ports aux États-Unis. L’éventualité – et les risques supposés- de la cession d’installations portuaires américaines à un pays du Moyen-Orient provoqua un tel scandale dans les médias que, malgré le soutien de l’administration Bush, Dubaï dût renoncer à l’affaire. La part de pur et simple racisme anti-arabe est indéniable dans cette réaction (les activités portuaires américaines sont déjà largement passées sous contrôle d’entreprises étrangères), mais la « connexion terroriste » de Dubaï, effet collatéral de son rôle de « Suisse du Golfe », est loin d’être un fantasme.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, une ample documentation illustre le rôle de Dubaï comme « centre financier des groupes islamistes radicaux », en particulier Al-Qaïda et les Taliban. D’après un ancien haut fonctionnaire du Trésor américain, « tous les chemins mènent à Dubaï lorsqu’on s’intéresse à l’argent [du terrorisme] ». Oussama Ben Laden aurait ainsi transféré de grosses sommes via la Dubaï Islamic Bank, qui appartient au gouvernement de l’émirat, tandis que les Taliban seraient passés par ses souks pour transformer les taxes prélevées sur les producteurs d’opium afghans – payées en lingots d’or — en dollars parfaitement légaux [21]. Dans son livre à succès Ghost Wars, Steve Coll affirme qu’après les attentats dévastateurs d’Al-Qaïda contre les ambassades américaines de Nairobi et Dar-es-Salaam, la CIA dut annuler en dernière minute un plan visant à liquider Ben Laden à l’aide de missiles de croisière alors qu’il avait été repéré dans le sud de l’Afghanistan : le chef terroriste y chassait en effet le faucon en compagnie d’un membre non identifié d’une famille royale des Émirats. D’après Steve Coll, la CIA « soupçonnait également des C-130 décollant de Dubaï de transporter des armes à destination des Taliban [22] ».
En outre, on sait que pendant près dix ans, le fief de El Maktoum a servi de refuge de luxe au Al Capone de Bombay, le légendaire truand Dawood Ibrahim. Sa présence dans l’émirat à la fin des années 1980 n’était pas franchement discrète : « Dawood coulait des jours heureux à Dubaï, écrit Suketu Mehta ; il y recréait Bombay en organisant des fêtes débridées où il faisait venir les plus grandes stars du cinéma de Bollywood et les joueurs de cricket de la ville ; il avait pour maîtresse une jolie stralette, Mandakini [23] ». Début 1993, selon le gouvernement indien, Dawood — qui travaillait avec les services de renseignement pakistanais – organisa depuis Dubaï les épouvantables attentats du « Vendredi noir » à Bombay, qui provoquèrent la mort de 257 personnes [24]. L’Inde demanda à Dubaï l’arrestation immédiate de Dawood, mais celui-ci qui fut autorisé à s’envoler pour Karachi, où il vit toujours sous la protection du gouvernement pakistanais. Son organisation criminelle, la « D-Company », poursuivrait néanmoins ses activités dans l’émirat [25].
Zone de guerre
Dubaï est aujourd’hui un partenaire respecté de Washington dans sa « Guerre contre le terrorisme » — elle sert notamment de base aux Américains pour espionner l’Iran [26]. Mais il est probable que El-Maktoum, comme les autres dirigeants des Émirats, conserve un canal ouvert avec les islamistes radicaux. Si Al-Qaïda le voulait, il pourrait sans aucun doute transformer en « tours infernales » le Burj Al-Arab et d’autres gratte-ciel emblématiques du paysage urbain de l’émirat. Mais jusqu’à maintenant, Dubaï est l’une des seules villes de la région à avoir complètement échappé aux attentats à la voiture piégée et aux attaques contre les touristes occidentaux. C’est très probablement dû au statut de l’émirat en tant que zone de blanchiment d’argent et refuge haut de gamme, tout comme Tanger dans les années 1940 ou Macao dans les années 1960. Le développement de son économie souterraine est la meilleure police d’assurance de Dubaï contre les attentats suicides et autres détournements d’avion.
En fait, même si c’est par des voies peu orthodoxes et souvent impénétrables, on peut dire que Dubaï vit littéralement de la peur. Le gigantesque complexe portuaire de Jebel Ali, par exemple, tire un immense profit des flux commerciaux engendrés par l’invasion américaine de l’Irak. Quant au Terminal numéro deux de l’aéroport de Dubaï, assidûment fréquenté par les salariés de la firme Halliburton, les mercenaires privés travaillant pour l’armée américaine et les troupes régulières en transit pour Bagdad ou Kaboul, on a pu le décrire comme le « terminal commercial le plus actif du monde », et ce au service de la machine de guerre états-unienne au Moyen-Orient [27]. L’après 11 septembre 2001 a aussi contribué à réorienter les flux d’investissements internationaux au profit de Dubaï ; Au lendemain des attentats d’Al-Qaïda, les États pétroliers du Golfe, traumatisés par la furie des Chrétiens fondamentalistes de Washington et par les poursuites engagées par les survivants du World Trade Center, ont cessé de considérer les États-Unis comme un refuge fiable pour leurs pétrodollars. On estime qu’à eux seuls, les Saoudiens paniqués ont rapatrié au moins un tiers de leurs avoirs outre-mer, qui se chiffrent en milliers de milliards de dollars. Même si les esprits se sont calmés depuis, Dubaï a énormément bénéficié du choix durable fait par les dynasties pétrolières d’investir dans la région plutôt qu’à l’extérieur. Comme le souligne Edward Chancellor, « à la différence du boom de la fin des années 1970, une part relativement réduite des surprofits pétroliers actuels ont été directement investis au États-Unis ou même injectés dans le système bancaire international. Cette fois, une bonne partie de l’argent du pétrole est restée sur place, et la frénésie spéculative se joue essentiellement sur la scène régionale [28] ».
Ainsi, en 2004, les Saoudiens (dont on estime que 500 000 d’entre eux se rendent à Dubaï au moins une fois par an) auraient englouti près de 7 milliards de dollars dans les grands projets immobiliers de l’émirat. Ce sont des Saoudiens, mais aussi des investisseurs d’Abu Dhabi, du Koweït, d’Iran et même de l’émirat rival de Qatar, qui financent les délires de Dubailand (dont les promoteurs officiels sont deux milliardaires de Dubaï, les frères Galadari) ainsi que d’autres chimères pharaoniques [29]. Bien que les économistes mettent l’accent sur le rôle stratégique des investissements boursiers dans le boom du Golfe persique, la région regorge de crédit bon marché grâce à une augmentation de 60 % des dépôts de garantie et à la politique monétaire accommodante de la Réserve fédérale américaine (les devises des émirats du Golfe sont toutes alignées sur le dollar) [30].
On connaît bien la musique sur laquelle dansent les pétrodollars. « La majorité des biens immobiliers du nouveau Dubaï, explique Business Week, sont acquis à des fins de spéculation, avec de toutes petites mises de départ. Ce qui permet de faire la culbute, comme à Miami [31]. » Mais à force de faire la culbute, on finit souvent par terre, prédisent certains économistes. La chute de Dubaï coïncidera-t-elle avec l’explosion de cette bulle immobilière, ou bien, sous l’effet du « pic pétrolier », cette Laputa des sables continuera-t-elle de flotter au-dessus des contradictions de l’économie-monde ? Rien ne vient ébranler la confiance d’El-Maktoum en son étoile : « Aux capitalistes, je dirai que ce n’est pas Dubaï qui a besoin d’investisseurs, mais les investisseurs qui ont besoin de Dubaï. Et si j’ai un conseil à leur donner, c’est qu’ils courent plus de risque à laisser dormir leur argent qu’à l’investir chez nous [32] . »
Le philosophe-roi de Dubaï (l’un des projets d’île artificielle sera d’ailleurs une réplique géante d’une épigramme de son cru) [33] sait parfaitement que c’est la peur qui tire à la hausse les revenus pétroliers qui ont permis de transformer les dunes de sable en forêt de gratte-ciel et de centres commerciaux. Chaque fois que des rebelles font exploser un pipeline dans le delta du Niger, chaque fois qu’un martyr lance son camion piégé contre un immeuble de Riyad, chaque fois que Washington et Tel Aviv piquent une colère contre Téhéran, le prix du pétrole (et les revenus de Dubaï) bénéficie de la hausse du niveau général d’anxiété sur les tout puissants marchés de futures. Autrement dit, la capitalisation des économies du Golfe n’est pas seulement indexée sur la production de pétrole, mais aussi sur la crainte d’une interruption de l’approvisionnement. D’après une enquête récente de l’hebdomadaire Business Week, « l’année dernière, le monde a versé aux États pétroliers du Golfe environ 120 milliards de dollars de bonus en raison des craintes de perturbation de l’approvisionnement. Certains esprits cyniques avancent que les producteurs de pétrole sont fort satisfaits de cette ambiance d’anxiété vu qu’elle accroît considérablement leurs profits ». D’après un des experts interrogés par Business Week, « la peur est une véritable manne pour les pays producteurs de pétroles » [34].
Mais cette manne, les magnats du pétrole préfèrent la dépenser dans une oasis tranquille entourée de hauts murs. Avec sa souveraineté garantie en dernier ressort par les porte-avions nucléaires américains qui mouillent fréquemment dans le port de Jebel Ali, et peut-être aussi par des accords secrets (négociés à l’occasion de chasses au faucon en Afghanistan ?) entre les princes des Émirats et le terrorisme islamique, Dubaï est un paradis ultra-sécurisé, avec son secret bancaire à la suisse, ses armées de portiers, de gardiens et autres nervis chargés de protéger ses sanctuaires du luxe. Des agents de sécurité se chargent de décourager les touristes tentés de jeter un coup d’œil furtif au Burj Al-Arab sur son îlot privé. Quant aux clients, bien entendu, ils débarquent en Rolls Royce.
Le beach club de Milton Friedman
DUBAI, Martin Parr |
Autrement dit, Dubaï est une grande communauté fermée, la plus grande Zone verte du monde. Plus encore que Singapour ou le Texas, elle est la parfaite expression des valeurs néo-libérales du capitalisme contemporain : une société entièrement conforme à l’imaginaire des Chicago boys. De fait, Dubai, est l’incarnation du rêve des réactionnaires américains — une oasis de libre-entreprise sans impôts, sans syndicats et sans partis d’opposition (ni élections, d’ailleurs). Comme il se doit dans un paradis de la consommation, sa fête nationale – non officielle -, qui définit aussi son image planétaire, est le fameux Festival du Shopping, parrainé par les vingt-cinq centres commerciaux de la ville. Ce grand moment de folie consumériste démarre tous les 12 janvier et attire pendant un mois quatre millions de consommateurs haut de gamme, provenant essentiellement du Moyen-Orient et d’Asie du Sud [35].
L’absolutisme féodal qui règne à Dubaï — la dynastie El Maktoum possède l’intégralité du territoire de l’émirat — est vendu au monde extérieur comme le nec plus ultra de la culture d’entreprise éclairée, et la confusion entre politique et management est un mot d’ordre officiel : « Les gens considèrent notre Prince comme le PDG de Dubaï. Tout simplement parce qu’il dirige vraiment le pays comme une entreprise privée pour le bien du secteur privé, pas pour celui de l’État », explique Saïd El Muntafiq, directeur de la Dubai Development and Investment Authority. Si le pays est une grande firme, comme ne cesse de l’affirmer El Maktoum, alors le « gouvernment représentatif » n’a plus de raison d’être : après tout, General Electric et Exxon ne sont pas des démocraties et personne – à l’exception de quelques bolchéviques enragés — n’exige qu’elles le deviennent.
À Dubaï, le gouvernement se confond pratiquement avec l’entreprise privée. Tout en contrôlant les rouages administratifs de l’État, les hauts responsables de l’émirat — tous roturiers et recrutés sur la base de leur mérite — sont à la tête d’une grande entreprise de BTP propriété de la famille El Maktoum. En réalité, le « gouvernement » est une équipe de gestion de portefeuille dirigée par trois managers de haut vol qui sont en concurrence pour assûrer à la dynastie le meilleur retour sur investissement possible (voir tableau 2). « Dans un tel système, écrit William Wallis, la notion de conflit d’intérêt n’a pas vraiment droit de cité ». Dans la mesure où l’émirat est aux mains d’un seul propriétaire qui monopolise l’énorme quantité de rentes et de revenus fonciers qui s’accumulent dans ses caisses, Dubaï peut largement se passer de l’appareil de prélèvement fiscal – droits de douane, impôts directs et indirects, etc.– sans lequel ne sauraient suvivre les autres gouvernements. Ce taux d’imposition quasi nul stimule les investissements immobiliers, tandis que les voisins d’Abu Dhabi, riches en pétrole, assurent le financement des fonctions régaliennes, dont la diplomatie et la défense, qui dépendent de l’administration fédérale des Émirats. Celle-ci est elle-même un condominium chargé de gérer les intérêts des Cheiks au pouvoir et de leur famille.
Tableau 2. Le triumvirat.
Dans la même veine, à Dubaï, la liberté individuelle est une variable du « business plan », pas un droit constitutionnel, et encore moins un « droit inaliénable ». El Maktoum et ses lieutenants doivent arbitrer entre, d’un côté, l’autorité tribale et la loi islamique et, de l’autre, la culture d’entreprise et l’hédonisme décadent importés d’Occident. L’ingénieuse solution de ce dilemme est, pourrait-on dire, un régime de « libertés modulées » fondé sur une séparation spatiale rigoureuse des diverses fonctions économiques et des classes sociales, elles-mêmes ethniquement différenciées. Pour en comprendre le fonctionnement concret, une vision d’ensemble de la stratégie de développement de l’émirat est indispensable.
Dubaï est surtout connue pour ses extravagances touristiques, mais la ville-État a pour ambition première de capter le plus de valeur ajoutée possible à travers toute une série de zones franches et de pôles de développement high tech. « Pour se transformer en mégalopole, écrit un journaliste d’ABC, une des stratégies de ce petit comptoir côtier a consisté à n’hésiter devant aucune concession pour inciter les entreprises à investir et s’implanter à Dubaï. Dans certaines zones franches, les investisseurs étrangers peuvent légalement posséder jusqu’à 100 % des actifs, sans avoir à payer aucun impôt ni aucun droit de douane [36]. » La première zone de ces zones franches, établie dans les limites du district portuaire de Jebel Ali, accueille aujourd’hui plusieurs milliers d’entreprises commerciales et industrielles. Elle est la tête de pont des firmes américaines vers l’Arabie saoudite et les marchés du Golfe [37].
Mais l’essentiel de la croissance à venir reposera sur tout un archipel de pôles de développement spécialisés. Les plus grandes de ces villes dans la ville sont : Internet City, qui est d’ores et déjà le principal centre de technologie de l’information du monde arabe et accueille les filiales de Dell, Hewlett-Packard, Microsoft, etc. ; Media City, siège du réseau de télévision satellitaire Al Arabiya et de nombreux autres conglomérats internationaux de la communication ; et le Dubai International Financial Centre, dont El Maktoum espère qu’il deviendra la première place boursière à mi-chemin de l’Europe et de l’Est asiatique, à destination des investisseurs étrangers alléchés par l’énorme réservoir de revenus pétrolier du Golfe.
Outre ces méga-enclaves, dont chacune emploie des dizaines de milliers de personnes, Dubaï accueille également (ou prévoit de construire) : une Cité de l’Aide humanitaire, destinée aux interventions d’urgence en cas de catastrophe ; une zone franche dédiée à la vente de voitures d’occasion ; un centre international des métaux et des matières premières ; le siège de l’Association internationale des Joueurs d’Échecs, à savoir une « Cité des Échecs » bâtie en forme d’échiquier, avec deux tours « royales » de 64 étages ; et un Village de la Santé associé à la faculté de médecine Harvard, qui offrira aux classes privilégiées de la région la technologie médicale américaine la plus avancée (coût : 6 milliards de dollars) [38].
Dubaï n’est évidemment pas la seule ville de la région à posséder des zones franches et des pôles de développement high tech, mais elle est la seule à offrir à ces enclaves un régime juridique d’exception taillé sur mesure pour les investisseurs étrangers et les cadres supérieurs délocalisés. Comme le souligne le Financial Times, « ces niches de profit autorégulées sont au cœur de la stratégie de développement de Dubaï [39]. » Ainsi, Media City est pratiquement libre de la censure qui règne dans le reste de la ville, tandis que l’accès à la toile n’est pas filtré à Internet City. Les Émirats ont autorisé Dubaï à mettre en place un « système économique entièrement autonome, copié de l’Occident et travaillant en dollars et en anglais ». Non sans susciter des protestations, Dubaï a également importé des juristes et des magistrats britanniques retraités et spécialisés en thèmes financiers pour gagner la confiance des investisseurs en démontrant qu’elle appliquait les mêmes régles du jeu que Zurich, Londres et New York [40]. Parallèlement, en mai 2002, pour assurer la vente rapide des luxueuses villas de Palm Jumeirah et des îlots privés de l’Île-Monde, El Maktoum a annoncé une véritable « révolution immobilière » qui permettra aux étrangers d’en devenir les propriétaires définitifs, au lieu de bénéficier d’un simple bail de 99 ans, comme c’est le cas partout ailleurs dans la région [41].
Non content de tolérer ces enclaves de laissez-faire économique et de liberté d’expression, l’émirat est connu pour sa mansuétude à l’égard des vices occidentaux – à l’exception de la consommation de drogue. Contrairement à ce qui se passe en Arabie saoudite ou même à Koweït City, l’alcool coule à flots dans les hôtels et les bars pour étrangers de la ville, et personne ne s’indigne de voir des jeunes femmes en bustier léger ou même des baigneuses en string sur la plage. Dubaï — tous les guides les plus branchés vous le confirmeront — est aussi le « Bangkok du Moyen-Orient », avec ses milliers de prostituées russes, arméniennes, indiennes ou iraniennes contrôlées par diverses mafias et gangs transnationaux. Les filles russes accoudées au bar sont la façade glamour d’un sinistre trafic basé sur les enlèvements, l’esclavage sexuel et la violence sadique. Bien entendu, la modernissime administration d’El Maktoum nie toute responsabilité dans cette industrie du sexe florissante, même si les initiés savent parfaitement que les putes sont indispensables pour remplir les hôtels cinq étoiles d’hommes d’affaires européens et arabes [42]. Quand les étrangers vantent l’exceptionnelle « ouverture » de Dubaï, c’est à cette permissivité libidineuse qu’ils font allusion, pas à la liberté syndicale ou à celle de la presse.
Une majorité de serfs invisibles
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Comme les émirats voisins, Dubaï a atteint la perfection dans l’art d’exploiter les travailleurs. Dans un pays qui n’a aboli l’esclavage qu’en 1963, les syndicats, les grèves et les agitateurs sont généralement hors la loi, et 99 % des salariés du secteur privé sont des étrangers expulsables sur-le-champ. De fait, la sauvagerie des rapports sociaux qui règnent à Dubaï a de quoi mettre l’eau à la bouche des têtes pensantes de l’American Enterprise et autres Cato Institute [43].
Au sommet de la pyramide, on trouve bien entendu les El Maktoum et leurs cousins, qui possèdent le moindre grain de sable exploitable sur le territoire du royaume. Ensuite, viennent les autochtones, 15 % de la population (souvent descendants d’arabophones du sud de l’Iran) qui forment une classe d’oisifs privilégiés reconnaissables à leur uniforme, la djellabah blanche, baptisée dishdash dans la péninsule arabique. En échange de leur soumission à la dynastie, ils reçoivent de généreuses prestations sociales, une éducation gratuite, des logements sociaux et des emplois publics. À l’échelon inférieur, on trouve une couche de mercenaires choyés par le régime : plus de cent mille expatriés en provenance du Royaume-Uni (sans compter les cent mille autres citoyens britanniques qui possèdent une résidence secondaire à Dubaï) côtoient les milliers de cadres et de spécialistes européens, libanais, iraniens et indiens qui profitent à fond de leur opulence climatisée, agrémentée de deux mois de congés payés outremer tous les étés. Les membres du contingent britannique, avec à leur tête le footballeur David Beckham (qui a acheté une plage) et le chanteur Rod Stewart (heureux propriétaire d’une île), sont sans doute les principaux thuriféraires du paradis d’El Maktoum. Ils sont nombreux à s’épanouir voluptueusement dans un cadre qui leur rappelle les splendeurs disparues du Raj et les délectables contreparties du fardeau de l’homme blanc. L’émirat est passé maître dans l’art de cultiver la nostalgie coloniale [44].
Mais si Dubaï ressemble un peu à un Empire britannique en modèle réduit, c’est aussi pour des raisons moins frivoles. La grande masse de la population y est constituée de travailleurs sous contrat venus d’Asie du Sud, étroitement dépendants d’un unique employeur et soumis à un contrôle social de type totalitaire. Une myriade de domestiques philippines, srilankaises et indiennes veillent au bien-être fastueux des élites, tandis que le boom immobilier (qui emploie un quart de la main-d’œuvre) repose sur une armée de Pakistanais et d’Indiens sous-payés – le plus gros contingent vient du Kerala- travaillant douze heures par jour, six jours et demi par semaine, par des températures infernales.
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À l’instar de ses voisins, Dubaï viole systématiquement les règles de l’OIT et refuse de signer la Convention des Nations unies sur les droits des travailleurs migrants. En 2003, l’ONG Human Rights Watch a accusé les Émirats arabes unis de construire leur prospérité sur le « travail forcé ». De fait, comme le soulignait récemment le quotidien britannique The Independent « le marché du travail ressemble à s’y méprendre au système colonial des travailleurs sous contrat importés d’outremer, jadis introduit dans l’émirat par ses anciens maîtres britanniques. » « Tout comme leurs ancêtres tombés dans la misère, poursuit le quotidien londonien, les travailleurs asiatiques qui débarquent dans les Émirats sont obligés de se soumettre par contrat à une forme d’esclavage virtuel. Leurs droits s’évanouissent à leur arrivée à l’aéroport lorsque les recruteurs confisquent leur passeport et leur visa [45]. »
Non contents d’être surexploités, les ilotes de Dubaï — comme le prolétariat dans Metropolis de Fritz Lang — doivent se faire invisibles. La presse locale ne peut rien publier sur l’exploitation des travailleurs migrants ni sur la prostitution (les EAU occupent le 137ème rang sur l’échelle de la liberté de la presse établie par Reporters sans Frontières). De même, « les travailleurs asiatiques n’ont pas accès aux rutilants centres commerciaux, aux terrains de golf flambant neufs et aux restaurants chics [46] ». Et les sordides baraquements de la périphérie où ils s’entassent à six, huit, voire douze dans une seule pièce, souvent sans climatisation ni toilettes décentes, sont inconnus des circuits touristiques officiels, qui vantent une oasis de luxe, sans pauvreté ni bidonvilles [47]. On rapporte qu’il y a quelque temps, lors d’une visite à un de ces foyers de travailleurs géré par un promoteur immobilier, le ministre du Travail des Émirats lui-même fut scandalisé par l’incroyable état d’insalubrité de ces installations. Ce qui n’empêcha pas les mêmes travailleurs d’être aussitôt arrêtés lorsqu’ils eurent la mauvaise idée de former un syndicat pour obtenir le règlement de salaires impayés et l’amélioration de leurs conditions de vie [48].
La police de Dubaï détourne assez facilement les yeux des importations illégales d’or et de diamant, des réseaux de prostitution et des personnages louches qui achètent d’un seul coup vingt-cinq villas en liquide, mais elle manifeste un zéle remarquable lorsqu’il s’agit d’expulser des ouvriers pakistanais qui se plaignent que leur patron ne les paye pas, ou d’emprisonner pour « adultère » des domestiques philippines violées par leur employeur [49]. Pour éviter d’attiser la menace démographique et sociale chiite qui inquiète tant Bahreïn et l’Arabie saoudite, les Émirats ont privilégié la main-d’œuvre non arabe venue de l’ouest de l’Inde, du Pakistan, du Sri Lanka, du Bangladesh, du Népal et des Philippines. Mais, comme les travailleurs asiatiques ont commencé à se montrer indociles, les autorités ont dû faire marche arrière et adopter une soi-disant « politique de diversité culturelle » : « on nous a demandé de ne plus recruter d’Asiatiques », explique un employeur, ce qui permet de mieux contrôler la main-d’œuvre en diluant les divers contingents nationaux grâce à un flux croissant de travailleurs arabes [50].
Cette politique de discrimination contre les Asiatiques se heurte à la faible disponibilité des Arabes à travailler pour des salaires de misère (100 à 150 dollars par mois) dans un secteur de la construction avide de main-d’œuvre et caractérisé par la prolifération des nouveaux projets et des méga-chantiers inachevés [51]. C’est justement ce boom de la construction, avec les conditions de travail et de sécurité épouvantables qui l’accompagnent, qui a préparé le terrain de la révolte. D’après Human Rights Watch, rien qu’en 2004, 880 ouvriers du bâtiment ont trouvé la mort sur leur lieu de travail. La plupart de ces accidents n’ont pas été signalés par les employeurs ou ont été étouffés par le régime [52]. Par ailleurs, les foyers de travailleurs construits en plein désert par les géants de l’industrie du bâtiment et leurs sous-traitants se caractérisent par l’absence de conditions minimales d’hygiène et d’approvisionnement satisfaisant en eau potable. Entre autres facteurs qui mettent à rude épreuve la patience des travailleurs, on peut citer l’allongement constant de la distance entre les foyers et les chantiers, le despotisme (teinté de préjugés raciaux ou religieux) des contremaîtres, la présence de gardes privés et de mouchards dans les foyers, des contrats de travail qui relèvent pratiquement de l’esclavage pour dette et, enfin, la totale impunité dont jouissent les employeurs qui disparaissent du jour au lendemain ou qui se déclarent en faillite sans payer les arriérés de salaire [53]. C’est de cette condition pitoyable que témoignait un travailleur du Kerala interviewé par le New York Times : « Je voudrais que les riches sachent qui a construit ces tours. Qu’ils viennent ici et voient à quoi ressemble notre vie [54]. »
Les premiers signes de rébellion sont apparus à l’automne 2004, lorsque plusieurs milliers de travailleurs asiatiques défilèrent courageusement sur l’autoroute à huit voies Sheikh Zayed en direction du ministère du Travail. Ils y furent acueillis par la police anti-émeute et par des fonctionnaires brandissant des menaces d’expulsion massive [55]. L’année 2005 fut marquée par des manifestations et des grèves de moindre envergure en signe de protestation contre le non paiement des salaires ou la dangerosité des conditions de travail. Ces mobilisations s’inspiraient de la grande révolte des travailleurs bengalis du Koweït, au printemps de la même année. Au mois de septembre, près de sept mille travailleurs manifestèrent trois heures d’affilée – la plus grande protestation de l’histoire de Dubaï. Et puis il y a eu l’émeute du 22 mars 2006, déclenchée par le harcèlement des gardes de sécurité de la tour de Burj Dubai.
C’était la fin de la journée. Quelque 2 500 travailleurs épuisés attendaient les autobus qui devaient les ramener à leurs dortoirs dans le désert. Les bus étaient en retard. Les gardes commencèrent à agresser les ouvriers. Furieux, ces derniers -pour la plupart des musulmans indiens – contre-attaquèrent et tabassèrent les gardes, avant de s’en prendre aux bureaux de leur entreprise. Ils incendièrent des voitures de fonction, saccagèrent les locaux et détruisirent ordinateurs et dossiers. Le lendemain matin, l’armée des travailleurs mit la police au défi de revenir sur les lieux, refusant de se remettre à l’ouvrage tant que leur employeur – Al Naboodah Laing O’Rourke, une entreprise locale- ne leur accorderait pas une augmentation des salaires et une amélioration des conditions de travail. Sur le chantier du nouveau terminal de l’aéroport, des milliers d’ouvriers s’associèrent à cette grève sauvage. Quelques concessions mineures accompagnées de menaces drastiques vinrent à bout de la mobilisation, mais le mécontentement continua à faire rage. En juillet, des centaines d’ouvriers du chantier Arabian Ranches se révoltèrent contre la pénurie chronique d’eau dont souffraient leurs baraquements. D’autres travailleurs ont organisé des réunions syndicales clandestines, et auraient même menacé d’installer des piquets de grève à l’entrée des hôtels et des centres commerciaux [56].
Dans le désert des Émirats, l’écho de la voix rebelle des travailleurs porte plus loin qu’ailleurs. En fin de compte, Dubaï dépend au moins autant de la main-d’œuvre bon marché que des prix élevés du pétrole. et les El Maktoum, tout comme leurs cousins des autres émirats, savent fort bien qu’ils règnent sur un royaume irrigué par la sueur des travailleurs sud-asiatiques. Dubaï a tellement investi sur son image idyllique de paradis du capital que même des troubles mineurs pourraient avoir des conséquences dramatiques sur la confiance des investisseurs. L’émirat est donc en train d’étudier toute une gamme de réponses possibles à l’agitation ouvrière, qui vont d’une politique d’expulsions et d’arrestations en masse à l’autorisation partielle de certaines formes de négociation collective. Mais tolérer aujourd’hui la moindre contestation, c’est risquer de voir surgir demain des revendications qui ne concerneront plus seulement les libertés syndicales, mais aussi les droits civiques, menaçant ainsi les fondements absolutistes du pouvoir des El Maktoum. Aucun des partenaires de Dubaï SA – qu’il s’agisse de la marine américaine, des milliardaires saoudiens ou de la joyeuse cohorte des riches résidents étrangers — ne souhaite assister à la naissance d’un Solidarnosc au milieu du désert.
El Maktoum, qui se verrait bien en prophète de la modernité arabo-persique, adore impressionner ses invités avec des proverbes subtils et des aphorismes lourdement signifiants. Citons l’une de ses maximes favorites : « Quiconque n’essaie pas de transformer le futur restera prisonnier du passé [57]. » Mais le futur qu’il construit à Dubaï — sous les applaudissements des milliardaires et des multinationales du monde entier — s’apparente plutôt à un cauchemar émergé du passé : la rencontre d’Albert Speer et de Walt Disney sur les rivages de l’Arabie.
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NOTES :
[3] « Ski in the Desert ? », Observer, 20 novembre 2005 ; Hydropolis : Project Description, Dubaï, août 2003, [->www.conway.com
[5] Un jour, un responsable du tourisme à Dubaï a déclaré à propos de l’Égypte : « Ils ont les pyramides et ils n’en font rien ! Avez-vous la moindre idée de ce que nous, nous ferions avec les pyramides ? » L. SMITH, « The Road to Tech Mecca », Wired Magazine, juillet 2004.
[6] Official Dubailand FAQ (département marketing). « C’est comme si toutes les formes de divertissement de l’humanité avaient été rentrées dans un Power Point pour ensuite faire l’objet d’un vote à main levée. », I. PARKER, « The Mirage », The New Yorker, 17 octobre 2005.
[8] Les Maktoum possèdent aussi le musée de Madame Tussaud à Londres, le Helmsley Building et la Essex House à Manhattan, des milliers d’appartements dans les états du Sud et du Sud-Ouest des États-Unis, des ranchs giganstesques dans le Kentucky et « des parts significatives dans DaimlerChrysler » (New York Times). Cf. « Royal Family of Dubai Pays $1.1 Billion for 2 Pieces of New York Skyline », 10 novembre 2005.
[9] La « King Abdullah Economic City » en Arabie saoudite un projet immobilier de 30 milliards de dollars sur la Mer rouge sera en réalité un satellite de Dubaï, construit par le géant du BTP Emaar, propriété de la famille Maktoum. Cf. « OPEC Nations Temper the Extravagance », New York Times, 1er février 2006.
[10] R. MOORE, « Vertigo : the strange new world of the contemporary city », in R. MOORE, ed., Vertigo, Corte Madera, ca 1999.
[12] G. KATODRYTIS, “Metropolitan Dubai and the Rise of Architectural Fantasy”, Bidoun, n° 4, printemps 2005.
[16] J. KECHICHIAN, « Sociopolitical Origins of Emirati Leaders », in J. KECHICHIAN (sous la dir.), A Century in Thirty Years : Shaykh Zayed and the UAE, Washington DC, 2000, p. 54.
[17] J. LYNE, « Disney Does the Desert ? », 17 novembre 2003.
[18] M. PACIONE, « City Profile : Dubai », Cities, vol. 22, n° 3, 2005, pp. 259–60.
[19] « Young Iranians Follow Dreams to Dubai », New York Times, 4 décembre 2005. On constate également depuis peu une très forte immigration de riches Iraniens-Américains et que « certaines rues de Dubaï commencent à ressembler à certains quartiers de Los Angeles ».
[20] Wall Street Journal, 2 mars 2006.
[21] G. KING, « The Most Dangerous Man in the World : Dawood Ibrahim », New York, 2004, p. 78 ; D. FARAH, « Al Qaeda’s Gold : Following Trail to Dubai », Washington Post, 18 février 2002 ; S. FOLEY, « What Wealth Cannot Buy : uae Security at the Turn of the 21st Century », in B. RUBIN (sous la dir.), « Crises in the Contemporary Persian Gulf », Londres, 2002, pp. 51–2.
[22] S. COLL, Ghost Wars, New York, 2004, p. 449.
[23] S. MEHTA, Bombay Maximum City, trad. fr. Buchet Chastel, 2006, p. 200.
[24] S. H. ZAIDI, Black Friday : The True Story of the Bombay Bomb Blasts, Delhi, 2002, pp. 25–7 and 41-4.
[25] Cf. « Dubai’s Cooperation with the War on Terrorism Called into Question », Transnational Threats Update, Centre for Strategic and International Studies, février 2003, pp. 2–3 ; et « Bin Laden’s operatives still using freewheeling Dubai », USA Today, 2 septembre 2004.
[26] I. CHERNUS, « Dubai : Home Base for Cold War », 13 mars 2006, Common Dreams News Centre.
[27] P. CHATTERJEE, « Ports of Profit : Dubai Does Brisk War Business », 25 février 2006, Common Dreams News Centre.
[28] E. CHANCELLOR, « Seven Pillars of Folly », Wall Street Journal, 8 mars 2006 ; sur les fonds saoudiens rapatriés, AME Info, 20 mars 2005.
[29] AME Info, 9 juin 2005.
[30] E. CHANCELLOR, « Seven Pillars of Folly », art. cit.
[31] S. REED, « The New Middle East Bonanza », Business Week, 13 mars 2006.
[32] J. LYNE, « Disney Does the Desert ? », art. cit..
[33] Vu du ciel, on pourra lire, « Apprenez des gens sages. Un cavalier n’est pas toujours jockey ».
[34] P. COY, « Oil Pricing »,Business Week, 13 mars 2006
[35] Tarek ATIA, « Everybody’s a Winner », Al-Ahram Weekly, 9 février 2005.
[36] Hari SREENIVASAN, « Dubai : Build It and They Will Come »,ABC News, 8 février 2005.
[37] Michael PACIONE, « City Profile : Dubai », art. cit., p. 257.
[38] Lee SMITH, « The Road to Tech Mecca », art. cit. ; Stanley REED, « A Bourse is Born in Dubai », Business Week, 3 octobre 2005 ; et Roula KHALAF, « Stock Exchanges : Chance to tap into a vast pool of capital »,Financial Times, 12 juillet 2005.
[39] Roula KHALAF, « Stock Exchanges », art. cit..
[40] William MCSHEEHY, « Financial centre : A three-way race for supremacy », Financial Times, 12 juillet 2005.
[41] « A Short History of Dubai Property », AME Info, août 2004.
[42] Lonely Planet, Dubai : City Guide, London 2004, p. 9 ; and William RIDGEWAY, « Dubai, Dubai—The Scandal and the Vice », Social Affairs Unit, 4 avril 2005.
[43] L’American Enterprise Institute est une fondation néoconservatrice américaine. Le Cato Institute est un think tank libertarien [NdT].
[44] William WALLIS, « Demographics : Locals swamped by a new breed of resident », Financial Times, 12 juillet 2005.
[45] Nick MEO, « How Dubai, playground of business men and warlords, is built by Asian wage slaves », The Independent, 1er mars 2005.
[46] Ibid.
[47] Lucy WILLIAMSON, « Migrants’ Woes in Dubai Worker Camps », BBC News, 10 février 2005.
[48] Voir le récit publié le 15 février 2005 sur secretdubai.blogspot.com.
[49] Sur l’emprisonnement des victimes de viols, cf. « Asia Pacific Mission for Migrants », News Digest, septembre 2003.
[50] Meena JANARDHAN, « Welcome mat shrinking for Asian workers in UAE », Inter Press Service, 2003.
[51] Voir Ray JUREIDINI, « Migrant Workers and Xenophobia in the Middle East », UN Research Institute for Social Development, Identities, Conflict and Cohesion : Programme Paper n° 2, Genève, décembre 2003.
[52] « UAE : Abuse of Migrant Workers », Human Rights Watch, 30 mars 2006.
[53] Anthony SHADID, « In uae, Tales of Paradise Lost », Washington Post, 12 avril 2006.
[54] Hassan FATTAH, « In Dubai, an Outcry from Asians for Workplace Rights », New York Times, 26 mars 2006.
[55] Julia WHEELER, « Workers’ safety queried in Dubai », BBC News, 27 septembre 2004.
[56] Hassan FATTAH, « In Dubai » ; Dan MCDOUGALL, « Tourists become targets as Dubai’s workers take revolt to the beaches », Observer, 9 avril 2006 et « Rioting in Dubai Labour Camp », Arab News, 4 juillet 2006.
[57] Cité in LYNE, « Disney Does the Desert ? »
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