Solomon Benjamin
Revitaliser la ville indienne,
Milieux d’affaires, société civile
& politiques anti-pauvres
& politiques anti-pauvres
Revue Agone
n° 38/39, 2008
Faire des métropoles indiennes des lieux branchés dignes des réclames sur papier glacé des magazines anglais, transformer Bangalore en Singapour, créer les conditions de la concurrence de Mumbaï avec Calcutta pour le titre de « Nouvelle Shanghai » et Delhi de « Nouvelle Londres », ces rêves mondialisés sont portés par des intérêts divers. Les États et le gouvernement fédéral indiens, conseillés par des cabinets internationaux financés avec l’argent du développement et par les grands donateurs internationaux ; les institutions financières et les banques internationales ; bien sûr, les promoteurs immobiliers et les grandes chaînes de distribution qui cherchent à « organiser le commerce de détail » dans de gigantesques centres commerciaux ; et, tout à fait centrales, les élites expatriées revenues au pays. Ces dernières ont les moyens de leur consumérisme et sont nostalgiques des banlieues du New Jersey, se pinçant le nez devant une Inde qu’elles perçoivent comme couverte de bidonvilles, sale, anarchique et livrée au crime.
Le développement du marché immobilier et de la consommation de produits de marque est un projet politique au sens fort, mené aujourd’hui au nom d’idées et de valeurs qui, autrefois, sous-tendaient des réformes progressives. En témoignent les habits neufs d’une partie du secteur associatif qui, en intégrant l’appareil d’État et en se convertissant à la définition capitaliste de la propriété privée, contribue à légitimer ce processus.
Main basse sur Bangalore
Le tournant idéologique des années 1990
Avant les années 1990, les villes indiennes ne constituaient guère un enjeu politique. Mais l’année 1991 fut marquée à la fois par la « libéralisation » de l’économie indienne et par l’apparition d’une vision de la ville promue par la Banque mondiale au rang de principal facteur de productivité. L’objectif avéré était de transférer les financements consacrés à la satisfaction des besoins de base de la population (approche dominante dans les années 1970 et 1980) vers des méga-projets d’infrastructures visant à positionner les villes dans le circuit de la finance mondiale. La réduction de la pauvreté était censée suivre d’elle-même, avec juste un décalage dans le temps. Parallèlement au soutien accordé par la Banque mondiale, USAid et le Department For International Development britannique à de multiples instituts de recherche travaillant sur ce thème, les donateurs sélectionnèrent, au sein des bureaucratie d’État, des « agents du changement » qui seraient formés aux nouvelles idées dans des « forums » internationaux et régionaux. On l’a dit, ces idées consistaient donc à en finir avec les investissements publics dans les bidonvilles – qui couvrent pourtant la plus grande part du territoire urbain et abritent l’essentiel des activités productives –, pour se concentrer sur de grandes infrastructures, alimenter des partenariats public-privé (PPP) et des « fonds d’incitation».
Les principales cibles de cette réforme étaient les investissements réputés « politiques » des municipalités. Les zones péri-urbaines et les bidonvilles des centres-ville dans lesquels se concentrent 70 à 80 % de la population sont en effet « illégaux », la propriété de facto y constitue la norme, et ils ne sont pas couverts par des plans d’urbanisme. Officiellement, les municipalités ne peuvent donc pas y financer des infrastructures. Les habitants ont cependant un poids électoral et des relais politiques suffisants pour que les pouvoirs locaux soient contraints de passer outre. Pour y mettre fin, des changements institutionnels s’imposaient (on parlerait plus tard de « bonne gouvernance ») : renforcement de l’autorité des partis politiques centraux sur les conseils municipaux, gouverneurs convertis à l’idéologie du management et nouvelles règles comptables contraignantes. Ce type de réformes – expérimenté d’abord en Amérique du Sud dans le cadre de la « sortie des dictatures » – est une véritable machine à dépolitiser les institutions, permettant d’ouvrir un marché au capitalisme international tout en préservant les investisseurs des « risques politiques ».
L’urbanisme indien, un frein à l’extraction des plus-values immobilières
Dans la nouvelle ville indienne globalisée, les pauvres sont bien sûr supposés bénéficier des réformes. Ce conte de fées laisse rêveur si on considère que les principaux freins à la globalisation de la ville sont réputés être les quartiers non planifiés et « anarchiques ». Que les villes indiennes ressemblent enfin aux banlieues du New Jersey n’est pas une simple question de look. La propriété individuelle est une condition première, socle d’un marché immobilier local intégré à un marché mondial où les investisseurs lorgnent avec concupiscence sur les taux de croissance indiens. Or l’anarchie de l’urbanisme indien contrarie ces développements. La propriété foncière est régulée par de multiples statuts du droit coutumier et les municipalités sont enclines à régulariser la propriété de facto. Cette situation conduit au partage des valeurs immobilières entre une grande diversité d’occupants du sol, pas forcément propriétaires. Ces particularités urbanistiques tiennent aussi le capital global en échec dans un autre domaine, celui du commerce de détail : selon les institutions financières internationales, le commerce « organisé » dans les métropoles indiennes ne représente que 2 % ; et l’énorme croissance du commerce de détail (30 % annuels) est le fait de petits magasins familiaux qui pratiquent des prix très bas, souvent sur des produits démarqués. La construction de grands centres commerciaux suppose l’élimination de cette concurrence en déclarant les commerces illégaux, notamment du point de vue de la propriété foncière, particulièrement dans les zones centrales convoitées.
Le bidonville est donc un sérieux obstacle à la concrétisation des profits auxquels prétend le capital international. Du même coup, il lèse considérablement les intérêts financiers des élites urbaines, et tout particulièrement des expatriés revenus au pays. Et cela de deux façons. Sur un marché local comme celui de Bangalore, qui est en plein boom, ces derniers investissent dans l’immobilier de luxe à fort potentiel. Mais cette classe dispose aussi d’une part significative de son patrimoine à l’étranger, souvent dans des paradis fiscaux. Et la part de capital qu’elle investit à l’international est souvent confiée à des fonds qui opèrent sur les « marchés émergents » d’Inde et de Chine. Dès lors, non seulement les bidonvilles dévaluent les propriétés mais ils font aussi douter de l’efficacité de réformes censées garantir la rentabilité du capital placé sur le marché international.
L’atterrissage des technologies de l’information
Bangalore est désormais promue au rang de « Silicon Valley de l’Inde ». L’accroissement des inégalités fait l’objet de moins de publicité. En 1991, la différence de revenu entre les 20 % les plus pauvres et les 20 % les plus riches était de 1 à 5. En 2001, ce rapport était déjà de 1 à 50.
En 1999, le gouvernement délimita en périphérie de Bangalore un périmètre d’expropriation réservé au secteur des technologies de l’information plus étendu que la ville elle-même (une fois et demie Paris, soit 154 km2) et viabilisé pour un coût très élevé (construction d’infrastructures, connexion aux fluides.) Il en alla de même pour 5 000 autres acres dans le cadre du projet de nouvel aéroport international ; mais 40 % de cette dernière superficie était en réalité réservée à la promotion immobilière. Dans son zèle pour transformer Bangalore, l’État fit ainsi cadeau au PPP (mené par Siemens pour la construction de l’aéroport) de 3,65 milliards de roupies – ce qu’on rapportera aux 30 millions consacrés par l’État en 2000-2001 aux infrastructures scolaires ; ce qui représentait aussi le double des dépenses publiques pour la santé, l’éducation et l’aide sociale de cette année-là. Le cadeau reposait sur la cession à tarif très préférentiel de terrains que le consortium pouvait développer à sa guise, en plus des surfaces nécessaires à la construction de l’aéroport proprement dit. Avec une capacité quatorze fois supérieure, l’aéroport de Heathrow a une emprise de 35 % inférieure aux terres expropriées pour celui de Bangalore ; et au sein de ce partenariat public-privé, le gouvernement du Karnataka dispose de 14 % des parts, qui correspondent en fait à la valeur des terrains qu’il a apportés mais évalués au prix de l’expropriation de terres agricoles, soit 10 fois moins que le prix de terrains à bâtir. Dans un autre cas qui, lui, déclencha un scandale politique, les paysans furent expropriés au prix très bas de 10 roupies par unité de surface, avant viabilisation par les pouvoirs publics pour un montant oscillant entre 800 et 1 000 roupies. Les terrains avaient ensuite été cédés à un PPP au prix record d’une roupie !
Certains pensent que ces investissements énormes destinés à attirer les grandes firmes informatiques sont compensés en termes de revenus et d’emplois, mais encore faudrait-il le prouver. Les statistiques montrent que seuls 4 % de la population de la ville tirent des revenus directs ou indirects de l’industrie informatique, soit sans comparaison aucune avec le commerce, l’industrie, le textile et la soie. Il n’existe aucune étude permettant de savoir ce que rapportent ces entreprises à l’État et à la Ville, une fois déduits les réductions fiscales, les primes incitatives, le coût des infrastructures, les terres cédées à perte après l’expropriation de petits agriculteurs, etc.
Par contre, des études réalisées par des Français à la demande de l’agence de développement de Bangalore sont sans appel : les zones centrales ainsi que les périphéries sud et ouest qui concentrent les petits commerces et entreprises employant la majorité de la population ont bénéficié, selon le mode de calcul, de 40 à 60 fois moins d’investissements publics que celles aménagées au profit des industriels des technologies de l’information. Et cela alors que seulement 16 % des rues de Bangalore sont goudronnées, ces dernières étant d’ailleurs concentrées principalement dans les 14 % du territoire qui abritent les ménages les plus riches. Les mêmes études montrent que ce sont les quartiers de la ville non couverts par un schéma d’urbanisme (donc « illégales » et non planifiées) qui génèrent le plus de taxes (foncier exclu) et financent les coûteux investissements consentis notamment en faveur des zones résidentielles planifiées.
Essor de la spéculation immobilière
Le bilan que font les multinationales et les institutions financières internationales elles-mêmes de l’« entrée » de Bangalore sur le marché immobilier mondial est révélateur. Celles qui ont investi dans le « corridor des technologies de l’information » ont pu bénéficier de prêts à 2 % couvrant 24 à 30 % de leurs prises de participation, assurant des retours sur investissement de 40 % par an. Les gains reposent sur les conditions préférentielles accordées par l’État en matière foncière et d’aide au crédit, et plus généralement sur une architecture financière reposant sur des fonds d’investissement ciblés technologies de l’information mis en place par des banques comme ICIC (deuxième banque indienne). Cette dernière s’est parallèlement associée avec Tishman Speyer Properties pour investir 300 millions de dollars non seulement dans les grandes métropoles mais également dans les villes moyennes dont la croissance pourrait atteindre 15 à 20 % par an au cours des dix prochaines années. Tishman est un géant américain qui possède les Rockfeller et Christler Centers et dispose d’un portefeuille immobilier de huit milliards de dollars. Cela fait partie d’un rapprochement plus global entre les secteurs bancaire et immobilier rendu possible par la libéralisation des investissements directs étrangers par le gouvernement indien. Dans ce nouveau contexte, les promoteurs tendent à constituer des « réserves foncières » dans des zones où ils espèrent que le développement des technologies de l’information apportera une plus-value aux terrains. Les promoteurs ont été rapidement rejoints par les grandes entreprises elles-mêmes, locales ou internationales comme Intel, Microsoft et des géants pharmaceutiques ou des télécommunications qui achètent des terrains dans toutes les métropoles et grandes villes indiennes.
Ces entreprises justifient leurs besoins immobiliers par les nécessités de la croissance de leurs filiales pour obtenir la vente des terrains pas l’État qui recourt pour cela à l’expropriation. Mais à y bien regarder, le nombre de mètres carré acquis rapporté à leur personnel est singulièrement élevé.
Retrait de l’État ?
On ne peut donc pas parler de désengagement de l’État mais bien de sa transformation au service d’une élite. Ses interventions se font désormais par le biais de nombreuses agences étatiques et para-étatiques qui ont récupéré des lignes budgétaires finançant autrefois des programmes sectoriels qui pouvaient être utilisés par les pouvoirs locaux sans trop de contrôle. Ces budgets publics alimentent désormais des fonds spéciaux, complétés par des prêteurs institutionnels comme la Banque mondiale, ou par le privé, ce qui aboutit à rendre leur utilisation beaucoup plus conditionnelle.
Cette conditionnalité aboutit en fait à déposséder les électeurs du contrôle des pouvoirs locaux. Ceux-ci passent sous tutelle, comme au temps des commissaires coloniaux – même si on parle désormais de consultants et autres conseillers payés par le privé sous couvert de programmes dits de « capacity building ». Ces derniers sont de véritables chevaux de Troie au sein des organes élus, qu’ils sont chargés de « dépolitiser ». C’est particulièrement important dans cet État du Karnataka, où il était de tradition que les élus soient très indépendants des partis et de leurs directives. Dans la nouvelle donne, on ne s’étonnera pas que les pouvoirs publics poursuivent désormais des politiques qui lèsent la majorité de leurs administrés, comme la destruction de l’habitat « illégal », sa régularisation n’étant plus à l’ordre du jour. Alors que l’éducation et les infrastructures de santé sont insuffisantes, particulièrement dans les quartiers de la périphérie, les grandes entreprises poussent à la construction du plus grand centre commercial de Bangalore (avec comme principale enseigne Marks & Spencer !) et de parkings pour générer des rentrées fiscales. Une telle politique peut conduire à la destruction de quartiers entiers, condamnés pour cause de « constructions défectueuses », qui feront place à des palais de congrès et autres complexes commerciaux et multiplexes, jusque dans les centres-ville surpeuplés.
Les nouvelles technologies au service du marché immobilier
Deux logiques s’opposent du point de vue foncier, la première reposant sur la reconnaissance de l’occupation et de la mise en valeur du terrain au fil du temps par les habitants, la seconde centrée sur des titres échangeables sur le marché. Un programme d’informatisation du cadastre, désormais promu comme modèle par la Banque mondiale, est mis en œuvre par la Fondation pour l’e-gouvernement, appartenant au patron de la firme Infosys, géant de l’informatique indien. Bénéficiant de financements de la Banque asiatique de développement, il concerne 52 villes de l’État de Karnataka.
C’est la fondation d’Infosys qui héberge la base de données, et non le gouvernement, sous prétexte que celui-ci ne dispose pas des compétences techniques. Les municipalités n’y ont pas accès. Le patron d’Infosys reconnaît lui-même qu’il s’agit d’éviter que celles-ci régularisent la propriété de facto et renforcent ainsi les statuts fonciers coutumiers. Le point important est que la digitalisation, loin d’être une technique neutre, ne se contente pas d’enregistrer la situation relevée sur le terrain : il s’agit du remplacement d’un système par un autre, qui va, sous prétexte de « rationalisation et simplification », jusqu’au reclassement des voiries en conformité avec le système américain. Une codification du foncier qui a pour objectif sa transformation en produit commercialisable sur le marché international.
Dans un entretien, le patron d’Infosys ne s’en cachait pas : « Je dois pouvoir être tranquillement dans mon bureau du New Jersey et, de mon portable, suivre mes propriétés, vérifier si des améliorations ont été faites à proximité, connaître les prix et décider ou non de leur vente. L’important, c’est la gestion online. »
La « société civile » contre les pauvres et la démocratie locale
Outre cette perméabilité entre l’État et le monde des affaires, une autre condition du changement est la création d’une demande « publique » pour les réformes et de processus « participatifs » qui ont l’apparence de la démocratie mais qui, en réalité, mettent à mal la démocratie locale. En effet, lors des élections municipales, il n’est pas rare que, dans des bidonvilles en partie régularisés, la participation atteigne 90 % alors que, dans les quartiers riches et planifiés, elle plafonne à 2 %. L’enjeu est donc, pour les élites urbaines, de contourner la démocratie locale et de réorienter les financements en leur faveur, de s’assurer la suprématie sur les vendeurs de rue et les usagers « illégaux » de l’espace urbain et de contrôler les actes municipaux.
Dans les années 1990, une grande partie de la recherche urbaine engagée prenait comme paradigme de la dualisation les « communautés fermées (gated communities) » qui se développaient sur l’exemple de Sao Paulo, analysant la façon dont celles-ci étaient connectées aux flux internationaux de capitaux et constituaient des modes de consolidation du capital lui-même. Ces quartiers fermés appartiennent désormais incontestablement au mode de vie des élites de Delhi, Bangalore et Bombay. Mais ce qui est plus important pour ce qui nous occupe, c’est l’apparition d’un « militantisme » élitiste, on peut parler d’une « société civile » agressive qui tente de réaménager le territoire urbain conformément à ses intérêts. De tels groupes développent une rhétorique développementaliste sophistiquée, qui peut paraître progressiste mais mène à la dualisation.
À Bombay et Bangalore, les agences semi-patronales de promotion des réformes urbaines qui financent la revitalisation développent l’idée sympathique d’un « urbanisme participatif » supposé « prendre en compte les vendeurs de rue » en aménageant des zones réservées à ce type de commerce, de sorte que les « citoyens » puissent se réapproprier les lieux publics, notamment dans le cadre d’une politique de mise en valeur du patrimoine. S’y ajoutent des projets d’art public et environnementaux. La requalification des rives des fleuves est par exemple à l’ordre du jour, mais en conséquence les indésirables qui occupent ces lieux « dangereux » (sous-entendu : pour eux) sont déplacés vers des terrains « plus sûrs », souvent avec la complicité d’ONG qui fournissent « l’accompagnement social ».
Les programmes de revitalisation sont ainsi sous-tendus par une tentative d’institutionnaliser une notion particulièrement élitiste de « participation citoyenne ». Elle est dénoncée par les militants comme la mise en place d’une « démocratie de la cooptation » renforçant l’élite pour contrer le vote des pauvres.
De plus, l’accent est mis sur la corruption de la vie publique, visant à obliger les chefs de parti à refuser l’investiture à des politiciens « criminels » – même si aucune des mesures promues par les milieux d’affaires ne vise jamais l’administration centrale, le but étant au contraire de renforcer son pouvoir sur les autorités locales. On incitera donc les habitants les plus riches à former des groupes de pression pour en finir avec le « clientélisme » grâce auquel les politiciens locaux s’assurent les voix des pauvres en répondant à leurs revendications. L’exemple le plus radical de l’action de ces groupes est la tentative à Bombay de priver de droit de vote les « squatters ». Le principal problème du « clientélisme », pour les riches, est bien que les politiciens locaux utilisent des budgets publics dans des bidonvilles illégaux où se trouvent la majorité des pauvres et où ces investissements sont en principe interdits, suite notamment à des décisions de la Cour suprême saisie par ces administrés favorisés. Un homme politique représentant une circonscription pauvre a d’ailleurs de plus en plus de chances de finir inculpé, sort autrefois réservé aux militants engagés dans les luttes populaires.
Mais parallèlement à cette nouvelle « société civile », le secteur associatif né dans les luttes urbaines joue aussi son rôle dans la nouvelle configuration idéologique et institutionnelle qui permet la transformation des villes indiennes à travers notamment la normalisation du régime foncier.
La conversion du « secteur associatif »
Une caractéristique essentielle des ONG à Bangalore est leur structure hiérarchisée. Aussi, plutôt que de les catégoriser de façon strictement fonctionnelle (en isolant les « mouvements » des ONG orientées vers la prestation de « services »), notre perspective est politique, faisant une distinction entre les ONG d’élite et les autres, plus petites, qui servent souvent de sous-traitantes aux premières. De nombreuses ONG ont en effet commencé comme de petites associations, quand il ne s’agissait pas de simples individus, au début des années 1970. Apparues en réaction à la répression menée contre les pauvres par l’État central, elles étaient largement inspirées par le marxisme ou la théologie de la libération. Des ONG se sont investies dans la question foncière sur le mode de la confrontation avec l’État pour lui arracher des titres de propriété « clairs et définitifs », légalisant la situation des habitants sur le terrain. Elles disposaient alors de financements décentralisés (provenant de fondations locales ou internationales) soutenant spécifiquement les formes de militantisme dans lesquelles elles étaient engagées.
Les premiers combats : la terre à celui qui l’occupe
Au début des années 1980, la grande majorité des terrains « squattés » était le fait des Tamouls. De nombreuses institutions en charge du développement urbain et partis politiques considéraient cette population comme un fardeau pour la ville. Des expulsions arbitraires à grande échelle furent engagées et des zones en périphérie créées pour les déplacés. Les victimes, de même que les ONG qui les représentaient (dans la plupart des cas composées de militants tamouls), confrontées à une hostilité institutionnelle et politique, n’eurent pas l’embarras du choix pour résister aux agressions de l’État. La stratégie privilégiée fut la voie légale, visant à obtenir des « ordres de rester » différant l’expulsion. Bien que, dans la plupart des cas, les habitants n’aient pas pu devenir propriétaires de leur terrain, la voie légale permit à ces groupes de se maintenir plus longtemps dans leur quartier. Ce qui aida à faire progresser la reconnaissance d’un droit de propriété de facto.
Au milieu des années 1980, le gouvernement assouplit sa position par rapport aux squatters : d’une part en raison du « clientélisme » 3 ; d’autre part de la pression internationale. Dans le même temps, la revendication du droit à la propriété et au logement gagna en popularité parmi les différents acteurs, tant sur la scène nationale qu’internationale. Les ONG purent durcir leurs revendications, poussant à la reconnaissance du droit de propriété de facto ; à la différence de la période précédente, où elles jouaient le rôle de pompier devant les tribunaux pour différer les expulsions.
L’institutionnalisation des ONG
Entre la fin des années 1980 et le milieu des années 1990, cette situation a profondément évolué. Premièrement, l’État a opté pour une politique d’accès au « logement », même si cela devait supposer des « relocalisations ». Ce qui a généré une focalisation sur l’accès au foncier. Les ONG, quelles qu’aient été leurs options idéologiques initiales, virent leur rôle contestataire se réduire à mesure qu’elles étaient sollicitées comme partenaires dans ce processus.
Le deuxième changement est relatif à l’évolution de la réflexion sur les enjeux urbains au niveau de la scène internationale, où l’on pensait la situation mûre pour que le secteur caritatif prenne le contrôle des bureaucraties d’État. Du coup, les financements se spécialisèrent avec le lancement de grands « thèmes » de campagne structurant la collecte de fonds. Dans cette vision, le secteur associatif devait embrasser le management public et abandonner le militantisme. Cela supposait une troisième transformation : l’institutionnalisation des ONG elles-mêmes. Les plus grandes et les plus influentes adoptèrent une structure fédérale grâce à des alliances à l’échelle nationale : entre la fin des années 1980 et le milieu des années 1990, ces fédérations devinrent membres de grandes coalitions internationales, ce qui leur assura des liens institutionnels et politiques au plus haut niveau. Cet élargissement institutionnel aida à assurer leur légitimité : auprès des bailleurs de fonds internationaux devenus de plus en plus suspicieux quant à la corruption des ONG locales ; auprès des structures étatiques qui les acceptèrent progressivement comme partenaires au plus haut niveau ; auprès du personnel politique, car elles se prévalaient d’une large base mobilisable en période d’élections.
L’intégration de l’associatif à la bureaucratie d’État
La plupart des hauts fonctionnaires rechignaient naturellement à impliquer l’associatif dans les politiques publiques. Mais dès le début des années 1990, sous la pression des grandes agences internationales et considérant les habits neufs des associations, un nombre de plus en plus important de bureaucrates les virent d’un meilleur œil. Ils voyaient dans l’implication de fédérations de plus en plus gérées comme des entreprises et contrôlant de petites associations engagées sur le terrain et « proches des gens » la promesse d’une professionnalisation du management urbain et d’une planification plus réactive aux attentes populaires.
Aujourd’hui, le climat est à l’acceptation généralisée de la prise en charge par l’associatif d’autant de missions sociales que possible, bien évidemment les plus politiquement sensibles et les moins rémunératrices. Citons la collecte et le traitement des déchets, la prévention locale du crime, l’assistance aux pauvres, mais aussi le traitement paysager des ronds-points et des parcs… Les militants et les associations les plus lucides ne sont pas dupes des avantages qu’en tire la bureaucratie :
- réduction de ses responsabilités sociales, particulièrement en période de restriction budgétaire et de limitation des effectifs ;
- conformité avec un système dépolitisé de participation citoyenne correspondant largement à la vision de la gouvernance des classes moyennes ;
- sous-traitance des programmes les plus problématiques comme la lutte contre la pauvreté sans sacrifier la meilleure part du gâteau, particulièrement les gros contrats de travaux publics ;
- renforcement des intérêts de l’administration centrale face aux niveaux inférieurs alliés aux politiciens locaux.
Les ONG, actrices du contrôle social
Si les organisations inspirées dans les années 1970 par des idéologies émancipatrices continuent à s’en revendiquer, leur action sur le terrain en est bien éloignée. Un « modéré » considérerait aujourd’hui que les ONG ont simplement été cooptées par le système, mais une perspective plus radicale autorise à penser que les ONG d’élite constituent aujourd’hui l’un des acteurs principaux du contrôle des groupes les plus pauvres.
Et il faut bien reconnaître que, sur les causes les plus structurantes de la pauvreté, l’influence des ONG est devenue quasi nulle. La présence des plus importantes d’entre elles dans les zones où les pauvres se concentrent est extrêmement limitée. Même si cette présence peut se manifester dans le cadre de « grands programmes » (éducation, santé, environnement, etc.), cela reste pour ces ONG une activité marginale – avec, en outre, très peu d’efforts pour replacer les problèmes dans le cadre plus général des politiques urbaines. Certaines se consacrent certes par exemple aux enfants des rues, en fournissant des services, un soutien institutionnel et des programmes de formation, mais les quelques aspects positifs ne pèsent guère face aux problèmes beaucoup plus critiques auxquels sont confrontés les collectifs locaux à travers la lutte contre les expulsions et le flou juridique (institutionnellement entretenu) qui pèse sur le foncier – facteurs structuraux qui influencent directement l’emploi et la pauvreté. Dans certains cas, on trouve un seul militant investi sur le terrain politiquement difficile d’un quartier central. Souvent engagés dans une action politique acharnée visant à la régularisation foncière et à l’accès aux services de base, les efforts de ces David ont des résultats positifs, mais très localisés.
Étude de cas
La fétichisation du logement : loger et déloger les pauvres
Le logement constitue une pierre d’angle pour les ONG à Bangalore (et ailleurs), domaine qui en fédère une grande variété : certaines se consacrent à la construction, d’autres font campagne pour obtenir les financements adaptés, d’autre encore promeuvent le micro-crédit et le recours à la force de travail locale ; enfin certaines utilisent le logement pour faire du lobbying aux niveaux national et international.
Au début des années 1980, pour cause de projets au centre-ville, différentes communautés pauvres furent expulsées de Bangalore et déplacés à Koramangala, dans une périphérie du sud-est en cours de développement. La zone fut nommée « quartier Indira Gandhi » et 350 familles y vivaient. Vers le milieu des années 1990, les lieux furent choisis pour la construction de la cité olympique, financée par le gouvernement central. Il s’agissait de 2 300 appartements de standing destinés à loger les athlètes et voués par la suite à la location ou la vente par le gouvernement. Cela conduisit pour la deuxième fois à l’expulsion et au déplacement des familles, à Egipura cette fois. Ces expulsions – et le fait que la construction du complexe se situait dans le bassin d’un lac – produisirent une intense mobilisation qui concerna différents types d’ONG. Ce projet intervenant au sommet de la bulle immobilière à Bangalore, il provoqua aussi l’intérêt au plus haut niveau politique et administratif. Comme on pouvait s’y attendre, deux incendies eurent lieu, visant à pousser les habitants dehors. Le déménagement s’étala sur neuf mois. Le processus fut ralenti par le choix des personnes à reloger et l’appréciation de la légitimité des prétentions de chacun. Le quartier possédant deux leaders, l’affaire était hautement politisée, mais les plus pauvres (locataires et sous-locataires) sont bien sûr partis perdants. En outre, parmi les 350 familles initiales (résidents légaux assimilés juridiquement à des propriétaires), une cinquantaine furent spoliés, leur « leader » se montrant incapable de faire valoir leurs intérêts lors de la conciliation où les lots de compensation furent distribués ; d’autres le furent du fait de leur activité professionnelle, qui ne leur permettait pas d’être assidus aux négociations et donc de « participer ». En outre, on ignore combien il pouvait y avoir de familles locataires ou sous-locataires, mais certainement pas moins d’une centaine, qui s’ajoutent donc à la cinquantaine de « propriétaires » privées de relogement.
L’État souhaitait initialement construire à Egipura des immeubles à appartements. Les habitants réclamaient, eux, un terrain – mais cette option ne permettait pas de tous les reloger. Cette revendication de cent dix familles fut soutenue par des ONG. Initialement indépendantes, ces dernières allaient rapidement intégrer le comité de pilotage de la BUPP [voir encadré ci-après]. Ceci fait, elles poussèrent à ce que le cas de ces familles constitue une des dimensions explicites du projet.
La plate-forme contre la pauvreté urbaine de Bangalore
La Bengalore Urban Poverty Plateform (BUPP) a été créée en novembre 1993 par le ministère néerlandais pour la Coopération et le Développement et le ministère indien du Développement urbain. Elle se proposait de mettre en œuvre un « nouveau modèle » de résorption de la pauvreté centré sur des partenariats avec des ONG et des organisations de quartier. En voici le vocabulaire : « Planification participative émanant de la base avec autonomisation immédiate [participatory bottom-up planning towards empowerment]. » La BUPP a été l’objet de critiques sévères pour plusieurs raisons, dont le peu de fonds disponibles, la focalisation étroite sur quelques bidonvilles, le manque de compétence du personnel et de cohérence des financements. En résumé, la trame conceptuelle principale du BUPP prévoyait de développer de « nouvelles institutions à différents niveaux » dont :
— au niveau du bidonville, des équipes de développement (Slum Development Teams, SDT) composées à 50 % de femmes ;
— un comité de pilotage (Steering Committee) composé de cinq agences gouvernementales et de quatre ONG chargées de la prise de décision et de la « supervisation » ;
— une unité de soutien au projet (Project Support Unit, PSU) avec à sa tête un directeur exécutif et divisée en trois sections : social, habitat, zones économiques, avec un conseiller néerlandais pour chacune.
Il est bon de noter qu’une rotation des ONG présentes dans le comité de pilotage était prévue, qui n’a jamais été concrétisée. Les trois objectifs principaux de la BUPP étaient le logement, l’organisation des pauvres et la création d’activités générant des revenus.
La doctrine du « vrai » logement comme mode d’exclusion
L’acceptation du transfert de la population et l’accent mis sur le logement « aux normes » eut des conséquences évidentes pour les habitants. Le processus avait d’abord divisé les pauvres entre eux et sélectionné par défaut ceux qui avaient la capacité de « participer ». Le prix de construction de l’unité de logement fut fixé à 40 000 roupies et le béton armé choisi pour des raisons de rapidité, de coût et de visibilité du projet. La moitié du prix de construction restait à la charge des familles (en l’absence de tout prêt aidé), l’autre moitié était financée par le gouvernement. Les Néerlandais déboursèrent quand même 5 000 roupies par logement pour les toilettes. De plus, les familles devaient fournir la force de travail.
Le processus d’exclusion fut renforcé par l’exigence de maintenir « propre » et « net » le nouveau quartier jusqu’à l’inauguration officielle. À mesure que la date approchait, la pression augmentait sur les familles pour terminer la construction de leur maison. La plupart souscrivirent des prêts sur le marché privé et plongèrent dans l’endettement. Pour s’en sortir, elles divisèrent leur logement afin d’en sous-louer une partie et ouvrirent de petites échoppes et des entreprises de service.
Problème : le passage du bidonville à la zone d’habitat « propre » était au centre de la stratégie de communication des décideurs (hauts fonctionnaires, directeur de projet, et la plupart des ONG d’élite du comité de pilotage), ce qui supposait de lutter contre toute « mauvaise » appropriation de l’espace… Le secrétaire au développement urbain de l’État du Karnataka précisa qu’il n’était pas question de recréer un « bidonville ». Le chef de projet de la BUPP abonda dans ce sens et insista sur l’importance d’une inauguration sans tache. Les ONG poussaient aussi en faveur d’une bonne visibilité des maisons leur permettant de souligner qu’elles atteignaient leur objectif.
En conséquence, l’administration décida de faire détruire les échoppes, et les annexes construites pour la location furent saisies et murées. Enfin, il fut décidé qu’aucune modification extérieure des maisons fraîchement peintes ne pourrait avoir lieu avant l’inauguration. Des habitants firent banqueroute et furent obligés de quitter le nouveau quartier. Seule une vieille femme put résister aux pressions conjuguées de l’administration, des ONG et du chef de projet et conserver son stand de thé. Impuissantes contre ces destructions, les autorités locales perdirent en crédit auprès de la population.
Le logement anti-pauvres
Plusieurs points importants peuvent être dégagés de ce cas particulier. Le premier concerne l’idéologie dominante. Ici, procurer un « bon » logement est justifié comme un moyen d’intégrer les pauvres dans la ville. « Loger » signifie appliquer des modèles standard, construire des maisons en dur et des infrastructures, tels des centres communautaires. Tout cela, dans une perspective très victorienne, est supposé former les ingrédients essentiels d’un environnement « civique ». Si on prend un peu de hauteur, il s’agit tout simplement du modèle de la « ville planifiée ».
Le deuxième point est que le « bon » logement crée des convergences d’intérêt conduisant à écarter des réponses foncières plus conséquentes. Ces projets, liés à la lutte contre la pauvreté, sont financés par l’intermédiaire du gouvernement central. Ils sont donc toujours négociés à cette échelle, où les fonctionnaires d’État ne peuvent se permettre de prendre des positions en faveur de la légalisation de la propriété de facto, qui seule permettrait pourtant aux plus pauvres des pauvres de rester sur place, notamment dans les centres-ville. Réciproquement, les politiciens locaux – qui peuvent être contraints, du fait de leur proximité, d’adopter des positions plus favorables aux électeurs – n’ont pratiquement pas leur mot à dire : pas plus la BUPP que le processus lui-même ne leur accordent la moindre place. Les ONG sont considérées seules représentantes des « communautés ».
Le troisième point concerne l’approche des ONG. Celles-ci mettent en avant que le « bon » logement permet aux pauvres d’accéder aux ressources urbaines dont les riches les ont privés. À première vue, voilà qui peut paraître comme une ambition aussi louable que radicale. Pour arriver à cet objectif, les ONG préconisent l’accès à la propriété foncière, condition pour développer leurs grands projets de construction de logements. Comme on l’a vu, cette approche anéantit les revendications des plus pauvres. Mais les ONG tirent de grands profits symboliques de ces programmes en faveur de l’« égalité » par l’« allocation » de terrains et l’accession à la propriété.
Cette approche contraste toutefois avec les efforts menés par le passé pour renforcer la reconnaissance de la propriété de facto, quand les ONG tentaient d’y parvenir en obtenant des sursis à expulsion – des « ordres de rester » prononcés par le juge – et par l’extension des infrastructures et des services aux quartiers illégaux. Un programme gouvernemental finit, par exemple, par donner le pouvoir aux policiers de quartier d’enregistrer les demandes de régularisation foncière en vérifiant sur place la situation du demandeur, fournissant un document qui pouvait ensuite être produit en justice. En contradiction totale avec cette approche, la nouvelle politique des ONG revient à détruire les logements existants en échange d’une allocation de terrains tous identiques à des « habitants » sélectionnés par les ONG.
Le logement au croisement des intérêts institutionnels
Le quatrième point concerne la corruption. Elle cimente différents groupes d’intérêts : les contractants, le personnel du projet, les ONG, les politiciens locaux et l’administration. La corruption est une caractéristique de base des travaux publics. À tel point qu’il est difficile d’imaginer qu’il puisse en être autrement. Mais le logement pousse la chose à un plus haut niveau. On ne doit pas s’étonner que, dans le cadre de la BUPP, toutes les ONG se soient passionnées pour le logement, y compris celles qui n’y connaissaient rien. Il fallait s’y attendre, la BUPP n’ayant pas prévu grand-chose en matière de procédures internes et d’équilibre des pouvoirs.
Un dernier point est relatif aux bases fragiles des ONG censées travailler avec les pauvres dans la ville. En concurrence avec les politiciens locaux à différents niveaux, leur implication dans la création de logements et la « résolution globale » de la question foncière est devenue pour eux le moyen de gagner en légitimité auprès des habitants. Pour des ONG dépolitisées, le logement planifié est même d’une importance vitale comme instrument de mise en scène de leur efficacité dans la lutte contre la pauvreté. Mais la conséquence en est une approche de la question foncière qui consiste presque toujours à faire respecter la propriété de jure (pré-requis pour participer à des programmes comme la BUPP), qui légitime les intérêts des milieux d’affaires en faveur de la libération du sol et de la création d’un marché immobilier connecté au marché mondial.
Solomon Benjamin
Traduction par Benoît Eugène
L’article ci-contre a été monté à partir d’un texte inédit, « Lifestyling India’s Metros : The Elite’s Civic Reform » (février 2007) ; la partie « La conversion du secteur associatif » est extraite d’un rapport beaucoup plus ambitieux de Solomon Benjamin et Raman Bhuvaneswari « Democracy, Inclusive Governance, and Poverty in Bangalore », Working paper n° 26, p. 161-176, International Development Department, School of Public Policy, University of Birmingham.
http://www.idd.bham.ac.uk/research/Projects/urban-governance/resource_papers/stage2_casestudies/wp26_Bangalore.pdf.
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