Nous sommes un peuple ! Et vous en êtes un autre.
Depuis plusieurs années maintenant des groupes anonymes luttent contre l'embourgeoisement des quartiers populaires de Berlin Est et d'autres villes de l'Allemagne. Voitures en flammes, affrontements de rue, cocktails Molotov lancés contre un commissariat ou un local utilisé par l’extrême droite, attaques contre des policiers… Mais si Berlin est concerné en premier lieu, le mouvement touche aussi Hambourg, Francfort, Leipzig, Potsdam…
Leur méthode consiste principalement à incendier les voitures de luxe des nouveaux arrivants fortunés. Si cette méthode n'est pas originale, elle acquiert en Allemagne une dimension surprenante, par le nombre de voitures incendiées et sa longévité. Un grand nombre d'observateurs affirmait qu'il s'agissait là de manifestations sporadiques et isolées sans conséquence, l'oeuvre de jeunes désorientés. Il semblerait que cela ne soit pas le cas, les actions perdurent et les autorités prennent des mesures.
Nous publions ici une série d'articles relatant les faits depuis 2009. Un activiste allemand, Andrej Holm [chercheur militant placé en détention provisoire en 2007 pour sa capacité intellectuelle à rédiger des textes militants] propose un excellent site, Gentrification Blog, [ via la Mer gelée] à propos de l'embourgeoisement des quartiers, malheureusement en langue allemande.
Allemagne : Troubles à Hambourg, incendies à Berlin
22 août 2011
Source : http://www.secoursrouge.org/
La vague d’incendies de véhicules se poursuit à Berlin. Dans la nuit de samedi à dimanche, une voiture, un scooter et des équipements de chantier ont été détruit, toujours dans les quartiers de l’ancien Berlin-est qui subissent un processus de gentrification important depuis plusieurs années.
Par ailleurs, de violents affrontements ont opposé les forces de l’ordre et un groupe de personnes participant à une fête de rue dans un quartier populaire en voie de gentrification de Hambourg. 2100 policiers étaient présents pour encadrer les festivités, et des heurts les ont opposés aux participants dans le courant de la nuit. Ils ont fait usage de canons à eau pour répliquer aux jets de pierre et de feux d’artifice. Quatre véhicule de police ont également été endommagés. Les autorités ont procédé à une trentaine d’arrestations
Allemagne : Hélicoptère contre incendiaires
20 juin 2011
Source : http://www.secoursrouge.org/
Depuis le début de l’année, de nombreux incendies de voitures de luxe ont lieu en Allemagne - particulièrement à Berlin dans les quartiers résistant à la gentrification. Les autorités politiques, judiciaires et policières ont fait plusieurs déclarations retentissantes parlant d’une vague d’actions "pouvant être qualifiées terroristes". La semaine passée, un militant autonome a été arrêté par la police à Berlin pour des incendies de voiture. La police affirme pouvoir fonder ses accusations sur base d’images thermiques prises la nuit par l’hélicoptère de la police.
RFA : Sur les incendies de voitures
20 janvier 2010
Source : http://www.secoursrouge.org/
Depuis deux ans, des voitures de luxe ou d’entreprise sont incendiées dans les grandes villes. En 2009, rien qu’a Berlin, les services de police ont recensé 212 voitures incendiées. A la mi-mai 2009, suite à une tentative d’incendie, Alex est arrêtée dans une rue parallèle, puis relâchée le lendemain faute de preuve. Pourtant, un jour plus tard, son mandat d’arrêt est réactivé. La police et le Ministère de l’Intérieur sont décidés à ne pas la lâcher. Elle restera 6 mois en détention préventive, avant un procès en septembre-octobre 2009 où elle sera relaxée.
En juin 2009, Christoph est arrêté avec une accusation-scénario identique à celui d’Alex, simplement contrôlé dans les environs d’un incendie de voiture. Il faudra trois semaines au procureur pour réussir à l’envoyer en taule, avec les refus d’incarcération des juges des deux premières chambres. Il va jusqu’à la troisième et dernière chambre afin d’obtenir le feu vert. Christoph a été libéré en octobre et son procès mis en pause pour ’examination des preuves’ par la Police Fédérale (et non plus régionale).
Le 16 novembre 2009, c’est Tobi qui se fait arrêter après avoir été contrôlé dans une rue proche d’une autre où trois voitures de luxe partaient en fumée. Il vient d’être libéré le 29 décembre 2009, faute de preuve mais tout de même dans l’attente d’un procès. Le jour de son arrestation, la police a procédé à deux perquisitions de Haus Projekt (les squats légaux), avec quadrillage du quartier. Le 26 décembre, 26 voitures de luxe ont encore été incendiées.
Allemagne : Un militant en prison
pour incendie de voitures
30 novembre 2009
Source : http://www.secoursrouge.org/
A l’aube du 16 novembre, Tobias a été arrêté par des flics en civil, accusé d’être un des responsables des nombreuses attaques incendiaires contre des voitures de luxe ou de société. Il a été incarcéré deux jours plus tard à la prison de Moabit. Rappelons que ces attaques continuent à un rythme élevé à Berlin et dans d’autres villes allemandes.
A Berlin, l’extrême gauche
en croisade anti-bobos
Voitures brûlées, cocktails Molotov…
les actions se font de plus en plus violentes.
Article Par Nathalie versieux pour Liberation
En ce dimanche matin, Thomas a trouvé un petit tas carbonisé à la place de l’Audi A8 dernier cri qu’il avait garée devant sa porte à Prenzlauer Berg, un quartier bobo de Berlin. Les policiers ont enregistré sa déposition par routine… Pour les seuls neuf premiers mois de l’année 2009, 260 véhicules, la plupart de luxe, ont brûlé dans les rues de Friedrichshain, Kreuzberg et Prenzlauer Berg, trois zones branchées de Berlin. La destruction de l’Audi A8 de Thomas vient s’ajouter à la liste déjà longue des délits imputés à l’extrême gauche berlinoise l’an dernier.
Les autonomes cherchent à freiner l’embourgeoisement de quartiers ouvriers devenus à la mode, et peu à peu vidés de leur population d’origine. Voitures en flammes, affrontements de rue, cocktails Molotov lancés contre un commissariat ou un local utilisé par l’extrême droite, attaques contre des policiers… Mais si Berlin est concerné en premier lieu, le mouvement touche aussi Hambourg, Francfort, Leipzig, Potsdam…
Squats.
Dans un rapport provisoire sur l’année 2009, le BKA (la police fédérale) souligne que les actes de violence imputables à la mouvance «autonome» au sens large (un ensemble hétérogène qui réunit militants antifascistes, anarchistes, punks et autres membres du Black Block) ont bondi de plus de 50% par rapport à 2008. Le BKA estime par ailleurs que les 5 000 à 6 000 autonomes allemands (dont 2 000 à Berlin) auraient franchi au cours des derniers mois un seuil dans la radicalisation de leur mouvement «avec des actes mieux planifiés et plus symboliques».
Mi-décembre, un cocktail Molotov était lancé contre un commissariat à Berlin. Quelques semaines plus tôt, le parti d’extrême droite NPD, le Harakiri, un magasin de Prenzlauer Berg vendant des articles d’extrême droite, et le Germania Klause, un café fréquenté par les néonazis, étaient visés. La plupart des attaques ont lieu la nuit, et 32% des délits, les nuits de samedi à dimanche.
«Les actes des dernières semaines ont une intensité comme on n’en avait plus vu depuis la terreur des années 70, [l’époque de la bande à Baader, ndlr]», estime Christian Pfeiffer, de l’institut de criminologie de Basse-Saxe. «On note une proximité symbolique avec le terrorisme», estime pour sa part Hans-Gerd Jaschke, politologue. «Les actions sont justifiées par des arguments piochés dans la rhétorique antimondialiste, antifasciste, ou antimilitariste, estimait la présidente des services de renseignement intérieur, Claudia Schmidt, lors d’un récent colloque à Berlin. L’idée est que si on fait brûler une voiture, c’est un attentat, mais que si on en fait brûler 100, c’est un acte politique.»
La «gentrification»… Ce mot désignant le phénomène urbain d’embourgeoisement d’un quartier populaire est nouvellement apparu dans le débat politique allemand. Et dans de nombreuses villes, essentiellement en ex-RDA, les autonomes allemands ont fait de la lutte contre cette mutation sociale leur grand cheval de bataille. A Berlin, le phénomène a déjà transformé Mitte, le cœur historique de la capitale, laissé à l’abandon par le régime communiste et profondément délabré au début des années 90, après la réunification. Prenzlauer Berg, l’ex-repaire des intellectuels est-allemands a suivi. Ces deux zones, autrefois bon marché, ont perdu 80% de leur population d’origine. A Prenzlauer Berg, les étudiants fauchés de l’après-réunification ont pris pied dans la vie active. Leurs besoins (crèches, écoles de qualité, logements confortables) se sont modifiés au même rythme que leurs ressources et le montant des loyers.
Pyromanes.
Aujourd’hui, c’est Friedrichshain et Kreuzberg, abritant les derniers squats berlinois, qui sont à leur tour touchés. L’agence de recherches sur le développement urbain Asum vient de révéler les conséquences de dix années de recherches portant sur les environs de la gare de Ostkreuz à Friedrichshain. «Seuls 10% des habitants vivent ici depuis plus de quinze ans, insiste le rapport. Deux tiers des habitants ont déménagé au cours des six dernières années. Comme beaucoup des habitants gagnent bien leur vie, le revenu moyen de ce quartier, jadis défavorisé, est aujourd’hui supérieur à la moyenne de la ville. Les loyers ont suivi : la moyenne est de 5,42 euros le mètre carré, soit 40 centimes de plus que la moyenne berlinoise. Et la forte fluctuation des locataires favorise la hausse des loyers : les loyers de plus de 7,50 euros le mètre carré, voire 10 euros ne sont pas rares.»
En juin, les autonomes annonçaient sur Internet le lancement de leurs «semaines d’action» pour «créer de nouveaux espaces libres dans une ville menacée de gentrification». Pour eux, il s’agissait alors de lutter contre «la revalorisation capitalistique de Berlin par le biais de luxueuses rénovations d’immeubles délabrés». Mettre à feu les voitures de ces nouveaux capitalistes ou lancer un cocktail Molotov contre la façade d’immeubles de luxe seraient les moyens que justifierait la fin. La police semble dépassée, faute de ressources. A ce jour, seuls quatre pyromanes potentiels ont été arrêtés. Mais pas un seul n’a pu être condamné, faute de preuves suffisantes, ce qui ne serait possible qu’en cas de flagrant délit. Or il suffit de quelques secondes pour mettre feu à un véhicule.
Touche pas à mon quartier branché !
in : Le Courrier International
daté du 14.12.2009
D’étranges affiches ont envahi Prenzlauer Berg, un quartier mythique de Berlin qui, depuis la réunification allemande, a bien changé. Une mutation qui ne plaît pas à tout le monde, écrit le Berliner Morgenpost.
L'affiche placardée sur un mur de la Wörther Straße, à Prenzlauer Berg, saute aux yeux des passants. Tout le monde regarde et s’indigne. “Ils se sont pas réveillés, ceux-là !” s’exclame Anita Greubermann. “Nous sommes un peuple !” lit-on en grosses lettres blanches sur l’affiche. Et, juste en dessous, en jaune : “Et vous en êtes un autre.” Et encore en plus petit : “Berlin-Est, 9 novembre 2009”.
On trouve ces affiches dans les principales rues du quartier. Des inconnus les ont collées sur les murs, les compteurs électriques et les colonnes Morris.
Anita, 35 ans, accompagnée de son fils Johann de 3 ans, se souvient encore des précédentes affiches haineuses qui avaient envahi le quartier. “Souabes, allez vous faire foutre !” pouvait-on lire. Ou bien : “Les Souabes de Prenzlauer Berg : bourges, maniaques du flicage, sans aucun sens de la culture berlinoise. Qu’est-ce que vous foutez ici ?” [Le terme “Souabes” est ici utilisé de façon péjorative pour désigner les Allemands du Sud par opposition à ceux du Nord, où se situe Berlin.]Employée de banque, Anita a quitté Cologne pour venir s’installer à Berlin. Elle a souvent discuté de ces affiches avec ses amis et s’est même demandé si elle avait toujours envie d’habiter le quartier. Finalement, elle reste – “car c’est aussi mon quartier, dit-elle. Il y aura toujours des gens qui ne supportent pas les changements. Ceux qui posent ces affiches ne brillent pas par leur courage : ils ne disent pas qui ils sont.”On ignore où veulent en venir les auteurs des affiches. Est-ce un conflit entre les vieux habitants du quartier et les nouveaux arrivants ouest-allemands ? En veut-on aux riches Wessis [Allemands de l’Ouest] qui prennent leurs aises aux dépens des pauvres Ossis [Allemands de l’Est] ? Et tout cela n’est-il qu’une provocation gratuite ? Ou s’agit-il de problèmes sérieux liés à la restructuration de la ville et à sa boboïsation ? “Il ne s’agit pas d’un conflit entre l’Est et l’Ouest, mais entre des façons de vivre différentes”, estime Wolfram Kempe, un élu de l’arrondissement de Pankow qui vit depuis 1983 à Prenzlauer Berg. Il serait, selon lui, “complètement idiot” de voir dans ces affiches un conflit Est-Ouest. Il ne faut pas prendre tout cela au sérieux, et le tourbillon médiatique à propos de l’affaire lui semble exagéré. En revanche, pour Matthias Köhne, le maire de l’arrondissement de Pankow, ces affiches sont “inqualifiables”. Ces gens “se sentent probablement eux-mêmes exclus et ont l’impression de ne plus avoir de place”. Jens-Holger Kirchner, des Verts, a sa propre idée. Prenzlauer Berg a été LE quartier branché durant des lustres, et ce dans toute l’Allemagne – un quartier branché dans une ville branchée. Puis la première génération de nouveaux venus est arrivée, et le charme légendaire de Prenzlauer Berg, dix, quinze ans après, est rompu. Le quartier est devenu plus bruyant, plus moderne, plus riche, et les enfants plus nombreux. “Or les nouveaux venus rêvent de conserver l’ambiance d’autrefois”, note Kirchner. D’où des conflits, comme celui du Knaack Club, un bar qui organise des concerts depuis cinquante et un ans, aujourd’hui menacé de fermeture parce que les habitants d’un immeuble neuf voisin se plaignent du bruit.Pourtant, dans dix ans, le quartier aura à nouveau changé de visage. Kirchner ne pense pas que ce soient les anciens habitants, les vieux Ossis, les responsables des affiches haineuses. “Les Berlinois de l’Est ont vécu de tels changements au cours des années passées qu’ils ne s’exciteraient sûrement pas pour ceux qui se sont produits depuis cinq ans.”A vélo, Martin Längelmann passe devant la sinistre affiche. Cet employé de 31 ans habite dans le coin et peut “à peine” se permettre de vivre dans le quartier. “Prenzlauer Berg s’est depuis longtemps embourgeoisé”, confie-t-il. A l’en croire, la faille se situe plutôt entre riches et pauvres. “Mais peut-être que le quartier basculera avant de redevenir bourgeois une fois encore”, conclut-il, narquois.
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