10 millions de personnes sont aujourd'hui touchées, de près ou de loin par la crise du logement.
Fondation Abbé Pierre
Rapport mal-logement 2012
Dans son rapport mal-logement 2012, disponible depuis le 1er février, la Fondation Abbé Pierre, évalue à plus de 3,6 millions le nombre de personnes mal logées ou
sans abri, et plus largement à 10 millions celles concernées par la
crise du logement. Le mal-logement s'est "profondément
enraciné" en
France, dénonce, comme chaque année depuis 1954, la Fondation Abbé Pierre, demandant aux candidats à
la présidentielle un "véritable
changement d'orientation des politiques" car "Le
logement est devenu une vraie machine à exclure et
à produire des
inégalités".
Trouver un logement, en changer ou le garder devient "source de préoccupation majeure" pour les plus démunis, mais également pour les revenus modestes (salariés pauvres, familles monoparentales, etc.). Pour La Fondation, "les frontières de l'inacceptable sont dépassées", certains trouvant refuge dans des cabanes, des bidonvilles, des caves, des campings, les autres acceptant des logements plus petits, plus loin, plus détériorés. Le logement accentue ainsi la précarité : selon une étude menée à partir d'une enquête Insee (2006), plus de 4,2 millions de ménages vivraient avec moins de 500 euros mensuels, une fois le logement payé. Les ménages s'adaptent au prix de "renoncements importants" et en recourant à des mécanismes de solidarité qui "ne tiendront qu'un temps". La Fondation constate l'enracinement du mal-logement et la diversification de ses visages, avec de plus en plus de personnes touchées jusque dans les classes moyennes. Elle impute ce phénomène à la flambée des prix de l'immobilier et des loyers, aux effets de la crise, mais aussi à une politique du logement jugée"excessivement faible" et parfois "injuste". "La ligne générale des politiques a été de soutenir de façon inconsidérée les marchés immobiliers", explique Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation, selon qui "il manque entre 700 000 et 800 000 logements en France".
Trouver un logement, en changer ou le garder devient "source de préoccupation majeure" pour les plus démunis, mais également pour les revenus modestes (salariés pauvres, familles monoparentales, etc.). Pour La Fondation, "les frontières de l'inacceptable sont dépassées", certains trouvant refuge dans des cabanes, des bidonvilles, des caves, des campings, les autres acceptant des logements plus petits, plus loin, plus détériorés. Le logement accentue ainsi la précarité : selon une étude menée à partir d'une enquête Insee (2006), plus de 4,2 millions de ménages vivraient avec moins de 500 euros mensuels, une fois le logement payé. Les ménages s'adaptent au prix de "renoncements importants" et en recourant à des mécanismes de solidarité qui "ne tiendront qu'un temps". La Fondation constate l'enracinement du mal-logement et la diversification de ses visages, avec de plus en plus de personnes touchées jusque dans les classes moyennes. Elle impute ce phénomène à la flambée des prix de l'immobilier et des loyers, aux effets de la crise, mais aussi à une politique du logement jugée"excessivement faible" et parfois "injuste". "La ligne générale des politiques a été de soutenir de façon inconsidérée les marchés immobiliers", explique Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation, selon qui "il manque entre 700 000 et 800 000 logements en France".
Voir note 1, bas de page |
3,6 millions de personnes
non ou très mal logées, plus de 5 millions en situation de
fragilité à court ou moyen terme dans leur logement... La
problématique du mallogement recouvre des réalités diverses (sans
domicile et absence de logement personnel, mauvaises conditions
d’habitat, difficultés pour se maintenir dans son logement...),
que la Fondation Abbé Pierre cherche à mettre en lumière dans un
état des lieux chiffré. Si un certain nombre de situations
demeurent encore trop méconnues, faute de données existantes ou
suffisamment fiables (problématique des « squats », difficulté à estimer le
nombre de personnes vivant en bidonvilles ou en camping à l’année,
question de la mobilité et des trajectoires...), la Fondation Abbé
Pierre tient à souligner des progrès statistiques récents
(exploitations des résultats du Recensement général de la
population et de l’enquête nationale Logement de 2006,
réexploitation des résultats de l’enquête Logement de 2002,
identification des doubles comptes entre les différentes rubriques
de populations mallogées, etc.). Ces progrès doivent être
poursuivis dans les années à venir, conformément aux
préconisations du Conseil national de l’information
statistique(CNIS) dans son rapport sur « Le mal-logement » publié
en juillet 2011 2.
3,6
MILLIONS DE PERSONNES NON OU TRÈS MAL LOGÉES
Parmi les 3,6 millions de
personnes confrontées à une problématique aigüe de mal-logement
on recense tout d’abord 685 000 personnes privées de domicile
personnel. Dans une publication datant de janvier 2011 3, l’Insee
estime à 133 000 le nombre de personnes sans domicile en France
métropolitaine au début des années 2000. Parmi elles, 33 000
personnes dorment habituellement dans un lieu non prévu pour
l’habitation (rue, abri de fortune) ou des centres d’hébergement
d’urgence ; 66 000 personnes sont accueillies dans les
établissements sociaux de long séjour 4 et 34 000 personnes dans
des dispositifs d’hébergement financés par l’aide au logement
temporaire (ALT) 5.
La Fondation Abbé Pierre y
ajoute une partie des personnes accueillies dans les résidences
sociales, (soit celles qui occupent les 18 116 places disponibles en
2010 en résidences sociales ex nihilo 6), lesquelles ne sont pas
comptabilisées par l'Insee.
Parmi les 685 000 personnes
souffrant d’une absence de logement figurent également toutes
celles qui ont recours à des formes d’habitat extrêmement
précaires : baraques de chantier, logements en cours de
construction, locaux agricoles aménagés… En 2006, le recensement
de la population indique que 85 000 personnes résident dans ces «
habitations de fortune », qui renvoient pour les trois quarts à des
constructions provisoires ou des mobil-home (sans possibilité de
mobilité). Le recensement de la population a permis également
d’établir à 38 000 le nombre de personnes vivant à l’année
dans des chambres d’hôtel le plus souvent dans des conditions
d’habitat très médiocres (absence de sanitaires, aucune
installation permettant de faire la cuisine…).
Parce qu’elles n’ont pas
les moyens financiers pour accéder à un logement indépendant, de
nombreuses autres personnes sont enfin hébergées chez un parent, un
ami ou une connaissance. D’après les résultats de l’Enquête
logement de 2002 (le module « hébergement » a été supprimé de
l’ENL 2006 mais devrait être réintégré lors de l’ENL 2012),
l’Insee indique qu’un « noyau dur » de 79 000 personnes âgées
de 17 à 59 ans résident chez des ménages avec lesquels elles n’ont
aucun lien de parenté direct. Il convient pour la Fondation Abbé
Pierre d’ajouter à ce « noyau dur » tous les enfants adultes
contraints de revenir chez leurs parents ou grands-parents, faute de
pouvoir accéder à l’autonomie résidentielle (soit 282 000
enfants de plus de 25 ans) 7, ainsi que les personnes âgées de 60
ans ou plus, qui sont hébergées chez un tiers suite à une rupture
familiale, un deuil, des difficultés financières ou de santé (soit
environ 50 000 personnes). Au total, ce sont donc 411 000 personnes
qui sont contraintes à l’hébergement chez un tiers, faute de
solution de logement adaptée à leurs besoins.
À côté des personnes
souffrant de l’absence d’un logement, le mal-logement recouvre
aussi toutes les situations relevant de mauvaises conditions
d’habitat. À partir de l’Enquête logement de 2006, l’Insee
estime aujourd’hui, sans doubles comptes, que 2 778 000 personnes
vivent dans des logements inconfortables (2,1 millions de personnes)
ou surpeuplés (800 000 personnes). Par analogie avec les critères
retenus par la loi Dalo, l'Insee considère comme « privés de
confort » les logements situés dans des immeubles insalubres,
menaçant de tomber en ruine ou ayant au moins deux défauts parmi
les suivants : installation de chauffage insuffisante ou mauvaise
isolation, infiltrations d’eau, électricité non conforme, absence
d’installation sanitaire ou de coin cuisine. Le surpeuplement «
accentué » renvoie pour sa part aux logements auxquels il manque au
moins deux pièces par rapport à la norme de « peuplement normal »
8. À noter que l’identification des doubles comptes permet
désormais de mettre en lumière les situations de personnes
confrontées à un cumul de difficultés : en 2006, 28 000 ménages
(soit 145 000 personnes) vivent ainsi dans des logements qui sont à
la fois inconfortables et surpeuplés.
La problématique du
mal-logement renvoie également à des situations d’occupation
précaire, et notamment aux locataires de logements meublés qui
bénéficient d’un environnement juridique moins protecteur que les
locataires classiques (durée de bail de un an). Si de récentes
évolutions législatives ont amélioré leur situation, la Fondation
Abbé Pierre estime toutefois que la frange la plus modeste d’entre
eux constitue, ne seraitce que par leur fragilité et leur absence de
perspectives, un public mal logé, soit 172 847 personnes appartenant
au premier quartile de niveau de vie (hors étudiants).
Parce qu’elles constituent
des victimes du mallogement trop souvent négligées, la Fondation
Abbé Pierre souhaite enfin pointer la situation de nombreuses
familles de Gens du voyage, notamment celles qui bénéficient de
revenus modestes et ne peuvent donc accéder à un terrain privatif.
Compte tenu de l’insuffisance des aires d’accueil aménagées 9,
on estime en 2010 que plus de 20 000 familles (et environ 80 000
personnes) ne peuvent accéder à une place sur une aire d’accueil
et donc à des conditions de vie décentes.
PLUS
DE 5 MILLIONS DE PERSONNES EN SITUATION DE RÉELLE FRAGILITÉ
Ces problématiques extrêmes
de mal-logement ne doivent pas masquer toutes les situations de
personnes en situation de réelle fragilité dans leur logement. Il
en est ainsi des ménages qui, bien que propriétaires, se retrouvent
fragilisés lorsqu’ils résident dans des copropriétés en
difficulté. Les récentes exploitations de l’Enquête logement de
2006 permettent désormais d’estimer à 730 000 le nombre de
personnes confrontées à un très mauvais fonctionnement de leur
copropriété, à un défaut d’entretien ou à des impayés
importants et nombreux. Précisons toutefois que ce chiffre ne
concerne que les copropriétaires occupants, c’est-à-dire à peine
plus de la moitié des ménages vivant en copropriété, alors que
les observateurs de terrain montrent que les locataires sont
généralement surreprésentés dans les copropriétés en
difficulté. L’augmentation incontrôlée du coût du logement
précipite par ailleurs de nombreux locataires dans une situation de
grande fragilité : 1 252 000 personnes étaient en impayés locatifs
en 2006. Un chiffre basé sur des données antérieures à la crise
économique apparue courant 2008, et dont on peut donc craindre qu’il
ne soit plus inquiétant encore.
Sans qu’elles relèvent
d’une forme aigüe de mal-logement, de nombreuses situations de
surpeuplement et d’hébergement chez des tiers retiennent par
ailleurs notre attention : il en est ainsi des 3,2 millions de
personnes qui habitent dans des logements surpeuplés « au sens
large » (hors surpeuplement « accentué ») 10 et des quelque 240
000 enfants de 18 ans ou plus, qui ont dû retourner vivre chez leurs
parents ou grands-parents faute de ressources suffisantes pour
accéder à un logement autonome et se retrouvent ainsi dans une
forme d’hébergement « résigné » (hors hébergement «
contraint »).
À partir de ces différentes
situations, il est possible aujourd’hui d’estimer, sans doubles
comptes, que 8 millions de personnes sont en situation de mallogement
ou de fragilité dans leur logement. Sans compter les situations de
cumul de difficultés, qui concernent 1 million de personnes.
AU
TOTAL, 10 MILLIONS DE PERSONNES SONT TOUCHÉES PAR LA CRISE DU
LOGEMENT…
Ce chiffre de 8 millions ne
tient toutefois pas compte de nombreuses autres situations de
fragilité, (non comptabilisées afin d’éviter tous doubles
comptes), mais qui constituent des signaux d’alerte quant aux
difficultés des ménages par rapport au logement.
Ainsi, s’il est
stastistiquement impossible d’agréger les données suivantes
(établies par ménage) au total des 8 millions de personnes, elles
indiquent toutefois que le nombre de personnes touchées par la crise
du logement est bien plus important dans son ampleur que ce que la
statistique publique actuelle nous permet d’appréhender :
– 1,2 million de ménages
sont en attente d’un logement social ;
– 3,8 millions de ménages
sont en situation de précarité énergétique d’après l’enquête
Logement de 2006 ;
– 1 305 200 locataires ont
rencontré des difficultés pour s’acquitter du paiement de leur
loyer d’après l’Enquête logement de 2006 (hors ménages ayant
déclaré un impayé de loyer) ;
– 565 000 ménages
propriétaires ou accédants ont eu, dans les deux ans précédant
l’Enquête logement 2006, des difficultés à payer leurs charges
ou leurs remboursements d’emprunts immobiliers, dont 70 000 se sont
trouvés en situation d’impayé.
– 92 233 ménages se
retrouvent sans droit ni titre dans leur logement suite à une
décision de justice d’expulsion.
Pour la Fondation Abbé
Pierre, ce sont sans aucun doute plus de 10 millions de personnes qui
subissent aujourd’hui les conséquences de la crise du
logement(production de logements insuffisante et inaccessible aux
plus modestes, flambée des coûts du logement et des charges,
blocage de la mobilité résidentielle…).
Si les progrès réalisés
par la statistique publique contribuent aujourd’hui à une
meilleure « objectivation » de la crise du logement et de ses
conséquences pour les ménages, la Fondation
Abbé Pierre pointe malgré
tout d’importantes zones d’ombre et une trop faible actualisation
des données, qui appellent des moyens supplémentaires pour pouvoir
prendre la mesure de ces situations difficiles et être en capacité
d’agir. Mais la Fondation Abbé Pierre attend surtout des signes
forts en direction des personnes défavorisées et un engagement réel
des pouvoirs publics pour offrir des perspectives aux plus modestes
et éviter que des ménages fragiles ne viennent à l’avenir
grossir les rangs des personnes très mal logées.
SOURCE
NOTES
1. Sachant par ailleurs que :
1 220 000 ménages sont en attente d'un logement social,
3 800 000 ménages sont en situation de précarité énergétique ,
1 305 200 locataires sont en difficulté de paiement (hors ménages en impayés de loyer),
565 000 propriétaires et accédants sont en difficultés de paiement dont 70 000 ménages en impayés de charges et de remboursement d'emprunt, 92 233 ménages occupent un logement sans droit ni titre suite à une décision de justice prononçant l'expulsion.
Statistiquement, ces derniers chiffres ne peuvent être cumulés sans risuqes de doubles comptes (des personnes confrontées à différentes problématiques pouvant être comptabilisées plusieurs fois). Leur ampleur est telle cependant, qu'ils permettent de prendre la mesure réelle du problème du logement dans notre société et d'estimer que... 10 millions de personnes sont aujourd'hui touchées, de près ou de loin par la crise du logement.
2. Afin d’améliorer
l’état de la connaissance publique sur le mal-logement, le Conseil
national de l’information statistique a mis en place un groupe de
travail en juillet 2010 avec les services producteurs de données,
chercheurs, acteurs et associations concernés par la problématique
du logement. La Fondation Abbé Pierre y a participé activement.
3. Pierrette Briand,
Nathalie Donzeau, Insee première n° 1330, « Être sans domicile,
avoir des conditions de logement difficiles », janvier 2011.
4. Centres d’hébergement
et de réinsertion sociale, établissements d’accueil mère-enfant,
centres dédiés aux demandeurs d’asile…
5. Logements ou chambres
conventionnés à l’ALT en places d’urgence ou de plus longue
durée, hors établissements sociaux.
6. Ne sont pas intégrées
ici les résidences sociales issues de la transformation des Foyers
de travailleurs migrants et de Foyers de jeunes travailleurs.
7. Hors étudiants et ceux
qui ont tout juste achevé leurs études.
8. La norme de « peuplement
normal » prévoit au minimum une pièce pour le ménage, une pièce
pour chaque couple, pour les célibataires de 19 ans et plus, une
pièce pour deux enfants s’ils sont de même âge ou ont moins de 7
ans, sinon une pièce par enfant.
9. Il manque 20 029 places
en aires d’accueil (par rapport à l’objectif de 41 569 places
prescrites dans les schémas départementaux). Le chiffre de 80 116
personnes a été obtenu par l’application d’un ratio de 4
personnes par famille.
10. Le surpeuplement « au
sens large » renvoie aux logements auxquels il manque une pièce
par rapport à la norme de « peuplement normal » au sens de
l’Insee.
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