Le caractère utopique de la culture architecturale d'Europe centrale, et notamment durant la République de Weimar [1919-1933] réside dans le rapport de confiance établi entre :
- les intellectuels de gauche,
- les secteurs du «capitalisme avancé» [notamment l'industriel Rathenau],
- les administrations démocratiques,
- les syndicats et coopératives ouvrières
Le mouvement moderne s'est toujours fixé comme objectif principal la réforme radicale de l'organisation de l'industrie du bâtiment et de la gestion des villes. Ainsi, dans les grandes villes sociales-démocrates, les Siedlungen -quartiers d'habitat social – seront les oasis d'ordre, la preuve que les organisations de la classe ouvrière peuvent proposer un modèle de développement urbain alternatif, soit une utopie réalisée. Pour cela, les municipalités sociales-démocrates adopteront , une fois proclamée la République de Weimar, [et sans aucun doute, sous la pression des syndicats ouvriers] – en fonction de leurs propres besoins et de la radicalité des dirigeants- plusieurs grands principes remettant fondamentalement en cause la production édilitaire et la gestion de la ville bourgeoise :
- Ôter des mains de l'entreprise privée le secteur de la construction
- coopératives municipales de production édilitaires
- banque syndicale gérée par des syndicats d'ouvriers et d'employés
- Supprimer la spéculation
- taxe sur les revenus immobiliers
- municipalisation des sols
- procédure d'expropriation
- édification de nouveaux quartiers [Siedlungen] hors des villes, lieu privilégié de la spéculation
- Conception de l'habitat comme bien social et non, comme bien de consommation
- priorité pour la construction d'habitat social et d'équipements publics
- encadrement des loyers
- Gestion et administration de la production édilitaire et du sol urbain
- acquisition de foncier
- municipalisation des sols
- Adopter les nouvelles techniques de construction pour l'habitat social
- élaboration formelle et typologique de la Siedlung
- création de centres de recherche [technique, sociologie, urbanisme, etc.]
- publication de revues
Ainsi, la conception architecturale est étroitement liée avec le modèle urbain qu'elle implique et les postulats économique et technologique qu'elle sous-tend, c'est à dire la municipalisation des sols et l'implantation d'industries du bâtiment conçues en fonction de cycles de production, programmés à l'échelle urbaine. Le savoir architectural s'intègre totalement dans l'idéologie du plan, et les décisions sont elles-mêmes des variables qui en dépendent. Les architectes Ernst May à Francfort, Martin Wagner et Martin Mächler à Berlin, tenteront de reproduire sur le plan social le modèle de l'entreprise, à plaquer sur la ville l'image de la machine productive et à donner l'apparence de la prolétarisation généralisée à la structure urbaine et au système de distribution et de consommation. L'objectif constamment reproposé au niveau théorique par les architectes de l'Europe centrale, dans leurs propositions urbanistiques, est celui du dépassement des classes. Totalement engagés politiquement, ils imagineront des politiques de plan à l'échelle urbaine et formaliseront des modèles d'intervention généralisables, dont la Siedlung est un exemple.
Il est utile de rappeler au lecteur, les conditions de la naissance du mouvement moderne en architecture. L'Allemagne - la Prusse- est sans doute le premier pays a disposé d'un puissant appareil de gestion urbaine : l'urbanisme, dès Bismark, est déjà reconnu comme une technique de la praxis politique. Le rôle fondamental des institutions publique dans la gestion des plans de développement des villes devient un facteur décisif au fur et à mesure que la construction du Reich prend un caractère moderne. Cela est d'une importance capitale pour la formation d'une classe de techniciens capable d'un travail en rapport avec une demande sociale aux connotations politiques précises. La culture allemande crée ainsi de nouveaux instruments techniques pour le contrôle de la croissance urbaine, en établissant par sa cohérence normative, les prémisses d'un développement structuré de l'initiative privée. La pratique qui en découle comporte la naissance, y compris à l'échelle internationale, d'une véritable organisation professionnelle en état d'assurer la circulation et la confrontation des expériences : entre les dernières années du 19e siècle et le début du 20e, se succèdent des expositions d'urbanisme, des congrès scientifiques tandis que s'amplifie un riche débat intérieur sur la « question du logement », qui confronte les analyses technico-administratives et les thèses « historiques » du mouvement ouvrier.
Engels, père de la sociologie urbaine, peut être grâce à cette culture germanique de l'urbain et de l'habitat social, se consacrera à la question du logement ouvrier. C'est dans ces conditions que naît, en Allemagne le mouvement moderne en architecture : les architectes de l'avant-garde vont ainsi pouvoir bénéficier de l'expérience de ces institutions, de la richesse des débats et s'en servir, par la suite, pour la construction de la nouvelle ville social-démocrate.
Linkscommunismus : avant la République de Weimar
Dans l'Allemagne bouleversée par les événement de 1918-1919, les architectes et les politiciens réformateurs, ne croient pas à un lien direct entre les nouveaux langages de l'architecture et une restructuration globale de la ville.
La métropole qu'ils tentent de réglementer ou de réformer est indiscutablement celle du capitalisme du 19e siècle. Pour eux, la planification est un instrument de prévision propre à redresser le laisser faire dans le maillage des interventions publiques qui sont appelés à jouer – comme c'est le cas pour l'habitat social- une fonction de médiation et de régulation.
Cette tradition d'urbanisme apparaît insuffisante et inadaptée pour d'autres architectes, et d'autres politiciens. Tandis que l'architecte Bruno Taut en appelle à la « Révolution de l'âme », en participant au mouvement des Conseils ouvriers, dans l'effervescence d'une situation qui aboutira à la République de Weimar, on voit se dessiner une nouvelle conception du rôle du technicien à l'égard du problème urbain. En 1918 déjà, un politicien Mark Pavus, et Martin Wagner, un architecte, qui deviendra en 1925 l'adjoint chargé de l'urbanisme à Berlin, proposent un plan national de socialisation des terrains et de l'industrie du bâtiment : ôter des mains de l'entreprise privée le secteur de la construction et supprimer la spéculation foncière, telles sont, selon eux, les réformes de structure indissociables, en vue d'une gestion publique de la ville et d'une conception de l'habitat comme bien social et non de consommation. Les propositions de Wagner et de Pavus feront naufrage en même temps que l'idéologie des conseils ouvriers, quand les canons du social-démocrate Noske seront retournés, au nom de la stabilisation et du compromis politique, contre les ouvriers berlinois en révolte. Mais la nécessité d'une gestion directe de la ville demeure un acquis de la culture architecturale allemande. Contre les idéologies fumeuses du premier Bauhaus, des architectes comme Otto Haesler à Celle, Ernst May à Francfort, Max Berg à Breslau, Martin Wagner à Berlin, Friz Shumacher à Hambourg, reconnaissent comme domaine spécifique du nouveau technicien la gestion et l'administration de la production édilitaire et du sol urbain.
La République de Weimar
L'échec de la politique social-démocrate et de l'extrémisme du Linkscommunismus, qui aura coûté la liquidation sanglante des Conseils de Saxe et de Thuringe, trouve une « compensation » dans l'intense bataille menée par les syndicats et le mouvement ouvrier, dans le domaine de la construction populaire. En 1919, la Constitution de la nouvelle République allemande met à la charge de l'Etat la gestion des sols, afin de généraliser le droit au logement. Mais, avec la crise et l'inflation durables, le diktat constitutionnel restera lettre morte. A la place, vers 1920 des mesures de rationalisation administrative seront organisées à l'échelle de la région, notamment le plan du district industriel de la Ruhr, et l'unification des communes du ressort de Berlin.
Les architectes
Les architectes appelés pour la construction des nouveaux quartiers, penser le développement urbain et la gestion des villes, appartiennent à la partie culturellement la plus avancée de l'avant-garde et, pour la grande majorité, sont socialistes ou communistes. Ce seront ainsi les meilleurs architectes-théoriciens – encore considérés de nos jours comme des grands maîtres - qui s'attacheront à penser la ville socialiste : Bruno Taut, Mies van Der Rohe, Gropius, Otto Haesler, Hilberseimer, Hans Sharoun, Ernst May , Alexander Klein, Erich Mendelsohn, le suisse Hannes Meyer, le français André Lurçat, le franco-suisse Le Corbusier, le hollandais Max Stam, etc. Pour le lecteur non architecte, cette assemblée de tels génies de l'architecture, représente un moment unique dans l'histoire de l'architecture et de l'urbanisme. Plusieurs tendances opposeront ces architectes, notamment entre les puristes de la forme et les organiques, mais ceci alimentera les débats contradictoires. Pour Meyer et Lurçat, ce n'est qu'en renonçant à être significative, à transmettre des valeurs virtuelles et des communications symboliques que l'architecture peut agir sur le monde. Contre l'art, utopie du signifié, de Mendelsohn ou de Sharoun, ils défendent une architecture comme utopie de la neutralité technique.
L'expérience tentée par les architectes socio-démocrates d'Europe centrale n'est possible qu'à la seule condition d'unifier les instances du pouvoir administratif et celles du travail intellectuel. C'est pourquoi Ernst May, Wagner et Bruno Taut assument des charges politiques dans l'administration des villes contrôlées par la social-démocratie. La savoir architectural s'intègre parfaitement dans l'idéologie du plan. Tout l'oeuvre de May à Francfort représente l'expression la plus achevée de cette politisation concrète de l'architecture.
Du point de vue des transformations de la profession, les nouvelles fonctions qu'ont acceptées les architectes-administrateurs dans les villes à majorité démocratique sont un fait capital. Jusqu'en 1924 ces nouvelles fonctions n'ont pas les moyens de se développer totalement. Au contraire, les constructions de Marx Berg à Breslau et de Bruno Taut à Magdeburg sont très équivoques. Taut, grâce à sa fonction d'adjoint à l'urbanisme, tente d'implanter dans le vif de la cité des idéologies spiritualistes les plus célèbres : la Siedlung Reform, qu'il réalise à Magdeburg, n'est rien autre qu'un compromis entre la Real Politik et les réminiscences des rêves anarchisants de l'Auflösung des Städte, tandis que le programme pour la Magdeburg « colorée », qui fait appel à des peintres d'avant-garde comme Krayl et Fischer, reste fidèle au thème de la synthèse des arts, comme à un appel au peuple pour une fête collective à l'échelle de la cité. Nous sommes encore dans le climat utopique qui caractérise, ces années là, les projets expressionnistes de Taut, ultimes soubresauts romantiques qui s'essoufflent dans un climat d'attentes messianiques frustrées.
Le capitalisme démocratique : Walter Rathenau
Il ne faut pas sous-estimer la demande que le secteur le plus avancé du capital adresse aux intellectuels entre les années 1920 et 1930. W. Rathenau et Henry Ford l'expriment de façon explicite : « Nous avons besoin – écrit Ford- d'artistes qui tiennent compte des exigences du système industriel, de maîtres qui le connaissent ; d'hommes capables de transformer la masse informe en une totalité saine et harmonieuse, tant du point de vue politique que social, industriel et moral.» Demande qui avait déjà été faite en Allemagne avant la guerre et qui s'était formalisée par la création du Werkbund en 1907. Le Werkbund qui s'imposa d'emblée comme centre de coordination et d'élaboration des expériences, dans une relation étroite entre intellectuels et industriels, en vue d'une organisation nationale de la production. Avant la guerre, son rôle n'est pas de défendre un langage particulier mais uniquement le principe d'une réforme du rapport « artiste-industrie », tel que la qualité et la quantité se complètent mutuellement. Plusieurs tendances animent ce mouvement nationaliste qui s'érige pour la re-naissance industriel du pays.
En Allemagne, après la boucherie de la première guerre mondiale et les tentatives révolutionnaires, d'autres correspondances s'instaurent entre les idées des intellectuels de Gauche et la Nouvelle Économie de Walter Rathenau, dirigeant de l'AEG qui possède le monopole de l'électricité. Rathenau a en commun avec les architectes de la social-démocratie, cette foi mystique dans le pouvoir de libération sociale de la technique moderne. Mais plus que cela, « Le régime vers lequel nous nous dirigeons – écrit Rathenau en 1918- sera d'ordre économique privé, analogue à celui d'aujourd'hui, mais on lui imposera un frein. Une volonté commune le pénétrera, la même qui pénètre toute œuvre de solidarité humaine. » Il pose ainsi les bases d'un « capitalisme démocratique » dont les conséquences théoriques dans le domaine de l'économie et de l'organisation urbaine vont être importantes. « La base du futur bien-être des villes -poursuit en effet Rathenau- doit être le sol urbain. Or ce sol n'est fait ni pour les constructeurs à millions, ni pour les receleurs de terrains, ni pour les spéculateurs d'immeubles, ni pour les exploiteurs de loyers […] Tout au contraire, le sol urbain reconstruit […] dans des proportions et des formes convenables, deviendra dans quelques générations la libre propriété des communes. La négligence architecturale de nos rues, tant qu'elle existera, constituera un témoignage visible et obsédant de la négligence de nos conceptions économiques. Celles-ci ont octroyé à un groupe monopoliste le droit de prélever selon leur bon vouloir une taxe progressive sur le patrimoine commun, et ont permis d'offrir gracieusement milliards sur milliards de rentes urbaines » [ W. Rathenau, Die Neue Wirtschaft, Berlin, 1918].
W. Rathenau, comptant parmi les plus puissants industriels, jouera un rôle considérable dans le camp du capital par son réformisme quasi-radical. Rathenau, et à sa suite d'autres industriels, souhaitent la paix sociale et dans cette optique, une ville planifiée, arrachée à la spéculation, entièrement rendue à la collectivité. Il comprend clairement la nécessité de dissocier le capital productif du capital improductif et parasitaire. Ainsi, les exigences politiques de Rathenau rejoignent les exigences énoncées par la pensée urbanistique.
Devenu ministre de la Reconstruction en 1921 et ministre des Affaires étrangères en 1922, Walter Rathenau, de famille juive, est néanmoins choisi pour cible par les groupes nationalistes révolutionnaires de droite comme de gauche, considéré par ses ennemis comme un représentant de l'« Ancien régime ». Il sera assassiné en juin 1924 par des terroristes de droite. Un million de personnes assistent à ses funérailles. Un journal berlinois note : « Le directeur d'une des plus grandes entreprises du monde avait été tué et des ouvriers communistes venaient pleurer sur sa tombe et maudire ses meurtriers.» En 1933, Hitler fait un geste hautement symbolique en honorant publiquement les assassins de Rathenau, célébrés comme des « héros de la résistance nationale » (Helden des nationalen Widerstandes).
Climat intellectuel
La richesse du débat en Allemagne ne se limite pas aux expériences architecturales et urbaines. Le renouvellement intellectuel s'impose dans toutes les disciplines liées au domaine de l'idéologie. Ainsi, l’Ecole de Francfort est née en 1923 avec la fondation de l’Institut für Sozialforschung (Institut de Recherches Sociales) par décision du Ministère de l’Education. L’idée d’une institution permanente vouée à l’étude critique des phénomènes sociaux était apparue en 1922 lors d’un colloque consacré au marxisme. Les plus grands esprits s'y retrouvent dont notamment Theodor Adorno, Max Horkheimer, Hebert Marcuse et Walter Benjamin qui proposent une analyse critique des sciences sociales dans une perspective néo-marxiste.
à Vienne, le philosophe Neurath ouvrit en 1925 le Gesellschafts-und Wirtschaftsmuseum (Musée socio-économique), et élabore une méthode d'éducation visuelle et graphique. Marxiste et convaincu de l'Internationalisme, il développera la méthode de l'ISOTYPE, ou International System Of TYpographic Picture Education, conçue comme méthode de représentation symbolique des données quantitatives ou d'informations pratiques au moyens d'icônes facilement interprétables.
Moholy Nagy, Bauhaus |
Le Bauhaus, Staatliches Bauhaus zu Weimar, est créé à Weimar en 1919, sous la direction de l'architecte Gropius. Après la proclamation de la République de Weimar, Gropius propose au gouvernement provisoire de réunir l'école des arts décoratifs et l'académie des beaux-arts de Weimar. Le 12 avril 1919, Gropius est nommé directeur de l'école, appelée alors Staatliches Bauhaus zu Weimar. Walter Gropius publie alors le manifeste du Bauhaus, qui annonce la vocation de l'école en ces termes : « Le but final de toute activité plastique est la construction ! […] Architectes, sculpteurs, peintres ; nous devons tous revenir au travail artisanal, parce qu’il n'y a pas d'art professionnel. Il n’existe aucune différence essentielle entre l’artiste et l’artisan. […] Voulons, concevons et créons ensemble la nouvelle construction de l’avenir, qui embrassera tout en une seule forme : architecture, art plastique et peinture […] »
Dans la Weimar de Goethe s'installe donc les meilleurs représentants des avant-gardes architecturales et culturelles ; les quelques 150 étudiants et les professeurs sont pour Gropius l'embryon d'une nouvelle société devant imaginer le Nouveau Monde. A ce titre, le Bauhaus sera le lieu d'affrontement entre les diverses tendances, de l'ascétisme du purisme à la mystique créatrice de Itten. Ainsi Paul Westheim en 1923 déclarait : « Après trois jours à Weimar, on aura pour toute sa vie la nausée à la vue d'un carré.»
Le Bauhaus sera interdit par Hitler.
Typologie des Siedlungen
La Siedlung est le modèle proposé par les avant-gardes architecturales pour répondre aux dysfonctionnements de la ville capitaliste : un noyau semi-autonome, comprenant des habitations sociales et l'ensemble des équipements publics nécessaires, disposé à l'orée des grandes villes dans un milieu naturel, et proche des nouveaux centres de production. Ce modèle reprenant la grande tradition des cités jardins anglaises et des périphéries des villes américaines. Un modèle anti-urbain contre les Mietkasern des grandes villes, les grandes « casernes » de location, inhumaines dans lesquelles la classe ouvrière survivaient. L'idée de construire des villes à côté des grandes cités, pour réduire la spéculation foncière au minimum, et bénéficiant des avantages/bienfaits de la nature, répond également aux nostalgies et au socialisme romantique du sociologue Ferdinand Tönnies, un hymne à la « communauté » des villages pré-industriels. La communauté de Tönnies est l'unité parfaite de la volonté humaine fondée sur le consensus, en faisant appel à la saison mythique où l'homme et la nature n'étaient pas encore en opposition. Ce modèle s'élabore en parallèle des modèles soviétiques de désurbanisation ; à cela, l'anti-urbanisme correspond tout à la fois au company towns et aux périphéries du capitalisme américain, aux cottages des réformateurs sociaux anglais et à la ville linéaire des architectes communistes de l'URSS.
La ville linéaire, URSS |
Les Sieldlungen de May s'approprient un langage qui dérive des acquis de l'avant-garde technologique. La typification modulaire, la préfabrication des panneaux en béton, la cellule minimum standardisée qui fonde la structure des blocs édilitaires -la célèbre Frankfurter Küche- font des ensembles de Francfort des images métaphoriques de la chaîne de montage. Mais un tel ascétisme formel n'est pas une fin en soi. Il vise à mettre en avant la rationalité nouvelle qui caractérise l'intervention des pouvoirs publics, sa capacité d'établir un dialogue avec la nature, en s'appropriant les thèmes de l'Existenzminimum et de l'élémentarisme : son objectif est d'opposer, à l'irrationalité de la ville capitaliste, l'image du travail libéré. C'est pourquoi la la Siedlung Römerstadt, riche en espaces verts et en services sociaux, s'avance sur la vallée du Nida par des bastions semi-circulaires, tandis que l'épine dorsale qui la définit prend la forme d'une courbe irrégulière, en harmonie avec son rôle de signe d'identification. On retrouve cette richesse dans l'organisation des espaces à Praunheim, ou dans la Siedlung Hellehof que construit le hollandais Max Stam. La Siedlung coopérative comme image de la cité du travail : May dirige la revue Das neue Frankfort qui ne se borne pas à donner une image continue de la création de la nouvelle ville, mais intervient dans tous les secteurs de la culture d'avant-garde.
Existenzminimum
Dans le même temps fonctionne depuis 1927, un organisme de recherches sur les problèmes économiques et constructifs du logement de masse, la Reichforschungsgesellschaft. Les architectes Gropius, Hilberseimer, Alexander Klein et d'autres, définissent en 1928, un schéma typologique rationalisé d'Existenzminimum qui rencontre un grand succès et dont il fait lui-même l'essai dans la Siedlung de Bad-Durrenberg à Leipzig. La Reichforschungsgesellschaft a toutefois une influence réduite sur la production édilitaire. Elle finance des ensembles expérimentaux comme celui d'Haselorst Spandau à Berlin et celui de Törten Dessau qui sera réalisé en plusieurs étapes, par Gropius puis Hannes Meyer. Dans ce cadre, les plus célèbres, le Weissenhof de Stuttgart (1927) et la Siemensstadt de Berlin (1929-1930) qui rassemblent toute l'intelligentsia de l'architecture allemande, doivent être tenus pour des exceptions qui ne sont peut être pas les plus significatives.
Francfort
Francfort est la ville où la politique des syndicats et des coopératives social-démocrates connaît son plus complet développement. Le Maire Landman, qui avait exprimé ses propres idées sur l'urbanisme dans un texte de 1919, Die Siedlungsamt der Grosstadt, appelle l'architecte Ernst May à Francfort, en 1925, et crée pour lui le poste extraordinaire de Dezernent für Bauwesen. May avait assimilé au contact de l'architecte Unwin en Angleterre, la leçon des cités-jardins dans sa forme la plus achevée. Entre 1919 et 1925, il réalise en Silésie, avec Wagner et Leberecht Migge, une série de communauté agricoles. Mais le dépassement de l'idéologie anti-urbaine, présentes dans les théories de Howard, est évident dans le plan régulateur qu'il popose en 1921 pour la ville de Breslau. May y prévoit la création de noyaux résidentiels satellites à 20 kilomètres du centre, au sein d'une organisation métropolitaine différenciée, mais construite autour d'un développement massif des réseaux de circulation et fondée sur la décentralisation des centres de production. Cette solution sera reprise, en 1924, par le Landrat de la circonscription de Breslau et affinée, en 1925, par Ernst May. Centre tertiaire et unités urbaines semi-autosuffisantes sont assemblées l'un à l'autre à l'échelle du territoire : tout le corpus des recherches sur la construction populaire, engagées dès le 19e siècle, aboutit ainsi à un modèle théorique achevé.
Ernst May, Siedlung Bruchfeldstrasse |
C'est ce même modèle que May tente de réaliser entre 1925 et 1930 à Francfort. Sa position dans la ville est exceptionnelle. May a le pouvoir de diriger, en symbiose avec le pouvoir politique, les bureaux municipaux qui ont en charge la construction. Il supervise l'ensemble de l'activité du bâtiment à Francfort ; il est l'auteur de l'extension du plan régulateur ; le vice-président puis le président des deux entreprises du bâtiment, dont la municipalité possède 90 % du capital, qui sont chargées de l'édification des nouvelles Siedlungen bon marché. Par ailleurs, la politique de formation d'un vaste domaine communal, mise en œuvre à la fin du 19e siècle, assure à la commune 43,2 % de la propriété foncière, dont 21 % sont réservés pour des forêts publiques : d'où la nécessité d'une intense politique d'expropriations dans des zones particulièrement favorables comme la vallée du fleuve Nidda où May réalisera les Siedlungen modèles de Praunheim et de Römestadt.
La stabilisation du Mark (1923) et l'intervention de capitaux étrangers permettent de réaliser entièrement les prescriptions de la constitution de 1919. La Hauszinensteuer, une nouvelle taxe de 15 % sur les revenus immobiliers concernant les logements construits avant la guerre, est consacré, pour 25 %, à la construction publique. C'est ainsi que May peut programmer 15.000 appartements pour 52.000 habitants, sur la base d'un plan de principe qu'il rédige en 1926.
Architecte Ernst May, Frankfurt, Siedlung Römerstadt |
Francfort est à l'image de Breslau. La cité nucléaire, avec ses Siedlungen dotées de tous les services et réparties sur le territoire à proximité des centres de production, répond à une proposition singulière de la pratique des Anglo-saxons et d'Unwin, selon un modèle d'assemblage emprunté à l'élémentarisme de l'avant-garde. Entre 1927 et 1930, May réalise avec Boehm et Rudloff, nous l'avons vu, les Siedlungen modèles de Praunheim et de Römestadt et en même temps, celles de Westhausen, Riedhof, Bruchfeldstrasse. On évite soigneusement le rigorisme programmatique des quartiers de Haesler ou de celui dont il dirige la construction avec l'architecte Gropius à Karlsruhe, le Dammerstock.
A Francfort, May a donc la possibilité de réaliser un nouveau modèle urbain : la couronne des Siedlungen, reliées au coeur de la cité et dispersées à proximité des lieux de travail, fait une réalité de ce qui était resté, dans les théories de Scheffler ou d'Unwin, une simple proposition. Non seulement on prévoit la réintégration de chaque communauté de quartier dans la nature -en renversant le modèle de développement américain- pour la construction populaire et non pour les couches privilégiées, mais on rejette également la pratique du 19e siècle de la rénovation permanente des structures urbaines existantes à des fins spéculatives. Francfort s'oppose donc au Paris d'Haussmann et à la segragated city américaine. L'architecture semble ici avoir permis la fusion de l'utopie d'avant-garde [ le Monde Nouveau] et des pratiques réalistes d'une gestion démocratique. Francfort est donc, avant le Bauhaus de Dessau et mieux que lui, le véritable banc d'essai du « mouvement moderne » en Europe centrale.
Berlin
Pour le Gross-Berlin, Martin Mächler établit un plan de masse qui couvre un territoire de 50 kilomètres de rayon et intéresse 4.500.000 d'habitants. Cependant, l'énorme besoin de logements, le coût des matériaux, l'état inquiétant des Mietkasernen ouvrières imposent l'urgence de nouvelles mesures économiques qui sont mises en oeuvre juste au moment où pénètrent an Allemagne, les capitaux américains débloqués par le plan Dawes (1924) et où s'élabore simultanément un processus de concentration monopoliste de la grande industrie allemande.
L'ADGB, la ligue syndicale qui milite aux côtés du parti social-démocrate, fait de la construction à bon marché le fer de lance de sa politique. Elle associe aux coopératives de production déjà existantes, la DEWOG, qu'elle organise comme une société par actions gérée par les syndicats des ouvriers et des employés, par la banque syndicale, par les coopératives du bâtiment. A travers ses 11 filiales, éparpillées dans les principales villes, la DEWOG tend à devenir, dans le secteur de la construction, le premier noyau d'une économie collective aussi bien dans le domaine de la production que dans celui de l'administration. Chasser du bâtiment l'entreprise privée devient, par la même, un objectif politique ; notamment dans le cas de Berlin où travaille la GEHAG une société à participation syndicale dont Martin Wagner se sert pour réaliser les célèbres Siedlungen rationalistes, et à Francfort, cette politique se traduit en un véritable modèle de gestion urbaine, d'une portée historique exceptionnelle.
Berlin Siedlung Hufeisen Ring |
A Berlin, Martin Wagner devient l'adjoint à l'urbanisme de la ville. Il est un membre actif du parti social-démocrate et de 1925 à 1931, il confie à la GEHAG, avec la collaboration de Bruno Taut, un programme de réalisation de Siedlungen périphériques qui resteront, avec celles de Francfort, les chefs-d'oeuvre urbanistiques de l'architecture d'avant-garde. Là aussi, les « oasis de rationalité » de Taut appartiennent à la poétique de la Neue Sachlichkeit. Désormais Taut a renoncé à l'utopie romantique du premier avant-guerre et de la Frühlicht. L'architecture est une partie de la gestion publique des sols et des produits du bâtiment et elle se limite à révéler le processus d'agglomération des cellules-types ; le « renoncement » devient la nouvelle richesse morale ; le purisme rationaliste est appelé à lancer ses propres accusations contre l'éclectique métropole capitaliste, lieu de la «Nouvelle Babylone ».
La Siemensstadt est une sorte de company town pour les ouvriers de la Siemens, construite par une société coopérative fondée en 1914 : à l'intérieur de la planimétrie sinueuse proposée par Sharoun, qui se réserve le projet des deux bastions dissonants, s'oppose d'un côté le purisme programmatique des bâtiments de Gropius, Bartning et Forbat, de l'autre les variations ironiques sur la langage rationaliste du même Sharoun et les articulations volumétriques, aussi polémiques sur brillantes, des blocs d'Häring. Ici s'affrontent, en somme, les deux tendances dominantes de l'architecture d'avant-garde en Europe centrale : au « vide de la forme », hommage au rigorisme ascétique de la nouvelle objectivité, répond la récupération d'une architecture d'images, qui se justifie par l'évocation du mythe « organique ».
Berlin, Siedlung Siemensstadt |
Fièvre urbanistique
La fièvre urbanistique de la République de Weimar gagne aussi des villes comme Cologne, où le maire Konrad Adenauer fait appel à Shumacher comme consultant pour promouvoir le thème des parcs urbains et doter la ville d'un gratte-ciel. Hanvore que planifie Wolf d'après le principe standard de la couronne périphérique des Siedlungen, et bien sur Magdeburg, où Johannes Göderitz réalise des ensembles d'habitations populaires d'une grande qualité.
Le Weissenhof de Stuttgart, dont Mies Van der Rohe assure la coordination pour le compte du Werkbund, est une sorte de collage de types de logements familiaux dessinés par Oud, Behrens, Stam, Le Corbusier, Gropius, Scharoun, etc., parmi lesquels se détache le bâtiment lame de Mies. Il ne s'agit pas d'une parade de propagande pour la nouvelle architecture, d'un effet assuré mais sans rapport avec la conception organique qui avait inspiré l'oeuvre de May ou de Wagner.
Weissenhof de Stuttgart, Oud architecte |
Weissenhof de Stuttgart, Gropius architecte |
Weissenhof de Stuttgart, Le Corbusier architecte |
L'utopie anarcho-libertaire n'est pas en état de gérer la ville. Cela paraît évident à Otto Haesler qui, après l'hésitation de certaine œuvres des années 1920, créé en 1923 et 1924 à Celle, une petite commune près de Hambourg, deux ensemble d'habitations à bon marché. Ce sont des quartiers rationalisés, dont les blocs parallèles sont indépendants du quadrillage de la voirie principale, réduits à la pure expression d'une recherche typologique fondée sur la définition de cellules minimum parfaitement organisées.
Rektorenhaus, Celle, Otto Haesler architecte |
Celle, Otto Haesler architecte |
Amsterdam, en Hollande, connut également la même configuration politique et les politiques donnèrent la possibilité à l'avant-garde architecturale de réaliser plusieurs ensembles d'habitat social. Les principaux protagonistes sont les architectes Cor van Eesteren et Max Stam.
1929
La crise politique de 1930-1933, conséquence de la crise économique de 1929, qui conduira à la « résistible ascension » de Hitler, sanctionnera la défaite d'un ensemble de tentatives généreuses, dans la fragile République de Weimar. Manfredo Tafuri donne un bilan négatif de la gestion urbaine social-démocrate : Ainsi, toutes les tentatives entreprises par les architectes d'Europe centrale se révèlent incapables de modifier le caractère improbable, polyfonctionnel, multiple et non organique de la métropole tertiaire moderne, dans tous ses aspects contradictoires qui peuvent être les siens. Il évoque pour cela plusieurs raisons.
L'idéologie de l'équilibre ne peut qu'aboutir à une faillite politique, parce que les « systèmes d'équilibre » ne sont pas tolérables à l'intérieur de la ville du développement capitaliste. En effet,, la quasi-élimination de l'opérateur privé dans le secteur du bâtiment ne signifie, nullement, un contrôle réel de la dynamique urbaine ou de la rente foncière. Non seulement la politique urbanistique de Landmann et de May n'a pas les moyens d'un plan d'ensemble d'aménagement du territoire, mais toute l'idéologie de la rationnalisation de la production édilitaire s'écroule face à l'augmentation vertigineuse du prix des matériaux qui atteignent en 1929/1930, 140 à 190 % des prix d'avant-guerre. Comme le montrera Karel Teige, lors du congrès des CIAM de Bruxelles en 1930, la rationnalisation du procès de construction et les études sur l'Existenzminimum sont condamnées à faire naufrage, en l'absence d'un contrôle radical du crédit et du coût des matériaux.
De fait, les loyers des Siedlungen de Francfort, après 1929, ne seront plus accessibles à une grande partie de la classe ouvrière. D'autre part, en s'appliquant à suivre la courbe des prix, à adapter les projets aux nouvelles conditions économiques, les architectes sont obligés de changer la morphologie des ensembles d'habitations, les appauvrissant considérablement. L'exemple de Francfort reste donc un symbole. La politique des syndicats socio-démocrates y trouve son expression la plus aboutie mais le développement autonome du capital financier et monopoliste, en annule les résultats.
En 1932, en quittant la parti social-démocrate, Wagner se rend compte, avec lucidité des problèmes qu'induisent la concentration monopoliste du capital allemand et la décentralisation territorial des centres industriels. En conséquence, il se sent obligé de dénoncer la pauvreté et l'inadéquation du modèle de gestion urbaine que la social-démocratie, les syndicats et les coopératives s'étaient proposé. Pour lui, la seule solution est dans le contrôle global du plan économique à l'échelle du territoire et il se tourne vers la planification soviétique. Manfredo Tafuri souligne que La preuve est ainsi faite qu'une réforme de secteur, isolée d'un ensemble de réformes institutionnelles reposant sur une stratégie politique cohérente, conduit à la faillite, y compris dans le secteur choisi, en l'occurrence celui du bâtiment et de la propriété du sol.
L'équilibre Ville – Campagne
Le modèle urbain de villes semi-autonomes dispersées à l'orée des grandes villes, dans un milieu naturel, est, pour M. Tafuri, trop associé à l'idéologie de la Cité de la Paix : l'équilibre dont avait rêve les artisans anglais et américains de la cité jardin, Howard, Unwin, Geddes et May lui-même, n'appartient pas à la Grande ville, lieu, par excellence, du déséquilibre permanent et du conflit. En outre, ce modèle nucléaire qui oppose aux désordres de la ville existante les Oasis de l'ordre que sont les Siedlungen extérieures, tentait de réfuter des décennies de réflexion et de théorisation urbanistiques. Stübben, Eberstadt, Wagner avaient fait l'hypothèse d'une croissance illimitée de la métropole. Selon eux, le plan devait seulement corriger les distorsions supposées du libéralisme capitaliste. Mais, dans l'age des mégapoles, la Siedlung, premier noyau d'une organisation régionale qui suppose le contrôle global du territoire, apparaît comme un compromis entre les nostalgies « communautaires » de Tönnies et les théories d'une cité autre.
L'idéologie anti-urbaine, et notamment celle de la Siedlung, se présente toujours sous des dehors anti-capitaliste, qu'il s'agisse de l'anarchisme de Taut, de l'éthique socialiste des désurbanistes soviétiques ou de la Broadcast City de l'architecte américain Wright. Mais cette révolte angoissée contre la métropole inhumaine dominée par le mouvement du flux monétaire n'est rien autre qu'une nostalgie, un refus d'accepter les formes les plus avancées de l'organisation capitaliste, un désir de régresser vers l'enfance de l'humanité.
La Grande ville
L'économie fermée de la Siedlung, qui s'accorde parfaitement avec le caractère fragmentaire de l'intervention, laisse inchangée les contradictions d'une ville qui, en tant que système, n'est pas contrôlée ni restructurée en fonction de la nouvelle dissémination des centres de production sur le territoire.
Ainsi en 1928, l'architecte Ludwig Hilberseimer publie son Grosstadarchitektur, un livre fondamental dans lequel il oppose implicitement aux efforts des théoriciens de la Siedlung, comme noyau d'une ville autre, la problématique de Simmel et rien de moins que celle de Nietzche. Pour Hilberseimer, la métropole ne connaît pas de solution de rechange, elle est le moteur des économies plurinationales et, en tant que telle, elle est une pure crétion du capital concentré qui lui confère son caractère anonyme : En elle, écrit-il, en paraphrasant Simmel, un rythme de vie extrêmement intense efface très vite tout élément local et individuel. Dans la grande ville, toute familiarité est mensonge. Contre la dispersion des « îlots coopératifs », Hilberseimer pose sans vergogne le problème d'une « cité machine », aux fonctions intégrées, qu'il place au sommet du processus de rationalisation capitaliste. En tant que « moteur du développement économique », la ville est modelée par lui comme une structure nue, sans qualité. Les images qu'il nous en donne sont très ambigües : d'une part, elles préfigurent une architecture de degré zéro, kafkaienne, conforme au mythe de la taylorisation ; d'autre part, elles se réduisent à de purs modèles d'organisation qui assurent l'intégralité des fonctions. Entre la Grosstadt anonyme, compacte et stratifiée d'Hilberseimer et le modèle organique des Siedlugen, il n'y a pas de médiation. La première prend place dans la logique impitoyable des fonctions réelles de la métropole ; le second part d'un processus à la chaîne -de l'élément standard minimum, à la cellule, au bloc aligné, à la Siedlung, à la couronne des Siedlungen empiétant sur le territoire- pour fractionner la métropole elle-même et récupérer ainsi les valeurs communautaires perdues.
En guise de conclusion
Suite à la crise économique de 1929 puis de la résistible ascension de Hitler, un grand nombre d'architectes allemands – et étrangers- s'engagèrent en URSS, pays de l'utopie réalisée. Paradoxalement, les architectes seront confrontés, cette fois, non plus à l'économie du projet – le premier plan quinquennal de l'URSS lui avait permis d'échapper à la crise- mais aux problèmes de la forme urbaine et du style architectural.
La Brigade May, propose pour la construction de nouvelles villes, une Siedlung agrandie, fondée sur des lois de répétition typologique analogues à celles dont il a fait l'expérience. Il s'agit d'un modèle urbanistique – logements intégrés à des services et à des équipements entourés d'espaces verts – qu'on peut répéter et qui ne remet pas en cause l'homogénéité et la densité de l'ensemble urbain qu'on tient pour pierre angulaire de la cité socialiste. Le saut de la Siedlung à la nouvelle dimension urbaine est considérable. Mais les antagonismes entre les architectes européens et les dirigeants soviétiques ne portent pas sur cette composante structurelle : May, Hans Schmidt, Max Stam, etc., seront accusés d'avoir donné naissance à des villes « inhumaines ». L'idéologie de la ville socialiste ne peut plus accepter de vanter l'anonymat technologique, mais bien la réintégration de l'homme dans la collectivité, de l'homme dans son milieu, de la société dans l'histoire. Ainsi, la ville de la Paix est à nouveau proposée comme lieu de la forme. May, Meyer, Forbat, Stam et tous ceux qui avaient espérer trouver dans la Russie Soviétique une vérification des hypothèses émises en Allemagne ou en Hollande sont obligés de quitter l'URSS. Cela étant, après la seconde guerre mondiale, l'URSS reprendra les modèles de préfabrication et de répétition à l'infini, pour la re-construction des villes, empruntant les techniques aux ingénieurs français et les modèles aux américains.
SOURCE & EXTRAITS :
Fransceco Dal Co
Manfredo Tafuri
ARTICLES Associés
Utopisme ou réalisme ?
Garnier : Pour le retour d'une critique radicale de l'urbain
Architecture et Politique : Pierre Riboulet [France]
Architecture et politique : Oscar Niemeyer [Brésil]
Architecture et politique : Oriol Bohigas [Espagne]
Marx, Engels et la ville
ARTICLES Associés
Utopisme ou réalisme ?
Garnier : Pour le retour d'une critique radicale de l'urbain
Architecture et Politique : Pierre Riboulet [France]
Architecture et politique : Oscar Niemeyer [Brésil]
Architecture et politique : Oriol Bohigas [Espagne]
Marx, Engels et la ville
GENIALE comme article
RépondreSupprimerEt très belles sources visuelles !!!
RépondreSupprimerSuper article surtout pour un dossier art appliquer
RépondreSupprimer