APARTHEID | TOWNSHIPS & HOMELANDS


Photo couverture : David Goldblatt
2006




L’apartheid est un crime contre l’humanité.
Nelson Mandela

 La France est considérée comme le seul véritable soutien de l’Afrique du Sud parmi les grands pays occidentaux. Non seulement elle lui fournit l’essentiel des armements nécessaires à sa défense, mais elle s’est montrée bienveillante, sinon un allié, dans les débats et les votes des organisations internationales.
Centre Français du Commerce Extérieur, 1975.


L’apartheid (littéralement développement séparé) n’est pas né du jour au lendemain, c’est l’héritage et la continuation d’une ségrégation pragmatique élaborée depuis la colonisation en 1652 ; c’est l’aboutissement, ou plutôt une phase d’un long processus alternant des périodes de guerre et de paix, d’entre-deux, au gré des événements internationaux, des crises économiques et de la prospérité nationales. Le “système”, autre nom de l’apartheid, n’invente presque rien, ses architectes reprennent stricto sensu les techniques, les méthodes et les lois des décennies le précédant, mais ils les radicalisent, ils les modernisent et les adaptent à leur époque, et les imposent autoritairement aux gouvernements provinciaux, aux City Councils qui jadis soit rechignaient à les appliquer, soit, plus souvent, n’en n’avaient pas les moyens ; pour y parvenir les immenses richesses minières de l’Afrique-du-Sud serviront ainsi à financer la séparation des races autant dans les consciences des masses que dans les espaces public et privé.


En réponse au péril noir, la dictature pseudo-démocratique devait assurer à chaque instant et dans chaque lieu, même le plus reculé du pays, une sécurité totale, un risque zéro, pour les populations d’origine européenne et leurs alliés Africains. L’aménagement du territoire, l’urbanisme et l’architecture ont ainsi été mis à contribution pour assurer cet enjeu premier, de sécuriser et de défendre le territoire, dans le cadre d’un apartheid social engineering s’appuyant sur un appareil et une stratégie militaires intervenant dans la vie quotidienne de chaque citoyen de la société civile.


Diviser pour mieux régner : jamais cet adage n’a été aussi bien appliqué qu’en Afrique du Sud par l’administration britannique puis de l‘apartheid ; favorisant au mieux les tensions ancestrales entre les tribus africaines, et entre les Africains, les métis et les Indiens, en élevant des barrières étanches - plus ou moins naturelles - entre les syndicats d’ouvriers d’origine européenne et africaine, en privilégiant l’opposition des classes sociales africaines, accordant des privilèges aux familles royales et princières, en émancipant la bourgeoisie éduquée, soucieuse, donc, de se démarquer des classes les plus humbles, et surtout, en facilitant les dissensions entre les urbains nés en ville - le prolétariat - et les ruraux venant s’y installer - le sous-prolétariat -; ce à quoi s’ajoutent, les propres désunions politiques de l’ennemi, entre l’African National Congress, le Pan African Congress, le Parti communiste et les syndicats dont l’un des plus puissants, l’Industrial and Commercial Workers’ Union.


A l’inverse, les architectes de l’apartheid auront cette mission d’unifier toutes les composantes sud-africaines d’origine européenne, toutes ces classes sociales - y compris indigentes - pour former un Peuple uni et soudé, sous cet adage populiste : « C'est eux ou nous » : soit l'organisation d'un monde manichéiste, d'un monde compartimenté.


L’apartheid est un crime contre l’humanité, affirmait Mandela. Pour les penseurs marxistes, c’est aussi, et surtout, le stade ultime et final du capitalisme moderne, dont tout l’enjeu est d’asservir les populations ouvrières, considérées dans cette société comme, tout simplement, des esclaves, et traitées en conséquence ; certains auteurs Sud-Africains estiment même que l’originel modèle du compound - cités-casernes ouvrières closes et surveillées - des industriels des mines de diamants, a ainsi été élargi à l’ensemble du territoire, faisant du pays un vaste camp de concentration construit selon les préceptes du panoptisme et de la paranoïa ; c’est-à-dire, une utopie. Car en réalité, l’apartheid théorisé n’a jamais été appliqué, tout du moins, n’a pas réussi à imposer ses lois et limites : la résistance des non-Européens conjuguera - pour cette période d’avant la guerre civile - désobéissance civile, longs boycotts, manifestations et illégalité qui s’observa en particulier dans les villes : contre toute attente, des millions d’Africains assignés à demeure dans leurs homelands, braveront les lois, au mépris de la police et des milices pour venir s’y installer sans autorisation : l’apartheid sera incapable d’y faire face.




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