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LONDRES 2012 | Jeux Olympiques


London | 2012

On ne peut pas séparer le sport de la logique compétitive imposée aux êtres humains. A l'affrontement sportif correspond la lutte pour la survie, le "struggle for life" du capitalisme.

Les Jeux Olympiques contemporains sont sous stéroïdes, commente le quotidien anglais The Guardian :
« Ils reflètent les changements du monde moderne : des inégalités toujours grandissantes, la montée en puissance des multinationales, l’escalade du complexe de la sécurité domestique et la transition vers des styles de gouvernement plus autoritaires largement obsédés par l'attention mondiale et le prestige de spectacles médiatiques ».

LONDRES 2012 | Sheds with Beds


London  | Back garden slum |2012

Chômage, hausse exceptionnelle - ou plutôt explosion - des loyers, des services publics, insuffisance structurelle du parc de logements sociaux, baisse des aides gouvernementales, actions des spéculateurs, etc,  sont à l'origine de la recrudescence des formes traditionnelles spatiales de la pauvreté urbaine : en 2011, le nombre de sans abris était en nette augmentation, près de 4 000 personnes dormaient dans les rues de Londres. La moitié d’entre elles sont originaires du Royaume-Uni, les autres venant de divers pays, en particulier de Pologne. Le nombre de familles en attente d’un logement social à Londres a doublé entre 1997 et 2010 pour passer à 362.000 demandes, et représente aujourd’hui plus de 20 % de la liste d’attente nationale. Sans compter bien évidemment, les milliers de clandestins, de travailleurs en situation irrégulière, survivant dans les cabanons illégaux - "sheds with beds" - ou les taudis surpeuplés des quartiers pauvres. 

LONDRES 2012 | Pauvreté Urbaine




«  La dernière chose que nous voulons, c’est une situation comme à Paris, où les plus démunis sont relégués dans les “banlieues” . Ça n’arrivera pas à Londres. Je résisterai avec force à toute tentative de recréer une ville où riches et pauvres ne peuvent pas vivre ensemble. »

Humour anglais du maire de Londres, Boris Johnson | 2012 


Le Royaume-Uni, en crise économique depuis 2008, se place aujourd'hui  dans le camp des pays européens en difficulté ; la "Broken Society" est marquée par la recrudescence des situations de précarité (precariousness),  d'installation durable d’un nombre de plus en plus important de salariés dans la pauvreté laborieuse (Working Poverty), par le chômage de longue durée et d’emploi faiblement rémunéré (low-pay, no pay cycling). On estime que le taux de pauvreté récurrente s’élève à environ 5 à 7 % de la population totale. Dans un rapport de 2009, la Fabian Society pointait que le niveau de pauvreté était « digne de celui de l’ère victorienne » ;  la Fondation Joseph Rowntree constatait dans son rapport annuel, qu’en 2010, « la pauvreté laborieuse a atteint un taux record et il n’est plus possible de fonder une politique de lutte contre la pauvreté digne de ce nom sur l’idée que le travail à lui seul permet de sortir les individus de cette situation ».

A ces difficultés qui aujourd'hui touchent un nombre croissant d'Anglais, s'ajoute à Londres, une crise exceptionnelle du logement, résultat d'une politique de réformer l’État-providence, dont la gestion était considérée comme inefficace, corporatiste. Une politique initiée par Margareth Tatcher, puis reconduite par les gouvernements successifs qu'ils soient Conservateur, ou Travailliste. Nous présentons ici quelques articles vous permettant d'apprécier la Londres 2012 olympisée

Zygmunt BAUMAN | Villes et Modernité Liquide



YANG YI


Le sociologue, Zygmunt Bauman* nous offre dans le quatrième et long chapitre Si proches, si distants dans son ouvrage Le présent liquide, une courte analyse à propos des villes, ces « dépotoirs des problèmes mondialisés », et réceptacles des « déchets humains mondialisés », au sein d'une nouvelle modernité qu'il qualifie de liquide**. Une analyse limpide, s'attachant à observer un des aspects de nos sociétés contemporaines : les peurs sociales et son corollaire, les obsessions sécuritaires. On pourrait reprocher à Bauman, pour ce qui concerne ce chapitre, une perte de rigueur analytique dans les recommandations qu'il suggère pour y remédier ; qui s'oppose aux conclusions plus pessimistes du dernier chapitre Utopie à l’heure de l’incertitude : le progrès n’est plus « aller de l’avant » mais celui d’« efforts désespérés pour ne pas sortir de la course ». Nous ne vivons plus « vers une utopie » mais dans « une utopie qui ne donne pas de sens à la vie ». Dans la modernité liquide, nous sommes tous contraints, selon Zygmunt Bauman, de devenir des chasseurs au risque de devenir des gibiers.


Zygmunt BAUMAN

Liquid Times. Living in the Age of Uncertainty | 2007
Si proches, si distants


Les zones habitées sont décrites comme « urbaines » et baptisées du nom de « villes » lorsqu'elles se caractérisent par une densité de population, d'interaction et de communication relativement élevée. Aujourd'hui, c'est aussi là que l'on rencontre, sous une forme hautement condensée et donc particulièrement tangible, les insécurités conçues en société. C'est aussi dans les zones dites « urbaines » que la forte densité d'interaction humaine coïncide avec une tendance de la crainte née de l'insécurité à trouver des objets sur lesquels se décharger, même si cette tendance n'a pas toujours été propre à ces zones.

Domus Paranoïa





Catalogue Domus Paranoïa

Agence Salottobuono [Italie]


Notre société engendre de nouvelles peurs. Car la modernité, devenue "liquide", a fait triompher l'incertitude perpétuelle : la quête de sens et de repères stables a laissé la place à l'obsession du changement et de la flexibilité. Le culte de l'éphémère et les projets à court terme favorisent le règne de la concurrence au détriment de la solidarité et transforment les citoyens en chasseurs ou, pis, en gibier. Ainsi le présent liquide secrète des individus peureux, hanté par la crainte de l'insécurité.

Zygmunt Bauman
Le présent liquide
peurs sociales et obsession sécuritaire

Baudrillard | 68 et la fonction utopique

▲  “Urbaniser la lutte de classe” | Groupe “Utopie” | 1969


Jean-Louis Violeau

Jean Baudrillard, 68 et la fonction utopique


Enfants des années 1980 et nostalgiques des années 1960, s’il fallait retenir trois événements qu’aurait permis Mai 68 et qui auraient réciproquement permis Mai 68, alors sans hésiter plus longtemps : la prise de parole, celle que Michel de Certeau a si bien restituée pour tous ceux qui n’auront pas vécu Mai, les rencontres hors des temporalités atomisées de la vie quotidienne, et enfin le retour de l’Utopie. À la fin d’un tout récent ouvrage, l’anthropologue Maurice Godelier délivre ce message : « Les humains, à la différences des autres espèces, ne vivent pas seulement en société, ils produisent de la société pour vivre. C’est cela qui les distingue des deux espèces de primates qui descendent avec l’homme du même ancêtre commun, et avec lesquels les humains partagent 98% de leur patrimoine génétique, les chimpanzés et les bonobos. » [1]. Jamais en effet, ajoute-t-il, ceux-ci ne sont parvenus à modifier leurs façons de vivre en société, à transformer leurs rapports sociaux. Or, c’est précisément ce que les humains ont la capacité de faire : ils produisent, pour un groupe humain, une histoire différente, un avenir différent. Bref, ils font l’histoire. Du possible, sinon j’étouffe ! écrivaient Gilles Deleuze et Félix Guattari en reprenant Kierkegaard. C’était en 1984, au creux des années 80 d’hiver, dans un texte intitulé « Mai 68 n’a pas eu lieu ». Mai 68 comme un « phénomène de voyance », voir autant l’intolérable que la possibilité de son dépassement [2]  : « le possible ne préexiste pas, il est créé par l’événement. C’est une question de vie. L’événement crée une nouvelle existence. Il produit une nouvelle subjectivité. »


▲  “Urbaniser la lutte de classe” | Groupe “Utopie” | 1969

Garnier : Pour le retour d'une pensée critique radicale de l'urbain



MURAKAMI à Versailles, 2010


Jean-Pierre Garnier

Voies et moyens 
pour le retour d’une 
pensée critique « radicale » de l’urbain

Conférence de Madrid | Mars 2011


Le 8 mars 2011, Jean-Pierre Garnier était à Madrid, où il prenait la parole dans le cadre des Journées de la Fondation de recherches madrilènes [1] (thème de ces journées : « Ville et reproduction sociale : comment en sortir ? »). Voici le texte de son intervention.

Je prendrai comme point de départ le motif central de ces journées : la perte dont la gauche a souffert dans sa capacité à réfléchir sur la dimension de classe de l’urbanisation contemporaine, et ce que cela implique sur les terrains théoriques et politiques. Mon propos traitera des voies et des moyens d’une renaissance de la pensée critique « radicale » à propos de la ville. Et ceci parce que, pour nous, c’est-à-dire pour les gens qui n’ont pas renoncé aux idéaux d’une transformation sociale autre que celle imposée par l’évolution du capitalisme [2], la recherche urbaine se trouve à la croisée des chemins. L’alternative est claire : nouveau cours ou alignement ?

BAUDRILLARD | la Société de Consommation



Jean Baudrillard
La société de consommation, ses mythes, ses structures
1970
Extraits

Le drugstore

La synthèse de la profusion et du calcul, c'est le drugstore. Le drugstore (ou les nouveaux centres commerciaux) réalise la synthèse des activités consommatrices, dont la moindre n'est pas le shopping, le flirt avec les objets, l'errance ludique et les possibilités combinatoires. A ce titre, le drugstore est plus spécifique de la consommation moderne que les grands magasins, où la centralisation quantitative des produits laisse moins de marge à l'exploration ludique, où la juxtaposition des rayons, des produits, impose un cheminement plus utilitaire, et qui gardent quelque chose de l'époque où ils sont nés, qui fut celle de l'accession de larges classes aux biens de la consommation courante. Le drugstore, lui, a un tout autre sens : il ne juxtapose pas des catégories de marchandises, il pratique l'amalgame des signes, de toutes les catégories de biens considérés comme champs partiels d'une totalité consommatrice de signes. Le centre culturel y devient partie intégrante du centre commercial. N'entendons pas que la culture y est « prostituée » : c'est trop simple. Elle y est culturalisée. 

BUENOS AIRES et la Dictature



« Hé, les enfants, je vous ai déjà dit de ne pas jouer au ballon dans-la rue, c'est dangereux ! Allez jouer sur l'autoroute ! »

Raul Pajoni
Architecte-urbaniste
Buenos Aires, 1976-1982. La ségrégation compulsive
Revue Hérodote | 1983

Quand en 1930 les secteurs oligarchiques organisèrent leur premier coup d'État, l'Argentine était un des pays les plus prospères du monde. Son produit national par habitant équivalait à celui de pays comme l'Allemagne ou la Suisse. Plus de la moitié de la viande et du maïs, le quart du blé et de la laine exportés dans le monde étaient argentins.  Aujourd'hui le PIB/hab. ne représente que le cinquième de celui de la R.F.A. et son commerce extérieur est quinze fois inférieur. Depuis ce premier coup d'État, l'Argentine a connu 24 présidents, — dont 16 étaient des généraux — et six coups d'État triomphants. Comme on peut le constater, la démolition systématique de la société et de l'économie argentine ne commence pas en 1976. Mais il faut reconnaître qu'elle a été poursuivie avec une obstination et une énergie sans précédent. Aucun gouvernement antérieur n'avait réussi à maintenir l'inflation à plus de 200 % — avec des périodes à 800 % — ; à augmenter la dette extérieure de 7 à 45 milliards de dollars, tout en faisant chuter le PIB/hab. de 15 %, le nombre d'ouvriers de 1,6 à 1 million,  et leur salaire réel de plus de 40 %.

Et pour obtenir ces résultats, il a fallu briser le corps de la société, avec tout un système de répression illégale qui laisse un bilan de presque vingt mille disparus, un million et demi d'exilés, et un énorme appareil clandestin de terreur.

ARGENTINE 1968 | La Hora de los Hornos




Réalisé par Fernando Solanas et Octavio Getino entre 1966 et 1968, interdit mais diffusé clandestinement en Argentine, La Hora de los hornos, L’heure des brasiers,  est très vite devenu un film culte dans son pays puis à l’étranger : il constitue une oeuvre de référence de l’histoire du cinéma latino-américain, un classique du cinéma politique, prônant la révolte comme seul moyen de se libérer du joug des oppresseurs, capitaliste et impérialiste. La Hora de los Hornos, procède d’un travail colossal, près de 200 heures d’entretiens, pour aboutir à un documentaire en trois volets. Le premier ensemble constitue un dossier contre le néocolonialisme et la dépendance de l’Argentine envers les États-Unis et l’Europe. La seconde partie prend la forme d’une chronique du péronisme. La troisième est une exaltation aux luttes de résistance et de libération. 

4 heures et 11 minutes en Version originale à visionner via : 



BUENOS AIRES | Guérilla Urbaine des Montoneros




 Quand bien même tu bénéficierais 
de conditions exceptionnelles, 
tu ne triompheras jamais si tu penses qu'il faut d’abord dépasser les contradictions du champ populaire. 
Dans ce cas, tu ne commences même pas la lutte. 
Dans ce cas, tu dis bonne nuit, 
adieu à la révolution et tu vas te coucher. 


Le poète et guérillero Juan Gulman 
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La guérilla urbaine menée par les Montoneros contribuera, au sein d'une opposition vaste, hétérogène, active - notamment des syndicats ouvriers -, qui oriente et amplifie le mécontentement de la population,  au retour effectif de la démocratie en 1973.  Ce texte tente de retracer les relations entre les Monteneros et les habitants des villas miseria - les bidonvilles -, qui occuperont un rôle important contre la dictature, pour le retour à la démocratie,  puis après l'élection de 1973, contre le Ministerio de Bienestar Social, en charge, entre autres,  du logement social, et dirigé par José López Rega, un représentant de la droite "dure" du Mouvement péroniste, membre de la Loge P2,  co-fondateur et dirigeant de l'organisation para-militaire, la tristement célèbre AAA (« Allianza Anticommunista Argentina »).