CHANEAC, architecte
Manifeste de l'architecture insurrectionnelle
Le manifeste a été lu pour la première fois en public,
le 4 mai 1968,
à l'Académie Royale d'Architecture de Bruxelles.
"La croissance rapide de nos agglomérations, la mutation de notre société, l'explosion démographique ont amené les pouvoirs publics à créer des plans d'urbanisme à l'échelle d'une cité, puis à l'échelle de l'aménagement du territoire. La machine administrative mise en place est devenue extrêment lourde, constituant un frein intolérable aux forces dynamiques, aux élans, aux nécessités immédiates, à la vie. D'autre part, sur le plan architectural, un énorme malentendu s'est créé. Les visionnaires du début du siècle ont dénoncé les ornementations décadentes, les espaces inutiles, les mensonges structuraux. Le combat qui était nécessaire à l'époque a donné bonne conscience à ceux qui construisent les grands ensembles d'habitations d'aujourd'hui. Les précieux espaces inutiles ont disparu, les formes ont été rendues primaires sous prétexte de rationalisation.
Marcel Lachat
Trois ans plus tard, en décembre 1971, après avoir pris connaissance de ce manifeste, Marcel Lachat accrochait clandestinement une "bulle pirate" sur la façade d'un immeuble de logements sociaux à Genève. Il était locataire d'un appartement de deux pièces au deuxième étage d'un immeuble parallélépipédique de neuf étages, dont la façade lisse et monotone est bien caractéristique des grands ensembles. A la naissance de son premier enfant, ayant éprouvé des difficultés à trouver un appartement plus vaste, Marcel Lachat n'a pas hésité à mettre en pratique les principes de l'architecture insurrectionnelle : à partir d'un ballon sonde, il a réalisé une petite cellule en polyester sur les conseils techniques de Pascal Haüsermann. Un vendredi soir, avec la complicité d'un ami compagnon charpentier, il a hissé et accroché la bulle à la structure de l'encadrement d'une fenêtre de son appartement. La bulle se projetait agressivement sur la façade, créant le choc visuel recherché. Dès le samedi matin, un représentant des services de sécurité du quartier se présenta pour demander des explications au couple. Marcel Lachat n'a accepté de décrocher sa cellule parasite qu'après avoir obtenu un nouveau logement et avoir pu expliquer sa situation aux autorités et à la presse genevoises. Cette dernière a largement diffusé l'événement et avec beaucoup d'humour. Cela a confirmé qu'il est parfois possible d'établir une communication directe avec le public qui comprenait immédiatement l'intention, en court-circuitant les institutions.
"La croissance rapide de nos agglomérations, la mutation de notre société, l'explosion démographique ont amené les pouvoirs publics à créer des plans d'urbanisme à l'échelle d'une cité, puis à l'échelle de l'aménagement du territoire. La machine administrative mise en place est devenue extrêment lourde, constituant un frein intolérable aux forces dynamiques, aux élans, aux nécessités immédiates, à la vie. D'autre part, sur le plan architectural, un énorme malentendu s'est créé. Les visionnaires du début du siècle ont dénoncé les ornementations décadentes, les espaces inutiles, les mensonges structuraux. Le combat qui était nécessaire à l'époque a donné bonne conscience à ceux qui construisent les grands ensembles d'habitations d'aujourd'hui. Les précieux espaces inutiles ont disparu, les formes ont été rendues primaires sous prétexte de rationalisation.
Il devient alors facile de faire les plans, il devient rassurant de métrer, d'évaluer et de contrôler avec précision... Il devient difficile d'y habiter. Comment prendre possession d'espaces aussi pauvres ? Contre les entraves administratives, contre la masse réactionnaire des professionnels du bâtiment, je propose la stratégie suivante : la création d'une architecture insurrectionnelle. Lorsque je contemple un grand ensemble, j'ai envie de donner à ses habitants les moyens de réaliser leurs rêves et leurs besoins du moment en mettant à leur disposition ou en leur donnant les moyens techniques pour réaliser clandestinement des "cellules parasites". Ils pourraient agrandir leur appartement à l'aide de cellules ventouses fixées sur les façades. Les enfants pourraient recréer l'univers poétique des greniers d'autrefois en implantant des cellules sur les terrasses des immeubles. Des chambres d'amis apparaîtraient sur les pelouses. On assisterait à l'explosion d'une architecture insurrectionnelle."
Trois ans plus tard, en décembre 1971, après avoir pris connaissance de ce manifeste, Marcel Lachat accrochait clandestinement une "bulle pirate" sur la façade d'un immeuble de logements sociaux à Genève. Il était locataire d'un appartement de deux pièces au deuxième étage d'un immeuble parallélépipédique de neuf étages, dont la façade lisse et monotone est bien caractéristique des grands ensembles. A la naissance de son premier enfant, ayant éprouvé des difficultés à trouver un appartement plus vaste, Marcel Lachat n'a pas hésité à mettre en pratique les principes de l'architecture insurrectionnelle : à partir d'un ballon sonde, il a réalisé une petite cellule en polyester sur les conseils techniques de Pascal Haüsermann. Un vendredi soir, avec la complicité d'un ami compagnon charpentier, il a hissé et accroché la bulle à la structure de l'encadrement d'une fenêtre de son appartement. La bulle se projetait agressivement sur la façade, créant le choc visuel recherché. Dès le samedi matin, un représentant des services de sécurité du quartier se présenta pour demander des explications au couple. Marcel Lachat n'a accepté de décrocher sa cellule parasite qu'après avoir obtenu un nouveau logement et avoir pu expliquer sa situation aux autorités et à la presse genevoises. Cette dernière a largement diffusé l'événement et avec beaucoup d'humour. Cela a confirmé qu'il est parfois possible d'établir une communication directe avec le public qui comprenait immédiatement l'intention, en court-circuitant les institutions.
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