France | Domination Policière



Mathieu Rigouste
La domination policière
Enquête sur un champ de bataille | Introduction
novembre 2012

Depuis la fin du xxe siècle, les grandes puissances impérialistes sont entrées dans une nouvelle phase de conquêtes à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de leurs frontières [1]. Les différentes formes de misère, les inégalités socio-économiques et les révoltes populaires s’étendent et se multiplient. Dans le même temps, le contrôle, la surveillance et la répression sont devenus des marchés très profitables. Il existe des liens structurels entre ces phénomènes et les transformations des violences policières.


La police est un appareil d’État chargé de maintenir « l’ordre public » par la contrainte. Elle est organisée rationnellement pour produire de la violence. Les études focalisées sur ce que l’on appelle des « violences illégitimes » ou « illégales », des « bavures » et des « accidents » n’observent qu’une partie du phénomène. Elles insistent sur le fait que la police tente de réduire le risque de tuer dans les sociétés qu’elles appellent « démocratiques [2] », que les agents de la force publique travaillent à contenir leur violence et que la brutalisation physique ne représente qu’une exception. Ces observations ne permettent pas de comprendre l’impact et les effets sociaux de comportements peut-être minoritaires dans la vie d’un policier, mais qui structurent profondément la vie de ceux qui les subissent quotidiennement et de plein fouet. Elles masquent aussi le système général des violences symboliques et physiques provoquées par l’activité policière. 
Les rondes et la simple présence, l’occupation virile et militarisée des quartiers, les contrôles d’identité et les fouilles au corps, les chasses et les rafles, les humiliations et les insultes racistes et sexistes, les intimidations et les menaces, les coups et les blessures, les perquisitions et les passages à tabac, les techniques d’immobilisation et les brutalisations, les mutilations et les pratiques mortelles ne sont pas des dysfonctionnements ; il ne s’agit ni d’erreurs, ni de défauts de fabrication, ni de dégâts collatéraux. Tous ces éléments sont au contraire les conséquences de mécaniques instituées, de procédures légales, de méthodes et de doctrines enseignées et encadrées par des écoles et des administrations. Même les meurtres policiers sont pour une grande partie des applications d’idées et de pratiques portées par les différents niveaux de la hiérarchie policière et politique. Le mot « police » à lui seul contraint chaque fois qu’il est prononcé et par sa seule existence. Toute la police est violence jusque dans ses regards et ses silences.

Personne n’écrit de nulle part. Une enquête est déterminée par la position de l’enquêteur dans la société, par la perspective depuis laquelle il regarde et s’exprime. Lorsqu’il se présente comme « neutre » ou « extérieur » au monde qu’il étudie, il masque cette situation, les privilèges qu’il retire de l’ordre existant, les connivences qu’il peut entretenir avec lui et l’intérêt qu’il peut avoir à ne pas le changer[3]. Il faut savoir d’où parlent les enquêteurs et ce qui motive leurs recherches.

J’ai vu évoluer la domination policière dans les quartiers populaires en habitant vingt-six ans à Gennevilliers, une banlieue ouvrière de Paris classée par l’État au répertoire des « zones urbaines sensibles ». J’ai pu observer d’autres transformations dans les divers mouvements de luttes sociales auxquels j’ai participé depuis la fin des années 1990. Je suis le fils unique d’une institutrice de maternelle qui m’a élevé seule en HLM. Mes grands-parents étaient ouvriers mais je n’ai jamais manqué de ce qui nous semblait être le minimum nécessaire pourvivre dignement. Il y avait des livres et de quoi dessiner dans notre appartement et l’enchevêtrement de toutes les misères et de toutes les solidarités en bas des bâtiments. J’ai ainsi été confronté de près aux formes les plus grossières et les plus subtiles, les plus tragiques et les plus iniques de l’exploitation économique et des inégalités socioracistes en France. J’ai vu fonctionner chaque jour les stigmatisations et les discriminations institutionnelles, les manières de trier et de gérer les habitants des quartiers selon leurs corps. J’ai ressenti les différents types d’impacts de la police et de l’argent sur les formes de vie populaires.

J’ai grandi dans un espace de coercitions conjuguées de classe, de race et de genre, cerné de toutes parts par la violence d’État. J’étais aux côtés des plus opprimés mais en profitant de nombreux privilèges, parce que j’ai été fabriqué socialement comme un mâle blanc et hétérosexuel[4], dans les strates supérieures des classes populaires – ce qui m’a toujours protégé des violences physiques de la police et m’a facilité l’accès à l’université et à ses diplômes. Je ne suis pas pour autant sorti de la précarité économique mais je bénéficie au quotidien de la suprématie blanche, du patriarcat et de capitaux culturels et sociaux. J’en tire profit certainement plus souvent que je ne m’en rends compte. Mais je peux décrire certains aspects d’un système que j’ai vu fonctionner de très près, notamment dans sa manière de sélectionner les corps face auxquels il retient sa brutalité.

Mes plus lointains souvenirs de la violence policière remontent à l’école primaire. Dès cette époque, nous ressentions dans la présence et le comportement des policiers les marques d’une hostilité profonde à notre égard et à celui des habitants du quartier en général. L’activité de la police participait fortement à la construction d’une culture commune en opposition, cette conscience collective de l’oppression et de la ségrégation qui a pris forme avec la fin de l’ère industrielle du capitalisme occidental. Une communauté d’entraide et de complicités s’élaborait face à l’enchevêtrement des misères et des oppressions sécuritaires. L’impact de la police sur notre perception du monde a fondé notre relation sociale à ce monde : les frontières tracées par la violence policière désignaient clairement ceux qui appartenaient à la caste des humains légitimes et les autres, sujets sans valeur ni droits, que l’État peut abîmer ou détruire.


Vue d'ensemble Gennevilliers et Asnières-sur-Seine (1970)

Gennevilliers est une banlieue ouvrière dont l’industrialisation a commencé à la fin du xixe siècle et la désindustrialisation dans le courant des années 1970. J’ai grandi au pied des murs des usines Chausson, celles des « bagnards de l’automobile ». Après un siècle de longues grèves et de luttes sociales – en soutien aux républicains espagnols, contre le racisme, pour l’indépendance de l’Algérie – elles ont licencié pendant deux décennies puis ont fini par déposer le bilan en 1993. J’y ai vu se développer et se matérialiser les principaux axes de la transformation de la violence policière : la fabrication d’un chômage de masse, la précarisation et l’accroissement des inégalités, le développement de la « politique de la ville », les transformations de la ségrégation, la formation de la police des cités, le quadrillage des quartiers par l’expérimentation des polices de proximité, la généralisation de la provocation par des polices d’intervention, la perpétuation d’une structuration virile, blanche et bourgeoise de la violence policière, l’émergence de nouvelles formes d’autodéfense et de contre-attaques parmi les habitants, l’application d’une contre-insurrection de basse intensité face à la multiplication des révoltes, les impacts sociaux de la fabrication médiatique et politique des nouveaux « ennemis intérieurs », la restructuration des quartiers populaires et l’extension de la mégalopole capitaliste par la « rénovation urbaine », l’intensification de la domination policière et le renforcement du socio-apartheid par la « guerre à la délinquance » ainsi que le développement de l’incarcération de masse. J’ai observé les implications réelles et concrètes de tous ces phénomènes qui font système avec la violence policière.

En 2005, j’enquêtais en journée dans les archives de la Défense nationale pour ma thèse, mais c’est le soir, à Gennevilliers, que j’étais confronté à cette sorte de guerre policière de basse intensité que nous livrait l’État français. Je me souviens de longues discussions à propos de mes lectures de la journée avec quelques amis de la cité du Luth où je suis né. Nous analysions, en petit groupe, l’évolution des figures de l’ennemi intérieur dans l’armée française, depuis les « fellaghas » jusqu’aux « casseurs », et l’influence des méthodes de guerre coloniale sur le maintien de l’ordre contemporain. À l’automne, quand les révoltes se sont coordonnées face à l’offensive policière et que le gouvernement a décrété l’état d’urgence, nous avons vu des unités de la police française quadriller les quartiers et s’y lancer dans des chasses militarisées rappelant de véritables occupations coloniales.

À Gennevilliers, j’ai vu d’assez près les conséquences de cette machinerie pour ne jamais douter de la nécessité de la combattre. J’ai aussi pu observer les transformations de la violence policière face aux mouvements sociaux et aux mouvements de lutte auxquels j’ai pris part ces quinze dernières années. Le régime de violence d’État qui s’y applique ne peut être mis sur le même plan que la domination policière des quartiers populaires ; il est contenu et régulé pour encadrer des couches sociales majoritairement blanches et privilégiées, c’est-à-dire majoritairement exemptées des processus de violence racistes et classistes. Majoritairement, car des personnes non blanches et/ou issues des strates inférieures des classes populaires participent, en minorité mais de plus en plus, à ces mouvements sociaux où dominent les « franges radicalisées de la petite bourgeoisie intellectuelle[5] ». Elles y subissent là encore le système d’oppression et de discrimination par la race, le genre et la classe, et leur radicalité influence de plus en plus fortement la conscientisation et les pratiques de ces mouvements.

Alors que je les ai souvent vécues de manière « accidentelle » et indirecte dans les quartiers populaires, j’ai été personnellement confronté aux violences policières physiques appliquées aux luttes sociales et aux mouvements révolutionnaires dans des contextes assez variés. J’ai vécu une cinquantaine d’observations directes de brutalisations physiques, dont une dizaine où j’ai été personnellement impliqué sans être agressé et quelques-unes où j’ai subi de la coercition sans blessures. Les situations de violence symbolique que j’ai vécues ou observées sont en revanche innombrables.



Depuis la publication d’une première enquête sur l’ordre sécuritaire en 2009[6], j’ai été invité dans de nombreux débats, par des associations, des universités, des librairies, des maisons de quartier ou des collectifs de lutte pour discuter de contrôle et de répression, de police et de racisme, de violence d’État et de résistances populaires. J’ai côtoyé pendant plusieurs années des membres de collectifs de soutien aux prisonniers, de comités anti-répression et de comités « Vérité et justice » pour des personnes tuées par la police, dans de nombreuses villes en France. Dans chacun de ces lieux, on m’a rapporté les histoires locales de violences policières qui ont marqué les esprits, celles qui ont donné lieu à des luttes collectives, celles du quotidien et qui n’ont jamais de dates, les nouvelles méthodes et les anciennes techniques, ce qui traumatise et ce dont on ne s’indigne même plus. J’ai récolté ces mémoires confiées par celles et ceux qui savent qu’en tant que Blanc et diplômé, je ne suis généralement pas soumis aux procès en objectivité réservés aux classes et aux castes dominées et que j’ai donc beaucoup plus de chance de pouvoir porter publiquement leurs récits. Je les ai confrontés aux centaines de discussions menées avec les habitants de ma banlieue durant des années. Ces cahiers sans papier ni encre ont fourni une sorte d’archive populaire, un corpus de récits d’agressions policières, une expérience collective venue des agressés eux-mêmes. Malgré ce qu’en disent de nombreux sociologues de la police, la parole populaire n’est pas moins fiable que la parole policière : elle a au contraire l’avantage d’être réfutable et falsifiable, il est possible de confronter de nombreuses versions, de les croiser et de les recouper tandis que l’esprit de corps et la culture policière produisent généralement des rhétoriques formatées et des regards officiels sur l’événement – ce que Rafik Chekkat appelle, à la suite du réalisateur israélien Eyal Sivan, un « régime de justification du bourreau[7] ». Mais comme toute archive orale ou écrite, ces sources donnent d’abord accès à des perceptions de faits ; les faits eux-mêmes ne pouvant être révélés que par la confrontation de ces sources.


Depuis le début du 3e cycle universitaire, j’ai aussi parcouru des séminaires et des laboratoires universitaires, des bibliothèques et des colloques de sciences sociales où l’on justifiait « scientifiquement » le fonctionnement de la violence d’État. J’ai pu observer l’élaboration de ce système coercitif, de sa légitimation idéologique jusqu’à sa mise en œuvre sur le terrain. Si « la géographie, ça sert d’abord à faire la guerre[8] », j’en suis revenu convaincu que la sociologie, « ça sert d’abord » à contrôler. Un outil peut aussi devenir une arme selon ce qu’on en fait.

Pour étudier les conditions économiques, politiques et sociales qui propulsent les bouleversements en cours, j’ai constitué un terrain en relief, un enchevêtrement d’expérimentations à confronter avec l’expérience personnelle et les mémoires collectives. J’ai tout d’abord compilé les archives du réseau « Résistons ensemble aux violences policières » et celles réunies par l’historien de la police Maurice Rajsfus dans sa publication Que fait la police ? Ces corpus donnent accès à des centaines de « faits » de violence policière quotidiens, rendus publics et construits par les médias dominants ou passés sous silence dans la presse et révélés par des réseaux populaires et militants tout au long de la décennie 2000. Ces archives mettent à disposition une somme extrêmement riche de faits vécus – des agressions policières dans les quartiers populaires jusqu’à celles subies par les mouvements sociaux – et autant de manières de mettre en cause ces violences.

Pour confronter ces perspectives avec les régimes de justification des producteurs de contrôle, j’ai réuni une vingtaine d’autobiographies et de récits de vie de policiers en activité depuis 1968 mais plus précisément sur la période 1989-2012. J’ai décortiqué une dizaine d’entre elles[9]. J’ai aussi récolté des entretiens réalisés avec d’autres policiers par des journalistes ou des sociologues. Ces sources ne sont pas moins problématiques[10]. Les discours policiers dépendent de mémoires individuelles et collectives, de stratégies symboliques, d’idéologies instituées mais ils livrent aussi les éléments d’une culture de métier, des répertoires de comportements, des descriptions personnelles de situations, des manières d’assimiler les doctrines, des anecdotes caractéristiques, les frontières des normes et des marges incorporées par ces profils particuliers que sont les policiers-auteurs[11].

J’ai consulté parallèlement et régulièrement des blogs de policiers comme videosdepolice.com, police.etc, blog du policier Bénédicte Desforges, ou Policetcetera, blog du commissaire Georges Moreas. Ils donnent accès à certains phénomènes à l’œuvre dans l’assimilation des doctrines, l’évolution de la culture et des modes de mises en pratique des petits et moyens chefs de police, les débats et les passions qui les animent et les opposent entre eux. J’ai croisé ces récits et ces rhétoriques avec l’analyse de contenus issus de la presse policière. J’ai étudié les discours et les imaginaires produits et légitimés par des revues de différents statuts : des magazines « grand public » comme Police Pro, des revues d’analyse et de points de vue comme DSI Défense et Sécurité Internationale, des revues professionnelles issues de l’institution comme Gend’info, magazine de la gendarmerie nationale, Civique, le magazine interne du ministère sur les missions de police ou encore La revue de la police municipale, publication de l’Union syndicale professionnelle des policiers municipaux.

J’ai croisé ces terrains avec les résultats de différentes enquêtes en sciences sociales sur les pratiques et les discours, les techniques et les doctrines policières. Plus récentes en France qu’aux États-Unis, ces dernières révèlent une grande diversité d’approches théoriques et méthodologiques[12]. Mais il y est largement admis que les policiers de rue cherchent moins à faire respecter la loi – qu’ils connaissent rarement et ne peuvent d’ailleurs jamais maîtriser parfaitement – qu’à maintenir l’ordre social comme incarnation publique de la loi et de l’État[13]. Parmi ces études, les perspectives critiques insistent sur le fait que la police défend moins l’ordre national établi qu’un ordre en formation permanente, un « ordre en train de s’établir, à partir du désordre et à travers lui[14] ». C’est un point important : il s’agit d’analyser la production de violence policière comme un processus traversé de contradictions et lié à des rapports de forces en transformation constante. Ces études débattent généralement pour savoir si c’est l’intensité des inégalités ou la peur ressentie par les policiers qui déterminent principalement leurs pratiques de brutalisation. Car il semble en effet que la perception d’un environnement hostile et « l’indice d’exposition du policier à l’agression violente » entrent en jeu[15]. S’il est évident, lorsque l’on regarde depuis le champ de bataille, que la brutalisation policière n’est pas toujours déterminée par de la peur ou des menaces réelles, la question du rapport de forces semble bien décisive, mais elle reste déterminée par la race et la classe.

Il faut sérieusement prendre en compte l’évolution des situations dans lesquelles les policiers sont déployés. S’ils les observent à travers le prisme des mises en scènes médiatico-politiques (la « jungle », la « guérilla », le « chaos »…), les policiers se confrontent réellement à l’émergence de nouvelles formes d’insoumissions populaires et à la montée en puissance de nouvelles pratiques collectives d’autodéfense. Toujours distincts dans leur puissance et leur productivité selon la race, la classe et le genre de ceux qui contre-attaquent, les régimes de violence policière réagissent effectivement à tout ce qui déstabilise les rapports de forces.

Je propose d’analyser de manière indisciplinée les structures politiques, économiques et sociales qui déterminent les transformations des violences policières ; étudier dans un même mouvement les mises en pratique des agents de police, leurs effets sociaux sur la vie quotidienne, les nouveaux rapports de force et les nouveaux types de conflits auxquels la police s’attaque ; décrire les tactiques politiques, les stratégies économiques et les pratiques policières qui assurent la reproduction de la domination raciste, patriarcale et capitaliste.

Nous verrons d’abord comment la production de violence d’État a été restructurée dans la seconde moitié du xxe siècle pour encadrer le développement du néolibéralisme et mettre en place une nouvelle forme de ségrégation sociopolicière (chapitre I). Dans ces nouvelles réserves de chasse que sont devenus les quartiers populaires, les révoltes se sont progressivement multipliées et ont commencé à menacer les capacités répressives de l’État français. Une forme de contre-insurrection médiatique et policière a été appliquée aux soulèvements des quartiers populaires dès le milieu des années 1990. Nous essaierons de comprendre comment des techniques issues de répertoires de violences guerrière et coloniale ont pu être appliquées par la police pour soumettre les quartiers populaires (chapitre II). Nous verrons la manière dont l’expérimentation de la domination policière est mise en scène et célébrée pour être mieux exportée. Car un autre phénomène se développe et bouleverse l’ensemble du champ de bataille. Un processus de marchandisation de la contrainte et de la violence s’étend depuis la fin du xxe siècle à travers les marchés de la sécurisation publics puis privés. Le contrôle, la surveillance et la répression sont devenus des marchés gigantesques aux mains des industries « de la défense et de la sécurité ». La domination policière est désormais la source directe de grands profits, et un véritable marché de la contrainte fournit à la police de nouvelles armes, dites sublétales, dont les usages transforment complètement les techniques de domination et le champ de bataille lui-même (chapitre III). La généalogie des brigades anticriminalité (BAC) nous permettra de retracer cette histoire en observant ces nouveaux types d’unités, particulièrement féroces et organisées pour l’agression (chapitre IV). Depuis le début des années 2000, l’État s’affaire à renforcer le système de ségrégation et de séparation socioraciste. En suivant les dernières évolutions de la domination policière, nous pourrons esquisser une cartographie des nouveaux fronts intérieurs de l’impérialisme (chapitre V). Ce sont là quelques plans et des ébauches d’outils pour attaquer les rouages de cette machinerie.


Mathieu Rigouste
La domination policière – Une violence industrielle
Editions La Fabrique | novembre 2012
VIA : Etat d'exception



NOTES

[1] David Harvey, Le nouvel impérialisme, Les Prairies ordinaires, 2010.
[2] Voir par exemple Patrick Bruneteaux, Maintenir l’ordre. Les transformations de la violence d’État en système démocratique, Presses de Science Po, 1996 ; Voir aussi les travaux réunis par Peter Manning : Peter Manning, Police Work. The Social Organisation of Policing, Long Grove, Waveland Press, 1997 (1977).
[3] Howard Zinn, L’impossible neutralité. Autobiographie d’un historien et militant, Agone, 2006.
[4] Lorsque j’emploie des termes renvoyant à la « couleur » ou au « sexe » d’individus ou de groupes, je désigne des stigmatisations, c’est-à-dire des étiquettes instituées par et pour la hiérarchisation socioraciste et sexiste, qui déterminent des conditions sociales d’oppression et ne renvoient à aucune caractéristique corporelle ou biologique concrète. Il s’agit de désigner les groupes opprimés à travers ces identifications.
[5] Jean-Pierre Garnier, Une violence éminemment contemporaine. Essais sur la ville, la petite bourgeoisie intellectuelle et l’effacement des classes populaires, Agone, 2010.
[6] Mathieu Rigouste, L’Ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine, La Découverte, 2009.
[7] Rafik Chekkat, « “Hardcore jusqu’à la mort”. Sur les suites judiciaires de la mise à mort publique Abdelhakim
[8] Yves Lacoste, La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre, La Découverte, 1988, (1976).
[9] Bruno Pomart, Jacques Lesinge, Flic d’élite dans les cités, Éditions Anne Carrière, Paris, 2009 ; Patrick Trotignon, Être flic dans le 9.3, Éditions du Rocher, Paris, 2008 ; Georges Demmer, Flic à vie, JC Gawsewitch, 2010 ; Roger Le Taillanter, Le Grand. Ma vie de flic, Éditions Plon, 1995 ; Georges Moreas, Un flic de l’intérieur, Éditions N°1, 1985 ; Charles Pelégrini, Flic de conviction, Éditions Anne Carrière, 1999 ; Michel Felkay, Les interventions de la police dans les zones de cités urbaines, Éditions l’Harmattan, 1999 ; Michel Felkay, Le commissaire de tranquillité publique, Éditions L’Harmattan, 1999 ; Philippe Pichon, Journal d’un flic. La police vue de l’intérieur, Flammarion,2007 ; Serge Reynau, Chroniques de la main courante. Histoires vécues, Bourrin Éditeur, 2009 ;Sihem Souid, Omerta dans la police. Sexisme, racisme, homophobie, abus de pouvoir, Cherche Midi,2010 ; Bénédicte Desforges, Police mon amour, Chroniques d’un flic ordinaire, Anne Carrière, 2010 ;Bénédicte Desforges, Flic, Chroniques de la police ordinaire, J’ai Lu,2007 ; Brendan Kemmet, S.O.S Police. Scènes de la vie quotidienne,Cherche-Midi, 2010.
[10] Voir le colloque « Récits de vie de policiers. L’historien, le sociologue et les récits de vies, archives orales : usages et problèmes » organisé par la BNF le 31 mai et le 1er juin 2007. Il existe un fonds INHES réunissant des
récits de vie de policiers à la BNF.
[11] Voir François Masclanis, « Une approche de la culture policière à travers les écrits de policiers », Thèse de doctorat, Jean-Louis Loubet del Bayle (dir.), CERP- Université Toulouse 1, 2004.
[12] Fabien Jobard, Les violences policières. État des recherches dans les pays anglo-saxons, L’Harmattan, 1999.
[13] Voir par exemple l’enquête de Richard Ericson, Reproducing Order. A Study of Patrol Work, Toronto, University of Toronto Press, 1982.
[14] Voir par exemple Hélène L’Heuillet, « La généalogie de la police », Culture et conflits, Approches comparées des polices en Europe, L’Harmattan, 2003, p. 130.
[15] Voir par exemple Jerome Skolnick, Justice Without Trial, New York, Wiley, 1966 et Richard Kania, Wade McKey, « Police Violence As A Function Of Community Characteristics », Criminology, XV, n° 1, mai 1977.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire