1973, Wounded Knee |
Les
premières batailles des colons contre les Améridiens de l'Amérique
du Nord [Native American] se déroulent en 1778 ; une longue guerre,
ponctuée de massacres qui deviendra un véritable génocide,
caractérisé selon l'historien américain Howard Zinn par le fait
que « les gouvernements américains ont signé plus de quatre
cents traités avec les Indiens et les ont tous violés, sans
exception ». Un siècle plus tard, après la redition de
Geronimo en 1886, le massacre de Wounded Knee en 1890 sonne le glas
de la résistance Amérindienne sur le continent Nord Américain ;
les survivants de ce génocide sont parqués dans des réserves aux
terres arides et poussiéreuses où s'abîment les larmes de
tristesse des nations Indiennes vaincues et humiliées, et durant les
années 1890-1930 les Indiens sombrent dans une torpeur funèbre
aggravée par l'alcoolisme. C'est durant cette période que le taux
de natalité est le plus bas, faisant croire à certains
"observateurs" de Washington que les Indiens sont destinés
à complètement disparaître, d'ailleurs beaucoup d'Américains de
cette époque pensent qu'il n'y a plus d'Indiens vivants aux Etats
Unis.
L'ethno-historienne
Joëlle Rostkowski*, affirme que leur situation a commencé à
s'améliorer à partir des années 1930 sous l'impulsion du président
démocrate Franklin D. Roosevelt et de son commissaire aux Affaires
indiennes, John Collier un Native-American,
lequel estimait que les Indiens devaient être confortés dans leurs
droits territoriaux. Il s'agit là d'un retournement historique car
on estimait auparavant que les réserves, terres de pauvreté,
devaient être peu à peu supprimées. Sous l'impulsion de John
Collier, qui était convaincu que les cultures indiennes faisaient
partie intégrante de l'histoire de l'Amérique, le gouvernement
fédéral a au contraire décidé qu'il fallait que les communautés
autochtones puissent continuer d'exister. A partir de cette date, on
a reconsidéré l'objectif de liquider les territoires indiens, et en
1934, par l'Indian
Reorganization Act,
l'État fédéral américain met fin au processus de parcellisation
des terres indiennes, et reconnaît aux tribus indiennes le droit à
l'autonomie.
Le
deuxième élément déclencheur du renouveau indien a été
la coopération des Indiens aux deux conflits mondiaux. On a apprécié
leur participation aux combats de la Première Guerre mondiale, alors
que nombre d'entre eux n'étaient même pas encore citoyens. En
effet, c'est en 1924 que tous les Indiens ont obtenu la citoyenneté
américaine, mais pas le droit de vote qui selon les Etats est
accordé à partir de 1948 [!]. C'est-à-dire après la guerre de
1939-1945 qui a eu un impact décisif sur leur condition. En effet,
30 000 Amérindiens ont participé au conflit et ils ont constitué
le groupe ethnique qui a obtenu - proportionnellement - le plus de
médailles. Le drame de ces soldats, qui ont combattu sous le drapeau
américain et sont souvent retombé dans la misère à leur retour au
pays, a éveillé une profonde sympathie et contribué à faire
réclamer pour eux des droits plus importants.
Le
dernier élément a été le mouvement pour les droits civiques des
années 1960. Une politique extrêmement conservatrice avait été
appliquée aux Amérindiens pendant les années 1950. On voulait à
nouveau liquider les réserves, en poussant les Indiens à
s'installer en ville, et supprimer le régime de tutelle qui faisait
d'eux les protégés du gouvernement fédéral. Or ne plus dépendre
du pouvoir fédéral et tomber sous la coupe des États était pour
eux une très mauvaise nouvelle. En 1953, le gouvernement adopte la
"Termination Policy" (solution définitive au problème
indien), dont les objectifs visent à "vider" les réserves
de leur population, à supprimer l'aide fédérale, au désengagement
moral et historique vis à vis des Indiens, à l'assimilation les
Indiens dans les grands centres urbains afin d'éliminer toutes
traces de leur existence. Si certaines tribus acceptent contre de
l'argent la liquidation de leurs réserves, rapidement un revirement
s'effectue lorsqu'ils constatent qu'une fois de plus ils se sont fait
duper par la perfidie de l'administration. La résistance Indienne
s'organise, à travers deux cas : celui des Taos Pueblo qui réclament
la restitution du lac bleu (lac sacré et lieu de culte), accaparé
par l'office des forêts, et celui des Senecas qui s'opposent à la
construction d'un barrage sur leur territoire. Les Taos reconnus
propriétaire légitime de ces terres obtiennent une indemnisation en
échange, ils refusent et décident de lutter (ils récupéreront le
lac bleu en 1973). Les Sénécas perdent leur procès et sont
dépossédés d'une grande partie de leur territoire. Ces deux
affaires font prendre conscience aux différentes tribus Indiennes de
l'urgence à créer un mouvement de solidarité, le Pan-Indianisme
est né.
Ces
années-là ont donc été une période sombre pour les Amérindiens.
Mais l'horreur sera véritablement atteinte lorsque l'Etat, dans son
oeuvre génocidaire - plus discrète à présent - organisera, la
stérilisation en masse des femmes amérindiennes (environ 40%)
(après deux grandes épidémies de variole qui déferlent dans la
première moitié du XIXe s.). Une méthode qui sera exportée par la
suite au sein d'autres tribus amérindiennes de pays de l'Amérique
du Sud, notamment au Pérou, sous l'égide du Fond Monétaire
International pour " combattre la pauvreté " et plus
particulièrement la guerre révolutionnaire du PCP-SL ( Sentier
Lumineux).
American
Indian Movement
C'est
pourquoi, au moment de la lutte pour les droits civiques, dans les
années 1960, les mouvements de contestation les plus virulents se
sont rapprochés d'autres groupes ethniques en lutte - notamment des
militants noirs du Black Power - et ont commencé à militer pour
leur reconnaissance. Mais le mouvement indien se composait de groupes
de tendances diverses, tels le Congrès national des Indiens
d'Amérique (créé en 1944), le Conseil national de la jeunesse
indienne (créé en 1968) et l'American Indian Movement. Ils
ne déterrèrent pas la hache de guerre, mais tout le talent des
militants a été d'organiser des manifestations symboliques dans des
lieux de mémoire qui avaient une signification particulière dans la
conscience américaine.
L'American
Indian Mouvement est une organisation militante amérindienne,
fondée en 1968 à Minneapolis, au Minnesota, par Dennis Banks,
George Mitchell, Herb Powless, Clyde Bellecourt, Harold Goodsky,
Eddie Benton-Banai, et un certain nombre d'autres de la communauté
amérindienne. L'organisation constituait
l'aile la plus à gauche et la plus militante de la contestation
indienne et préférait la confrontation plutôt que la concertation
avec les autorités locales ou fédérales. L'organisation est
née pour répondre à diverses questions concernant la communauté
amérindienne urbaine de Minneapolis ; ce qui fait son originalité
par rapport à d'autres mouvements de contestation issus des
réserves. Les principales revendications portent sur l'application
des traités – dont certains datent de plusieurs décennies – à
propos des terres, sur l'auto-détermination des communautés, et
concernent la lutte contre la pauvreté, les problèmes de logement,
le racisme et le harcèlement de la police. L'American Indian
Mouvement, par son radicalisme
et ses actions, attira rapidement de nombreux militants de toutes les
tribus des États-Unis et du Canada. Progressivement, sur le
modèle du Black Panthers Party, L'American Indian Mouvement
s'organisera dans les villes et
au sein des réserves.
La stratégie de l'organisation, au contraire des Black panthers, adopte le pacifisme et se refuse à une lutte armée ou clandestine ; leurs actions symboliques et spectaculaires ont pour objectif premier d'attirer l'attention de la presse et des médias afin de présenter un message au plus large public. Dans ce cadre, la “solidarité” ou la collaboration de personnalités reconnues – Marlon Brando, par exemple - est de la plus grande importance, qui porteront au plus haut niveau des véritables campagnes de publicité touchant directement l'opinion publique américaine, voire mondiale.
Parmi
la multitude de revendications faites aux autorités, certaines
concernent d'étranges symboles ; ainsi leur demande d'interdire aux
équipes sportives d'utiliser le nom de tribus tels par exemple, les
Indians de Cleveland,
les Braves d'Atlanta,
les Blackhawks de Chicago
ou les Redskins de Washington.
Des manifestations seront organisées lors des World Series et du
Super Bowl contre ces équipes. Les manifestants brandissaient des
pancartes avec des slogans : les Indiens sont des gens non
mascottes ou être
indien n'est pas un personnage que vous pouvez jouer.
Demandes ignorées par les équipes sportives mais, par contre,
certaines universités qui utilisaient comme sigle un signe ou un nom
d'origine amérindienne, négocieront ou demanderont la permission
des tribus concernées leur emploi. De
la même manière,
l'AIM contestera les fondements idéologiques de fêtes nationales,
et notamment le Columbus Day [anniversaire de la
découverte de l'Amérique par Colomb] et Thanksgiving. D'une manière
générale, et sur le modèle des Black Panthers, l'AIM luttera pour
la reconnaissance de la culture indienne dans l'histoire des
États-Unis. Ses efforts seront reconnus et soutenus par de nombreux
dirigeants institutionnel et politique, et notamment le monde des
arts et les médias.
L'American
Indian Mouvement sera
soutenue activement par l'ensemble des mouvements contestataires de
gauche du pays, et notamment des Black panthers et des organisations
marxistes, même si leurs objectifs respectifs ne coïncidaient pas
tout à fait, ou pas du tout. Bien évidemment, L'AIM bénéficiera
également de toute la sympathie du mouvement hippie et certaines
communautés adopteront le traditionnel tipi pour leur habitation.
Les
Indiens urbains
Dans
les années 1950, la grande majorité des Native American vivait
parquée dans les réserves ; le recensement de 1970 montre que 62 %
des personnes qui s'identifiaient comme Indiens de l'Amérique ou
autochtones de l'Alaska vivait dans les réserves indiennes ou en
milieu rural. Une constante et progressive évolution due en partie à
la politique de
l'Indian
termination policy, élaborée
par le Bureau des Affaires indiennes (BIA)
qui
encouragait les Indiens à quitter leurs réserves pour venir
s'installer dans les villes ou les zones urbaines. Le programme a été
aboli dans les années 1970 et n'existe plus ; mais depuis cette
époque de nombreux Indiens ont émigré vers les zones urbaines avec
leurs propres moyens et sans l'aide du BIA. Le recensement américain
de 1990 indique que les deux tiers des Amérindiens vivaient en
ville.
Dans
les années 1960 et 1970, les conditions de vie en ville des Indiens
étaient peut-être encore plus pénibles que celles des réserves,
malgré l'aide apportée par le Programme
de réinstallation du
Bureau des Affaires indiennes. De nombreuses tribus étaient tout
simplement pas préparées à l'expérience, et beaucoup de familles
sont retournées dans les réserves. Mais d'autres, et en premier
lieu les jeunes étudiants s'inscrivant en université, les jeunes
désirant s'émanciper et les personnes à la recherche de travail –
les indiens sont particulièrement appréciés pour leur aptitude à
travailler sur les chantiers des buildings – décideront de
s'installer en ville. Des études sociologiques ont montré comment
les nouveaux venus ont pu faire preuve d'ingéniosité et ont pu
s'adapter aux exigences de la vie urbaine, comme les pauvres
émigrants européens l'avaient fait au 19ème siècle. Comme eux,
ils s'organiseront en association regroupant les membres d'une même
tribu puis de celle du pan-Indianisme.
Et
ce seront les plus jeunes étudiants “urbanisés” qui, au contact
des mouvements de contestation – Black Panthers, Anti-War, Civils
Rights, Mouvements féministes, etc. -, ou bien, dans le climat
politique subversif des universités, allumeront la flamme de la
contestation “active”, en s'opposant, dans un premier temps, aux
plus anciennes organisations de défense qui privilégiaient le
consensus et la recherche du dialogue avec les autorités. L'American
Indian Mouvement
est fondée à Minneapolis, et avant sa création, leurs militants
luttaient déjà pour la reconnaissance de leur culture mais
également pour de meilleurs conditions de vie concernant notamment
l'habitat. Par la suite, l'AIM coordonna des programmes d'emploi dans
des villes et au sein de communautés rurales à l'intérieur des
réserves, et ce, sur l'ensemble du territoire américain.
Selon
Charles Wilkinson, ce sont bien ces Indiens “urbanisés” ou leurs
enfants ayant grandi dans les villes, qui ont contribué à bâtir la
classe moyenne indienne, voire bourgeoise, celle cultivée et
artistique, universitaire et également politique ; celles qui ont
joué un rôle central dans la reconnaissance de la culture des
Indiens dans la dernière partie du XXe siècle.
FBI
Si
l'American Indian Mouvement refuse
de prendre les armes, les militants seront confrontés à maintes
reprises aux violences de la police et du FBI, qui s'acharneront à
déstabiliser le mouvement par une recherche constante de la
confrontation armée. Entre 1969 et 1979, de nombreux indiens seront
ainsi victimes des forces de la police, et des milices
para-militaires. À Pine Ridge, on comptabilise plus de 60
militant[e]s assassinés en trois années. Le plus souvent, les
agents des forces de police sont condamnés au peine minimum, voire
acquittés, ou libérés sous caution. Il n'en est pas de même avec
les Indiens qui, même en cas de légitime-défense sont inculpés de
meurtre et condamnés à de lourdes peines. En Juin 1975 dans
ce qu'on a appelé la “ fusillade de Pine Ridge ”, deux agents du
FBI qui avaient fait feu, sont tués et trois membres de l'AIM sont
finalement inculpé : Darryl, Robert Robideau et Leonard Peltier, qui
avait fui au Canada. Darryl et Robideau ont été jugés en 1975 et
acquittés. Après extradition, Peltier qui se déclare innocent a
été jugé et condamné en 1976 : il purge deux peines à
perpétuité, malgré des témoignages contradictoires. C’est
sans doute le plus ancien prisonnier du monde. Amnesty International
le considère comme un prisonnier politique, qui « devrait être
libéré immédiatement et sans condition ». Leonard Peltier
apparaît comme l’une des nombreuses victimes de la guerre secrète
menée par le gouvernement américain et le FBI contre l’American
Indian Movement. [
Site soutien : http://www.leonardpeltier.net/]
La
méthode utilisée par le FBI de l'infiltration
(Counter Intelligence Program) au
sein des instances dirigeantes des mouvements et des organisations
contestataires, sur le sol américain, sera mise en oeuvre au sein de
celle de l'American
Indian Mouvement. À
la fin de 1974, les dirigeants de l'AIM découvre que Douglas Durham,
un membre éminent, chef de la sécurité, était un informateur du
FBI. Ce sera l'occasion pour l'AIM d'effectuer une conférence de
presse présentant le traître. Mais un climat de méfiance
s'installa au sein des dirigeants, but ultime de ce type d'opération
policière. Pour diverses raisons, Anna Mae Aquash, une des
principales dirigeantes, sera à tort soupçonnée d'être un
informateur ; elle sera assassinée en 1975 par des militants de base
de l'AIM, Arlo Looking Cloud et John Graham qui seront reconnus
coupables. Mais au sein des dirigeants, nombre seront persuadés que
les militants avaient reçu un ordre de l'un d'eux et la méfiance,
bien établie, se transforma en soupçons : en quelque sorte, le FBI
avait parfaitement réussi à désunir les mouvements, qui a
contribué, plus tard à des scissions.
ALCATRAZ
Il
y a eu tout d'abord, en 1969, l'occupation d'Alcatraz, ancienne
prison désaffectée qui constituait une métaphore saisissante de la
condition des Indiens dans les réserves. Alcatraz - albatros en
espagnol, emprunté à l'arabe القطرس
(al-qarās) -
la célèbre île-prison de la baie de San Francisco en Californie,
est à l'origine, en 1867, une prison militaire. En octobre 1933, le
statut de la prison changea pour accueillir des prisonniers civils,
et notamment les plus dangereux : Al Capone, George « Machine Gun »
Kelly, Alvin Karpis (ennemi public n°1), Robert Stroud et Arthur «
Doc » Barker y ont purgé leur peine. Durant les 29 ans d'opération
de la prison de 1934 à 1963, 36 détenus ont essayé de s'évader
lors de 14 tentatives différentes ; mais officiellement, aucun
détenu n'est jamais parvenu à s'évader d'Alcatraz en rejoignant le
continent. En 1963, la prison ferme définitivement et l'île est
abandonnée aux oiseaux.
Le
9 novembre 1969, un événement spectaculaire ré-attira l'attention
sur Alcatraz et la condition des Amérindiens : 78 d'entre eux
débarquèrent et occupèrent illégalement l'île, pendant 19 mois
pour se terminer le 11 juin 1971. Le groupe fut mené par Richard
Oakes, un Indien Mohawk, directeur du département des études
indiennes au collège d'État de Chicago et Grace Thorpe, Indienne
Sauk et Fox fille de Jim Thorpe, footballeur et athlète olympique.
Ce groupe fut rejoint par d'autres Amérindiens de toutes conditions
sociales et en moins d'un mois, ils furent environ six cents qui
représentaient quelque cinquante tribus différentes. Ils se
désignaient comme « Indiens de toutes les tribus » (Indians of All
Tribes) et rédigèrent une déclaration intitulée Nous tenons le
Rocher, dans laquelle ils proposaient d'acheter Alcatraz avec des
perles de verre et des chiffons de toile, comme les Blancs l'avaient
fait pour Manhattan, trois cents ans auparavant. Ils se basaient sur
le Traité de Fort Laramie (1868) signé avec les Sioux qui octroyait
des droits aux Amérindiens pour les terres fédérales inutilisées.
Indiens
de toutes les nations
Proclamation
d'Alcatraz
1969
Au
Grand-Père des Blancs et à son Peuple,
Nous,
les Américains d'origine, réclamons cette terre nommée l'île
d'Alcatraz, au nom de tous les Indiens d'Amérique, par droit de
découverte [allusion ironique aux monarques européens qui
s'attribuèrent un "droit de découverte" en Amérique,
c'est-à-dire un droit exclusif de conquête et de préemption sur
des terres qui n'avaient pas déjà été revendiqué par les autres
puissances européennes. NdT].
Nous
souhaitons être équitables et honorables dans nos rapports avec les
habitants blancs de cette terre, et par conséquent nous leur offrons
le traité suivant :
Nous
nous porterons acquéreurs de ladite île d'Alcatraz pour
l'équivalent de vingt-quatre dollars en perles de verre et tissus
de toile rouge, en conformité avec ce qui avait été établi il y
a environ 300 ans pour l'acquisition d'une île semblable. Nous
savons que 24$ de marchandises pour ces 16 arpents de terres est
davantage que ce qui a été payé pour l'achat de l'île de
Manhattan, mais nous savons aussi que le prix des terres a augmenté
au fil des années. Notre offre de 1,24$ par arpent est supérieure
aux 0,47$ par arpent que l'homme blanc paie de nos jours aux Indiens
de Californie pour leurs terres.
Nous
donnerons aux habitants de cette île une portion de terre en
usufruit pour leur usage propre, au nom du Bureau des Affaires
Blanches; cette offre s'étend à perpétuité, aussi longtemps que
le soleil brille et que les rivières coulent vers la mer. Nous
continuerons à guider les habitants pour leur montrer la juste façon
de vivre. Nous leur offrirons notre religion, notre éducation, nos
coutumes, en vue de les aider à arriver à notre degré de
civilisation et donc de les élever, eux et tous leurs frères
blancs, au-delà de leur condition sauvage et malheureuse. Nous leur
offrons ce traité de bonne foi, et souhaitons être équitables et
honorables dans nos rapports avec tous les hommes blancs.
Nous
sommes d'avis que cette soi-disant île d'Alcatraz est plus que
convenable pour abriter une réserve indienne, d'après les propres
normes de l'homme blanc. Nous voulons dire que cet endroit est en
tous points semblable aux réserves Indiennes, puisque :
1.
Elle est située à part de tous les services modernes et n'est desservie
par aucun moyen de transport adéquat.
2.
Il n'y a pas d'eau courante. Les services sanitaires sont défectueux.
3.
Il n'y a pas de pétrole ou de minerai, ni de droit de les exploiter.
4.
Il n'y a pas d'industrie et donc un chômage très élevé.
5.
Il n'y a aucun service de santé.
6.
Le sol est rocheux, impropre à toute culture et sans aucun gibier.
7.
Il n'y a pas d'équipements scolaires.
8.
Il y a toujours eu surpopulation dans cette île.
9.
La population a toujours été considérée comme prisonnière et a
vécu dans la dépendance.
D'autre
part, il serait justifié et symbolique que les bateaux du monde
entier, s'apprêtant à passer sous le Golden Gate, voient d'abord la
terre Indienne, et se remémorent ainsi la véritable histoire de
cette nation. Cette petite île symbolisant les grandes terres qui
étaient autrefois celles de libres et nobles Indiens.
Que
ferons-nous de cette terre ?
Depuis
qu'a brûlé le Centre Indien de San Francisco, il n'y a plus
d'endroit à la disposition des Indiens pour s'assembler et mener une
vie tribale ici dans la ville de l'homme blanc. C'est pourquoi nous
projetons de développer sur cette île diverses institutions
indiennes.
1.
Un Centre pour les Études au sujet des Américains d'Origine sera
développé pour les éduquer aux techniques et au savoirs
nécessaires à l'amélioration de la vie et de l'esprit de tous les
peuples indiens. Sera attachée à ce centre une université
itinérante, dirigée par des Indiens, qui iront dans les Réserves
Indiennes apprendre ce qu'il est nécessaire et approprié de savoir
2.
Un Centre Spirituel des Indiens d'Amérique, dans lequel on
pratiquera nos anciennes religions tribales et nos cérémonies de
guérison sacrée. Nos arts et notre culture y seront représentés
et nos jeunes gens y pratiqueront la musique, la danse et les rituels
de guérison.
3.
Un Centre Indien d'écologie permettra de former nos jeunes dans les
domaines de la recherche et de la pratique scientifique et de
contribuer ainsi à ce que notre terre et l'eau retrouvent leur état
naturel et pur. Nous nous efforcerons de dépolluer l'air et l'eau
dans la baie de San Francisco. Nous tenterons de rétablir la vie
marine et animale, et de revitaliser la vie de l'océan, mis en
danger par les manières de l'homme blanc. Des infrastructures de
dessalement de l'eau de mer devront être mises en place pour une
utilisation au profit de l'homme.
4.
Un grand Service de formation indien apprendra à nos peuples comment
vivre dans le monde actuel, comment améliorer notre niveau de vie et
comment mettre un terme à la malnutrition et au chômage parmi nos
peuples. Cette institution hébergera également un centre pour les
arts et métiers indiens, ainsi qu'un restaurant dans lequel sera
proposée de la cuisine autochtone, qui restaurera les arts
culinaires indiens. Ce centre exposera les arts indiens et offrira
des plats indiens, de façon à ce que tous puissent saisir la beauté
et l'esprit des coutumes indiennes traditionnelles.
Quelques
bâtiments seront utilisés pour abriter un musée des Indiens où
seront exposés notre cuisine et autres contributions culturelles que
nous avons données au monde. Une autre section du musée exposera
quelques éléments que l'homme blanc a donné aux Indiens en échange
des terres et des vies qu'il a ravies : alcool, pauvreté et
décimation culturelle (symbolisée par de vieilles boîtes de
conserve, du fil de fer barbelé, vieux pneus, emballages plastiques,
etc.) Une autre section du musée devra être rester là en tant que
prison, afin de rallumer le souvenir des prisonniers indiens qui ont
défié l'autorité blanche et de ceux qui ont été emprisonnés
dans des réserves. Le musée montrera les événements nobles et
tragiques de l'histoire indienne : entre autres, les traités
bafoués, les documents relatifs à la Piste des Larmes [nom donné à
la politique de déportation des Indiens cherokees], le massacre de
Wounded Knee ainsi que la victoire sur le Custer le Blond et son
armée.
Ainsi,
pour toutes ces raisons, au nom de tous les Indiens, nous exigeons le
retour de cette île à nos nations Indiennes. Nous pensons que cette
revendication est juste et appropriée et que cette terre doit nous
être laissée, tant que les fleuves coulent et que le soleil brille.
Nous
tenons le rocher !
L'occupation
de l'île d'Alcatraz est un tournant pour le mouvement de
protestation des Indiens d'Amérique. Elle s’inscrit dans le
contexte de la montée du Red Power movement et l’organisation
de l’American Indian Movement fondé en 1968. Avant cet
événement, l'activisme indien était généralement tribal, local
(au sein des réserves indiennes), et axé sur des questions
spécifiques.
L'occupation
d'Alcatraz a ainsi permis de rassembler, voire de fédérer pour un
temps, des centaines de personnes – d'origine indienne on non -
qui sont venus vivre sur l'île et des milliers d'autres qui
s'identifient à l'appel à l'autodétermination, à l'autonomie et au respect de la culture indienne. Tandis que l'occupation a attiré
l'attention internationale, les Indiens sont venus du Canada,
d'Amérique du Sud, et des réserves indiennes des États-Unis pour
montrer leur soutien à ceux qui avaient pris position contre le
gouvernement fédéral. Des milliers sont venus ; certains sont
restés, et les autres organiseront des actions solidaires
[propagande, sollicitation de dons d'argent, de nourriture, de
générateurs électriques, etc].
Le
gouvernement fit finalement couper l'eau, l'électricité et le
téléphone sur l'île. Certains furent contraints de partir mais un
an plus tard ceux qui restèrent déclarèrent :
"
Nous continuons de tenir l'île d'Alcatraz au nom de la liberté,
de la justice et de l'égalité parce que vous, frères et sœurs de
cette terre, nous avez soutenus dans notre juste cause. Nous tendons
nos mains et notre cœur et adressons à chacun d'entre vous des
messages par l'esprit. Nous tenons le Rocher. Nous savons que la
violence engendre plus de violence encore. C'est pour cela que notre
occupation d'Alcatraz est pacifiste et que nous espérons que le
gouvernement américain se conduira pacifiquement avec nous..."
Il
fallut un an et demi avant que la police ne réussisse à déloger
les Indiens de l'île ; au cours de cette période, ceux-ci avaient
pu attirer l'attention de millions d'Américains et d'étrangers sur
leurs difficultés. Ainsi, le succès de l'occupation ne doit pas
être évalué en fonction de la demande de titre de propriété de
l'île. L'objectif principal de l'occupation de l'île d'Alcatraz
était d'éveiller l'opinion publique américaine sur le sort des
premiers Américains, à la souffrance causée par les traités du
gouvernement fédéral et des promesses jamais tenues.
Aujourd'hui, l'occupation d'Alcatraz est reconnue comme le tremplin pour le développement de l'activisme indien qui a débuté en 1969 et s'est poursuivie dans les années 1970, par un grand nombre d'occupations illégales qui ont eu lieu peu après celle de la célèbre prison. Alcatraz a été le catalyseur pour ce nouveau type d'activisme et a largement contribué à améliorer l'organisation des mouvements dans une vision "pan-indienne." Bon nombre des quelques 74 occupations illégales d'installations fédérales et de terres privées qui ont suivi Alcatraz ont été organisé par des anciens activistes impliqués directement dans la prise de l'île.
Aujourd'hui, l'occupation d'Alcatraz est reconnue comme le tremplin pour le développement de l'activisme indien qui a débuté en 1969 et s'est poursuivie dans les années 1970, par un grand nombre d'occupations illégales qui ont eu lieu peu après celle de la célèbre prison. Alcatraz a été le catalyseur pour ce nouveau type d'activisme et a largement contribué à améliorer l'organisation des mouvements dans une vision "pan-indienne." Bon nombre des quelques 74 occupations illégales d'installations fédérales et de terres privées qui ont suivi Alcatraz ont été organisé par des anciens activistes impliqués directement dans la prise de l'île.
La
piste des traités violés, 1972
Après
Alcatraz vint l'occupation du Bureau of Indian Affairs (BIA) de
Washington en 1972. Michelle Vignes**, photographe d'origine
française, ayant vécue pendant longtemps parmi les indiens,
considérée en tant que telle et admise en tant que membre de
l'American Indian Movement, témoigne :
En
1972 une fois terminé les danses d’été, certains d’entre nous
se sont dirigés vers Denver (Colorado) pour participer à un meeting
national d’indiens prévu pour fin septembre. En tant que directeur
national de l’AIM, j’étais sans cesse sur les routes. Clyde
Bellecourt était responsable du bureau de Minneapolis. J’avais
rencontré Russel Means l’année précédente. Il dirigeait
désormais le bureau de l’AIM de Cleveland. Ron Petit était mon
adjoint et nous faisions du bon travail. Il était du Milwaukee
(Wisconsin) et collaborait avec Herb Powles, un indien Oneida qui
dirigeait le plus important programme de lutte contre l’alcool du
haut Midwest. Le travail de Herb m’intéressait et nous nous
rencontrions toutes les semaines pour parler de notre expérience et
voir ce que nous pouvions faire également contre la drogue. Herb
n’était pas le genre de personne que l’on trouve habituellement
à la tête des programmes de désintoxication. Sa méthode reposait
sur l’enseignement indigène traditionnel. Et je lui donnais
totalement raison. Aujourd’hui la hutte de sudation est devenue –
et peut-être l’a-t-elle toujours été – la meilleure forme de
thérapie qui puisse être mise en oeuvre et ce pas seulement pour
les alcooliques.
Cette
année là, Petite m’avait également accompagnée en Floride ou se
tenait le congrès du parti républicain. L’AIM avait dressé la
liste de sujet sur lesquels nous voulions attirer l’attention du
gouvernement de Richard Nixon. A l’époque, nous n’avons pas pu
voir personnellement le président mais nous avons remis les
documents à sa fille Trisha Nixon. Nos sujets d’inquiétude
portaient sur les conditions déplorables de logement de la
population autochtones.
Au
meeting de Denver, je constatais une participation plus nombreuse que
prévu, avec notamment la présence de plusieurs tribus venues du
Canada. La question de la participation de L’AIM s’était décidée
à l’occasion de notre meeting à Rosebud (Dakota du Sud), lors de
la danse d’été de Crowdog, mais nous avions convenu de nous
retrouver à Denver pour envisager l’élargissement de la base de
l’AIM tout en mettant au point une stratégie en vue d’un
rassemblement national à Washington. Si aucune date précise n’avait
été fixée, nous avions toutefois clairement défini notre objectif
: obtenir du gouvernement le droit à l’autodétermination.
Une
fois notre groupe rassemblé, nous avons rencontré d’autres
leaders du mouvement et suggéré une réunion en vue d’une
conférence de stratégie nationale à Washington. Tout le monde est
tombé d’accord pour un meeting dans la capitale. Nous allions
l’appeler la « Piste des traités violés ». Mais quand ?
Comment s’y rendre ? Qui voulait assurer la coordination ?
Le
plan : organiser un déplacement de masse sur la capitale.
Pour
organiser notre bureau et coordonner les rencontres à Washington,
nous avons formé une équipe organisatrice chargée de se rendre sur
place, composée de Rueben Snake, Winnebago, de Bob Burnette, Sioux
Rosebud et de George Mitchell, Anishinabe. Afin de réunir le plus
grand nombre, nous avons proposé trois convois : l’un partant de
Seattle, l’autre de San Francisco et le troisieme de Los Angeles.
Le 6 octobre, les trois convois ont quitté leurs villes respectives.
Nous
devions tous nous retrouver à Minneapolis où Clyde Bellecourt et
d’autres membres préparaient une rencontre à mi chemin. Lors de
cette rencontre, nous avons dressé un programme en vingt points que
nous avions l’intention de soumettre aux représentants du
gouvernement. Pendant ce temps, Burnette, Snake et Mitchell, arrivés
à Washington, nous assuraient que tout ce passait bien, confirmant
que de nombreuses réunions étaient prévues avec différentes
agences fédérales. L’équipe organisatrice nous a même assurée
que des meetings avec de hauts fonctionnaires auraient lieu des notre
arrivée à Washington. Sur place, cependant, nous avons bien été
forcés de constater que les promesses faites à notre équipe
étaient vaines et que les réunions n’auraient jamais lieu.
Furieux, nous avons entrepris d’occuper pendant une semaine
l’immeuble du Bureau of Indian Affairs et de révéler au public ce
programme des « choses promises, choses non tenues ». Le convoi de
la « Piste des traités violés », fort de plus de 2 000 personnes
avait fait la route pour rien.
Durant
l’occupation de ce bâtiment, nous avons découvert de nombreuses
preuves de malversations au sein du Bureau of Indian Affairs et du
ministère de l’intérieur. Considérant que la population devait
être mise au courant des faits, nous avons quitté les lieux en
emportant un camion entier de documents. A notre départ, le FBI
s’est lancé dans la surveillance la plus étroite jamais exercée
à l’égard d’un groupe d’Amérindiens, et plus précisément
ceux de l’AIM. Les enquêteurs se sont mis à filer les véhicules
pour retrouver les dossiers manquants et procéder à des
arrestations.
Wounded
Knee
Le
point culminant de la contestation a été, en 1973, l'occupation du
village de Wounded Knee, situé dans la réserve sioux de Pine Ridge
(Dakota du Sud), un lieu hautement symbolique. C'est en effet là que
l'écrasement des Sioux par les troupes fédérales, en 1890, a
marqué la fin de la conquête de l'Ouest. Michelle Vignes**, nous
raconte cette rébellion :
Ce
qui s’est passé à Buffalo Gap a changé l’attitude de beaucoup
d’entre nous. En janvier 1973, Wesley Bad Heart Bull, un indien,
Oglala, fut tué d’un coup de couteau dans le bar de la ville. Bien
que quinze témoins oculaires aient témoigné par la suite que son
meurtrier , un blanc avait reconnu vouloir « casser de l’indien »
ce soir là, un jury composé uniquement de Blancs le déclara non
coupable. Le 6 février 1973, tandis que nous protestions contre le
traitement judiciaire de l’affaire, la police nous fîmes attaquer
par une troupe de combat. A la suite de cette agression de nombreux
Amérindiens, dont je faisais partie, ont été brutalisés et
emprisonnés. Ce message en forme de « fin de non-recevoir » que
nous adressait directement Washington ulcéra la direction de l’AIM
tout autant que nos partisans. Nous étions à bout, nous nous
demandions que faire, de quel coté nous tourner quand est venue
l’idée d’une action à Wounded Knee.
Un
appel de Fools Crows, chef des Oglala
Le
27 Février 1973, au petit matin, j’ai été réveillé par un
coursier qui m’apportait un message sur cassette de Fools Crow
(chef traditionnel des Oglala) et de Russel Means. Le message était
clair : « Amène des guerriers à Oglala nous allons nous battre ! »
Au cours des huit mois précédents, la réserve de Pine Ridge, dans
l’ouest du Dakota du Sud, avait été secouée par des conflits
internes provoqués par Dick Wilson, le nouveau président tribal.
Celui ci exerçait son pouvoir comme un dictateur du tiers-monde,
gouvernant comme bon lui semblait, pratiquant le népotisme et
suspendant la constitution des Sioux Oglala, privant de ce fait la
population des ses libertés individuelles. Outrés par ses
agissements, les chefs traditionnels exigeaient sa démission. La
pétition qu’ils ont remise pouvait le faire démettre de ses
fonctions par le biais d’une procédure d’impeachment.
Fools Crow |
S’estimant
innocent, le président continuait d’enfreindre les droits civiques
sur cette réserve. Les chefs ont alors cherché de l’aide auprès
de l’AIM dans leur lutte contre cet homme de paille du gouvernement
et l’AIM était décidé à défendre la cause tribale. Un grand
meeting a eu lieu le 27 février 1973 à 16h au sous sol d’une
église catholique de Calico, non loin d’Oglala. L’objectif était
de transférer la direction des opérations à l’AIM. Représentant
les Oglala, les chefs Fools Crow, Bad Cob, Kills Enemy, Fills The
Pipe, Young Bearet Catcher étaient réunis là. Pedro Bissonette
assurait la traduction. Clyde Bellecourt, Carter Camp, Russel Means
et moi-même représentions l’AIM. Etaient également présentes :
Gladys Bisonette, Ellen Moves Camp et Hildegarde Catcher. 400 à 500
personnes attendaient la décision dehors.
Après
de longues délibérations pour savoir comment ramener la justice sur
la réserve, Folls Crow s’est tourné vers nous et a demandé si
nous étions prêts à conduire les siens. Au nom de l’AIM, j ‘ai
déclaré que nous étions prêts à nous engager dans une longue
lutte. J’ignorais totalement combien de temps durerait cet
engagement et où il nous mènerait. Folls Crow nous a alors révélé
que c’est à Woulned Knee que nous allions livrer bataille.
Nous
sommes donc retournés à Wounded Knee pour venger le massacre et
dire au monde que les guerres contre les indiens n’étaient pas
finies et nous étions toujours victimes d’injustices.
Le
siège a duré 71 jours ; du 27 février au 5 mai 1973. Plus de 300
agents du FBI, 90 policiers et des casseurs à la solde de Wilson ont
participé à la plus longue fusillade des temps modernes entre
indiens et forces fédérales. Lorsque ce fut terminé, deux
Amérindiens avaient été tués par balle, un policier et un agent
du FBI avaient été blessés. 71 jours durant, les forces fédérales
ont fait feu sur notre village, tentant de nous isoler, de nous
affamer ou de nous tuer.
Le
siège s’est terminé sur la promesse du gouvernement d’étudier
nos plaintes de corruption et de malversations de la part du
président tribal. Mais 35 ans plus tard, le gouvernement n’a
toujours pas examiné nos requêtes. En fait, les leaders des forces
d’opposition ont été emprisonnés à Saint-Paul (Minnesota) et
des accusations émises par les fédéraux nous ont fait inculper de
crimes contre la sûreté de l’Etat. Notre procès a duré de
janvier à septembre 1974 alors qu’un sondage disait que 70% de la
population américaine approuvait la lutte armée de Wounded Knee.
Après
neuf mois de procès contre nos leaders un juge fédéral a rejeté
les charges qui pesaient sur nous et émis un blâme contre le
procureur et le FBI pour fortraiture. A l’issue de l’audience, le
jury a débouté le gouvernement. Finalement, le juge, le jury et la
presse américaine ont été du coté des Indiens.
Si
le procès intenté contre nos leaders était terminé, le
gouvernement n’en poursuivait pas moins ses efforts pour détruire
notre mouvement en traînant des centaines de nos partisans devant
les tribunaux de moindre notoriété. Mais, tout comme dans la
décision de Saint Paul, les autres cours ont, elles aussi rejeté
les accusations fédérales et relaxé les accusés.
Un
Indien Navajo,
vétéran de la guerre
du Vietnam déclara
à l'époque :
« Le calme des gens était réellement stupéfiant étant donné qu'on nous tirait dessus sans arrêt. Mais ils restaient parce qu'ils avaient une cause à défendre. C'est pour çà qu'on a perdu au Vietnam, parce que la cause était mauvaise. On a fait une guerre de riches pour les riches... À Wounded Knee on a fait du bon boulot et le moral était bon. On continuait à rigoler malgré tout. »
Médiatisation
Le
mouvement se poursuit, d'autres occupations symboliques se succèdent
– occupation du Mayflower à Boston, du
Mont Rushmore , etc.
- tandis que les manifestations se multiplient, organisées par de
nouveaux mouvements au sein des réserves ; l'American
Indian Movement,
comme le Black
Panther Party
bénéficient de la sympathie voire de la collaboration de nombreuses
personnalités du monde des Arts et de la Culture. Ainsi, Marlon
Brando contribua à le faire connaître : il refusera, pour
son rôle dans Le
Parrain,
l'Oscar
du meilleur acteur en
1973,
et boycottera la cérémonie pour dénoncer l'action de la police à
Wounded Knee, et protester contre la manière dont le cinéma
américain – et les médias - traitaient les Indiens
dans
ses films. En contact depuis longtemps avec les dirigeants de l'AIM,
ils décidèrent d'envoyer l'activiste Sacheen
Littlefeather,
[vidéo
:
http://www.youtube.com/watch?v=2QUacU0I4yU]
qui vint en costume traditionnel Apache, lire une déclaration sur
scène. Elle fut interrompue en cours de lecture.
The
Longest Walk
"
The Longest Walk ", la longue marche est organisée en 1978,
lorsque le mouvement décline ; une marche spirituelle
à travers le pays destinée à attirer
l'attention sur un projet de lois peu favorables aux communautés
amérindiennes. Elle débute par une cérémonie, le 11 Février
1978, sur l'île d'Alcatraz, et doit parcourir plus de 5,000
kilomètres ; tout au long de cette marche, les chefs de nombreuses
tribus y participeront en accueillant leurs congénères par des
cérémonies traditionnelles. Le 15 Juillet, 1978, "The Longest
Walk" entre à Washington, avec plusieurs milliers d'Indiens
suivis par un tout aussi grand nombre de visages pâles solidaires.
Au cours de la semaine suivante, ils ont organisé des rassemblements
dans différents lieux de la capitale où étaient vus le boxeur
Muhammad Ali, le sénateur Ted Kennedy et l'acteur Marlon Brando. Le
président Jimmy Carter refusera cependant de rencontrer les
représentants. Cette Marche est sans doute la dernière grande
action d'envergure et marque sinon le déclin mais la transition vers
d'autres types de résistance, moins spectaculaires mais peut-être
plus efficaces.
Institutionnalisation
Selon
Joëlle Rostkowski, ces manifestations spectaculaires, pour la
plupart sans violence, ont beaucoup ému le peuple américain et ont
suscité une vague de sympathie dans l'opinion publique. Dans
l'ensemble, ce courant de sympathie prodigieux en faveur des Indiens
a duré jusqu'au milieu des années 1970. Puis une sorte de lassitude
a saisi le pays. Beaucoup d'Américains ont commencé à penser que
les premiers Américains avaient finalement beaucoup de privilèges:
ils possédaient des territoires autonomes, avaient un lien
privilégié avec le gouvernement fédéral et recevaient des
subsides du gouvernement. A partir de là, il y a eu comme un choc en
retour qui a contraint le militantisme indien à se transformer.
On
peut dire que les Indiens sont entrés dans une nouvelle phase de
résistance. La contestation passionnée des décennies 1960 et 1970
n'existe plus. S'il y a eu quelques rapprochement avec d'autres
mouvements de contestation, comme le Black Power, les Indiens ont
toujours veillé à maintenir leurs revendications, liées
essentiellement à la restitution de leur terre, hors du champ
contestataire pléthorique de cette époque si agitée. Les
Américains, d'abord enclin à manifester leurs soutiens aux Indiens,
taraudé par un sentiment de culpabilité sur leurs responsabilités
historique, commencent petit à petit à s'inquiéter puis à
désapprouver les actions spectaculaires engagées par l'AIM, ce qui
a pour effet de créer à rebours un sentiment anti-Indiens à la fin
des années 1970. Que ce soit parmi les blancs mais aussi parmi les
Indiens les méthodes de l'AIM sont jugées trop dures en comparaison
de celle plus modérée du NCAI, qui recherche plutôt les solutions
concertées.
D'autre
part, en 1980, Russell Means, un des leaders de l'AIM, apportera un
soutien inconditionnel aux Indiens Miskito du Nicaragua proche, qui
s'opposaient au gouvernement sandiniste, l'accusant de
délocalisations forcées. Cette position fit perdre à l'AIM l'appui
de certaines organisations américaines marxistes aux États-Unis qui
soutenaient, au contraire, le mouvement sandiniste ; à cette époque
l'administration du président Reagan oeuvrait à la chute du régime
sandiniste...
De
toute manière, cette époque marque le déclin, la fin même des
positions politiques radicales, voire des revendications par trop
ambitieuses. A partir des années 1980 la bataille pour la défense
des droits des Indiens est menée dans les salles de tribunaux, c'est
là que les Indiens commencent à mieux maîtriser leurs droits
territoriaux et les énergies non renouvelable, dont les sous-sols
des réserves sont riches, en s'opposant aux méthodes abusives des
grandes compagnies d'exploitation et en exigeant des contrats
équitables et profitables aux habitants des réserves. Les réserves
indiennes étant encore très pauvres, on propose souvent aux Indiens
d'y entreposer des déchets nucléaires. Au cours de ces dernières
années, des dissensions internes sont apparues car certains chefs
des conseils tribaux ont été tentés d'accepter ces propositions
pour accroître les revenus de leur communauté. Des conflits ont
aussi été provoqués par la question épineuse de l'accès aux
sites sacrés indiens.
Cela
ne signifie pas pour autant que le militantisme indien soit mort. Il
existe encore beaucoup de militants qui continuent d'agir, par
exemple les juristes. On sait que ces derniers disposent d'un pouvoir
considérable dans la société américaine. C'est la même chose,
aujourd'hui, pour les juristes indiens. Parmi les cabinets de
juristes les plus engagés à l'international, on peut citer l'Indian
Law Resource Center, une ONG créée par Robert Coulter qui défend
les droits des Indiens à l'ONU. D'autres juristes amérindiens
enseignent le droit des peuples autochtones dans les universités. Ce
sont des militants pragmatiques qui œuvrent au cas par cas en faveur
de la défense des droits historiques des Indiens. Un vrai travail
certes moins spectaculaire et passionne moins les médias, mais c'est
un travail concret qui a permis et permet encore aux Indiens, qui
étaient, selon l'expression du président Johnson, ''les Américains
oubliés", d'acquérir une véritable reconnaissance.
Concernant
l'American Indian Movement, ses militants se sont un peu
éparpillés : Russel Means s'est consacré à une carrière d'acteur
de cinéma, Dennis Banks est devenu entrepreneur et John Trudell
chanteur et poète. On a également assisté à l'émergence d'une
nouvelle élite dans les domaines littéraire et artistique.
Grâce
à la politique de l'Affirmative Action [discrimination positive], un
nombre croissant d'Indiens ont été admis dans les universités
américaines dans les années 1970 et 1980. Ils exercent aujourd'hui
de nombreuses professions, notamment celles de juriste ou
d'architecte. II y a aujourd'hui un assez grand nombre d'écrivains
amérindiens qui non seulement sont reconnus, mais occupent une place
éminente dans le marché de l'édition. Les éclaireurs ont été
Scott Momaday, qui a reçu le prix Pulitzer en 1969 pour son ouvrage
La Maison de l'aube, et Vine Deloria, essayiste très brillant
qui a été l'un des théoriciens du mouvement de contestation indien
des années 1960. Ce sont eux qui ont ouvert la voie aux jeunes
générations.
THE
JOB IS NOT OVER
L'apparition et l'affirmation d'une élite, et d'une classe aisée au sein des communautés ne doivent pas faire oublier qu'il reste de très graves problèmes économiques et sociaux dans les terres indiennes, des problèmes de drogue, d'alcool, de chômage et de suicide qui touchent très durement la jeunesse. A ce niveau-là, on ne peut pas vraiment dire qu'il y a eu une amélioration considérable de la situation des Amérindiens. En 1996, lors du vote au Congrès de la Native American Housing Assistance and Self-Determination Act, une étude de la National housing commission estimait que 30 % des Amérindiens vivaient dans des taudis, 40 % dans des habitations sur-peuplées [contre 6 % de la population], et que plus de 90,000 étaient sans-abris. L'étude concluait par une aide immédiate de 200.000 habitations à construire dans les réserves. Même parmi ceux qui ont réussi, le taux de suicide reste important. Chez beaucoup d'Amérindiens demeure une vulnérabilité particulière, une fêlure, une désespérance.
Dans
une interview du 15 Décembre 2002, Michelle Vignes résumait les
conséquences de trente cinq années de lutte de l’American
Indian Mouvement :
Né
de la violence issue des maisons de correction, des prisons, des
taudis, du taux de chômage vertigineux, des brutalités policières,
de la corruption gouvernementale dans les réserves indiennes et des
politiques racistes pesant sur les droits des autochtones, l’AIM
s’est lancé dans l’action politique pour changer les conditions
de vie des indigénes. Mais qu’en est-il ressorti ? Les politiques
à propos de nos terres ont-elles changé ? Etant donné que la
population américaine soutenait massivement le peuple Indien, bien
des politiques fédérales vis-à-vis des Indiens ont changé :
•
Les lois foncières sont
maintenant favorables aux Indiens ;
•
La préservation de nos
langues est soutenue et financée par le gouvernement ;
•
Des programmes de
préservation de notre culture sont financés sur les deniers de
l’Etat ;
•
Les tribunaux fédéraux
favorisent les intérêts des Indiens pour la pêche et la chasse sur
leurs terres ;
•
Le président Carter a
signé une loi sur la liberté de culte des amérindiens ;
•
Le président Clinton a
appelé à un meeting des Nations Premières à la Maison-Blanche ;
•
Une loi sur les tombes
indiennes et sur les réparations a été votée ;
•
Le congrès a voté une
loi sur les maisons de jeux permettant aux tribus indigénes de
posséder des casinos.
Mais
si ce type de décision politique débouche sur des actions
favorables, de nombreux points noirs subsistent :
- depuis 26 ans Léonard Peltier est toujours en prison ;
- nous avons toujours besoin de la protection de l’Etat pour nos sites sacrés ;
- Une loi protégeant nos forêts doit être votée.
Il
y a encore tant à faire :
- nous devons nous efforcer de préserver notre mode de vie ;
- nous devons toujours être sur nos gardes en ce qui concerne la drogue et l’alcool qui nous volent notre jeunesse ;
- nous devons dire NON à la mauvaise situation sanitaire et aux mauvaises habitudes alimentaires qui nous volent notre longévité ;
- nous devons prendre garde aux bandes organisées qui se forment dan nos quartiers et pervertissent nos jeunes ;
- nous devons saluer le retour de la hutte de sudation, les cérémonies du calumet de la paix et des danses d’été, nous devons pratiquer plus souvent le jeune, observer les saisons et interpréter leur signification ;
- nous devons toujours veiller à notre place dans la société et au rôle de nos femmes. Ce sont nos femmes qui ont été choisies par le Grand Esprit pour détenir les secrets de la vie, ce sont elles qui gardent la vie de nos enfants, elles qui leur prodiguent aide et protection.
Enfin...
- Il est temps de montrer du respect aux Anciens, car se sont eux les gardiens de la sagesse, eux qui portent en eux les mêmes vérités que les arbres, le vent, le soleil et la Terre ;
- Les animaux à quatre pattes, les tortues et les poissons font tous partie de notre fratrie. Chaque jour, nous devons veiller sur eux ;
- Nous devons faire une offrande de tabac pour ce chemin que nous parcourons, car ce sera le seul qu’il nous sera donné de voir.
Le
20 décembre 2007, un groupe portant le nom de Freedom Lakota
dirigé par Russell Means proclama l'indépendance des Lakota, qui
englobe une partie du Nebraska, du Dakota du Sud et du Nord, du
Montana et du Wyoming, soit des milliers de kilomètres carrés. Dans
une note remise au Département d'État des États-Unis ils dénoncent
l'ensemble des trente-trois traités signés au cours des siècles
avec les États-Unis - certains datent de plus de 150 ans -, jamais
respectés. Russell Means a demandé aux ambassades de Bolivie, du
Venezuela, du Chili et d'Afrique du Sud une reconnaissance
diplomatique internationale. Le nom de la capitale n'est pas encore
connu ; d'après l'adresse donnée le siège des séparatistes se
trouve à Porcupine, une localité de la Réserve de Pine Ridge dans
le Dakota du Sud... où se situe Wounded Knee.
Les Indiani metropolitani
Leur rupture avec les théoriciens de l’opéraïsme affirme leur refus, selon le collecitf Tiqqun, «de laisser les ouvriers devenir autre chose que des ouvriers», critiquant « leur surdité au fait que l’autonomie qui s’affirmait là n’était pas autonomie ouvrière, mais bien autonomie par rapport à l’identité d’ouvrier. Traitement qu’ils firent par la suite subir aux “femmes”, aux “chômeurs”, aux “jeunes”, aux “marginaux”, bref : “aux autonomes”. Incapables d’aucune intimité avec eux-mêmes comme avec aucun monde, ils cherchèrent désespérément à faire d’un plan de consistance, l’aire de l’Autonomie, une organisation, si possible combattante, qui ferait d’eux les interlocuteurs de dernière chance d’un pouvoir aux abois.»
Les Indiani metropolitani
C'est en Italie en 1977 qu'apparut le mouvement des Indiani metropolitani, formé d’étudiants, d’artistes, d’intellectuels, mais aussi de prolétaires, d’exclus et de marginaux. Ils revendiquèrent leur appartenance à un territoire propre, tout en dénonçant la ghettoïsation comme les indiens d’Amérique l’avaient eux aussi subie. Leur manifeste «Nous avons déterré la hache de guerre !» affirmait l’idée d’une crise totale de la politique, d’une impossibilité de transformations sociales, et de la faillite du mouvement révolutionnaire ; ils considéraient par conséquent que la seule chose à faire était de manier l’ironie contre le pouvoir, par le détournement, les calembours et le paradoxe.
Ce mouvement éphémère et l’émergence de nouveaux groupes du proletariato giovanile marquent la fracture intergénérationnelle et s’opposent désormais à l’image désuète d’un prolétariat ouvrier digne d’un musée néoréaliste. L’apport de ces indiens ouvre la critique des formes traditionnelles de l’activité politique, annoncent l’esprit libertaire et la découverte de l’écologie et de l’antinucléaire préludes aux mouvements anti-mondialistes ou alter-mondialistes qui représentent aussi un tremplin pour le désengagement politique des années 80 et 90.Leur rupture avec les théoriciens de l’opéraïsme affirme leur refus, selon le collecitf Tiqqun, «de laisser les ouvriers devenir autre chose que des ouvriers», critiquant « leur surdité au fait que l’autonomie qui s’affirmait là n’était pas autonomie ouvrière, mais bien autonomie par rapport à l’identité d’ouvrier. Traitement qu’ils firent par la suite subir aux “femmes”, aux “chômeurs”, aux “jeunes”, aux “marginaux”, bref : “aux autonomes”. Incapables d’aucune intimité avec eux-mêmes comme avec aucun monde, ils cherchèrent désespérément à faire d’un plan de consistance, l’aire de l’Autonomie, une organisation, si possible combattante, qui ferait d’eux les interlocuteurs de dernière chance d’un pouvoir aux abois.»
Indiano metropolitano, photo Tano D'Amico, 1977 |
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Amsterdam : Luttes Urbaines
SOURCES
et EXTRAITS
* Joëlle Rostkowski
Interview
de Joëlle Rostkowski par Jacques Froment et Bérangère Cagnat pour
le Courrier International.
Le
renouveau indien aux États-Unis, un siècle de reconquêtes
A.
Michel / Terre indienne.
**
Michelle Vignes
D’origine
française, Michelle Vignes (née à Reims en 1928) photographe
indépendante après avoir été l'assistante d’Henri
Cartier-Bresson dans les années 1960, commence à collaborer avec
la presse. Son intérêt pour les minorités l’amène à réaliser
un reportage sur le mouvement Indiens d’Amérique et à couvrir
l’occupation de l’île d’Alacatraz (1969-1972). Adoptée par la
communauté, elle est initiée à la culture indienne et aux
cérémonies rituelles. Michelle Vignes pose un regard plus intimiste
qu’ethnologique sur les Indiens d’Amérique du Nord. Pendant plus
de trente ans, elle est aux côtés du AIM, de la révolte à Wounded
Knee à la libération de Dennis Banks, cofondateur du mouvement, et
se fait le témoin des actions menées par les indiens pour faire
valoir leurs droits et préserver leur identité. Ses images en noir
et blanc sont un témoignage à la fois émouvant (par leur humanité)
et terrifiant (par leur détresse) de ces combats fondamentaux. Elles
nous rappellent, chacune à leur manière, que l'Amérique a bâti sa
richesse et sa suprématie sur l'exclusion du peuple indien, après
qu'il fut exterminé, comme on sait, tout au long du XIXème siècle
; comme un souvenir des guerres d'antan, une poignée d'hommes
défiait la nation la plus puissante du monde... Dans les photos de
Michelle Vignes, Dennis Banks, Indien Anishinabe, cofondateur de
l'AIM, qui fut l'un des stratèges de l'occupation de Wounded Knee,
voit «des moments vrais de vie et de résistance, des morceaux
candides d'histoire. Contrairement, ajoute-t-il, à celles de Curtis
qui faisait poser les Indiens, de manière artificielle, avec
toujours les mêmes accessoires quelle que soit la tribu !»
Dans
une interview datée du 15 décembre 2002, Michelle Vignes explique
sa passion pour les Améridiens :
Alors
que je n’étais qu’un jeune photo-reporter récemment arrivée à
Francisco, un article paru dans un journal local attira mon
attention. Il était dit que l’île d’Alcatraz avait été
achetée il y a bien longtemps aux indiens pour 24 dollars et
qu’aujourd’hui ils la revendiqueraient pour la même somme.
Lorsque l’ile fut occupée par un groupe d’activistes, sans
hésitation je décidai d’aller sur place. Ce qui se présentait
comme un simple reportage est devenu le sujet de toute une vie. Je me
suis immédiatement passionnée pour leur cause. J’ai réalisé que
nous nous trouvions à un moment crucial de leur histoire. L’enjeu
n’était rien moins que la souveraineté d’un peuple et la survie
d’une culture. J’ai décidé de suivre les mouvements d’action
politique qui se formaient pour défendre leurs droits. C’est ainsi
que j’ai photographié les membres de l’Américan Indian
Mouvement.
Ce
fut pour moi une longue route semée d’embûches. Pour prétendre
connaitre les indiens, je compris que je devais vivre avec eux et
m’immerger dans leur culture. En les photographiant jour après
jour, de nombreux liens affectifs se sont créés. Que ce soit dans
le nord ouest, chez les Kwakiut, ou dans le sud ouest chez les
Navajos et les Hopi, dans les grandes plaines chez les Sioux, j’ai
pu saisir multiples aspects de la vie quotidienne et rituelle des
Indiens d’Amérique. Tous m’ont soutenue dans mon apprentissage.
Des
photos sont disponibles [et de Ilka Hartmann] sur ce site :
Site
soutien Leonard Peltier
American
Indian Movement
Wikipedia
Wikipedia
[USA]
Fragment d'histoire : Wounded Knee, l'histoire dramatique de "Lost Bird"
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=LPXlB5u0Jus