Les colonies communistes sont des phares qui illuminent l'océan sombre et perfide des systèmes économiques basés sur l'arbitraire d'un petit nombre ou le déterminisme aveugle des majorités.
E. ARMAND | 1904
E. ARMAND | 1904
Michel
ANTONY
Ressources
sur l'utopie, sur les utopies libertaires et les utopies anarchistes
Extrait de :
Essais
utopiques libertaires de « petite » dimension
L’utopie
anarchiste ou libertaire est également une utopie active, en
acte(s). Pour les anarchistes, « la
propagande par le fait »
inclut la propagande par l’écrit, la parole, le mode de vie, les
actes, les réalisations exemplaires, même à petite échelle.
Ainsi, pour beaucoup d’anarchistes et de libertaires de toute
mouvance, et pas seulement pour les seuls « éducationnistes
réalisateurs »,
« vivre
en anarchiste »[1],
ou « relocaliser
l’utopie »[2],
ici et maintenant représente :
- un acte volontaire, autonome, de démocratie directe et d’autogestion, qui permet de tester des solutions plus ou moins nouvelles, en conformité avec ses idées,
- un moyen de former progressivement l’homme nouveau par la pratique,
- une manière de mieux vivre avec ses proches (couples, ami-e-s, compagnons, relations socio-économiques…) hors des règles du monde capitaliste et autoritaire,
- ce mieux vivre intègre évidemment les loisirs et la culture au sens large, comme les fameuses veillées des cercles sociaux argentins : « conférences, lectures publiques, harangues, représentation théâtrale, bal final »[3] sans oublier les repas, les pique-niques…
- une solution pour réduire les dégâts de la croissance et améliorer son quotidien (meilleure nourriture, moins de coûts parasitaires…), du grand commerce et de l’industrialisme, en se recentrant sur le local et la proximité,
- et peut être un exemple à suivre et à étendre, dans la diversité et le pluralisme, pour le futur rêvé. La vertu pédagogique, la preuve par l’exemple - et si cet exemple est réussi le rêve d’une propagation spontanée des microcosmes - sont partagés par de nombreux courants expérimentateurs, à commencer par FOURIER dont c’était l’idée centrale. La science fouriériste se veut science expérimentale à tous les sens du terme.
L’anarchiste
(et tout libertaire conséquent) cherche à vivre en accord avec ses
idées, d’où la multitude des essais communautaires ou alternatifs
auxquels il se livre, auxquels il appartient, ou tout simplement
auxquels il apporte son soutien. Cependant les libertaires sont très
critiques pour des alternatives qui se limiteraient à la cogestion
de l'existant, préférant bien sûr une autogestion plus poussée et
une volonté de transformation plus profonde. L'article de Guillaume
Goutte [4] est parfaitement éloquent à ce sujet : Aménager
la société capitaliste. Critique libertaire d'un citoyennisme
alternatif qui voudrait nous voir cogérer notre domination et notre
exploitation.
Ces
tentatives de réalisation de l’utopie à l’échelle du local, du
petit groupe, de la petite communauté, du microcosme, forment
l’objet de ce dossier.
L’extrême variété des « microcosmes » libertaires, alternatifs et autogestionnaires... :
Définitions
et analyses «classiques»
L’idée
« d’anarchisme
mode de vie - Lifestyle Anarchism »
ou de manière d’être, voire de «mode
de vie alternatif»
est une expression pratique utilisée aujourd’hui pour englober
toutes les actions et pratiques anarchistes et/ou libertaires dans le
quotidien, et souvent de manière individualiste. Mais elle est
également avancée en opposition à «l'anarchisme
social»
ou engagé dans le monde, ce qui reviendrait à dire que les
anarchistes «mode
de vie»
vivraient en égoïstes et coupés de tout. Malgré les nuances
qu'apporte Bookchin [6],
cette division tranchée et insurmontable reste une caricature, les
deux positions étant la plupart du temps évidemment liées.
Daniel
Colson propose la formule de «foyers
d'action et de vie effectivement émancipateurs et subversifs… au
sens anarchiste d'action et de vie, à côté et en dessous des
scènes publiques, des codes, des étiquettes et des représentations
de l'ordre dominant» [7].
Ces milieux touchent à tous les domaines : mœurs végétariennes,
pratiques végétaliennes, nudisme, usages de l’esperanto
ou de l’ido,
pédagogie libertaire, milieux libres ou libérés, sexualité libre
et libératrice... Ces milieux, comme les rubriques de l’En
Dehors
d’E. Armand l’indiquent, permettent de vivre « en
marge des laideurs sociales »
ou en « marge
des compressions sociales ».
Ils existent depuis l’origine du mouvement anarchiste, et ne sont
donc pas la rareté que dénoncent parfois encore les historiens.
L’ouvrage de Vivien García sur L’anarchisme
aujourd’hui [8] va dans le même sens en notant l’importance ancienne, et
consubstantielle, de ces pratiques libertaires qui visent à vivre
autrement, ici et maintenant ; il met également à juste titre
l’accent sur la notion anglo-saxonne un peu différente de
« life-style
activism » :
« Le
‘’life-style activism’’ … a plutôt trait à un ensemble de
comportements non dénués de certaines inspirations libertaires,
mais s'incluant dans une logique libérale. C'est à dessein que dans
L'Anarchisme
aujourd'hui,
j'explique brièvement le ‘’life-style activism’’ à travers
l'exemple du consumérisme éthique »[9].
Cela n'empêche pas qu'un certain néo-anarchisme
contemporain, plus ouvert et élastique, moins sectaire [10],
procède à des expérimentations collectives en accord avec les
exigences de notre époque.
L’objectif
des libertaires expérimentateurs est de pratiquer « un
communisme libre »
comme l’indique le Manifeste
en vue de la constitution du premier milieu libre en France [11].
C’est en effet dans « le
communisme libre qu’il est nécessaire de rechercher le bonheur
individuel »[12],
et donc de combiner individualisme et société non contraignante.
Cette pratique doit permettre de combiner « communisme
et harmonie »
et d’édifier une « cité
d’harmonie » [13] en attendant que l’exemple profite à d’autres et s’étende
rapidement à de plus vastes contrées. Ce «communisme
pratique»,
ou «communisme
appliqué»
comme le dénomme Armand [14] dans les sous-titres successifs de son journal L'ère
nouvelle
nous rappelle une nouvelle fois que le terme de communisme est
fortement polysémique, et assumé par de nombreux et différents
courants du socialisme.
Comme
chaque individu, chaque milieu, chaque groupe ou chaque époque
dispose de sa propre conception de ce que doit être cette harmonie,
les communautés libertaires et anarchistes sont donc forcément
diverses, plurielles et changeantes, d’où la difficulté d’en
faire la synthèse. Leur vie est fragile, souvent temporaire, d’où
l’évident lien à faire avec les propositions récentes d’Hakim
Bey et ses TAZ - Zones
Autonomes Temporaires.
Les
milieux libres sont donc tout à la fois un groupe affinitaire
(grupos
de afinidad
-groupes
d’affinité
composés
de gens proches idéologiquement et de manière militante et
anti-hiérarchique [15]),
et une tentative alternative, créant une sorte de contre-société [16] ou une
simple tentative de
«vivre autrement» [17].
Ils oscillent toujours entre le groupe-famille
(qui mise avant tout sur le milieu de vie alternatif) et le
groupe-activiste
(l’action militante dans et hors le groupe l’emportant). Le
pédagogue bakouniniste Paul Robin évoque même la « famille
sociétaire »
qui (auto)gère Cempuis. Cela reprend sans le savoir quelques
tentatives des milieux russes populistes et nihilistes des années
1860 (les
foyers
de vie communes
ou obchtchejitie).
Le
faible nombre d’adhérents renforce le côté « famille »
du groupe. Lors de l’apogée du mouvement anarchiste portugais
(début XXe siècle), sur 700 groupes recensés, on obtient une
moyenne pour les groupes affinitaires de 6 à 7 individus [18].
La durée moyenne tourne autour de 3-4 ans. Soi la difficulté de
vivre ensemble est grande, soit l’activité ponctuelle qui avait
présidé à la naissance du groupe a diminué et à fait retomber
les volontés. Si on y ajoute les rivalités extérieures, le
turn-over des
militants et l’importance de la répression, nous nous trouvons
face à des unions intenses mais fragiles. Dans la province de Cadix
les groupes anarchistes, très nombreux (une centaine), tournent
autour de 7 à 10 membres en moyenne vers 1932-1933, ce qui confirme
le cas portugais [19].
Pour
Giovanni Rossi le réalisateur de la Cecilia,
la notion de « pratiques
expérimentales »
s’impose. Il reprend sans le dire la volonté de Charles Fourier
de fonder des «phalanges
d'essai»,
la phalange étant à ses yeux une «association
intégrale»
car envisageant la vie sociale et individuelle sous tous ses aspects.
On doit voir là une volonté de bien des courants du socialisme
d'apparaître plus rigoureux et moins utopistes au sens péjoratifs
du terme. En fin des années 1860, les disciples de FOURIER
intitulent leur revue La
science sociale,
«Revue
bi-mensuelle du socialisme pratique et rationnel» [20].
Le
terme de « colonie
exemplariste »
voire de micromodèle [21],
est parfois utilisé pour parler de ces « îlots
communistes » [22].
Mais la notion de «modèle»
est très discutable, car les milieux libres et autres essais
libertaires refusent de se présenter comme des méthodes définitives
ayant fait leurs preuves. Paul ROBIN, encore lui, toujours dans le
même esprit, évoque « son
centre d’études (qui est également) centre
d’expérimentations et de propagande ».
Les documents de 1902 cités ci-dessus parlent de « d’expérience
de communisme libre »,
alors qu'à l'orée du XXI° siècle Irène Pereira emploie la
formule «d'expérience
d'entraide» [23].
En milieu sud-américain, on emploie souvent le terme de «campos
de experimentación - champs d'expérimentation» [24].
La Colonie d’Aiglemont s’appelle à juste titre L’Essai,
et les textes de Chapelier pour désigner la Colonie de Stockel-Bois
en Belgique parlent de L’Expérience.
C’est donc bien une forme de « propagande
par le fait »,
au sens large, les faits en question ne se limitant pas aux actions
terroristes. Pour enlever cette ambigüité (confusion avec des
actions violentes), Jacques Gillen se range à juste titre sur la
notion de « propagande
par l’exemple ».
Il a le tort cependant de ne voir dans la propagande par le fait que
des actions violentes [25].
Gaetano
Manfredonia parle « de
socialisme réalisateur » [26] pour désigner ces tentatives, et pour les seuls anarchistes, avance
l’idéal type d’éducationniste
réalisateur.
Analysant les pratiques utopiques essentiellement latino-américaines,
Horacio Cerutti Guldberg avance la formule très proche «d'exercices
utopiques communautaires».
Olivier Chaïbi [27] se concentrant sur les
proudhoniens, parle lui-aussi
de «réalisateurs»,
mais rappelle qu'au début du XIX° siècle on utilisait plutôt la
formule de «réformateurs
sociaux».
Le
terme de colonie,
voire colonie
anarchiste
ou
colonie communiste [28] ou colonie
individualiste
(Mastatal au Costa Rica) est très fréquent au XIX° et au tournant
du XXème
siècle, et surprend le lecteur contemporain puisque aujourd’hui ce
vocable désigne essentiellement le phénomène d’occupation de
terres étrangères. Il provient sans doute des « colonies
sociétaires »
fouriéristes actives dès les années 1830 (c’est le nom adopté
pour celle qui semble le premier phalanstère, à Condé sur Vesgre
vers 1833-33). Dans ses écrits, pour désigner ces expérimentations,
ces « phalanges
d’essais »
à mettre en œuvre dans des phalanstères,
Fourier évoquait avec prudence « des
approximations de mécanismes sociétaires ».
Mais un utopiste « autoritaire »
comme Étienne Cabet décrit également une Petite
communauté de dévoués et petite colonie fraternelle
en 1844. Quasiment tous les icariens utilisent le terme de colonie,
et parfois de communauté,
pour décrire leurs établissements. Victor Serge en fin du XIXème
siècle le reprend, en parlant de « colonies
communistes, utiles et nécessaires »
et les assimile « à
la propagande par les faits, par les actes »,
ce qui permet intelligemment de distinguer l’anarchisme du
terrorisme qui l’a trop souvent catalogué négativement [29]. André Girard, dans un article sur la coopération
communiste,
utilise la formule de « localité
communiste anarchiste »
en mettant l’accent prioritaire sur l’idéologie sous jacente et
en pensant sans doute aux municipalités (localités) qui doivent se
fédérer [30].
En Russie Nikolaï Gavrilovitch Tchernychevski (1888-1889) dans son
Cto
delat
-
Que
Faire ?
de 1863 utilise le terme kompaniïa
– compagnie.
Le
terme de colonie,
au sens d’installation,
de l’anglais settlement,
est encore utilisé par le spécialiste des kibboutz (kibbutzim)
qu’est Yaacov OVED [31]. L’adjectif « communiste »
ne doit pas lui, nous surprendre, car si le mot est sali par les
expériences totalitaires du XXe siècle, il est revendiqué depuis les années 1880 au moins par les
anarchistes communistes et autres communistes libertaires...
Le
terme de « milieu
libre »
(« espace
de vie communautaire et autonome en vue d'une émancipation
collective » [32])
se répand dès la fin du XIXe siècle, surtout en France et en Belgique, mais également au Canada
comme celui de Redder Alta, dans une exploitation charbonnière.
Parmi les 37 colons, nous indique J.C. Petifils [33],
les immigrés français sont nombreux. La formulation résume tout le
programme libertaire de ce type d’installation, un programme
dualiste : il se veut libre face aux institutions extérieures,
et il veut proposer un mode de vie libre interne. La notion de milieu
libre reste donc toujours actuelle, comme le prouve le récent
travail universitaire (2003) de Céline Beaudet Les
milieux libres : vivre en anarchiste à la Belle époque en
France [34],
repris sous forme de livre en 2006 par Les
Éditions libertaires.
Dans la sphère russe et
surtout allemande (Martin Buber et Gustav Landauer) se développe une
vision communautariste, teintée de religiosité. La notion de
« communautés » redevient vivace dans les années
1960, et parfois conserve encore certains traits de religiosité,
même si les anarchistes combattent désormais cet aspect.
Un
exemple de communauté
à dominante religieuse (ici l’anthroposophie) donc non anarchiste,
perdure aujourd’hui dans la nébuleuse des « villages »
de type CampHill en Europe surtout (Norvège). Ces « communautés
extraordinaires »,
villages antiautoritaires « qui
n’acceptent ni directeurs, ni rois, ni parlement »
permettent de faire vivre ensemble, dans une sorte de communisme du
travail et de la répartition, personnes « ordinaires »
et « extraordinaires »
(c'est-à-dire individus présentant des handicaps) [35].
Tony
Legendre, dans un des rares ouvrages traitant des milieux libres,
reprend en titre cette formule ouverte « d’expériences
de vie communautaire anarchiste » [36].
Durant les grands moments des révolutions russe (1917 et après) et
espagnole (1936-39), les termes de soviets
et de collectivités
sont les plus utilisés, même s’ils désignent des phénomènes de
plus grande ampleur.
Depuis
le milieu du XXe siècle, le terme de mouvements
ou de contre-sociétés
alternatives
(ou collectivités
alternatives,
ou
« alternatives partielles » [37])
est largement utilisé, autour des valeurs fortes que sont
autogestion, solidarité, autonomie et liberté. Encore en 1981,
Henri Desroche nomme ces microsociétés des « projets
imaginaires de formes sociales alternatives »
qui lorsqu’elles visent l’autonomie communautaire présentent un
vrai « schéma
micro-sociologique de village d’Harmonie » [38].
Les anarchistes apparaissent ainsi de plus en plus comme « des
instigateurs/trices de pratiques alternatives possibles et
d’activités quotidiennes participant concrètement à ces
transformations sociales qui nous conduisent vers toujours plus
d’émancipation » [39].
Il y a essor d’une véritable « mosaïque
d’autres petits mondes » [40],
comme le note la revue Réfractions,
qui met en avant ces « graines
d’anarchies »
qui germent à partir de collectifs d’autoproduction de la
« nébuleuse
agroécologiste ».
Comme
le rappel des sociétés amérindiennes est fréquent, les italiens
parlent de « tribù »[41],
ou de « famille
ouverte – famiglie aperte » [42].
Les hippies des années 1960-1970 utilisent ce terme de famille
alternative élargie. Bien avant eux, certains tolstoïens rêvaient
de créer ce qu'ils nommaient parfois de vraies «familles
humaines» [43] et tout cela renvoie aux initiatives fouriéristes du XIX° siècle :
«ménages
sociétaires»,
«cercles
de familles»
ou «gastrosophiques»
(Valère Faneau), «ménages
unitaires»
(l'Unitary
Household
de Stephen Pearl Andrews à New York en 1858), «palais
des familles»
(Victor Calland) [44] ou «ménage
combiné progressif ou familistère-hôtel»
(Césarine Mignerot) [45].
Ces derniers seraient des formes de phalanstères, mais sans
forcément d'activités productives. La multiplicité des
appellations montre l'importance dans la réflexion dans un domaine
qui vise à sortir de la famille bourgeoise et fermée
traditionnelle.
Jef Ulburghs, le fondateur
belge du MAB, Mouvement d’Animation de Base, dans le livre
cité, définit ces alternatives partielles comme une forme de
socialisme de la base, concret, pragmatiste, ouvert et évolutif. La
communauté touche tous les aspects de la vie, de la production aux
manifestations culturelles L’idéal autogestionnaire s’exprime
alors dans des communautés, collectifs ou communes...
Ces « réalisations autogestionnaires » ou
« collectivités autogestionnaires » ou « centres
sociaux autogérés » sont également des
« expérimentations alternatives », des
« essais » certes limités et incomplets, mais
fortement symboliques, puisqu’ils montrent à voir la société
autogérée future…
Entre
cogestion et autogestion, bien des coopératives tentent de vivre au
quotidien un monde alternatif plus autonome : Henri Desroche a
regroupé cette volonté utopique et pragmatique dans le néologisme
d’Ucoopies. [46]
Le terme commune
(municipio, communa) est surtout employé dans la sphère
hispanique en fin du XIXe et au début du XXe.
Avec l’extraordinaire retentissement de la Commune de Paris, il se
banalise en milieu révolutionnaire, et notamment chez les
anarchistes qui le popularisent. En Russie, après 1905, la notion de
kommouna ou kommuna leur doit beaucoup. Au moment de la
révolution, même les étatistes bolcheviques, qui ont pourtant
accepté le partage des terres (influence massive des SR et des
occupations spontanées des terres), relance cette notion. En fin du
XXe siècle ce sont les Étas-Unis avec le phénomène des
communes ou communities et la région germanique qui
reprennent la formule, tant les expériences de Kommune I et
Kommune II à Berlin en fin des années soixante ont été
analysées. L’Allemagne Occidentale aurait d’ailleurs compté un
nombre impressionnant de communautés (25 000 est un total
approximatif, non réellement vérifié, mais parfois annoncé),
puisque vers 1978, il y aurait eu dans la seule ville de Berlin des
milliers d’associations concernant près de 150 000 personnes !
Dieter Kunzelmann et Reimut Reiche y développent une forte aile
anti-autoritaire.
Dans
une belle formule des années 1970, Amedeo Bertolo parle de la
nécessité des ces « îles
d’autogestion »
qui peuvent et doivent devenir des « archipels ».
Jean-Manuel Traimond à propos de Christiania au Danemark, parle de
fristad
(ville libre) ou « d’oasis
alternative ».
La référence géographique à l’île (d’utopique mémoire) nous
renvoie à l’idée de « clairière »
(sorte d’île verte au milieu d’un bois) que les deux romanciers
Lucien Descaves et Maurice Donnay ont utilisé pour leur pièce de la
fin du XIXe siècle [47].
Aujourd’hui,
on parle plus de « intentional
communities
- communautés
intentionnelles »
avec Sargent Lyman Tower, ou de « laboratoires
d’utopies »
avec Ronald CREAGH dans son livre sur les ÉU en 1983, ou plus
simplement de « Projet »
comme le Wespe
en Allemagne dès 1988 ou «d'ateliers
pour refaire le monde» [48].
Le terme repris par Creagh est déjà ancien : les
« laboratoires
où se poursuit la recherche des conditions d’une organisation
sociale supérieure » [49] équivalent aux différents socialismes pour le fouriériste Victor
Considerant, dans son ouvrage de 1850 La
Solution ou le gouvernement direct du peuple.
Salvo Vaccaro emploie le concept « d’agrégations
volontaires »
non institutionnalisées [50] et surtout, dans la lignée d’Hakim BEY, non figées, « se
formant et se déformant à volonté » [51].
Francis Dupuis-Déri les désigne comme « expériences
politiques concrètes qui sont autant de laboratoires politiques où
sont testés des modalités de mise en pratique des principes de
liberté, d’égalité et de justice »[52],
ce qui en fait leur énorme intérêt.
Mimmo
Pucciarelli quant à lui aime bien l’expression « de
bâtisseurs d’utopies au quotidien, qui ont essayé dans différents
lieux et avec diverses structures, de créer, ici et maintenant, une
autre société » [53].
Cette analyse est partagée par Gérard Fon, animateur de
l’Escampette à Lyon, association de bénévoles s’occupant de
camps de vacances pour les jeunes : « ...c’était
finalement réaliser, peut-être pas une utopie, mais une partie
d’utopie ».
Bref on peut parler pour ces microcosmes d’utopies « ouvertes,
libertaires et plurielles »
comme le résume Mimmo dans son livre centré sur la Croix Rousse.[54] Cette
notion « d’économie
et de planification participative »,
autogérée, se voulant pragmatique et tolérante, non dogmatique,
est prônée aujourd’hui par l’anarchiste canadien Normand
Baillargeon [55],
qui revitalise les idées de Michael Albert et Robin Hahnel de 1991
The
political economy of participatory economics.
Pour
tenter de conclure sur ces micro-milieux libertaires, on peut partir
de l’essai de définition des colonies anarchistes donné par
Jacques Gillen et qui s’inspire des écrits historiques de
Jean-Christian Petitfils : « Les
colonies anarchistes se distinguent des colonies socialistes ou
communistes – basée sur une forte organisation et une volonté de
répartition égalitaire des biens et des produits – et des
colonies fouriéristes – proches de la simple coopérative de
production et de consommation, et qui tendent à créer l’harmonie
dans la diversité sans résoudre le problème de l’inégalité.
Les communautés anarchistes, au contraire, repoussent par principe
organisations, hiérarchies et règles limitatives, pour laisser
l’espace à l’expansion de la liberté humaine »[56].
À mon avis, même si les communautés anarchistes misent bien
d’abord sur la liberté, leurs réalisations concrètes et leurs
supports théoriques sont bien plus diversifiés que ce texte le
laisse croire : il y a des anarchismes, pas un courant unique et
facile à décrire. D’autre part les termes socialistes
et communistes
sont souvent revendiqués par les libertaires eux-mêmes, et le
fouriérisme est souvent jugé fort libertaire : il faudrait
plus nuancer. Mais dans les documents et analyses, ces milieux libérés, ces essais de « socialisme
constructif »
(Rudolf Rocker [57])
sont dénommés de très diverses façons, surtout pour les vieux
textes.
Une Communauté
en milieu urbain
Sans
développer spécifiquement cet aspect, il est bon de rappeler que
les lieux de ces regroupements libertaires peuvent être spécifiques
et plus ou moins réguliers (un centre social, une bourse du travail,
un athénée…) ou extérieurs et plus ou moins temporaires :
les bistrots et pubs par exemple [58].
Prenons
l’exemple d’une des plus connues, car illustrée par des noms
désormais célèbres : la Communauté
de Romainville.
Elle est liée au journal l’anarchie
fondé
en 1905 par Libertad (pseudonyme de Joseph Albert 1875-1908) et sa
compagne Anna Mahé (1881-1960) en 1905. La communauté porte parfois
le qualificatif de « Communauté
de réfractaires »
ou de « Colonie
anarchiste ».
Elle couvre une période discontinue qui va de 1903 à 1914 environ.
Le journal l’anarchie
après la
mort de
Libertad,
est repris d’abord par Amandine Mahé et Jeanne Morand. Ensuite on
trouve Rirette Maitrejean (1887-1968) et Mauricius (pseudonyme de
Maurice Vandamme ; 1886-1974) en 1909, puis André Lorulot
(pseudonyme d’André Roulot 1885-1963). En 1911 c’est à nouveau
Rirette avec son compagnon Victor Lvovitch
Kilbatchiche,
futur Victor SERGE (1890-1947). Enfin c’est Émile Armand
(pseudonyme de Ernest-Lucien Juin ;
1872-1962) qui assume la charge peu avant le conflit. Les deux
derniers, fidèles à leur idéal, continuent le combat ensuite
contre le militarisme avec d’autres publications. Armand reste pour
beaucoup le principal porte voix de l'amour libre ou plural, et de la
totale émancipation féminine.
D’abord
établie au domicile de LIBERTAD, rue Muller à Paris, la colonie se
fixe ensuite rue du Chevalier de la Barre, puis rue de Bagnolet à
Romainville, puis rue Fessart à Paris (Belleville) et enfin
rue des Amandiers [59] : c’est une vraie commune urbaine itinérante, anticipant les TAZ
d’Hakim Bey ou les communautés « routardes »
hippies, et en accord avec l’esprit désintéressé et trimardeur
du mouvement libertaire d’alors !La communauté, au moins
durant les premiers mois de Romainville, est duelle : c’est
bien, tout à la fois une communauté militante (journaux, brochures
de propagande, lieu de réunion), et un milieu de vie libre (de
pensée, de mœurs, d’adhésion volontaire et temporaire).
En
1910-1911, dans le pavillon de Romainville, la communauté se
restructure sous la « direction »
d’André Lorulot qui y imprime sa marque, malgré de nombreuses
critiques : un certain scientisme et un végétarisme sectaire
passent assez mal. Les « inévolués » [60] qui refusent de se conformer aux interdits alimentaires mangent peu à
peu à part. Elle abrite un grand nombre d’illégalistes et
« d’amours-libristes »,
et évidemment - comme dans tous ces milieux assez ouverts - bien des
parasites peu ou pas politisés, ces «petits
truands» [61] et/ou vagabonds de passage qui trouvaient là un accueil pas trop
regardant. On y trouve presque tous les membres de la future Bande
à BONNOT,
dont Eugène Dieudonné (1884-1944) et Octave Garnier (1899-1912),
Édouard Carouy (1883-1913) ou Raymond Callemin (dit Raymond La
Science 1890-1913). André Soudy (1892-1913) apparaît seulement lors
de l’étape bellevilloise. On peut y ajouter le déserteur Élie
Monnier, provenant des Pyrénées-Orientales, et établi un temps en
Belgique. Entre
la Belgique et la France, les distances sont faibles et les liens
ténus. Un très grand nombre des résidents permanents ou de passage
de la rue de Bagnolet ont un passé belge. Victor Serge (ou LE RÉTIF)
a déjà participé à l’expérience belge de la Colonie
Communiste Libertaire de Stockel-Bois avec Carouy et
Callemin. Carouy a fait ses premières armes illégalistes à
Charleroi et à Bruxelles, comme Monnier et comme Henri Metge lui
aussi déserteur français d’origine ardéchoise. Ils y côtoient
des intellectuels moins compromis et moins fanatiques comme
Victor Serge.
Les
couples sont libres, parfois momentanés, parfois conflictuels ou
difficiles à vivre quand l’ancien partenaire est présent. L’amour
plural est à relativiser, les couples qui se fondent hors de toute
règle conventionnelle n’en demeurent pas moins assez stables et
conventionnel. Apparemment peu ou pas de parties fouriéristes ou
d’amours de groupes ou de couples polygames ou polyandriques, sauf
autour de Libertad. La
vie communautaire à Romainville est très libre et les membres
changent fréquemment. Autour d’un noyau de membres souvent
présents, d’autres s’agglomèrent, soit pour chercher des
brochures, soit pour venir aux réunions, l’été dans le verger,
l’hiver dans les plus grandes salles. La colonie est un milieu
ouvert, militant, accueillant… sans doute trop pour les rares
ressources, et trop pour la tranquillité. Ces va-et-vient permanents
attirent forcément les regards et soupçons des voisins et de la
police.
« Cette communauté urbaine se double d’une colonie en province » qui fait « œuvre de socialisme pratique » [63] : depuis 1903 au moins existe la Société de Vacances Populaires - Le rayon de soleil, établie à Châtelaillon en Charente-Inférieure.
Pendant la période romainvilloise, la communauté possède
un pavillon à deux étages, qui est « entouré
d’un jardin planté d’arbres fruitiers où fleurissait le
lilas » [64].
Le site est protégé par les arbres et les hauts murs, mais cela
devient vite insuffisant. Outre les éléments propres à la
propagande (atelier de typographie, presse, bibliothèque), le lieu
comprend une cuisine, une douche collective et des chambres à
coucher en nombre pour les permanents et les compagnons de passage.
Les trois jardins potagers et un petit élevage permettent un minimum
d’autarcie alimentaire. L’ensemble compte aussi un verger. Les
activités artisanales tournent presque toutes autour de
l’imprimerie. L’été la vie est plus facile, l’hiver il faut
trouver d’autres ressources. Quelques compagnons travaillent pour
l’extérieur, d’autres vendent sur les marchés… Mais il faut
également compter sur des ressources moins légales, menus larcins,
fausse monnaie….
La
vie illégale et les manques constants réduisent la camaraderie,
faussent les rapports sociaux en introduisant la défiance, et sont
sources de remarques aigres-douces. Vers 1911 la rupture s’est
opérée, et la très grande majorité des futurs « bandits
tragiques » rompt totalement avec Rirette et Victor, ce
dernier devenant de plus en plus hostile à tout illégalisme. La vie
a aussi été conflictuelle entre un Lorulot qui impose des règles
alimentaires et hygiéniques assez strictes, et les proches de Victor
SERGE, moins fanatiques vis à vis du contrôle végétarien ou des
sermons antialcooliques. Lorulot jette l’éponge en 1911 ; il
quitte la communauté et va s’installer à Paris pour lancer une
revue individualiste de longue durée L’Idée libre
(1911-1940). La même année faute d’argent, Rirette et Victor
transfèrent l’anarchie à Belleville (rue Fessart).
Les principales communautés en France
Beaucoup de ces exemples
sont recensés par l’ouvrage de J.C. Petitfils sur la vie des
communautés utopistes au XIXe siècle. L’intérêt
de les citer sans trop les développer est de constater une forte
similitude en ce qui concerne leur dénomination : si « phalanstère »
renvoie évidemment à Fourier, « milieu libre »
est bien plus un nom et un programme anarchiste, même si tous les
membres concernés ne partagent pas forcément cette idéologie. La
notion de « colonie » était fort usitée
également au XIXe siècle, sans l’aspect péjoratif
acquis depuis. Les influences tolstoïennes et kropotkiniennes sont
dominantes. Mais les écrits de THOREAU et surtout d’E. Armand
(L’ère nouvelle) et de Lucien Descaves / Maurice Donnay (La
clairière, 1900) sont aussi très souvent cités.
Dans
la grande majorité des cas, il s’agit de très petites
communautés, tant par le nombre de membres que par la superficie
occupée. Leur durée de vie est souvent réduite. Leur rayonnement
local est plus large, dépassant parfois très nettement leur
importance réelle. La vie y est libre, ou libérée, pour hommes et
femmes (même si celles-ci semblent minoritaires et encore cantonnées
à des rôles plus ou moins traditionnels) [65].
On peut localiser quelques exemples, cités dans la presse libertaire
ou dans l’édition militante, mais trop rarement dans les travaux
historiques :
1892-1894.
La
Commune anarchiste
de Montreuil
sur Seine
est plus urbaine que rurale. Elle est fortement liée au mouvement
des Universités Populaires, et est démantelée par la police vers
1894. Elle se définit pour le communisme anarchiste puisqu’elle se
propose « (d’)organiser
la mise en pratique des idées communistes anarchiques »[66].
Le travail du bois semble le centre productif de la communauté, et
les échanges se pratiquent sans monnaie ni hiérarchie. Élisée
Reclus aurait fourni un soutien affirmé à cette expérience [67].
1898.
En été, projet de Colonie libre de solidarité fraternelle
sur une cinquantaine d’hectares dans la commune de
Méry-sur-Oise. Ils ont le soutien du Père Peinard.
Vers
1900.
Milieu
libre des Cras,
commune anarchiste de Besançon,
sorte de «coopérative
horlogère communiste»,
qui édite 3 numéros de L'Exploité.
Ce groupe, rejoint un temps par le groupuscule formé des socialistes
«vaillantiste»,
est très lié au mouvement ouvrier bisontin, les anarchistes y
ayant assumé pas mal de responsabilités. On y trouve une forte
influence de Louis Hoenig. «Après
avoir travaillé à l’entreprise Geismar, cet horloger complet
devient l’un des animateurs du « Milieu libre des Cras ». Membre
du Comité fédéral de la FOBFC-Fédération Ouvrière de Besançon
et de Franche-Comté durant sa période libertaire, il est inculpé
lors de la grève des Soieries en 1908. Au procès, ce jeune homme de
27 ans, accusé d’avoir joué un "rôle actif" dans la
"fomentation des désordres" revendique fièrement sa
qualité d’anarchiste ; il est condamné à trois mois de prison et
déclare "Merci Messieurs, vous avez plus fait pour
l’émancipation du prolétariat que moi en dix ans de
propagande"» [68].
Vers
1900
?
Georges Alexandre COCHON et d'autres camarades tentent l'expérience
du «phalanstère
communiste»
de Vanves [69].
1902-1907.
Le
Milieu
libre
de Vaux (Essômes-sur-Marne, Aisne) se crée à proximité de
Château-Thierry,
dans la commune d’Essômes. Elle est parfois surnommée La
clairière de Vaux [70] Il
serait le « premier
milieu libre »
anarchiste français, et le seul non éphémère [71].
Il a l’appui (au départ seulement) du journal Le
Libertaire
de Matha et est surtout à nouveau l’œuvre de Georges Butaud (2°
tentative) et de sa compagne Sophie Zaïkowska :
il rayonne largement dans l’anarchisme organisé. Ce milieu libre est donc pluraliste libertaire, des individualistes y
côtoient des naturiens ou des communistes… Il est lancé par une
« société
de pratique du communisme libertaire »
qui rédige les statuts et recueille les fonds en 1902. Francisco
Ferrer y Guardia aurait été un des appuis financiers de
l'expérimentation. Le choix institutionnel (étonnant pour des
anarchistes) est celui d’une coopérative. L’installation, très
modeste, commence début 1903, sur une surface très petite et avec
deux habitations, avec 8 « colons »
en mars 1903. Par la suite seront loués plus d’hectares de
terrains. Intellectuels (Élisée Reclus), artistes, écrivains et
militants donnent un coup de main, notamment dans les fêtes et lors
de visites plus ou moins organisées, chargées de populariser
l’entreprise et d’amener des fonds. Des pensionnaires sont même
accueillis. D’après l’écrivain anarchiste Georges Navel, LÉNINE
lui-même serait venu visiter la colonie lors de son séjour en
France en 1903. C’est donc un milieu ouvert, qui édite un Bulletin
mensuel [72],
et
qui rédige de nombreux articles. Pour vivre, l’agriculture et un
artisanat (textile et cordonnerie notamment) amènent quelques
revenus. Les objectifs sont très ambitieux : le
« communisme-libertaire »
doit s’exprimer par la « prise
au tas »,
la suppression de l’argent et des salaires, l’éducation
gratuite, l’émancipation totale de la femme (superbes déclarations
de Marie Kugel)... Se crée ainsi une solide référence
communiste-anarchiste pour les futurs milieux communautaires. Les
désaccords surviennent vite : conflits d’intérêt entre
propriétaires et locataires, autoritarisme de Butaud, difficultés
financières, rivalités avec Aiglemont (Cf. ci-dessous), conflit
politique avec Le
libertaire
et même avec L’Anarchie,
trop
grande diversité de mentalité entre les colons, voire
« parasitisme »
dénoncé pour quelques membres… Sur une vingtaine ou trentaine de
volontaires, seule une demi-douzaine résiste vraiment. En janvier
1907 la Société Le
Milieu libre
prononce sa dissolution.
1902-1908.
Depuis 1902 la Colonie
anarchiste
ou Communauté
parisienne autour de LIBERTAD et bientôt de l’Anarchie
(Cf. ci-dessus) est liée à une communauté appelée d’abord La
nature pour tous,
puis Société
de Vacances Populaires - Le rayon de soleil,
établie à Châtelaillon
en Charente-Inférieure, proche de La Rochelle. C’est un lieu de
production, un « lieu
de villégiature anarchiste » [73] et une première forme de camping sur une « plage
libertaire » [74].
1903-1909
L’Essai
d’Aiglemont [75] apparait également dans les Ardennes, au milieu des bois du Gesly,
très proche de la petite commune de Nouzonville où vit Les
déshérités,
un groupe anarchiste assez actif [76],
en tout cas réactivé, en même temps que la CGT locale, par la
création de la colonie [77].
Pour les libertaires, il apparaît comme une « colonie
communiste ».
Fils de communard, Jean-Charles-Fortuné Henry, né en 1869, pensait
y créer « la
cellule initiale de l’humanité future ».
Il est également lié à la propagande
par le fait
de la décennie antérieure par son frère Émile Henry, né en 1872,
guillotiné en 1894. Il est aidé par sa compagne Adrienne Tarby.
L’apogée de début 1905 comptera une petite vingtaine de colons ;
à partir de la hutte initiale se sont construits de « beaux »
bâtiments fonctionnels dont le « foyer
principal…nouvelle et belle bâtisse faite de fibrociment et
colmatée par de la toile enduite de céruse, (qui) mesure 14 mètres
de long sur 8,5 de large. Elle se compose d’un grenier, d’une
cave et de dix pièces, dont une superbe salle à manger. Elle sera
le symbole de la colonie ».
Les photos d’époque, visible dans l’opuscule de Nella Giacomelli
montrent la fameuse hutte, ainsi que les 2 ou 3 principales
constructions ultérieures, le tout étant perdu au milieu d’un
monde végétal omniprésent. Dès 1906 la colonie agricole s’appuie
sur un journal « international
d’éducation, d’organisation et de lutte ouvrière »,
Le
Cubilot,
qui se transforme en
Le Communiste
en 1908. En 1908 Henry se retire et annonce la fin de la colonie en
1909. L’essai avait pourtant bénéficié de l’appui de la
Fédération
des Travailleurs socialistes des Ardennes,
de la CGT locale. Des anarchistes importants y sont passés, comme le
jeune Victor Serge qui y découvre émerveillé une autre
« Arcadie » [78].
Anatole France a apporté son soutien. Cette communauté est sans
doute une des plus intéressantes en milieu libertaire, car
l’isolement géographique n’est jamais ici un isolement militant
: Fortuné Henry fait des conférences, reçoit de multiples invités…
L’Essai
est lié à l’anarchisme ardennais qui en fait un de ses bastions,
et un point d’appui pour son développement. Le rayonnement est
très étonnant pour une si petite expérience.
Les Périodiques
de la Colonie rappellent l’objectif global à atteindre, et dépasse
toujours l’expérience qui ne concerne que « quelques
uns »
déjà prêts. Ainsi le premier de ces Périodiques,
en 1906, est un petit précis de divulgation anarchiste, L’ABC
du libertaire,
rédigé par un républicain ouvert, Jules Hermina [79].
Il y est rappelé qu’il faut « préparer
pour tous ce qui est déjà possible pour quelques uns…, une
société harmonieuse d’hommes conscients, prélude d’un monde de
liberté et d’amour ».
Comme quoi, l’isolement de type « communautaire »
souvent décrié n’est pas une donnée évidente. Mais la vie et le
travail ont dû être éprouvants dans cette communauté, sans doute
pire qu’en milieu capitaliste, car les privations et le manque
total de confort formaient le quotidien : « pour
tous, c’était la misère, et pour tous la vie fut une suite
ininterrompue de privations et de lutte continue avec le pain et pour
le pain ; une vie épuisante et opprimante, de travail dur, sans
satisfaction, sans soulagement d’aucune sorte, pénible, monotone,
éreintante » [80].
Certes la critique de Nella Giacomelli, intellectuelle anarchiste
individualiste active alors en région milanaise, est excessive (elle
se dresse contre la « désertion »
des militants qui fuient la vie réelle, et contre le retour à la
vie primitive qui n’apporte que difficultés et mal de vivre), mais
elle est partagée par bien des libertaires.
1904.
Le Milieu libre des Hautes-Rivières est lui aussi
ardennais. Il ne dure que 2 mois et a réuni une poignée d’hommes.
1904-1917.
La Ruche de Sébastien FAURE à Rambouillet est un
milieu libre éducatif et solidaire.
1905.
Dans la Somme, vers Amiens, se crée le Milieu
libre communiste libertaire de Gisly. Une poignée de colons
s’y regroupe.
1905.
Des
féministes (Odette LAGUERRE, Gabrielle PETIT) proposent la création
d'un «phalanstère
féminin»
sans doute à Paris,
qui visiblement n'a pas eu de suite [81].
1905-1914.
Milieu libre lié à L’anarchie à Paris et
Romainville. Cf. ci-dessus.
1905-1906
à 1908-1909. La colonie de Boitsfort en
Belgique, est créée par
avec Émile Chapelier et sa compagne Valentine David. Elle est
appelée parfois L’expérience. Son vrai nom est en fait
Colonie Communiste Libertaire de Stockel-Bois [82],
car elle a connu deux lieux dans la région bruxelloise :
Stockel, puis Boitsfort. Vers 1906-1908 y participent Victor SERGE
et plusieurs membres bientôt célèbres dans les milieux de
l’anarchie et de la Bande à BONNOT. Elle développe
un effort propagandiste par l’impression de diverses publications :
L’Insurgé puis L’Émancipateur, puis dès juin
1907 Le communiste qui deviendra Le Révolté. C’est
dans ces journaux que Victor SERGE fait ses premières armes
de journaliste révolutionnaire. C’est une vraie colonie
anarchiste, souhaitant appliquer le communisme libertaire :
propriété commune, travail en commun (jardinage et aviculture
essentiellement) et consommation selon les besoins. Elle mise sur le
principe kropotkinien dite « loi de l’entraide »
(appui mutuel). Mais les difficultés économiques restent
insurmontables et minent le bel idéal. C’est un milieu ouvert,
intégré dans le mouvement anarchiste belge et international, et
multipliant les activités pour ceux qui viennent la visiter :
journaux, théâtre actif, conférences, contacts et déplacements...
Le 22 juillet 1906 s’y tient le 2° Congrès Communiste Libertaire
Belge qui lance l’idée d’une internationale anarchiste. De la
Colonie partent de multiples brochures qui contribuent à réactiver
l’anarchisme belge et international, sur l’espéranto, le
syndicalisme, le néo-malthusianisme et l’amour libre… C’est
enfin un milieu expérimental assumé, ne voulant pas paraître comme
modèle, ni comme structure figée. [Pour plus de précisions sur cette colonie, lire cette étude en ligne http://raforum.info/dissertations/spip.php?article177 ].
1906-1907.
En Corse du Sud se développe le Milieu
libre de Ciorfoli
dans le village de Cognoli-Monticchi.
La douzaine de compagnons (7 hommes, 3 femmes et 2 enfants) qui
lancent l’affaire veulent eux-aussi faire de la propagande par le
fait : « par
l’exemple de nos vies, nous montrerons le chemin aux voyageurs
égarés… » [83].
Ils se regroupent autour d’Isidore Escalaïs et de sa compagne
Louise. Le matériel agricole matériel «a
été acheté à la colonie pénitentiaire de Coti-Chiavari» [84].
Ils obtiennent des conseils de Fortuné Henry, ce qui nous suggère
que ces microcosmes sont loin d’être isolés. Une vie
agricole (cultures et petit élevage) se met en place ;
l’autosuffisance est recherchée avec des activités artisanales
comme la menuiserie. Mais fin 1906, la demie douzaine de compagnons
qui se sont risqués dans l’aventure se séparent brouillés.
1906-1907.
Le
Village de la Rize
se trouve dans le Rhône, vers Lyon. La Colonie
de la Rize
semble se mettre en place en 1907 dans une zone en bordure du fleuve
louée en fin 1906. Cette sorte de coopérative, laissant aux anciens
une certaine autorité, accueille quelques libertaires peu gênés
par la contradiction (« an-archie »
= sans archonte, sans anciens, sans autorité…). L’échec est
rapide (été 1907), et commence à lasser bien des anarchistes
sympathisants : Le
Libertaire
cesse de soutenir les expériences.
1906-1908.
À
Saint-Germain-en-Laye [85] se trouve La
Colonie libertaire de Saint-Germain [86] où intervient le très actif André Lorulot qui y impose déjà ses
principes végétariens et naturistes. Il est lié à la féministe
Émilie Joséphine Lamotte (1877-1909), sa compagne, et
progressivement à une douzaine d’autres personnes (5 adultes et 6
enfants à la fondation). Le faible nombre n'est pas important, car
il faut compter sur l'appui des militants et amis extérieurs, près
de 80 personnes venant aider à la mise en œuvre. L’extraordinaire
activité journaliste et littéraire de Lorulot (plus de 50
ouvrages), son caractère un peu autoritaire, popularisent cette
expérience ; ses conférences apportent de l'argent à une
communauté qui ne s'en sort pas économiquement. La vie est assez
frugale, volontairement sans doute, car on sent une volonté de vivre
selon les principes végétariens et sans tabac ni alcool, mais sans
dogmatisme [87].
Ce milieu libre, plutôt anarcho-individualiste, tente de se
structurer d’abord autour de quelques activités agraires (les
locaux sont ceux d’une grande ferme) et surtout autour des
activités culturelles de propagande (conférences, éducation
rationaliste, éditions libertaires, néo-malthusianisme [88]…).
L'imprimerie revêt une importance centrale dans la communauté. Mais
le milieu environnant est largement hostile et ne laisse pas beaucoup
de moyens aux anarchistes jugés dangereux. L’arrestation de
Lorulot pour « excitation
au meurtre »
en mai 1907 est une des causes de réduction de cette colonie qui
avait déjà souffert des mésententes entre de fortes personnalités.
Elle vivote sans grand rayonnement, malgré le retour de Lorulot en
mars 1908 : mais la dissolution volontaire intervient peu après.
1908-1911.
Le Phalanstère du Clos-des-Brunes existe en
Haute-Vienne, vers Limoges, et malgré son nom fouriériste,
se revendique de l’anarchisme. Il est notamment animé par le
syndicaliste et typographe, comme souvent en milieu anarchiste, René
Darsouze (1876-1962). L’autre fondateur, Léonard Baile, est plutôt
socialiste libertaire.
Vers
1910-1912.
Le
Milieu libre de Pavillons sous Bois
est dans la Seine St Denis, et peu éloigné de Romainville.
Il est animé par les frères Louis (1877-1949) et Marceau Rimbault
et a compté le futur allié de BONNOT, Octave Garnier, parmi ses
membres. Louis Rimbault, bien qu’ancien conseiller municipal
radical-socialiste, est lié aux membres du Milieu libre qui se met
en place à Bascon, et il devient comme eux progressivement
végétarien (et contre toutes les boissons alcooliques), militant et
radical. Il accuse d’ailleurs les membres « carnivores »
ou « cimetières
ambulants » [89] qui sapent les bases de sa communauté de Pavillons sous Bois !
Garnier est lui-même végétarien et ferme « buveur
d’eau »,
ce qui explique ses passages nombreux. La communauté compte une
douzaine de personnes. Comme beaucoup de milieux libres semi-urbains,
elle mêle travaux de jardinage et activités artisanales (ici une
serrurerie). Mais c’est insuffisant, et les pratiques de
« récupération
individuelle »
et de faux monnayage s’avèrent nécessaires. Il est amusant de
noter que dans ce milieu marginal, la serrurerie cohabite avec le
cambriolage, qui souvent fait d’abord sauter les serrures !
1910.
À Bezons, en Seine-et-Oise, Ernest Girault fonde une Cité
communiste de Bezons dans un immeuble qu’il possède.
1910-1911.
À Paris existe une coopérative au nom très
kropotkinien, L’Entraide liée à la coopérative
anarcho-syndicaliste cégétiste Le Cinéma du peuple.
1911-1912
et 1914
- prolongement jusqu’aux années 1950 ? Le
Milieu libre de Bascon
est lui aussi dans l’Aisne, à proximité de Château-Thierry.
Il doit également son existence au couple Georges Butaud (4°
tentative, la 3° se soldant par un simple projet vers 1906) et
Sophie Zaïkowska décidément bien actifs, et est lié au départ à
La
Vie anarchiste. Libre Tribune anarchiste paraissant chaque mois,
éditée à Bascon. L’autonomie est recherchée dans le jardinage,
un petit artisanat textile et dans les travaux d’imprimerie. Le
milieu libre se recompose sous forme de Colonie
« naturiste
et végétalienne » [90] et « abstinente » [91] et durerait de 1914 jusqu'en 1931, donc sur une longue durée rare
pour ces diverses expérimentations. À cette date l’association
devient une Colonie
végétarienne de vacances.
En 1920 le groupement s’étoffe d’une « Société
Coopérative pour la mise en état des terres incultes » [92] et compterait alors de 10 à 20 personnes selon la saison. Bascon
dans les années 1920 offre même l’exemple d’un Centre
végétalien expérimental
et attire de nombreux visiteurs. Il est intéressant, c’est une
piste à creuser, de voir dans ces expériences abstinentes ou
auto-productrices, dans l’ascétisme pratiqué… des formes
primitives des positions avancées aujourd’hui par les adeptes de
la décroissance.
1912.
Colonie anarchiste de Choisy-le-Roy, dite le
Nid rouge, liée à la Bande à BONNOT.
1913-1914.
Le
Milieu libre de la Pie au
quai de la Pie à Saint-Maur,
dans le Val de Marne est sans doute celui que l’on appelle ailleurs
Le « Phalanstère »
de St Maur. Il est également animé par Georges Butaud (5°
tentative) et sa compagne Sophie Zaïkovska qui éditent La
vie anarchiste.
Pour le lancer, Butaud avait fondé la Société
des Milieux libres de la banlieue de Paris.
L’ensemble est assez vaste pour la périphérie parisienne :
immeuble de 6 000 m², chalets indépendants, terrain comprenant
jardin, verger et bois…
1922
- 1932.
L’Intégrale
à
Puch
d’Agenais,
dans le Lot et Garonne, animée par le « socialiste
anarchisant »
Victor Coissac (1867-1941), semble liée au mouvement individualiste
et pacifiste, mais également à l’anarcho-syndicalisme.
L’imprimerie profite à quelques revues parfois censurées. Dans
les années 1930 s'y installe la féministe et pacifiste socialiste
libertaire Gabrielle Petit (1860-1952) [93] ; malgré son âge avancé elle s'active beaucoup, surtout à
l'imprimerie. Mais les rapports entre Victor et Gabriel sont
tellement conflictuels (y compris un procès pour raison financière)
que Gabrielle ne reste qu'un an dans la communauté. Cette expérience
de « communisme
patriarcal »
(Armand) ne serait qu’une « colonie
semi-libertaire » [94] avec une autogestion très limitée.
1923-1949.
Vers 1923 la Coopérative
Terre
Libérée
se localise au lieu-dit Le Pin, proche de Luynes
et non loin de Tours (Indre-et-Loire), sur près de 10 ha. Elle est
animée par le toujours très actif Louis Rimbault, ancien de Bascon
et de la Bande à BONNOT. Cette « Cité »
adopte la formule de la « Coopérative »,
et chaque membre devient ainsi « sociétaire ».
Elle est fortement marquée par l’esprit végétalien, la
non-violence, et le retour à la terre [95].
Le Néo-naturien
soutient largement cette initiative, mais la brouille est forte avec
le Végétalien
lancé par Butaud en 1924, puis avec l’En-dehors
d’Armand vers 1927. Rimbault veut en faire un « centre
d’individualisme éclairé » [96] et un centre de soin, de régénération, par la cuisine et la vie
saine. Cette vie respectueuse de la nature nous apparaît comme une
anticipation forte d’une volonté écologiste conséquente. Ouverte
sur l’extérieur, elle reçoit de très nombreux visiteurs :
plus de 300 la première année, encore 200 en 1929. En 1926 la
coopérative adhère à l’APA - Association
Paysanne Anarchiste.
Pendant la Seconde guerre mondiale, elle abrite des réfugiés et est
souvent en butte aux menaces des pétainistes et des FFI. Terre
Libérée
s’éteint la même année que la mort de son fondateur, en novembre
1949.
Dans
les années
1920,
la « caverne
de ZARATHOUSTRA »
à Tourrettes-sur-Loup
vers Grasse est peu référencée. Elle héberge un anarchiste
d'origine juive allemande, le Dr Heinrich GOLDBERG. Lié aux
individualistes, aux néo-malthusiens et aux espérantistes et
idistes, Goldberg semble avoir eu des difficultés judiciaires en
Allemagne en défendant l'amour livre, la nudité et le droit à
l'avortement, ce qui l'oblige à s'exiler en France en 1925-1926 (?).
Il se lie à E. Armand et à l'équipe de l'En-dehors.
Il a déjà tenté des essais communautaires à Berlin (vers
1918-1919) et à Düsseldorf notamment. C'est vraisemblablement vers
1925 (certaines sources parlent de 1923 ?) qu'il s'établit vers
Villars dans les Alpes Maritimes. Il s’agirait d’une société
individualiste, élitiste, affichant un certain mépris des masses.
En 1927 (?) il se déplace à Ajaccio, et plus tard (1929 ?) après
un passage par Haïti, à Saint Domingue (Arroyo
Frio, près de Moca).
Il y est assassiné en mai 1933.
En
1923 est créé par Georges Butaud, le Foyer
végétalien de Paris, sans être un réel milieu
libre, est dans la droite ligne des actions menées à Bascon. Il en
est de même en 1924 du Foyer végétalien de Nice.
Tardi, le foyer végétalien du "Brouillard au pont de Tolbiac", de Léo Malet |
Au milieu de l'année 1925
E. Armand lance l'association des Compagnons de l'en-dehors,
du nom du journal qu'il sort depuis mai 1922. Ce journal prolonge
l'ère nouvelle d'avant 1914 qui déjà soutenait fermement tous les
expériences de vie communautaire. Ce groupement affinitaire, lié au
journal, devait aussi permettre la mise en pratique des idées
d'amour plural et de camaraderie amoureuse prônées par Armand. La
rareté des membres féminins, et l'autoritarisme du fondateur, liés
à la répression étatique, entraîne l'arrêt d'une expérience qui
végétait au moment de la 2° Guerre mondiale.
En 1931
la Colonie de Bascon se transforme en Colonie végétarienne
de vacances. Elle perdure jusqu’en 1953.
Dans
les années
1940,
la Communauté
de Pouligny
d’Émile Bachelet (ancien illégaliste 1888-1967) se situe dans
l’Yonne ou dans le Loiret. C’est Michel Ragon qui rappelle à
plusieurs reprises sa rencontre admirative avec cet ancien de la
Bande
à BONNOT
qu’est Émile Bachelet, qui anime dans l’immédiat après-guerre
une communauté semi-autarcique, auto-productive de Pouligny. Le
groupe construit des ruches, produit son miel, ses légumes, son
électricité… La recherche de l’harmonie y semble constante.
« Au
moulin de Pouligny c’était s’embarquer pour l’Arcadie »
rappelle le jeune libertaire d’alors Michel Ragon [97].
Durant la Seconde
guerre mondiale, une petite communauté en Ardèche autour
de la famille de Georges Guibard, un curieux anarchiste, car il fut
propriétaire et industriel à la Garenne-Colombes avant-guerre.
Dans l'après
guerre, des anarchistes espagnols acquièrent une ferme à
Thil en Haute-Garonne. Elle est plus ou moins autogérée
notamment par des aragonais, sert de lieu de production, et surtout
de centres de vacance pour les jeunes réfugiés espagnols. Plus
tard, vers 1960, le pédagogue Félix Carrasquer (1905-1993) s'y
installe et, poursuivant le rêve qu'il a mené avec l'École des
Cadres de Monzón durant la révolution espagnole, tente un projet de
ferme école qui n'a apparemment pas abouti.
En 1939
le Centro español de Béziers (centre de secours
mutuel, bibliothèque, athénée…) devient Colonie espagnole.
Nombreux sont les libertaires qui y passent, pour participer aux
échanges et activités culturelles.
1939-1963
:
De 1947-1948 à 1954, dans le Lot à Gourdon-Le-Vigan
des libertaires espagnols exilés en France veulent transformer la
Colonia
de Aymaré – Colonie d’Aymare [98] en collectivité. Il s’agit d’une grande ferme de moins de 120
hectares qui jouxte un château en ruines dans le Lot. L’achat
peut se faire en 1939-1940 (?) grâce aux fonds du SIA – Solidarité
Internationale Antifasciste,
et de la CNT, et à l'appui d'un libertaire français. C’est
d’abord un lieu d’accueil et de prise en charge des enfants, puis
en 1940 de militants blessés ou handicapés, et de tous ceux qui
nécessitent une aide immédiate. Il fonctionne ensuite un peu
également comme base d'appuis ou de refuges de nombreux résistants,
réfractaires ou clandestins : des maquisards du Lot s'y réfugient
en 1943. Après guerre, c'est la reprise. La communauté accueille
malades et handicapés, dont le nom de Colonia
de Enfermos y Mutilados
qu'on lui attribue parfois ; ce qui explique d'autres appuis comme
celui de La
Liga de Mutilados de la Guerra de España,
ou l'IRO-Organisation
Internationale des Réfugiés.
La Colonie se dote de Statuts
(Cooperativa
de producción de la Colonia de Mutilados de Aymare [99])
le 18/09/1948, vote ses règlements (Plan de Derechos y
Necesidades [100])
et ses plans de travail tous les ans ; des contrôles de trésorerie
ont lieu tous les 3 mois. Ce lieu est en grande partie
auto-construit, les militants de passage donnant de nombreux coups de
mains, surtout pour rénover les bâtiments ; on fait appel parfois à
une coopérative du bâtiment composée par des libertaires de la
région bordelaise. La communauté accueille une douzaine de valides
plus les malades vers 1948, et atteint la bonne trentaine de
personnes vers 1953, alors qu'en fin 1939 on y comptait 90 personnes
: 31 hommes, 24 femmes, 33 enfants et 2 personnes âgées. À Aymare
on peut noter également une volonté de réaliser une application à
petite échelle du «communisme
libertaire» [101] ou
de « liberté
collectiviste » [102].
Les responsabilités sont assumées collectivement (une assemblée
générale mensuelle), elles sont tournantes (en général la durée
est de 6 mois). La ferme doit produire pour assurer l’autosuffisance,
et chacun y met ce qu’il y peut et théoriquement peut puiser au
tas-tomar
del montón
(« de
chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins »,
si on rappelle l’antique formule communiste). La paie n'y existe
pas au début. Un potager, le petit élevage, les cueillettes dans
les proximités d’Aymare permettent d’obtenir le minimum. La vie
y est dure, dans des conditions difficiles, et le travail important :
longues journées et peu de vacances (12 jours par an). Quelques
activités propagandistes sont mises en place, notamment un essai de
radio libertaire avec le célèbre intellectuel anarchiste Felipe
Alaiz. Entre autogestion et autoproduction, cette Colonie
va vivoter jusqu’en 1961, en permettant à des militants de s’y
retrouver, d’en visiter d’autres et de tenir des
« concentrations »,
terrible mot pour désigner des rencontres conviviales. Cette année
là, la CNT réunifiée décide l’abandon de cette expérience
communautaire, qui manque de fonds et d’hommes, et qui ne permet
qu’un confort minimal à ses occupants. Il faut attendre cependant
1967 (d'autres indiquent 1971 ?) pour que l’exploitation soit
vendue avec l'appui du fils du maire du Vigan, et dans de bonnes
conditions, mais en laissant bien des amertumes pour celles et ceux
qui poursuivaient le rêve communautaire libertaire. Aymare a
pourtant rayonné bien au-delà de ses membres, et a souvent été
citée dans les organes militant. La colonie propose fêtes,
conférences, théâtre, soirées conviviales, «jiras»
et «concentraciones»
(pique-niques et regroupements souvent militants)… ouvre une assez
copieuse bibliothèque, et héberge bien des compagnons de passage,
parfois sous la forme de camping militant, par exemple avec les
Jeunesses Libertaires, dès 1952. Nombreux sont les libertaires
célèbres qui y passent quelque temps. En 1996-1997 le propriétaire
accepta que se tiennent deux journées rétrospectives dans
l'exploitation.
dans
les années 1960-1990
à Montady,
dans La
Plaine des Astres
(La
Plena),
des exilés anarchistes espagnols vivent en quasi « phalanstère » [103] : ils se prêtent leurs logements, leurs jardins, leurs ouvrages…
vivent ensemble quand leur vie d’éternels vagabonds les ramènent
dans ce lieu de paix, dont la maison de Victor García est le centre,
avec un projet inachevé d’en devenir bibliothèque et lieu
d’archives « =
la BASE ».
Avec Narbonne, Montady a été un des centres de la «dissidence»
contre la CNT orthodoxe toulousaine.
1968
: les communautés. La
diversité des pratiques, des objectifs, des composantes... est
extraordinaire, ce qui fait que l’on y retrouve toutes les
tendances, surtout libertaires au début, mais pas seulement. La
dérive (sectaire, religieuse, droitière...) et l’échec sont
assez rapides, puisque l’essentiel du mouvement s’arrête après
1975. Mais il y a tout de même des exemples de communautés
idéologiquement claires, comme la Communauté
anarchiste du Moulin de Paris,
qui s'installe dès 1973 à Merlieux dans le Nord de la France. Elle
y réalise une implantation assez rare et probante, et s'intègre
dans une forme de communalisme ouvert et de démocratie la plus
directe possible, ce qui amène ses membres à participer sans se
renier à l'activité municipale, notamment dans les activités
culturelles : école, fête du Livre [104]…
À
la différence de beaucoup d’expérimentations du passé, surtout
celles à vocations religieuses ou communistes autoritaires très
marquées, une plus grande attention est accordée à
l’individualisme et à la liberté et aux respects de personnes.
Pour les libertaires de ces années là, « la
praxis communautaire » [105] se veut expérimentale et ouverte, plus qu’idéologique ou
doctrinale. Elle est moins conformiste et davantage centrée sur la
vie quotidienne et le respect individuel que dans le passé. Y sont
pratiquées assez fréquemment « une
exaltation de l’amour et de la sexualité… et en même temps une
élévation de la personne dans sa dignité et son droit, dans sa
liberté et sa créativité… » [106].
Le collectif, en principe, n’écrase pas les choix et droits
individuels, même dans les regroupements du type « familles
élargies »,
car ils se veulent « familles
ouvertes » [107].
Il y a malheureusement pas mal de contre-exemples.
Au
plan économique, la majorité des communautés portent bien leur
nom, elles sont «communistes» au sens fort et non connoté
historiquement du terme : communautés des biens, mise en commun des
moyens (Edward Sarboni parle de «communisme financier»),
travaux, échanges et déplacements souvent collectifs, rotation des
tâches… Le travail, les services, les fonctions, les charges…
sont partagés égalitairement, sans hiérarchie entre les types de
tâche et les sexes. Les acquis, produits, fonds… semblent
également partagés. Et on l'a déjà signalé, l'éducation, la
formation, les activités culturelles, la vie sexuelle… sont
parfois vécus également sur le mode collectif et avec le principe
de la rotation.
En
France dans les Pyrénées-Orientales, vers Opoul, la communauté
du Belvédère,
fondée à l'automne 1968,
essentiellement non violente s'inspire de l'idéologie anarchiste [108].
Toujours dans les Pyrénées plutôt ariégeoises, des militants fondent des
communautés à Villeneuve-du-Bosc
(1970), Planel-du-Bis
(1971-1974), Broucaillou.
Dans les Pyrénées Orientales, Paul Gérard et Alain Roux, militants
anarcho-syndicalistes contribuent à la fondation des communautés
libertaires du Llech
et de Las
Carboneras
en 1971. Dans le même secteur, «l'antiautoritaire»
Joseph Chioselli est un des fondateurs de la communauté du mas
Julia
en 1972. Dans l'Aude à Albières,
le fond commun est plutôt la non violence confirme Jean-Pierre
Spiandor qui s'y installe en 1972. À nouveau en Ariège en 1975,
divers membres de la famille de Gérard Lorne, déjà concernés par
la vie communautaire vécue au Maroc, s'installent en communauté à
Raoubots.
Pour cette région du sud pyrénéen, les témoignages recueillis par
Edward Sarbony confirment le fondement commun libertaire et non
violent, et la taille restreinte de ces micro-communautés. La communauté de Font-de-Rouve (1971) dans les
Cévennes mettrait surtout l'accent sur les libertés individuelles
et la richesse des échanges interpersonnels. Non anarchiste, plutôt
spiritualiste, elle prône technologies douces et frugalité de vie.
Dans
les années
1970,
autour d’Eduardo Colombo, franco-argentin [109], plusieurs
anarchistes se regroupent de manière affinitaire en Normandie dans
un lieu qui tient autant du centre culturel que d’un lieu de
villégiature, de retour au vert et à la campagne pour des
anarchistes qui militent surtout en ville. La plupart participent à
la communauté éditrice du journal ICO
- Informations et Correspondances Ouvrières
de 1972 à 1974 et de La
Lanterne Noire
de 1974 à 1978.
Depuis
les années 1990
Dans les Cévennes, vers Alès,
la Vieille
Valette-Commune libre
se rattache au mouvement squat anarcho-punk [110] et inscrit fièrement la vieille devise de « Ni
Dieu ni Maître ».
Il regroupe dans les meilleurs moments une trentaine de personnes
dans un hameau jadis abandonné comprenant une vingtaine de demeures retapées - et squattées. Mais
la rotation semble importante. L'autonomie de la communauté est
relativement bien assurée : faible participation financière des
membres, solidarité avec les plus démunis, source d'eau naturelle,
usage du solaire, jardins communautaires, système généralisé de
récupération et de recyclage… D'autre part les festivals et la
vente de pizzas apportent des suppléments. L'intérêt
supplémentaire de la Vieille Valette réside dans le concept
sympathique «d'articulteur»,
car la plupart des membres développent des activités artistiques et
d'agriculture écologique. Les maisons sont toutes variées et
originales dans leur décoration, peinture, architecture, musique et
cinéma… sont présents. Il semble cependant qu'au nom d'une
autonomie rigoureuse, chacun s'occupe surtout des ses propres
affaires, et l'ouverture extérieure (surtout vis-à-vis des
autochtones), par rapport à d'autres communautés, semble assez
réduite.
En
fin des années
2000,
la communauté de Cravirola
dans la Montagne Noire minervoise [111] essaie de mêler activités agricoles, écologiques et artistiques
dans une ferme autogérée [112].
Le nom provient d'un essai de plusieurs années réalisé par des
squatteurs, allemands à l'origine, dans un village homonyme à la
frontière italienne. La Cravirola, Coopérative
Fromagère Internationale,
liée à Longo Maï et à des mouvements militants comme ATTAC,
perdure dans le Sud Est des Alpes françaises. Dans le Minervois, des
craviroliens
passent du squat à la propriété gérée dans le cadre global et
multi-sites d'une SAS-Société
à Actions Simplifiée
nommée Terres
communes,
dont ils détournent l'origine libérale dans un sens «libertaire»
! Les actionnaires sont des soutiens plus que des propriétaires, les
occupants conservant par contrat l'essentiel des prérogatives. Le
système coopératif en découle, notamment sous forme de SCOP pour
Cravirola au lieu dit Le Maquis. La coexistence entre les idéaux
alternatifs et libertaires, et les exigences comptables et la forte
pression économique et marchande de ce vaste projet, ne sont pas
simples ni sans inconvénients. La communauté assez réduite (une
dizaine de membres ?) essaie de se solidifier en maintenant des liens
extérieurs forts : les actionnaires, le REPAS-Réseau
d'Échanges et de Pratiques Alternatives et Solidaires,
la Convergence des Luttes, les Désobéissants,
et l'activité militante et artistique (festivals, ateliers,
formations, chantiers solidaires, camping alernatif…), notamment
avec L'Association Cultures du Maquis…
L’intérêt
de cette liste non exhaustive est de montrer qu’au-delà de la
diversité des appellations, l’idéal est commun : on tente de
réaliser, au moins partiellement, une partie des idées
communistes-anarchistes, ou individualistes anarchistes. Mais on le
fait timidement, de forme souvent pluraliste, car les « colons »
ne sont pas tous membres du mouvement. Le partage des tâches et des
ressources, et la vie la plus libre possible se heurtent bien sûr
aux difficultés de la vie économique et aux problèmes relationnels
humains et amoureux. Cependant la multiplicité des essais montre
également que les tentatives sont plus nombreuses qu’on aurait pu
le penser, et surtout qu’elles sont rarement, comme on le croit
trop souvent, coupées du monde extérieur, militant ou non. Au
contraire, la vie communautaire permet à l’idéal de se renforcer,
et à la propagande de se développer. Les contacts sont toujours
recherchés. La colonie est donc aussi une base d’appui pour faire
triompher la cause ou la propager.
Michel
ANTONY
Essais
utopiques libertaires de « petite » dimension [Extraits].
Site
internet | http://artic.ac-besancon.fr/hist
A Lire et à Voir
Les sentiers de l'utopie
Livre et film d'Isabelle Frémeaux et John Jordan
Film | http://vimeo.com/21919175
Site internet | http://lessentiersdelutopie.wordpress.com/info/
Notes
1
MANFREDONIA Gaetano Anarchisme et changement social.
Insurrectionalisme, Syndicalisme, Éducationnisme-réalisateur,
Lyon, ACL, 362p, 2007, p.101-102
2
Cf. LATOUCHE Serge Pour une relocalisation de l’utopie,
-in-Entropia, Décroissance & Utopie, Lyon,
Paragon, n°4, p.152-162, printemps 2008
3
PERINELLI Roberto El teatro anarquista y un autor
anarquista, Rodolfo GONZÁLEZ PACHECO, -in-Teatro del
Pueblo-SOMI, 11pA4, récupéré le 04/10/2008 sur le site
http://www.teatrodelpueblo.org.ar/sobretodo/05_sobre_autores_y_obras/perinelli002.htm
4
GOUTTE Guillaume Aménager la société capitaliste.
Critique libertaire d'un citoyennisme alternatif qui voudrait nous
voir cogérer notre domination et notre exploitation, -in-Le
Monde libertaire, n°1610, 28/10-04/11/2010
5
ARMAND E. Les tentatives de communisme pratique,
Paris: La Revue Communiste & L'Ère Nouvelle, 16p, 1904
6
BOOKCHIN Murray Social
Anarchism or Lifestyle Anarchist : an Unbridgeable Chasm,
San Francisco-Edinburg: AKPress, 86p, 1995
7
COLSON Daniel Histoire et actualité du sujet
révolutionnaire, -in-Réfractions, À la
recherche d’un sujet révolutionnaire, Paris: n°25, 176p,
p.15-28, automne 2010, p.25
8
GARCIA Vivien L’anarchisme aujourd’hui,
Paris, L’Harmattan, 262p, 2007, p.218
9
GARCIA Vivien Utopies libertaires, Courriel du
09/12/2007
10
IBAÑEZ Tomás Intervento (Pisa, settembre 2009),
-in-CENTRO STUDI LIBERTARI - ARCHIVIO G. PINELLI Anarchismo.
Post -anarchismo. Neo-anarchismo,
-in-Bollettino Archivio G. PINELLI, Milano: n°34 speciale,
p.32-37, dicembre 2009, p.26
11
Manifeste en vue de la constitution du premier Milieu libre en
France, 4p, 1902
12
Le Libertaire, 13/09/1902, cité -in-LEGENDRE Tony
Expériences de vie communautaire anarchiste en France. Le
milieu libre de Vaux (Aisne) 1902-1907 et la colonie naturiste et
végétalienne de Bascon (Aisne) 1911-1951,
Saint-Georges-d’Oléron, Les Éditions libertaires, 168p, 2006,
p.7
13
Tiré d’un texte de 1904 du gérant de Vaux, L. LEGRIS,
-in-LEGENDRE Tony op.cit., p.104
14
MANFREDONIA Gaetano L'anarchisme réalisateur d'E.
ARMAND, -in-Vivre l'anarchie. Expériences
communautaires et réalisations alternatives antiautoritaires. Actes
du colloque de Ligoure, mai 2009, Lyon: ACL, 160p, p.80-101,
novembre 2010, p.83
15
MERCIER-VEGA Louis Sur les groupes d’affinité,
-in-Interrogations, n°13, 1978
16
Communauté de travail du CIRA Société et
contre-société, Genève, Librairie Adversaire, 139p, 1974
17
PAQUOT Thierry L'utopie ou l'idéal piégé,
Paris: Hatier, 80p, 1996, p.48
18
FREIRE Joâo Les anarchistes du Portugal,
Paris, CNT-RP, Version simplifiée et mise à jour de la thèse de
1988, 336p, 2002, p.198
19
GUTIÉRREZ MOLINA José Luis La anarquia según
Andalucía : texto de la ponencia sobre el comunismo libertario
aprobada por la FAI de Cádiz en junio de 1936, Sevilla, Las
7 Entidades, 91p, 1996, et surtout GUTIÉRREZ MOLINA José Luis
La idea revolucionaria : el anarquismo organizado en
Andalucia y Cadix durante los años treinta, Móstoles,
Madre Tierra, 235p, 1993 p.50
20
DESMARS Bernard Militants de l'utopie ? Les
fouriéristes dans la seconde moitié du XIX° siècle,
Dijon:Les Presses du Réel, 432p, 2010, p.42
21
FREMEAUX Isabelle/JORDAN John Les sentiers de l'utopie,
Paris: La Découverte-Zones, 320p, 2011
22
COOPER-RICHET Diana/PLUET-DESPATIN Jacqueline
L’exercice du bonheur, Seyssel,Champ Vallon, 272p,
1985
23
PEREIRA Irène Les jardins partagés, un exemple
d'entraide libertaire ? Entretien avec Laurence
BAUDELET -in-L'Entraide : un facteur de
révolutions, Réfractions, Lyon: n.23, 176p,
p.93-104, 2009 et BAILLARGEON Normand L’ordre moins le
pouvoir..., Paris, Agone, 2001 Paris, L’Harmattan, 227p, 2004, p.33
-in-Vivre
l'anarchie. Expériences communautaires et réalisations
alternatives antiautoritaires. Actes du colloque de Ligoure, mai
2009, Lyon: ACL, 160p, p.104-127, novembre 2010, p.116
24
Cf. par exemple à plusieurs reprises dans GIARRACCA Norma/MASSUH
Gabriela El trabajo por venir. Autogestión y emancipación
social, Buenos Aires: Edición Antropofagía, 184p, 2008
25
GILLEN Jacques L’utopia anarchica messa in pratica.
La colonia di Stockel, -in-GIULIANELLI Roberto (A cura
di) Luigi FABBRI. Studi e documenti sull’anarchismo tra
otto e novecento, Pisa, Quaderni della Rivista Storica
dell’Anarchismo, BFS, n°1, 211p, 2005
26
MANFREDONIA Gaetano Anarchisme et changement social.
Insurrectionalisme, Syndicalisme, Éducationnisme-réalisateur,
Lyon, ACL, 362p, 2007, p199
27
CHAÏBI Olivier Réalisations et réalisateurs
proudhoniens, -in-Vivre l'anarchie. Expériences
communautaires et réalisations alternatives antiautoritaires. Actes
du colloque de Ligoure, mai 2009, Lyon: ACL, 160p, p.08-25,
novembre 2010, p.8
28
Par exemple l’article de MALTERRE Félix Colonies
communistes, -in-Le Libertaire, n°21,
31/03-06/04/1907
29
SERGE Victor Le Rétif, articles parus dans l’Anarchie
1909-1912, Paris, Monnier, 224p, 1989, p.192
30
GIRARD André Coopération communiste, -in-Les
Temps nouveaux, n°37-41, 8-14/01 au 05-11/02/1898
31
OVED Yaacov Mouvements communautaires au XX° siècle,
-in-Utopie, BNF, 2000
32
BONI Stefano Il « milieu » anarchico nella « Belle
époque », -in-Bollettino Archivio G. PINELLI,
Milano : n°32, 48p, p.29-33, dicembre 2008
33
PETITFILS Jean Christian La vie quotidienne des
communautés utopiques au XIX°, Paris, Hachette, 1982
34
BEAUDET Céline Les milieux libres : vivre en
anarchiste à la Belle époque en France, Paris, Université
Paris X Nanterre, 156p + LXXIp, 2003
35
CHRISTIE Nils Au-delà de la solitude et des
institutions. Communautés extraordinaires pour des personnes
extraordinaires, Lyon, ACL, 170p, 2005
36
LEGENDRE Tony Expériences de vie communautaire
anarchiste en France. Le milieu libre de Vaux (Aisne) 1902-1907 et
la colonie naturiste et végétalienne de Bascon (Aisne) 1911-1951,
Saint-Georges-d’Oléron, Les Éditions libertaires, 168p, 2006
37
ULBURGHS Jef Pour une pédagogie de l’autogestion,
Paris, les Éditions ouvrières, 231p, 1980, p.130
38
DESROCHE Henri Solidarités ouvrières 1,
Paris, Les Éditions ouvrières, 215p, 1981, p.211 & 147
39
PUCCIARELLI Mimmo/PATRY Laurent L’anarchisme en
personnes. Entretiens avec Eduardo COLOMBO, Ronald CREAGH, Amedeo
BERTOLO, John CLARK, Marianne ENCKELL, José Maria CARVALHO
FERREIRA, Lyon, ACL, 368p, 2006, p.8
40
Écologie, graines d’anarchies, Réfractions,
n°18, 144p, printemps 2007, p.21
41
DE SARIO Pinno/MASNOVO John Le tribù in Italia,
-in-Volontà, L’utopia comunitaria, 1989
42
FRANCESCATO Daniela e Grazia Famiglie aperte, le
comuni, Milano, Feltrinelli, 1967
43
MENZIES Malcolm Mastatal, Bassac : Plein Chant,
310p, 2009, p.249
44
DESMARS Bernard Militants de l'utopie ? Les
fouriéristes dans la seconde moitié du XIX° siècle,
Dijon:Les Presses du Réel, 432p, 2010, p.195
45
DESMARS Bernard
op.cit., p.198
46
DESROCHE Henri Voyages en ucoopies, -in-Esprit,
n°2, février 1966
47
DESCAVES Lucien/DONNAY Maurice La clairière. Pièce en
5 actes, Paris, Stock, 1900
48
FREMEAUX Isabelle/JORDAN John Les sentiers de l'utopie,
Paris: La Découverte-Zones, 320p, 2011, p.301
49
Cité par GUILLAUME Chantal Victor CONSIDERANT, un
fouriériste en politique, -in-Cahiers Charles
FOURIER, Besançon, n°19, p.155-166, décembre 2008, p.165
50
VACCARO Salvo Le double paradigme du pouvoir,
-in-Pouvoirs et conflictualités, Réfractions,
Lyon, n°17, 176p, hiver 2006-printemps 2007, p.47
51
Cf. le chapitre d’ANTONY Michel Les
TAZ et Bolo’bolo : pragmatisme et marches à petits pas... vers
une utopie anarchiste des « associations libres et
libertaires », -in-II.
Les libertaires face à l’utopie, entre critiques et projets,
Magny Vernois, Fichier sur le même site, 1° édition 1995, 132p,
avril 2007
52
DUPUIS-DÉRI Francis En deuil de révolution ?
Pensées anarcho-fatalistes, -in-Visages de la
science, Réfractions, n°13, 176p, automne 2004,
p.145
53
PUCCIARELLI Mimmo L’imaginaire des libertaires
aujourd’hui, Lyon, ACL, 365p, 1999
54
PUCCIARELLI Mimmo Le rêve au quotidien, Lyon,
ACL, 253p, 1996, p.234
55
BAILLARGEON Normand Une proposition libertaire :
l’économie participative, -in-Agone, n°21,
1999
56
GILLEN Jacques L’utopia anarchica messa in pratica.
La colonia di Stockel, -in-GIULIANELLI Roberto (A cura
di) Luigi FABBRI. Studi e documenti sull’anarchismo tra
otto e novecento, Pisa, Quaderni della Rivista Storica
dell’Anarchismo, BFS, n°1, 211p, 2005, p.145
57
ROCKER R. Socialismo constructivo, -in-La
Protesta, Buenos Aires : 4 marzo 1929
58
Cf. CASARIN Pierpaolo L’osteria
« luogo » di libertà,
-in-Bollettino Archivio G. PINELLI,
Milano, n°20, p.27-33, dicembre 2002
59
BEAUDET Céline Les milieux libres. Vivre en anarchiste
à la Belle Époque en France, St Georges d’Oléron,
Éditions libertaires, 256p, 2006, p.56
60
STEINER Anne Les En-Dehors. Anarchistes individualistes
et illégalistes à la « Belle époque », Paris :
L’échappée, Collection Dans le feu de l'action, 256p, 2008, p.90
61
STEINER Anne Vivre en anarchiste à la Belle Époque:
la tentation de l'illégalisme pour échapper au salariat. Débats
au sein des milieux individualistes, -in-Vivre
l'anarchie. Expériences communautaires et réalisations
alternatives antiautoritaires. Actes du colloque de Ligoure, mai
2009, Lyon: ACL, 160p, p.63-79, novembre 2010, p.74
62
HOBOLO Jeanne MORAND, Rimogne, La Question
sociale, 42p, 2005 ?
63
BEAUDET Céline Opt.cit., p.57
64
THOMAS Bernard La Bande à BONNOT, Paris,
Tchou, 260p, 1968
65
STEINER Anne De l'émancipation des femmes dans les
milieux individualistes à la Belle Époque, -in-Des
féminismes, en veux-tu, en voilà, Réfractions,
Paris: n°24, 176p, p.19-30, mai 2010
66
-in-La Révolte, n°7, 29/10-04/11/1892, cité par BEAUDET
Céline Les milieux libres. Vivre en anarchiste à la
Belle Époque en France, St Georges d’Oléron, Éditions
libertaires, 256p, 2006, p.26
67
GONOT Roger Notes sur la pensée libertaire d’Élisée
RECLUS (1997), -in-Élisée RECLUS :
écrire la terre en libertaire, Orthez, Éditions du Temps
perdu, 294p, 2005
68
Courriel de CHARLES Jean, Louis HOENIG, libertaire
travaillant au Milieu libre des Cras, reçu le 28/12/2010
69
KAMOUN Patrick V’la COCHON qui déménage. Prélude
au droit au logement, Vauchrétien:, éd. Ivan
Davy, 168p, 2000, p.43
70
Titre de l’article de Le Journal, 07/06/1903
71
LEGENDRE Tony Expériences de vie communautaire
anarchiste en France. Le milieu libre de Vaux (Aisne) 1902-1907 et
la colonie naturiste et végétalienne de Bascon (Aisne) 1911-1951,
Saint-Georges-d’Oléron, Les Éditions libertaires, 168p, 2006,
p.16
72
Document reproduit pour le « Bulletin de décembre 1903 »
-in-op.cit., LEGENDRE Tony p.80 à 99
73
STEINER Anne Les
En-Dehors. Anarchistes individualistes et illégalistes à la «
Belle époque », Paris :
L’échappée, Collection Dans le feu de l'action, 256p, 2008, p.64
74
BEAUDET Céline Les milieux libres. Vivre en anarchiste
à la Belle Époque en France, St Georges d’Oléron,
Éditions libertaires, 256p, 2006, p.58
75
Cf. surtout : NARRAT Georges La colonie libertaire
d’Aiglemont extrait de sa thèse de 1908 et republié par
La Question Sociale n°6 d’oct.1997.
76
La colonie anarchiste d’Aiglemont, site
http://perso.wanadoo.fr/mairie.aiglemont/historique_page2.html
imprimé le 20/04/2003
77
PETIT Dominique Déshérités de Nouzon, Syndicalistes
révolutionnaires et autres anarchistes, Bogny-sur-Meuse,
Publications de La Question Sociale, juin 1996
78
SERGE Victor Mémoires d’un révolutionnaire
1901-1941, Paris, Seuil, Politique, 1978, p.19
79
LERMINA Jules L'ABC du libertaire, Aiglemont,
Colonie communiste d'Aiglemont, n°1, 1906
80
IRÈOS Una colonia comunista. Prefazione
di Oberdan GIGLI, Milano, Biblioteca della Protesta Umana,
40p, 1907, p.8
81
LAUDE Madeleine Une femme affranchie. Gabrielle PETIT
l'indomptable, Paris: Éditions du Monde libertaire, 200p,
2010, p.102
82
GILLEN Jacques L’utopia anarchica messa in pratica.
La colonia di Stockel, -in-GIULIANELLI Roberto (A cura
di) Luigi FABBRI. Studi e documenti sull’anarchismo tra
otto e novecento, Pisa, Quaderni della Rivista Storica
dell’Anarchismo, BFS, n°1, 211p, 2005
83
MAITRON Jean Le mouvement anarchiste en France,
Paris, Maspéro, Vol.I, 1975, p.379
84
MILLARD Arlette Une
colonie anarchiste à Saint-Germain-en-Laye, 1906-1908 ou Une
expérience communiste, la colonie libertaire de Saint-Germain,
Saint-Germain: 19pA4,
2009, p.2
85
MILLARD Arlette Une
colonie anarchiste à Saint-Germain-en-Laye, 1906-1908 ou Une
expérience communiste, la colonie libertaire de Saint-Germain,
Saint-Germain: 19pA4,
2009
86
LORULOT André Une expérience communiste. La colonie
libertaire de Saint Germain, Colonie Communiste de Saint
Germain en Laye, 22p 1908
87
MILLARD Arlette Une
colonie anarchiste à Saint-Germain-en-Laye, 1906-1908 ou Une
expérience communiste, la colonie libertaire de Saint-Germain,
Saint-Germain: 19pA4,
2009, p.05
88
LAMOTTE Émilie La limitation des naissances,
St-Germain, Colonie communiste de St-Germain en Laye, 12p, 1908
89
HOBOLO-SHALAZZ Louis RIMBAULT et « Terre
libérée » 1923-1949. École de pratique végétalienne et de
retour à la terre, Brochure de 22p en A4, publiée sur le
site le 08/06/2006, et tirée du site
http://www.infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=337
le 16/01/2007. Rimogne, La Question sociale, 34p, 2005
90
LEGENDRE Tony Expériences de vie communautaire
anarchiste en France. Le milieu libre de Vaux (Aisne) 1902-1907 et
la colonie naturiste et végétalienne de Bascon (Aisne) 1911-1951,
Saint-Georges-d’Oléron, Les Éditions libertaires, 168p, 2006
91
LEGENDRE Tony Op.cit.,
p.41
92
LEGENDRE Tony Op.cit.,
p.47
93
LAUDE Madeleine Une femme affranchie. Gabrielle PETIT
l'indomptable, Paris: Éditions du Monde libertaire, 200p,
2010, p.212
94
COOPER-RICHET Diana/PLUET-DESPATIN Jacqueline, L'exercice
du bonheur où comment Victor COISSAC cultiva l’utopie entre les
deux guerres dans sa communauté L’Intégrale, Seyssel,
Champ Vallon, 272p,1985, p.113
95
HOBOLO-SHALAZZ Louis RIMBAULT et « Terre
libérée » 1923-1949. École de pratique végétalienne et de
retour à la terre, Brochure de 22p en A4, tirée du site
http://www.infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=337
le 16/01/2007, publiée le 08/06/2006
96
HOBOLO-SHALAZZ
Op.cit.,
97
RAGON Michel D’une berge à l’autre, Paris,
Albin Michel, 1997
98
SÁNCHEZ Vicente La
colonia de Aymaré (1848-1954) : collectividad libertaria del
exilio español en Francia, Madrid :
FAL, 190p, 2007
99
SÁNCHEZ MIGALLÓN Vicente La colonia de Aymaré
(1848-1954). Collectividad libertaria del exilio español en
Francia, Madrid: FAL, 192p, 2007, p.33-39
100
SÁNCHEZ MIGALLÓN Vicente La colonia de Aymaré
(1848-1954). Collectividad libertaria del exilio español en
Francia, Madrid: FAL, 192p, 2007, p.42-46
101
SÁNCHEZ MIGALLÓN Vicente La colonia de Aymaré
(1848-1954). Collectividad libertaria del exilio español en
Francia, Madrid: FAL, 192p, 2007, p.158-161
102
SOUCHY Augustin Attention anarchiste ! Une vie
pour la liberté (1977), Paris, Éditions du Monde
libertaire, 258p, 2006, p.160
103
DÍAZ Carlos Victor GARCÍA, « el Marco POLO del
anarquismo », Mostoles, Madre Tierra, 1993
104
AKRICH Danièle/DI COSTANTO Sylvie Des municipalités…
à l a commune libertaire, -in-Le Monde libertaire,
Paris: été 1999
105
SCHIBEL Karl Ludwig Progetto e vita quotidiana,
-in-Volontà, Milano, L’utopia comunitaria,
1989
106
COLOMBO Arrigo La société amoureuse. Notes sur
FOURIER pour une révision de l’éthique amoureuse et
sexuelle
107
FRANCESCATO Daniela e Grazia Famiglie aperte, le
comuni, Milano, Feltrinelli, 1967
108
SARBONI Edward 1968 à 1978: Communautés libertaires
et rejet des pratiques «politiques» institutionnalisées
109
PUCCIARELLI Mimmo/PATRY Laurent L’anarchisme en
personnes. Entretiens avec Eduardo COLOMBO, Ronald CREAGH, Amedeo
BERTOLO, John CLARK, Marianne ENCKELL, José Maria CARVALHO
FERREIRA, Lyon, ACL, 368p, 2006, p.55
110
FREMEAUX Isabelle/JORDAN John Les sentiers de l'utopie,
Paris: La Découverte-Zones, 320p, p.151-166, 2011
111
Cf. http://www.cravirola.com/,
consulté le 24/04/2011
112
FREMEAUX Isabelle/JORDAN John Cravirola,
-in-Les sentiers de l'utopie, Paris: La
Découverte-Zones, 320p, p.171-185, 2011
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