Tous les marketeurs
sont les menteurs. Tant mieux, car les consommateurs adorent qu’on
leur raconte des histoires.
Seth Godin
(Gourou du marketing et
de la communication d’entreprise ) [1]
Jean-Pierre
Garnier
De
l’espace public à l’espace publicitaire.
Odysseum
à Montpellier
L’Homme
et la Société | 2009
À
l’époque où la critique de la « société de consommation »
était à la mode dans les milieux intellectuels français, il était
courant parmi les gens, qui, pour une raison (professionnelle) ou une
autre (politique), observaient avec attention l’évolution du
phénomène urbain, de jeter un regard à la fois consterné et
méprisant sur les vastes zones commerciales qui avaient commencé à
se développer sur le pourtour des agglomérations. Perçues comme
les symboles affligeants du triomphe de la rationalité marchande, il
leur était reproché de concourir à une « urbanisation
désurbanisée [2] », c’est-à-dire privée d’urbanité, qui
faisait perdre à la ville sa qualité d’« œuvre », pour la
rabaisser au rang de « produit ». Bref, l’« antiville » par
excellence.
Que
de chemin parcouru ! Oubliée la dénonciation de l’« anarchie
urbanistique » dont participe l’essaimage à la lisière des
villes de ces méga-centres commerciaux avec leurs immenses parkings,
implantés en fonction de critères définis à partir des « aires
de chalandise » escomptées. Autrement dit, de préoccupations
étroitement mercantiles. Oubliées, également, les diatribes contre
cette « non-architecture » de « grandes surfaces », de «
magasins-hangars » et de « boîtes à chaussures » auxquels
s’agrègent les « moyennes surfaces » de l’ameublement, de
l’habillement et du jardinage, les fast-foods, et les
stations-service, qui uniformise en le défigurant le paysage urbain
des entrées de villes. Oubliée l’ironie suscitée par cette foule
d’individus errant comme des zombies ravis et hébétés derrière
leurs caddies au milieu de cette « gigantesque accumulation de
marchandises », comme aurait dit Marx, qui réduit les « suburbains
» au statut de consommateurs.
Quitte
à se voir soupçonné d’élitisme ou accusé de professer un
radicalisme critique périmé, on pourrait être tenté, malgré
tout, de se demander si les chercheurs concernés ne serviraient pas,
consciemment ou non, de caution ou de boîtes à idées aux
promoteurs de shopping centers. Et cela d’autant plus qu’il n’est
pas rare aux États-Unis, mais aussi en France, de voir ces derniers
faire appel à des anthropologues ou des sociologues pour observer
les comportements des consommateurs dans les galeries marchandes, les
atriums et autres piazzas, analyser l’impact de l’«
environnement » et des « ambiances » sur l’acte d’achat,
certains chercheurs allant même jusqu’à officier comme «
consultants » pour suggérer quelques innovations destinées à
accroître l’attractivité de ces nouveaux « lieux urbains ».
Quoi
qu’il en soit, le succès incontesté — et désormais
incontestable — de ces temples marchands auprès de la population
vaut désormais absolution. L’affluence qu’ils suscitent,
l’animation qui y règne, le plaisir qu’éprouvent leurs habitués
à les fréquenter seraient la preuve incontestable qu’ils
correspondent à ce que réclame le peuple. Dès lors, ce qui était
dénigré hier comme un « non-lieu » typique du règne de
l’individualisme consumériste sera réhabilité. Sous prétexte
qu’« on y déambule, qu’on y flâne, qu’on y attend, qu’on
s’y rencontre ou qu’on y bavarde comme dans n’importe quel
autre lieu animé de la ville », il sera célébré comme un nouveau
haut lieu de l’« urbanité contemporaine », à la grande
satisfaction des commerçants et des publicitaires [6]. Une vision
quelque peu irénique qu’un écrivain étatsunien à l’esprit
caustique qualifiera de « populisme de marché » [7].
Il
a paru intéressant, dans ces conditions, d’étudier la gestation
hors du centre-ville traditionnel d’un autre type — ou supposé
tel — de centralité urbaine à l’initiative et sous le contrôle,
cette fois-ci, des pouvoirs publics : Odysseum à Montpellier.
Certes, au vu de ses formes urbanistiques et architecturales, de son
contenu programmatique et ses modalités de réalisation, cet «
espace public inédit » ne paraît pas très différent de ce que
l’on peut déjà voir ailleurs en France et, surtout, à
l’étranger, contrairement de ce que cherchent à faire accroire
les édiles montpelliérains. En revanche, la rhétorique
performative qu’ils mettent en œuvre depuis une dizaine d’années
à l’aide de tous les artefacts disponibles en matière de «
communication » pour mobiliser la population locale autour du projet
et l’impliquer dans sa réussite va bien au-delà des stratégies
et des méthodes habituelles de marketing en usage parmi les
promoteurs privés de centres commerciaux. À tel point que, lorsque
l’on « parle » à Montpellier d’Odysseum, on ne sait pas trop
s’il s’agit de l’espace réel construit sous ce nom ou bien de
la (re)construction narrative dont il fait simultanément l’objet
de la part de la municipalité ou de la Communauté d’Agglomération
[8], et de leurs conseillers en publicité.
Cette
difficulté à démêler ce qui renvoie aux caractéristiques
concrètes de l’Odysseum, de ce qui est diffusé et infusé par les
instances publiques locales à son propos dans l’imaginaire des
usagers actuels ou potentiels, laisse quelque peu perplexe.
L’identification d’un espace à vocation principalement
commerciale à un espace public, et son aptitude à incarner une
centralité urbaine nouvelle tiendraient-elles moins, de nos jours, à
sa configuration matérielle et aux activités qui y prennent place
qu’aux récits officiels plaqués sur lui pour assurer sa promotion
? Les habitants qui le fréquentent sont-ils encore en mesure de le «
vivre », c’est-à-dire de le pratiquer et de se le représenter,
de manière autonome, ou leurs perceptions et leurs conduites ne
sont-elles pas devenues largement tributaires des histoires pour ne
pas dire des mythes répandus pour organiser leur expérience urbaine
? N’y aura-t-il bientôt plus, en fin de compte, dans l’esprit de
citadins subjugués par des fictions préférées à la réalité,
d’autre espace public qu’un espace publicitaire ? Car comment
dénommer autrement ce complexe soi-disant ludique installé à
grands frais en périphérie [9] où, du fait de la mise en récit et
en scène des possibilités qu’il est censé « offrir », chacun
sera persuadé de pouvoir se comporter en acteur libre de « zapper »
d’un « espace de consommation-plaisir » à un autre sans voir le
contexte cadré qui ne fera que le confirmer — et le conformer —
davantage dans son statut et sa fonction de consommateur.
UNE
CENTRALITÉ URBAINE PROGRAMMÉE
Si
l’on en croit les publications destinées à la population locale
émanant de la mairie de Montpellier ou de la Communauté
d’agglomération, la création de ce « centre ludico-commercial »
[10], dont une partie a déjà été construite et ouverte au public,
sur un territoire alors non encore urbanisé obéirait en premier
lieu à des finalités urbanistiques et culturelles, donc distinctes
de celles qui président d’ordinaire à l’apparition des centres
commerciaux périphériques. À la différence de ces derniers, ce
nouveau lieu public, localisé à l’est de l’agglomération
existante pour rééquilibrer son développement à venir en
direction de la mer, ne serait pas fréquenté par des consommateurs
passifs et aliénés uniquement motivés par la nécessité ou la
pulsion d’achat, mais des « visiteurs » d’abord « en quête de
découverte, de fête et de convivialité urbaine ».
Pour
peu que l’on y regarde de près, cependant, que ce soit en
consultant des documents non rendus publics, en interrogeant certains
responsables de l’opération ou gestionnaires d’équipements, ou,
simplement, en se promenant sur le site, l’impression est tout
autre. Présenté par la municipalité et ses chargés de «
communication » comme un projet urbain dont les composantes
commerciales ne seraient que des moyens pour atteindre des fins
autres que mercantiles, l’Odysseum ressemble plutôt à un
dispositif, à la fois matériel et idéologique, où la place et le
rôle impartis au « ludique » apparaissent surdéterminés par une
logique strictement marchande. « Un centre commercial habillé en
zone de loisirs », titrait un quotidien national alors que les trois
des premiers équipements « ludiques » étaient sortis de terre
[11]. On viendra peut-être, en effet, dans cet endroit « par
plaisir et non plus par obligation », mais sa « visite » s’annonce
au moins aussi dispendieuse que les courses dans les grandes surfaces
de n’importe quelle périphérie. Sous couvert de ne plus
considérer les gens comme de simples consommateurs, mais comme des
citadins à part entière, de faire perdre à l’acte d’achat son
caractère prosaïque en nimbant l’environnement où il s’effectue
d’une aura « magique », on ne fait que tester de nouvelles voies
pour « fidéliser le client ». Autrement dit, cet « espace public
inédit » est destiné, avant tout, à fonctionner comme un espace
publicitaire au profit des promoteurs immobiliers et des « enseignes
» [12] déjà présents ou susceptibles de s’installer sur le
site, voire pour la ville de Montpellier elle-même, à qui il
apporterait une « image de marque » voulue originale afin
d’améliorer, comme disent les experts en marketing urbain, son «
positionnement sur le marché français des métropoles ».
Pour
savoir en quoi consiste et à quoi doit servir Odysseum selon la
vision officielle des acteurs publics, on peut prendre pour point de
départ la définition qu’en donnait l’initiateur du projet,
l’ancien maire de Montpellier, aujourd’hui président de la
Communauté d’agglomération montpelliéraine et, également, de la
région Languedoc-Roussillon. Odysseum, selon Georges Frêche, est «
un vaste espace public à vocation ludique et marchande, complément
naturel au XXIe siècle du vieil Écusson — surnom du centre
historique de Montpellier —, conçu pour permettre le développement
harmonieux de Montpellier et de son agglomération » [13]. Prenant
place dans le Schéma d’Organisation et de Cohérence Territorial
[14] approuvé par la suite, dont il constitue l’un des éléments
majeurs, l’Odysseum est censé, en effet, contribuer à réorienter
l’extension future de la métropole montpelliéraine.
En
rupture avec la structure radioconcentrique qui la caractérisait
jusqu’ici, l’expansion spatiale de l’agglomération serait
désormais canalisée en priorité « vers la mer » — dont
Montpellier est distante de 7 km — selon un schéma linéaire, le
long d’un axe nord-ouest/sud- matérialisé par la première ligne
de tram dont l’Oysseum constitue l’un des terminus. En mettant en
relation directe, grâce à ce moyen de transport collectif « rapide
et sécurisé », les principales fonctions de la ville et les
nouvelles zones à urbaniser sous une forme « compacte », les
autorités municipales affirment vouloir freiner [15], à défaut d’y
mettre fin, un étalement urbain à base de lotissements de maisons
individuelles qui a tendance à s’effectuer principalement au nord
de la ville, jusqu’à 20 ou 30 km à la ronde. Outre le gaspillage
en terrains, l’accroissement de la circulation automobile et
l’engorgement du centre-ville qu’il provoque, ce mode
d’urbanisation fait peu à peu disparaître les terres agricoles
subsistantes et surtout les « garrigues », espaces naturels
végétaux dont la préservation est considérée par la municipalité
et les experts en protection de l’environnement — mais non par
les maires des communes concernées, qui ont refusé d’intégrer la
Communauté d’agglomération — comme un impératif écologique.
Implanté
à 6 km de l’actuel centre-ville dont il ne serait que «
l’extension logique », l’Odysseum est situé, comme on l’a
signalé, à l’une des extrémités de la première ligne de
tramway, terminus provisoire puisque la ligne sera bientôt prolongée
d’une station supplémentaire pour desservir le cœur de
l’Odysseum, à savoir, comme il fallait s’y attendre, un «
Village commercial ». Ce moyen de transport collectif relie
directement le centre ludico-commercial aux autres points forts de la
ville : le grand ensemble de logements sociaux (25 000 habitants) de
la Paillade situé à l’autre bout de la ligne dans la partie
occidentale du territoire communal, à 8 km du centre-ville ; la
principale zone hospitalo-universitaire ; le siège du Conseil
général [16] ; le Corum, imposant bâtiment regroupant le palais
des congrès et un nouvel opéra ; la Place de la Comédie et ses
alentours, épicentre traditionnel de la vie urbaine montpelliéraine
; le Polygone, centre commercial de facture « moderne » construit
dans le prolongement de cette place sous l’égide de la
municipalité précédente ; le pôle multimodal des gares,
ferroviaire et routière ; Antigone, ensemble monumental de style «
néoclassique » — « mussolinien » ou « stalinien », disent ses
détracteurs — de logements, d’équipements « haut de gamme »
(siège du conseil régional, piscine olympique, médiathèque
centrale…), de bureaux, de cafés-restaurants et d’espaces
publics spectaculaires [17] ; les nouveaux quartiers d’habitation
récemment construits de part et d’autre des rives du Lez, un petit
fleuve qui se traîne vers la mer à l’est de l’agglomération,
et, enfin, faisant le lien avec l’Odyssseum, ceux de Port Marianne
et au-delà, une série d’opérations d’aménagement urbain de
grande ampleur (600 hectares de superficie) en cours de réalisation,
prévues pour accueillir environ 40 000 habitants sur les 115 000
supplémentaires prévus d’ici 2015 sur l’agglomération, ainsi
que des équipements collectifs et des bâtiments publics importants
(Cité universitaire, nouvelle mairie, parc métropolitain, centre
d’art contemporain…). [18]
Comme
à son habitude, le maire voyait grand. En plus de sa fonction de
centre urbain à l’échelle de la métropole, Odysseum devait
intégrer la vocation régionale voire supra-régionale de celle-ci.
Grâce à la proximité de l’aéroport, d’un échangeur
autoroutier captant les flux d’automobilistes venant du nord de la
France, d’Espagne et d’Italie, et d’une future gare de TGV
[19], ce « complexe de loisirs unique sur le pourtour méditerranéen
» était appelé à « rayonner non seulement sur les 600 000
habitants futurs de l’agglomération, et les 500 000 estivants des
plages voisines, mais aussi sur le losange Lyon, Nice, Toulouse,
Barcelone ». Or, si l’on n’entend plus guère parler de ce «
losange » depuis quelque temps, la capacité d’attraction
d’Odysseum ayant été revue, avec réalisme, un peu à la baisse,
il reste que, tant par le nombre et par la nature des équipements
rassemblés, que par l’aménagement des espaces publics destinés à
les mettre en valeur, ce « monde de loisirs et sensations aux portes
de la Méditerranée », pour reprendre l’un des multiples slogans
martelés pour assurer sa promotion, vise un potentiel de «
visiteurs » chiffré à plusieurs centaines de milliers.
Le
programme est effectivement à la hauteur des ambitions : 150.000 m²
de surfaces hors œuvre dont 90.000 m2 pour le commerce, ramenées
provisoirement à 60.000 m² en raison de l’opposition farouche de
la Chambre de commerce et des associations de commerçants du
centre-ville qui redoutaient la concurrence d’Odysseum [20]. Comme
l’exige sa double fonction, la programmation se décompose en un «
pôle ludique » et un « pôle commercial ». Au premier correspond
une série d’installations consacrées à la détente et à la
distraction : multiplexe cinématographique, patinoire à double
piste dont une « ludique » avec mur d’images, sonorisation
musicale et D’J pour l’animation, planétarium, aquarium «
océanique », complexe aquatique de remise en forme, palais de la
danse, complexe bowling-karting, wake shake (vague artificielle dans
un espace couvert pour surfer), mur d’escalade, lieux de
restauration « à thèmes », etc. Ces équipements devaient servir
de « locomotives » au « pôle commercial ». Celui-ci prendra la
forme d’un ensemble « intégré et paysagé » où coexisteront un
hypermarché, une douzaine de moyennes surfaces spécialisées et
plus d’une centaine de boutiques. Regroupées dans un « Village
commercial », elles seront « organisées autour d’un espace
végétal et d’un plan d’eau, et desservies par des rues semi
couvertes. Contrairement aux mails artificialisés des années 1980,
le village commercial ne sera pas climatisé, l’air naturel
circulant depuis l’eau et les espaces verts qui l’entourent »
[21]. Le tout sera « ordonné selon une composition scénographique
» qui donnera la priorité à la « valorisation de l’espace
public », car, précisait l’adjoint à l’urbanisme inspirateur
du projet, « les gens, demain, ne viendront plus seulement dans les
centres commerciaux pour acheter, mais pour voir » [22].
Cette
présentation, sur laquelle on reviendra plus loin, fait apparemment
la part belle au « public » : intervention publique, équipements
publics, transport public, espaces publics… Néanmoins, l’accent
mis sur le caractère public de l’opération, pour la distinguer
des centres commerciaux classiques, ne doit pas leurrer. Il ne sert
qu’à masquer la prédominance des intérêts privés qu’Odysseum
se doit de servir sous peine de faire perdre au projet ses conditions
de possibilité sinon sa raison d’être. Dès le départ, celui-ci
a été élaboré en « partenariat » avec des investisseurs et des
promoteurs privés. La part des collectivités locales dans le coût
total de l’opération ne dépasserait pas 10%, et c’est à deux
sociétés immobilières privées [23] — l’une est également
chargée de l’extension d’Eurodisney en région parisienne —,
qu’ont été confiées la conception, la réalisation et la
promotion du pôle commercial (montant de l’investissement 5 M
d’€). Et si la proportion des surfaces affectées aux magasins et
aux boutiques a été temporairement réduite par rapport au
programme initial, elle représente plus des deux tiers de la surface
de l’ensemble si l’on y inclue les restaurants et les cafés,
ainsi que deux « moyennes surfaces », l’une d’ameublement
(Ikea) et l’autre d’équipements sportifs (Décathlon) situées
en dehors du « village commercial ».
Pourtant,
si l’on s’en tient aux discours de la municipalité adressés au
public, l’Odysseum est bien autre chose qu’une sorte de centre
commercial « disneylandisé », parachuté et isolé dans un no
man’s land à l’écart de la ville avant que ne viennent
s’agglutiner tout autour dans le désordre des « résidences »
[24] qu’il aura vite fait de satelliser. Il constituerait, comme on
l’a signalé, l’une des composantes-clefs d’un projet global
d’aménagement urbain, mais aussi, plus largement, d’un « projet
de ville » pensé et mis en œuvre à l’initiative et sous
l’autorité des pouvoirs publics locaux. Dans ce projet, en effet,
l’urbanisme et l’architecture jouent un rôle essentiel, mais
celui-ci ne pourrait être compris qu’en l’articulant à d’autres
dimensions de la politique urbaine menée à Montpellier.
S’il
fallait résumer la stratégie globale revendiquée par la
municipalité visant à promouvoir la ville comme « métropole »,
on pourrait dire qu’elle obéit aux quatre commandements suivants :
1°
Une ville doit se construire une dynamique économique, c’est-à-dire
une logique de développement en prise avec les « mutations
technologiques » du système productif. Autrement dit prendre appui
sur une synergie de type « technopolitain », combinant
l’enseignement supérieur, la recherche et les activités de
pointe. Soit, des grandes écoles ou des départements universitaires
« ouverts sur le monde de l’entreprise », des laboratoires et
centres de recherche, et des industries et services « high-tech ».
2°
Une ville doit se redonner une forme physique, en d’autres termes
se livrer à un « body-building » urbanistique et architectural
pour adapter le cadre de vie à la vie de cadre menée par le type de
population attendue (ingénieurs, chercheurs, universitaires,
travailleurs de la « communication », etc.), c’est-à-dire des
actifs scolairement dotés, aux revenus « confortables », et
exigeants en matière d’habitat.
3°
Une ville doit se trouver un « look », c’est-à-dire se forger
une image personnalisée, innovante et attrayante, une nouvelle
identité à laquelle les habitants pourront s’identifier et qui
permettra aux étrangers de l’identifier. Et tout part de la
culture et des loisirs. Opéras, musées, médiathèques, palais des
congrès, parcs d’attractions, expositions et salons, festivals et
festivités y pourvoiront.
4°
Une ville, enfin, doit se faire un nom, en clair, un renom grâce à
la « communication ». Et tout est affaire de mise en discours. On
aura reconnu dans ces préceptes quelques uns des ingrédients
obligés du marketing auquel doivent avoir recours les élus locaux
pour « vendre » leur ville, dans une période où, dans le champ
urbain comme ailleurs, la concurrence, « libre et non faussée »,
fait rage. De ce point de vue, l’Odysseum jouerait en quelque sorte
le rôle de « produit d’appel » [25] : sa notoriété en tant que
« pôle d’excellence » en termes d’urbanité novatrice
rejaillirait sur l’ensemble de l’agglomération, rendue ainsi
plus attractive dans sa globalité. Reste à savoir si l’originalité
et la spécificité postulées de ce « produit » suffiront à le
rendre « compétitif ». Et, plus précisément, si l’argument
publicitaire qu’il peut constituer pour la ville à qui il servira
d’emblème réside dans ses qualités propres ou dans ce qui en est
conté. [26]
DU
PRODUIT AU RÉCIT
À
lire l’ouvrage que deux géographes urbains montpelliérains
consacrent à l’affirmation progressive de Montpellier comme «
métropole méditerranéenne », la ville, malgré de multiples
emprunts à une « modernité » qu’ils qualifient, un peu vite, «
de bon aloi », ne se serait pas « offerte aux arcanes d’une
mondialisation qui refuserait toute identification et toute référence
au local » [27]. Pourtant, telle qu’elle se concrétise à
Montpellier, la « vision moderne d’une ville de plus en plus
tournée vers le divertissement et les loisirs [28] », dont
l’Odysseum serait le symbole et le parachèvement, ne se distingue
guère de celle qui a cours parmi les élus locaux d’autres villes,
françaises ou étrangères, soucieux de les adapter, pour ne pas
dire les conformer, aux besoins du capitalisme « globalisé ». Les
deux auteurs reconnaissent eux-mêmes, d’ailleurs, que les «
ambiances volontiers qualifiées de méditerranéennes » dans les
discours du maire de Montpellier ne sont pas sans évoquer, une fois
transcrites sur les panneaux et les brochures publicitaires, les «
entertainment centers de Londres, Toronto, Singapour ou Miami »
[29]. De fait, c’est à la Floride ou encore à la Californie, que
fait irrésistiblement penser le décor urbain qui se met en place à
l’Odysseum : côtoiement de bâtiments aux styles contrastés «
post-modernes » et « futuristes », couleurs vives sinon criardes
de certaines façades tranchant sur la dominante pastel des autres
édifices, profusion de palmiers paraissant plus posés que plantés
sur le sol artificiel… Les illustrations des prospectus et des
numéros spéciaux de journaux consacrés à la promotion du nouveau
complexe, de même que les dessins, les planches et les maquettes des
architectes, confirment cette impression : ce qui est montré
emprunte largement aux shopping malls édifiés dans les edge cities
qui fleurissent sur les franges de la suburbia nord-américaine.
En
France même, on ne peut manquer de songer, surtout, même si
celui-ci ne peut rivaliser avec lui sur le plan du gigantisme et de
la démesure, à l’immense centre commercial de Val d’Europe
localisé au cœur de ce qu’il faut bien appeler Disneyland, au
sens propre du terme. Ce territoire qui correspondait à
l’emplacement prévu pour la dernière tranche de la ville nouvelle
de Marne-la-Vallée, à l’est de Paris, inscrite dans le SDAURP de
1965 [30], a été, en effet, concédé par la puissance publique à
l’empire Disney qui l’a bel et bien colonisé. Aux abords des
deux parcs d’attractions (Magic kingdom et Walt Disney studios) du
Paris Disney Resort, non loin du mall de commerces et de
divertissements du Disney village et des complexes hôteliers
aménagés en bordure du lac artificiel aménagé pour donner une
touche écologique à l’ensemble et en rehausser l’attrait, s’est
bâtie une véritable « Ville Disney », polarisée par le
néo-centre urbain de Val d’Europe. À l’affût d’investissements
immobiliers et de manne fiscale, les élus locaux des communes
voisines se sont empressés de donner carte blanche aux promoteurs
pour implanter des unités résidentielles « thématisées » dont
la typologie inspirées d’un « new urbanism » plus nostalgique et
passéiste que novateur, en dépit de son intitulé, est la marque de
fabrique architecturale de la firme Disney [31].
On
l’aura compris : le modèle « innovant » de centralité
périphérique ludo-commerciale que matérialiserait Odysseum n’est
que l’une des multiples copies dont l’original se trouve aux
Etats-Unis. Les aménageurs et les ingénieurs de la Société
d’Équipement de la Région de Montpellier (SERM), responsable de
la maîtrise d’ouvrage du projet, avaient effectué au préalable
plusieurs voyages, en particulier outre-atlantique, pour étudier les
complexes de loisirs et de commerces qui rencontraient le plus de
succès. L’un d’entre eux, en particulier, les aidera à trouver
« un concept qui colle à la civilisation des loisirs dans laquelle
nous entrons », selon le directeur de la SERM : Coco Walk à Miami,
dont Odysseum serait une réplique « méditerranéenne » [32]. Et
c’est à un cabinet canadien, Design International, qui avait
réalisé plusieurs de ces complexes, que la municipalité de
Montpellier confiera la mission de concevoir le plan d’ensemble
initial de l’Odysseum. Un choix audacieux pour un centre urbain
dont la modernité, en phase avec la mondialisation, n’exclurait
pas pour autant « toute identification et toute référence au local
» : les architectes, paysagistes et graphistes de cette agence
avaient déjà dessiné la Pleasure Island de Disneyworld en Floride
!
Il
est donc évident que l’on ne saurait, sur ce point comme sur bien
d’autres, prendre au pied de la lettre et au sérieux les envolées
à la gloire d’Odysseum dont la mairie et la Communauté
d’Agglomération gratifient régulièrement les habitants de
Montpellier ou les touristes. D’un discours à l’autre, le
chiffre des « visiteurs » attendus ne cesse de fluctuer, même s’il
reste toujours mirifique, et certains équipements initialement
annoncés (un « palais de la danse », un « roller dôme » pour
les adeptes du patinage à roulettes sportif ou acrobatique, un
restaurant « sur le thème de l’aventure africaine ou
australienne »…) disparaissent ensuite de la liste sans qu’aucune
explication ne soit donnée. D’autres, lancés à grand bruit,
ferment leurs portes peu après dans la plus grande discrétion, tel
le Pavillon Royal, un music-hall qui renouait avec la tradition du
repas-spectacle, placé en liquidation judiciaire trois mois après
son inauguration. Cela dit, à en rester à la dénonciation ironique
de l’écart entre les promesses et la réalité, on risque de ne
pas remarquer, dans cet écart, l’effet et l’illustration d’une
stratégie de « communication » de plus en plus répandue
aujourd’hui dans de nombreux domaines, mais que le maire de
Montpellier et ses collaborateurs furent les premiers et longtemps
les seuls en France à appliquer de manière systématique pour
populariser leurs choix urbanistiques et architecturaux.
Cette
stratégie consiste purement et simplement à « créer la réalité
» à partir de fictions qui viennent combler le vide laissé par la
fin des « grands récits », c’est-à-dire, pour être clair,
l’évanouissement des idéaux progressistes d’émancipation
collective. À des degrés et des rythmes variables selon les pays,
l’effondrement des utopies de transformation sociale et la longue
suite de déconvenues politiques ont provoqué un désenchantement
général dans l’imaginaire populaire. Pour le plus grand nombre,
la dégradation continuelle des conditions d’existence, la longue
suite des espoirs déçus et des défaites subies et, pour couronner
le tout, la prise de conscience d’une dévastation écologique
générale qu’aucun « développement durable » ne semble devoir
entraver, ont mis fin à la vision optimiste de l’avenir qui avait
prévalu durant des décennies, y compris parmi les démunis. De plus
en plus incertain, le futur apparaît au contraire inquiétant voire
angoissant. D’où, pour ne pas céder complètement à
l’abattement, une propension névrotique à se rabattre sur le
présent.
C’est
ce temps devenu immobile faute de perspectives crédibles de
changement positif, que les pouvoirs publics et les puissances
privées ont entrepris de réenchanter à tout prix. Car rien ne
garantit, pour les dominants, que le découragement et la résignation
des dominés durent éternellement. La révolte peut ressurgir de
façon inopinée, d’autant plus violente qu’elle est désormais
privée d’horizon d’attente. Ainsi, la « grande Histoire »
dotée d’un « sens », c’est-à-dire à la fois une direction et
une signification fondées sur l’espérance — ou le pari — de
l’avènement d’un monde meilleur, sinon du meilleur des mondes,
a-t-elle fait place aux « petites histoires » réconfortantes et
édifiantes diffusées en « temps réel » par des professionnels de
l’affabulation, en faisant appel aux technologies de l’information
et de la communication les plus performantes.
Conceptualisée
et mise en œuvre sous le néologisme de « storytelling » à partir
du début des années 90 du siècle dernier aux États-Unis, la
narration comme technique de gestion et de contrôle s’est
rapidement diffusée de par le monde « développé » ou en voie de
l’être. Elle est employée non seulement dans le marketing et le
management d’entreprise, mais aussi dans la propagande politique,
la mise en condition de l’« opinion publique » lorsqu’il s’agit
de défendre par les armes l’ordre capitaliste et même la
préparation des combattants à la guerre (soldats, policiers,
mercenaires) contre les ennemis de l’extérieur ou de l’intérieur
[33]. Étayé sur des procédés de plus en plus sophistiqués de
simulation/stimulation sensorielle, notamment, électroniques et
audio-visuels, le récit en tant que moyen de mise en condition
idéologique et psychologique consiste à immerger l’individu dans
un univers thématisé et scénarisé, (ré)inventé de toutes
pièces, en prise directe sur son imaginaire, ses affects et ses
émotions, afin de le priver de toute aptitude au raisonnement
rationnel et ajuster ainsi ses désirs, ses réactions et ses
comportements aux objectifs poursuivis : vendre, mobiliser,
inculquer, entraîner….
Sans
doute les mises en scènes auxquelles elle donne lieu peuvent-elles
paraître parfois burlesques voire franchement grotesques, pour peu
qu’on les soumette à la rationalité critique. Mais on aurait tort
de ne pas prendre au sérieux le principe d’action qui les inspire
puisqu’il vise ni plus ni moins qu’à annihiler cette rationalité
en la paralysant ou en la court-circuitant. Sous ses dehors
plaisants, cette « machine à fabriquer des histoires » ne fait pas
autre chose que « formater les esprits » [34]. Dans le cas de la «
disneylandisation » de certains secteurs urbains ou de villes
entières, elle risque de rendre inopérantes sinon caduques les
déplorations sur « la fin des espaces publics » [35], puisque
ceux-ci ne seraient plus identifiés, une fois le processus parvenu à
son terme, qu’aux espaces publicitaires devenus la seule réalité
de référence grâce à la « magie du récit » accompagnant leur
promotion. À cet égard, la fabulation qui accompagne Odysseum
depuis que le nom de baptême du projet fut publiquement dévoilé,
au cours de l’été de 1998, constitue un modèle du genre.
Ce
nom, on s’en doute, ne fut pas choisi au hasard, et sa divulgation
orchestrée avec soin constitua en quelque sorte le coup d’envoi du
récit. Avec l’indéniable sens pédagogique dont il avait déjà
fait montre lors du lancement du quartier Antigone [36], puis du
Corum, palais des congrès et opéra fusionnés en un seul bâtiment
[37], le maire de Montpellier, secondé par son staff de concepteurs
— dans la novlangue publicitaire devenue de rigueur, y compris en
architecture, Odysseum est d’abord un « concept » — s’employa
à faire savoir à ses administrés, en utilisant toutes les
ressources de la panoplie médiatique, pourquoi cette appellation
avait été choisie.
On
ne sera pas étonné d’apprendre que c’est « en référence à
l’Odyssée d’Ulysse, parce que c’est à une véritable aventure
que nous convions les visiteurs, et aussi pour réaffirmer
l’attachement de Montpellier à sa situation de ville de la
Méditerranée » [38]. Néanmoins, pour une « métropole tournée
vers l’avenir », cette incursion sémantique ne pouvait se limiter
à une plongée dans le passé. De fait, « l’Odysseum, c’est
aussi une référence à l’Odyssée de l’espace, à la grande
aventure du futur, à la technologie » [39]. Le choix de ce nom
était donc « judicieux », comme le maire et ses adjoints à
l’urbanisme ou à la culture se plaisaient à le souligner. Ne
permet-il pas de jongler avec le temps et l’espace ? « De culture
profondément méditerranéenne, Montpellier n’oublie pas ses
racines, ses traditions, et son histoire, tout en s’engageant
passionnément dans le XXIe siècle », claironnait ainsi G. Frêche
à un journaliste parisien. Emporté par son élan, il ajoutait : «
Montpellier, d’un seul coup, va sauter vingt-six siècles. On passe
de la Grèce antique à Los Angeles ! [40] » Et le maire de se
féliciter, une fois de plus, de ce terme qui renvoie « au monde
grec, aux exploits d’Ulysse, avec une terminaison romaine [sic]
[41], mais aussi à 2001 : l’Odyssée de l’espace, à Bruce
Willis à Schwarzenegger, et donc à la jeunesse du monde [re-sic] ».
Ce
que le maire aurait pu ajouter, pour enrichir encore le voyage
imaginaire auquel il conviait ceux qui l’écoutaient, c’est que
Odysseum avec sa « terminaison romaine », évoquait également le
Colisée. Ce rapprochement avec le gigantesque amphithéâtre édifié
Rome sur l’ordre de l’empereur Vespasien ne saurait surprendre
étant donnée la mégalomanie devenue légendaire du premier
magistrat de la ville de Montpellier. Le gros titre qui figurait dans
le quotidien local, au lendemain de l’inauguration du chantier par
le maire, truelle à la main, était éloquent : « Odysseum : les
nouveaux travaux d’Hercule-Frêche » [42].
En
fait, par-delà la personnalité de G. Frêche et aussi la propension
séculaire des « méridionaux », c’est-à-dire des habitants du
sud de la France, à l’exagération, il faut savoir que l’enflure
discursive aux dépens de la véracité des faits compte parmi les
procédés rhétoriques inhérents au storytelling : peu importe que
l’histoire racontée aux gens soit éloignée de la vérité voire
carrément mensongère, pourvu qu’elle soit assez captivante pour
les dissuader se demander si elle est fausse ou vraie. C’est
pourquoi la pléiade d’universitaires dont s’entoure le maire
pour le conseiller, mais aussi pour en faire les avocats ou les
hérauts de sa politique, n’est pas la dernière à faire chorus
avec lui pour forcer le trait voire la vérité, et bluffer leurs
auditeurs ou leurs lecteurs, quitte à en prendre à leur aise avec
la rigueur intellectuelle qu’exige par ailleurs le métier
d’enseignants ou de chercheurs.
«
Vitrine ludique d’une métropole regardant à nouveau vers la
Méditerranée », « Proue tournée vers la mer », « Montpellier
sur mer », « L’Odysseum prend la mer »… Destinées à
mobiliser la population locale autour du projet, ces figures
métaphoriques sont forgées ou reprises par des professeurs de
géographie. Or, ces derniers sont bien placés pour savoir que le
nouveau centre urbain, pas plus que la construction des quartiers de
Port-Marianne, ne parviendra à effacer ni la dizaine de kilomètres
ni les communes [43], sans parler des étangs, qui séparent la ville
du littoral. À Port Marianne, l’eau n’est présente que sous la
forme d’un modeste bassin, vestige d’un projet avorté de port de
plaisance relié à la mer par le fleuve. Bien que ce mince cours
d’eau fût impropre à la navigation sur la partie qui mène à
Montpellier [44], il fallait une fable qui fasse rêver pour «
vendre » les nouveaux quartiers qui seraient édifiés à proximité,
d’abord symboliquement aux Montpelliérains, et pratiquement,
ensuite, aux promoteurs puis aux acquéreurs de logements. Port
Marianne ne sera jamais l’« escale recherchée des navigateurs du
XXIe siècle » promise par le maire à ses administrés. Mais le
récit a fonctionné et le nom s’est imposé.
Au-delà
de la rationalité urbanistique qui peut justifier de prolonger le
développement spatial de la ville en direction de la « Grande bleue
» [45], ce qui compte avant tout, c’est, comme le disent les
stratèges locaux de la communication, d’« ancrer l’idée de mer
dans le schéma mental montpelliérain ». Comme l’admet lui-même
l’un des géographes déjà mentionnés, qui n’hésite pas, comme
G. Frêche ou d’autres personnalités proches de celui-ci, à
puiser dans l’histoire lointaine de la région des références
plus ou moins fantaisistes pour attester la vocation maritime
retrouvée de la ville, « il ne s’agit pas tant aujourd’hui
d’amener physiquement la ville jusqu’à la mer. Il s’agit de la
rapprocher de l’idée de la mer » [46]. Un enseignant d’histoire,
que les « reconstitutions » évocatrices à propos d’un prétendu
passé fluvio-portuaire de Montpellier ne pouvaient que laisser
sceptique, avouera quand même être, lui aussi, séduit : « Il me
plaît que cette progression vers la mer soit décrite comme une
épopée » [47].
Jean-Pierre
Garnier
De
l’espace public à l’espace publicitaire.
Odysseum
à Montpellier
L’Homme
et la Société | n° 174, décembre 2009.
NOTES
[1]
La citation choisie pour exergue est aussi l’intitulé d’un
ouvrage, traduit en France aux éditions Maxima (Paris, 2007). Seth
Godin, consultant, chef d’entreprise et agent de change est aussi
un auteur étasunien dont les best sellers et les conférences sont
très appréciés dans les milieux d’affaires.
[2]
Henri Lefebvre, Le Droit à la ville, Anthropos 1968.
[3]
Michel Peraldi (sous la dir.), « Rapport d’échange et ordre moral
: l’épaisseur sociale de la grande surface : le cas de Plan de
Campagne », Lames-MMSH-CNRS, 2001 ; Samuel Bordreuil (sous la dir.),
Champs relationnels, champs circulatoires, “ ville émergente” et
urbanité au prisme de Plan de campagne, Lames-MMSH-CNRS, 2001.
[4]
Yves Chalas (sous la dir.), La Ville émergente, Dunod, 1996.
[5]
Ibid.
[6]
Samuel Bordreuil, op. cit.
[7]
Tom Frank, One market under God : Extreme capitalism, market populism
and the end on economic democracy, Doubleday, New York, 2000.
[8]
Cette structure intercommunale regroupe actuellement 31 communes qui
totalisent environ 400 000 habitants.
[9]
La présentation, vers la fin des années 80, par la municipalité de
Montpellier, de l’extension et du réaménagement de la place de la
Comédie, centre traditionnel et symbolique de la ville, comme
inscrites dans un processus de « théâtralisation de la vie urbaine
», participait de la même stratégie de « communication ». Cette
fiction pouvait d’autant mieux fonctionner que le lieu s’y
prêtait en raison de son histoire, de la mémoire et des usages des
habitants, et… de sa dénomination même.
[10]
Ou « ludo-commercial ». Du latin lus : le jeu.
[11]
Libération, 4 janvier, 2000.
[12]
Enseigne : terme métonymique utilisé dans les milieux économiques
et médiatiques pour désigner, à partir du sigle propre à une
chaîne de distribution, les magasins où sont vendus ses produits.
Ex : Mac Donald’s, Ikea, Zara…
[13]
Georges Frêche, éditorial, Montpellier, votre ville, octobre 1998.
[14]
Schéma d’Organisation et de Cohérence Territorial (SCOT) :
document fixant les orientations principales en matière
d’aménagement du territoire, d’urbanisme et de transport à
l’échelle d’une communauté d’agglomération.
[15]
Le tracé sud-ouest/nord de la deuxième ligne de tramway semble
toutefois démentir quelque peu cette volonté.
[16]
Institution représentative du département, collectivité
territoriale placée entre la commune et la région dans la
hiérarchie française des instances administratives élues.
[17]
Cette réalisation urbanistique et architecturale, dessinée par
Ricardo Bofill, a valu à Georges Frêche une réputation
internationale de « maire-bâtisseur », confirmée par d’autres «
grands projets » lancés par la suite.
[18]
Comix-collage de Barthélémy Schwartz. À voir sur
http://barthelemybs.wordpress.com/
[19]
TGV : train à grande vitesse reliant les principales villes
françaises.
[20]
Il en résultera une série de procès, de demandes d’annulation et
de recours, démêlées juridiques qui se solderont par un retard de
4 ou 5 ans par rapport au calendrier des travaux prévus.
[22]
Supplément à Montpellier, votre ville, octobre 1999.
[23]
Ségécé, filiale de la société Klépierre, elle-même filiale
immobilière de la BNP, 2ème propriétaire et 1er gestionnaire de
centres commerciaux en Europe continentale. Et Icade-Tertial, filiale
immobilière de statut privé de la Caisse des Dépôts. Celle-ci est
une institution financière publique exerçant des activités
d’intérêt général pour le compte de l’État et des
collectivités territoriales, mais aussi, à travers ses filiales,
des « activités concurrentielles ».
[24]
« Résidence » : appellation valorisante donnée par les promoteurs
immobiliers à un ensemble de logements conçu comme un tout cohérent
et fermé sur lui-même, destiné à une clientèle aisée.
[25]
Produit d’appel (ou d’attraction) : dans le jargon du marketing,
cette expression désigne un produit mis en avant en raison de ses
qualités (et/ou de son prix intéressant), et bénéficiant d’une
opération de « communication » pour attirer le consommateur sur le
lieu de vente dans l’espoir qu’il achètera également d’autres
produits dont la marge, pour le distributeur, est plus rémunératrice.
[26]
Comix-collage de Barthélémy Schwartz. À voir sur
http://barthelemybs.wordpress.com/
[27]
R. Ferras, J-P Volle, Montpellier Méditerranée, Économica, Paris,
2002.
[28]
Ibid.
[29]
Ibid.
[30]
Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région de
Paris.
[31]
Sur cette vitrine européenne de l’architecture urbaine à la mode
Disney, lire : Pierre Chabard, « Une souris et des hommes,
L’architecture comme thème à Val d’Europe, 1987-2005 », Les
Cahiers du Musée national d’art moderne, printemps 2006.
[32]
Libération, 4 janvier 2000.
[33]
Christian Salmon, Storytelling. La machine à fabriquer des histoires
et à formater les esprits, La Découverte, 2007.
[34]
Ibid.
[35]
Michael Sorkin (ed.), Variation on a Theme Park : The New American
City and the End of Public Space, New York, 1992.
[36]
Outre la référence à l’héroïne de la mythologie grecque, le
maire, juriste féru d’histoire ancienne méditerranéenne,
entendait marquer symboliquement par cette appellation l’opposition
— anti en grec signifie « contre », « en face » — entre cet
ensemble de logements sociaux à l’architecture néo-baroque et le
Polygone, centre commercial « moderne » édifié par son
prédécesseur.
[37]
Le vocable « Corum » qui le désigne mixe plusieurs connotations :
le forum romain (la fonction d’accueil des congrès d’affaires,
et des symposiums et colloques scientifiques), le cœur de la ville
(emplacement) et… les chœurs de l’opéra.
[38]
« L’Odysseum en 8 questions », Montpellier, notre ville, octobre
1999.
[39]
Ibid.
[40]
Télérama, n° 2603, 1er décembre 1999.
[41]
La « terminaison romaine » avait déjà été employée, comme on
l’a noté, pour baptiser le nouvel opéra-palais des congrès.
[42]
Midi libre, 2 août 1998.
[43]
Lattes et Palavas, au sud, et Pérols et Carnon, au sud-est.
[44]
De coûteux travaux de creusement, d’approfondissement et de
canalisation avaient été envisagés. Mais ils ont dû rapidement
céder la place des travaux d’endiguement plus urgents : sous
l’effet du réchauffement de l’atmosphère, les zones littorales
sont menacées d’être en partie submergées par la montée des
eaux d’ici deux ou trois décennies. Ce ne serait pas Montpellier
qui se serait « rapproché de la mer » mais l’inverse !
[45]
Surnom populaire donné par les Français à la mer Méditerranée.
[46]
Libération, 15-16 décembre 2001.
[47]
Ibid.
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