FRANQUIN | Idées Noires | Planche 33 * |
L’art des grands projets inutiles
L’arte delle grandi opere inutili
Grandes proyectos inútiles
Alain
Devalpo
Le
Monde Diplomatique | août 2012
Les
grands projets d’aménagement du territoire ne visent pas toujours
à satisfaire des besoins. Pour vendre la construction d’une ligne
de train à grande vitesse que peu de gens souhaitent utiliser ou
celle d’un aéroport dans une région qui n’en nécessite pas,
ingénieurs, promoteurs et maîtres d’ouvrage rivalisent d’habileté
et de rhétorique. Justifier l’inutile est devenu une véritable
culture dont on peut saisir les règles, les rites et les rythmes en
lisant la conclusion d’un séminaire — fictif — sur le sujet.
Vous, bâtisseurs de cathédrales du nouveau millénaire, poursuivez un dessein plein d’esprit et de noblesse. Mais la population ne comprend pas toujours le sens de vos rêves. « Votre projet ne sert à rien ! », vous oppose-t-on parfois. Comment, dans ces conditions, faire fructifier vos ambitions ?
Les
intervenants que nous venons d’entendre ont su nous faire partager
leur inestimable expérience, et je vais tenter de dégager les axes
stratégiques forts qui vous aideront à y parvenir.
Commençons
par les transports. C’est un réconfort pour le bâtisseur
contemporain que d’observer une campagne traversée comme l’éclair
par des trains perchés sur leur digue de ballast. La course à la
mobilité est synonyme de réussite. Nos sociétés vivent à la
vitesse d’Internet. L’économie est un écheveau de flux tendus.
L’homme doit s’y soumettre, et ce secteur offre un large éventail
d’opportunités.
Pour
séduire vos interlocuteurs, la démesure sera votre premier atout.
Incitez vos ingénieurs à ébaucher des plans pharaoniques : percer
cinquante kilomètres de tunnel sous les Alpes pour le tracé du
train à grande vitesse (TGV) Lyon-Turin, mettre en valeur des
milliers de mètres carrés de bocage pour implanter un aéroport
dans la région nantaise, creuser sous la ville de Barcelone…
L’exploit technologique, nourrissant l’orgueil national,
occultera les désagréments pour les autochtones.
Sachez
tirer parti de la concurrence entre métropoles : elle favorise le
gigantisme et sert vos projets. Labourez le terrain politique en
flattant la mégalomanie des grands élus qui rêvent tous d’une
tour Eiffel dans leur cité. Une fois que vous aurez gagné leur
confiance, ils sauront faire pression sur la cohorte des élus plus
modestes, dont les finances seront ponctionnées même si les
retombées pour leur territoire n’existent que sur le papier. Afin
qu’aucune objection ne s’élève, votre pari sur l’avenir devra
être pourvoyeur d’emplois. Le chantier terminé, si l’on vous
fait remarquer que les promesses ne sont pas tenues, il sera toujours
temps d’échafauder des analyses vous dédouanant : la crise, la
crise ! Jouez de vos accointances gouvernementales pour obtenir un
label d’intérêt général : ce dispositif administratif procure
un véritable passe-droit.
Entourez-vous
de bureaux d’études maîtrisant l’art de sophistiquer les
dossiers jusqu’à les rendre indéchiffrables. Quand le fait le
plus anodin se présente de manière abstraite, les curieux se
découragent. La science étant l’apanage des scientifiques, seul
un polytechnicien sera en mesure de compter les trains d’une ligne
L durant un temps t. Pour se forger un avis, les élus s’en
tiendront aux conclusions de vos études sérieuses, véridiques et
bien intentionnées. Inutile, en revanche, de déployer trop de
subtilité pour approcher la presse régionale : c’est un allié
toujours fiable, et la générosité de votre régie publicitaire
sera perçue par ce secteur sinistré comme un geste en faveur de la
liberté de la presse.
Lorsque
vous vous estimez en mesure d’œuvrer en harmonie avec les élus et
les médias, présentez le plan de financement. Le secteur français
de la grande vitesse fonctionne selon un schéma avisé. Réseau
ferré de France (RFF) cumule des dizaines de milliards d’euros de
dettes (1). Plusieurs lignes à grande vitesse (LGV) sont
déficitaires, et le réseau secondaire se détériore. Pourtant, il
faut se féliciter qu’une élite mobile bénéficie des TGV. Même
si l’Espagne, numéro un européen en la matière, se trouve en
pleine tempête financière, l’audace commande de persister dans la
construction de deux mille kilomètres de voies nouvelles, pour un
budget moyen de 20 millions d’euros le kilomètre.
Pour
financer ces projets à la viabilité économique plus que douteuse,
il est capital d’emprunter la voie des partenariats public-privé.
En obtenant la construction, la maintenance, la gestion et
l’exploitation d’une infrastructure, votre maîtrise sera totale,
et les collectivités publiques vous seront pieds et poings liés.
Vos experts expliqueront que vos bénéfices reflètent votre
patriotisme, et le fardeau des pertes publiques sera dépeint comme
un moindre mal au regard des emplois — hum ! — créés.
Au
vu de l’ampleur des déficits budgétaires actuels, l’enveloppe
présentée (qui explosera par la suite) pourra sembler exorbitante à
vos commanditaires. Afin qu’ils fassent avaler aux contribuables
des pilules de plusieurs milliards d’euros, fournissez-leur des
chiffres propres à enivrer les plus sceptiques. Certaines données
sont à minimiser, d’autres à amplifier. C’est en spéculant sur
des besoins futurs que vous hypnotiserez vos concitoyens. Multipliez
les tonnes de fret de marchandises et les passagers par millions,
sans hésiter à flirter avec l’absurde. Seul un avenir où vous
aurez gagné pourra vous donner tort.
Si
le domaine du transport ferroviaire réserve de juteux contrats, ne
négligez pas l’aérien, à l’exemple du projet d’aéroport du
Grand Ouest, à Notre-Dame-des-Landes. Nantes est certes pourvue d’un
aéroport sous-exploité, et la région, en cul-de-sac, en accueille
déjà douze. Mais c’est oublier que l’époque est à la
virtualité. Car enfin, il n’est nul besoin de besoins pour faire
prospérer une idée !
Evoluer
avec son époque a un coût. Il est bien sûr regrettable d’ensevelir
des hectares de biodiversité sous des bijoux de technologie, mais
ces sacrifices sont indispensables. Avec une législation de plus en
plus contraignante, vos infrastructures doivent offrir des garanties
d’insertion écologique et paysagère. Il existe de nombreux
artifices pour enduire acier et béton du vert HQE (haute qualité
environnementale) : un musée sur l’agriculture locale, des
panneaux solaires, un toit végétal…
Il
vous faudra, sur ce dossier, conserver un moral à toute épreuve.
Car, malgré tous vos engagements, les écologistes aboieront. Ils
seront rejoints par une foule d’esprits influençables, dont
l’approche naïve peut dresser un obstacle imprévu. Un retraité
dans la force de l’âge se révèle parfois un adversaire
opiniâtre, qui va décortiquer vos plans de manière obsessionnelle.
On le déplore au Pays basque, autour du projet de LGV vers l’Espagne
: un argumentaire enflammé, livré par deux trublions (2), est
relayé par les réseaux alternatifs. Misez sur votre service de
communication pour leur barrer l’accès aux médias de grande
envergure. Evitez que la contestation ne s’étende, ne devienne
emblématique ou gagne les tribunaux administratifs, au risque d’un
gel des chantiers.
Une
bataille de chiffres ne peut opposer que des adversaires de même
catégorie. Face aux arguments amateurs, invoquez la rigueur
technocratique de vos spécialistes. Avec l’ardeur des pionniers,
brandissez l’intérêt national, voire international, face à la
vision passéiste de vos contradicteurs. Revendiquez votre
participation sincère et transparente aux concertations publiques.
Compte tenu de vos soutiens politiques et médiatiques, le dialogue,
mené selon les méthodes adéquates, ne devrait pas vous inquiéter.
La
contre-offensive doit être graduée. Vous devrez peut-être piloter
une campagne de dénigrement par voie de presse. Si vous n’étouffez
pas la révolte dans l’œuf, votre lobbying devra œuvrer à la
criminalisation de l’opposition à votre ouvrage. A la légitimité
revendiquée par les protestataires, répondez par la légalité
institutionnelle et le recours à la force publique. Et si on vous
accule au bras de fer, montrez votre détermination ; vous aussi avez
le droit de vous exprimer ! Au nom de l’intérêt général,
assignez, inondez les protestations sous des nuages de gaz
lacrymogène, distribuez les amendes par milliers et faites
éventuellement interpeller à tour de bras, comme en Allemagne pour
la nouvelle gare de Stuttgart. La bataille peut aussi se gagner manu
militari, comme nous l’enseigne l’expérience contre le maquis
radical des « No TAV » (3) du val de Suze, en Italie. Si la
tournure des événements l’impose, la possibilité de décréter
un chantier « zone militaire d’intérêt stratégique » n’est
pas à écarter.
Certes,
planifier un grand marché public s’avère de plus en plus
laborieux ; mais le jeu en vaut la chandelle. Les concessions
accordées par les autorités s’étalent de nos jours sur plus d’un
demi-siècle. Pour votre entreprise et vos actionnaires, c’est la
promesse de décennies de prospérité. D’autant que l’éventail
des pyramides du futur ne cesse de s’élargir : groupes
hospitaliers, centres commerciaux, quartiers d’affaires,
infrastructures sportives, tours (4)... Pour paraphraser George
Orwell, dont l’un des personnages déclarait : « La guerre, c’est
la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est
la force », je n’hésiterai pas à l’affirmer : l’inutile,
c’est rentable !
Alain
Devalpo
Journaliste.
(1)
Marc Fressoz, FGV, Faillite à grande vitesse, Le Cherche Midi,
Paris, 2011.
(2)
Pierre Recarte et François Tellier, Les Rails de la déraison. La
très grande vitesse en Aquitaine et ailleurs, Nuvis, Paris, 2011.
(3)
No treno ad alta velocità (« Pas de TGV »).
(4)
Lire Thierry Paquot, « Plus haute sera la prochaine tour », Le
Monde diplomatique, mars 2008.
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* Pour
réaliser cette planche, Franquin était allé prendre des croquis
dans les environs de Zeebrugge où il y avait de grands chantiers de
construction, avec d'énormes engins dinosauriens. C'est
une des planches favorites d'André Franquin.
L’arte
delle grandi opere inutili
Alain
Devalpo *
Le
Monde diplomatique | il manifesto |agosto 2012
I
grandi progetti di sviluppo del territorio non sempre mirano a
soddisfare dei bisogni. Per vendere la costruzione di una linea
ferroviaria ad alta velocità che poche persone desiderano utilizzare
o quella di un aeroporto in una regione che non ne necessita,
ingegneri, promotori e beneficiari dei lavori fanno a gara di abilità
e retorica. Giustificare l’inutile è diventata una vera e propria
cultura di cui si possono
cogliere le regole, i riti e i ritmi leggendo la conclusione di un –
finto – seminario sull’argomento.
VOI,
costruttori di cattedrali del nuovo millennio, inseguite un progetto
geniale e nobile. Ma la popolazione non sempre comprende il senso dei
vostri sogni. «La vostra opera non serve a niente!», vi si obietta
a volte. Come far fruttare, in questa
condizioni, la vostre ambizioni? I relatori che abbiamo appena
ascoltato hanno saputo condividere con noi la loro inestimabile
esperienza, e io cercherò di far
emergere le strategie che vi aiuteranno a raggiungere i vostri
obiettivi.
Iniziamo
dai trasporti. È confortante per il costruttore contemporaneo
osservare una campagna attraversata come un lampo da treni
appollaiati sulla loro massicciata. La corsa alla mobilità è
sinonimo di successo. Le nostre società vivono alla velocità di
Internet.
L’economia è un groviglio produzioni just-in-time. L’uomo vi si
deve sottomettere, e questo settore offre un ampio ventaglio di
opportunità.
Per
sedurre i vostri interlocutori, la dismisura sarà la vostra prima
risorsa. Incitate i vostri ingegneri ad abbozzare dei piani
faraonici: aprire cinquanta chilometri di galleria sotto le Alpi per
il percorso del treno ad alta velocità (Tgv, in italiano Tav)
LioneTorino, far fruttare migliaia di metri quadrati di boschi per
costruire un aeroporto nella regione di Nantes, scavare sotto la
città di Barcellona… L’exploit tecnologico, nutrendo l’orgoglio
nazionale, nasconderà i disagi per gli abitanti locali.
Sappiate
sfruttare la concorrenza fra metropoli: essa incentiva il gigantismo
ed è utile ai vostri progetti. Preparate il terreno politico
sollecitando la megalomania dei «grandi elettori» che sognano tutti
una torre Eiffel nella loro città. Una volta che avrete guadagnato
la loro fiducia, essi sapranno influenzare il corteo di
amministratori minori, le cui finanze saranno dissanguate, sebbene le
ricadute sul loro territorio non sussistano che sulla carta.
Affinché
non si levi alcuna obiezione, la vostra scommessa sul futuro dovrà
essere foriera di occupazione. Terminato il cantiere, se vi facessero
notare che le promesse non sono state mantenute, farete sempre in
tempo a elaborare delle analisi riabilitanti: la crisi, la crisi!
Fate valere i vostri agganci governativi per ottenere un marchio
di interesse generale: questo dispositivo amministrativo vi procurerà
un vero e proprio lasciapassare.
Circondatevi
di studi professionali capaci di manipolare i dossier fino a renderli
indecifrabili. Quando il fatto più insignificante viene presentato
astrattamente, i curiosi si scoraggiano. Essendo la scienza
appannaggio degli scienziati, solo un cervellone sarà in grado di
contare i treni di una linea L per un tempo t. Per farsi
un’opinione, gli amministratori si atterranno alle conclusioni dei
vostri studi seri, veridici e benintenzionati. Inutile, invece,
andare troppo per il sottile nell’approccio con la stampa locale: è
un alleato sempre affidabile, e la generosità della vostra strategia
pubblicitaria sarà percepita da questo settore disastrato come un gesto
in favore della libertà di stampa.
Quando
vi sentirete in grado di operare in armonia con gli amministratori e
i media, presentate il piano economico. In Francia il settore
dell’alta velocità funziona secondo uno schema avveduto. La rete
ferroviaria francese (Rff) accumula decine di miliardi di euro di
debiti (1). Molte linee ad alta velocità (Lgv) sono in perdita, e la
rete secondaria si sta deteriorando. Tuttavia, bisogna rallegrarsi
che una élite in movimento tragga beneficio dai Tgv.
Sebbene
la Spagna, leader europeo del settore, si trovi in piena tempesta
finanziaria, l’audacia impone di persistere nella costruzione di
duemila chilometri di nuove tratte, per un budget medio di 20 milioni
di euro per chilometro.
Per
finanziare queste opere, la cui fattibilità economica è assai
dubbiosa, è fondamentale imboccare la via dei partenariati
pubblico-privato. Ottenendo la costruzione, la manutenzione, la
gestione e lo sfruttamento di una infrastruttura, il vostro controllo
sarà totale, e la collettività sarà legata a voi mani e piedi. I
vostri esperti
spiegheranno che i benefici che ne trarrete riflettono il vostro
patriottismo, e il peso delle perdite pubbliche sarà presentato come
il male minore rispetto ai posti di lavoro – uhm! – creati.
Considerata
l’ampiezza degli attuali deficit di bilancio, il preventivo
presentato (che esploderà in seguito) potrà sembrare esorbitante ai
vostri committenti. Per far ingoiare ai contribuenti pillole di
diverse miliardi di euro, fornitegli delle cifre capaci di inebriare
i più scettici. Certi dati devono essere minimizzati, altri
amplificati. È parlando di futuri bisogni che ipnotizzerete i vostri
concittadini. Moltiplicate per qualche milione le tonnellate di merci
trasportate e i passeggeri, senza esitare a sfiorare l’assurdo.
Solo
un futuro in cui avrete già vinto vi potrà dare torto. Se il
settore del trasporto ferroviario riserva contratti lucrosi, non
trascurate il settore aereo, seguendo l’esempio del progetto di
aeroporto del Grande Ovest, a Notre-Dame-Des-Landes. È noto che
Nantes è provvista di un aeroporto sottoutilizzato, e che la
regione, ormai allo stallo, ne ospita già dodici. Ma ciò significa
dimenticare che oggi siamo nell’epoca del virtuale. Perché,
insomma, non c’è bisogno di bisogni per alimentare un’idea!
Stare
al passo con i tempi ha un costo. Sicuramente è riprovevole
seppellire ettari di biodiversità sotto gioielli tecnologici, ma
questi sacrifici sono indispensabili. A causa di una legislazione
sempre più costrittiva, le vostre infrastrutture devono offrire
delle garanzie sull’impatto ecologico e paesaggistico. Esistono
molti trucchi per spalmare acciaio e cemento di verde Hqe (alta
qualità ambientale): un museo dell’agricoltura locale, pannelli
solari, un tetto vegetale...
Per
quest’affare avrete bisogno di un umore a prova di bomba. Perché,
malgrado tutti i vostri sforzi, gli ecologisti sbraiteranno. Li
seguirà una massa di spiriti influenzabili, il cui approccio ingenuo
può rappresentare un ostacolo imprevisto. Un pensionato nel pieno
vigore degli anni si rivela a volte un avversario ostinato, che
smonterà i vostri piani in maniera ossessiva. È il deplorevole
ostacolo incontrato nei Paesi baschi dal progetto di Lgv verso la
Spagna, dove un discorso infiammato, diffuso da due guastafeste (2),
è stato trasmesso attraverso le reti alternative. Puntate sul vostro
ufficio stampa per impedirgli l’accesso ai mass media.
Evitate
che la contestazione si estenda, divenga emblematica o raggiunga i
tribunali amministrativi, con il rischio che si blocchino i cantieri.
Una battaglia di cifre può opporre solo avversari della stessa
categoria. Di fronte ad argomenti amatoriali, invocate il rigore
tecnocratico dei vostri specialisti. Con l’ardore dei pionieri,
fate valere
l’interesse nazionale, addirittura internazionale, contro la
visione passatista di chi vi contraddice. Rivendicate la vostra
partecipazione sincera e trasparente alle concertazioni pubbliche.
Considerando i vostri appoggi politici e mediatici, il dialogo,
condotto secondo metodi adeguati, non dovrebbe preoccuparvi.
La
controffensiva deve essere graduale. Probabilmente dovrete condurre
una campagna di discredito a mezzo stampa. Se non soffocate la
rivolta sul nascere, la vostra azione di lobbyng dovrà lavorare alla
criminalizzazione dell’opposizione alla vostra opera. Alla
legittimità rivendicata dai dimostranti, rispondete con la legalità
istituzionale e il ricorso alla forza pubblica. E se vi inducono al
braccio di ferro, mostrate la vostra determinazione; anche voi avete
il diritto di esprimervi! In nome dell’interesse generale,
denunciate, coprite le proteste con i gas lacrimogeni, distribuite
multe a migliaia e ordinate eventualmente interrogatori a tutto
spiano, come in Germania per la nuova stazione di Stoccarda.
La
battaglia si può anche vincere manu militari, come ci insegna
l’esperienza contro la resistenza radicale dei «No Tav» della Val
di Susa, in Italia. Se la piega degli eventi lo impone, non è da
escludere la possibilità di dichiarare un cantiere «zona militare
d’interesse
strategico».
Certo,
pianificare una grande gara d’appalto risulta sempre più
difficile; ma il gioco vale la candela. Le concessioni accordate
dalle autorità durano mezzo secolo. Per la vostra impresa e i vostri
azionisti, è la garanzia di decenni di prosperità. Mentre la
gamma
delle «cattedrali» del futuro continua a crescere: gruppi
ospedalieri, centri commerciali, quartieri d’affari, infrastrutture
sportive, torri (3)… Parafrasando uno dei personaggi di George
Orwell, che dichiarava: «La guerra è la pace. La libertà è
la
schiavitù. L’ignoranza è la forza», non esiterei ad affermare:
l’inutile è redditizio!
*
Giornalista
(1)
Marc Fressoz, FGV, Faillite à grande vitesse, Le Cherche Midi,
Parigi, 2011.
(2)
Pierre Recarte e François Tellier, Les Rails de la déraison. La
très grande
vitesse
en Aquitaine et ailleurs, Nuvis, Parigi, 2011.
(3)
Si legga Thierry Paquot, «La torre di domani sarà certo più alta»,
Le Monde
diplomatique/il
manifesto, marzo 2008.
(Traduzione
di V. C.)
Grandes
proyectos inútiles
Alain
Devalpo *
Le
Monde Diplomatique | 2012
Los
grandes proyectos de planificación urbana no apuntan siempre a
satisfacer las necesidades. Para defender la construcción de una
línea de tren de gran velocidad (TGV) que pocos desean utilizar o la
de un aeropuerto en una región que no lo necesita, los ingenieros,
promotores y maestros mayores de obras rivalizan en habilidad y en
retórica. Justificar lo inútil se ha convertido en una verdadera cultura
cuyas reglas, ritos y ritmos se pueden apreciar, leyendo la
conclusión de un seminario -ficticio- consagrado a los grandes
proyectos.
Ustedes,
constructores de catedrales del próximo milenio, han hecho profesión
de fe de una gran nobleza, pero la población no siempre comprenderá
el verdadero sentido de sus sueños. “El proyecto que ustedes
defienden no sirve para nada”, dirán algunos probablemente ¿Cómo,
en estas condiciones, podrán hacer valer sus ambiciones?
Los
participantes que acabamos de escuchar supieron transmitirnos su
inestimable experiencia, y yo voy a intentar desprender los ejes
estratégicos fuertes para el logro de aquellas ambiciones.Comencemos
por el transporte. Es una alegría para el constructor contemporáneo
observar un campo atravesado, como un relámpago, por un tren montado
sobre su terraplén de balasto. La carrera por la movilidad es
sinónimo de éxito. Nuestras sociedades viven con la velocidad de
Internet. La economía es una maraña de flujos tensos. El hombre
debe someterse a ello, y este sector ofrece un largo abanico de
oportunidades.
Para
seducir a los interlocutores, aconsejo la desmesura como primera
carta. Inciten a sus ingenieros a esbozar planes faraónicos:
perforar cincuenta kilómetros de túnel bajo los Alpes para el
trazado del TGV Lyon-Turín, revalorizar miles de metros cuadrados de
tierras de cultivo para implantar un aeropuerto en la región
nantesa, horadar bajo la ciudad de Barcelona. La aventura
tecnológica, que alimenta el orgullo
nacional, disimulará las molestias ocasionadas a los autóctonos.
Sepan
sacar partido de la competencia entre metrópolis: favorece el
gigantismo y
sirve
a sus proyectos. Preparen el terreno político exaltando la
megalomanía de los
grandes
dirigentes que sueñan todos con una torre Eiffel en su ciudad. Una
vez que
hayan
ganado su confianza, ellos mismos presionarán sobre la cohorte de
representantes más modestos, cuyas finanzas se verán exprimidas aun
cuando los resultados en su territorio solo existan en el papel.
Para
evitar cualquier objeción, hay que apostar a la procuración de
empleos en el
futuro.
Una vez que la obra esté terminada, frente a cualquier observación
sobre el
incumplimiento
de las promesas, siempre habrá tiempo de elucubrar un análisis que
los
redima a ustedes de la responsabilidad: ¡la crisis, la crisis!
Aprovechen sus amistades de gobierno para obtener el sello de
“interés general”: este dispositivo administrativo otorga una
verdadera dispensa.
Rodéense
de oficinas especializadas en el arte de sofisticar los expedientes
hasta
volverlos
indescifrables. Cuando el hecho más anodino está presentado de
manera abstracta, los curiosos se desaniman. Dado que la ciencia es
privilegio de los cientí-
ficos,
únicamente un politécnico estará en condiciones de contar los
trenes de una línea L durante un tiempo t. Para formarse una
opinión, los dirigentes se atendrán a las conclusiones de los
estudios serios, verídicos y bien intencionados de los
constructores. Inútil, en cambio, desplegar demasiada sutilidad para
contactarse con la prensa local: es un aliado siempre confiable y la
generosidad de una concesión publicitaria será percibida por este
sector castigado como un gesto a favor de la libertad de prensa.
Cuando
ustedes se sientan en condiciones de trabajar en armonía con los
representantes y los medios, presenten el plan de financiamiento. El
sector francés de la gran velocidad funciona con un esquema sensato.
La red ferroviaria de France (RFF)
acumula decenas de miles de euros de deudas (1). Varias líneas de
gran velocidad (LGV) son deficitarias, y la red secundaria se está
deteriorando. Sin embargo, hay que alegrarse de que una elite que se
desplaza se beneficie con el TGV. Aun si
España, líder europeo en la materia, se encuentra en plena
tempestad financiera, la
audacia ordena persistir en la construcción de dos mil kilómetros
de vías nuevas, con
un presupuesto promedio de 20 millones de euros el kilómetro.
Para
financiar estos proyectos de viabilidad económica más que dudosa,
es importante emprender la vía de las colaboraciones
público-privadas (PPP, por su sigla en inglés). Traten de obtener
la construcción, el mantenimiento, la gestión y la explotación de
alguna infraestructura: así lograrán el control total y la
administración pública estará en sus manos. Los expertos que
consulten explicarán que los beneficios que ustedes obtienen
reflejan su patriotismo, y el fardo de las pérdidas públicas será
descrito como un mal menor respecto de los empleos –¡ejem!–
creados.
En
vista de la amplitud del déficit presupuestario actual, el aporte
presentado (que
luego
se disparará) podrá parecer exorbitante a sus socios comanditarios.
Con el fin
de
hacer tragar a los contribuyentes la píldora de varios miles de
millones de euros,
ofrézcanles
cifras como para seducir a los más escépticos. Algunos datos hay
que minimizarlos, otros amplificarlos. Especulando sobre necesidades
futuras podrán hipnotizar a sus conciudadanos. Multipliquen las
toneladas de flete de mercadería y los pasajeros por millones, sin
dudar de coquetear con el absurdo. Únicamente un futuro en el cual
ustedes ya habrán ganado podrá demostrar que se equivocaron.
Si
el campo del transporte ferroviario ofrece contratos jugosos, no hay
que descuidar el aéreo, como por ejemplo el proyecto de aeropuerto
del Gran Oeste, en Notre-Dame-des Landes. Nantes posee, es verdad, un
aeropuerto subexplotado y la región, que no tiene salida, tiene ya
doce.
¡Pero
no hay que olvidar que esta época es la era de lo virtual y que no
se precisan necesidades para hacer prosperar una idea!Evolucionar con
la época tiene un precio. Sin duda es para lamentar que haya que
enterrar hectáreas de biodiversidad bajo joyas de tecnología, pero
estos sacrificios son indispensables. Con una legislación cada vez
más exigente, las infraestructuras deben ofrecer garantías de
inserción ecológica y paisajística. Existen numerosos artificios
para enduir el acero y el hormigón con verde HQE (alta calidad
medioambiental): un museo sobre la agricultura local, algunos paneles
solares, un techo vegetal…
En
este aspecto será necesario que conserven la moral a toda costa.
Pues, a pesar
de
todo lo que ustedes puedan comprometerse, los ecologistas pondrán el
grito en el cielo. A ellos se les sumará una cantidad de espíritus
influenciables, cuyo enfoque ingenuo puede dar lugar a un obstáculo
imprevisto. Un jubilado en la flor de la edad se
presenta a veces como un adversario obstinado, que desbarata sus
planes de manera
obsesiva. Es lo que hubo que deplorar en el País Vasco, en torno al
proyecto del LGV a España: un anuncio publicitario incendiario,
escrito por dos alborotadores (2) fue transmitido por las redes
sociales alternativas. Ustedes cuentan con el servicio
de comunicación para impedirles el acceso a los medios de gran
envergadura. Eviten que la protesta se propague, que se vuelva
emblemática o gane los tribunales, con el consiguiente riesgo de la
paralización de las obras.
Una
batalla de cifras sólo puede oponer adversarios de la misma
categoría. Frente a argumentos de aficionados, invoquen el rigor
tecnocrático de sus especialistas.
Con
el ardor de los pioneros, esgriman el interés nacional, incluso
internacional,
frente
a la visión nostálgica de sus contrincantes. Reivindiquen su
participación sincera y transparente en las concertaciones públicas.
Considerando el apoyo político y mediático con que cuentan, el
diálogo, conducido según los métodos adecuados, no debería
preocuparlos.
La
contraofensiva debe ser gradual. Quizás deban maniobrar una campaña
de denigración por vía de la prensa. Si no sofocan la revuelta
cuando nace, el lobby que hagan después deberá trabajar sobre la
criminalización de la oposición a la obra que ustedes están
llevando a cabo. A la legitimidad revindicada por los contestatarios,
respondan con la legalidad institucional y el recurso a la fuerza
pública. ¡Y si les quieren torcer el brazo, muestren su
determinación; también ustedes tienen el derecho de expresarse! En
nombre del interés general, señalen, inunden las protestas con
nubes de gas lacrimógeno, distribuyan multas de a miles y eventualmente
interpelen con toda la fuerza, como en Alemania por la nueva estación
de Stuttgart. La batalla puede ganarse también manu militari , como
nos lo enseña la experiencia contra la resistencia radical de los No
TAV (3) del Valle de Suze, en Italia. Si el giro de los
acontecimientos lo impone, no habría que descartar la posibilidad de
decretar “zona militar de interés estratégico” una obra.
En
verdad, planificar un gran mercado público resulta cada vez más
difícil; pero
la
apuesta vale la pena. Las concesiones acordadas por las autoridades
se extienden de aquí a cincuenta años. Para su empresa y sus
accionistas, es la promesa de
décadas
de prosperidad. Sobre todo porque el abanico de las pirámides del
futuro
no
cesa de ampliarse: hospitales enteros, centros comerciales, barrios
comerciales,
infraestructuras
deportivas, torres (4)…
Para
parafrasear a uno de los personajes de George Orwell que declaraba:
“La guerra es la paz. La libertad es la esclavitud. La ignorancia
es la fuerza”, yo no dudaría en
afirmar:
“¡Lo inútil es rentable!”.
*Periodista.
1.
Marc Fressoz, FGV, Faillite à grande vitesse, Le ChercheMidi, París,
2011.
2.
Pierre Recarte y François Tellier, Les Rails de la déraison. La
Très
grande vitesse en Aquitaine et ailleurs, Nuvis, París, 2011.
3.
“No treno ad alta velocità” (“No al TGV”).
4.
Véase Thierry Paquot, “Plus haute sera la prochaine tour”, Le
Monde diplomatique, marzo de 2008.
Traducción:
Florencia Giménez Zapiola
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