L’art des grands projets inutiles



FRANQUIN | Idées Noires | Planche 33 *

L’art des grands projets inutiles

L’arte delle grandi opere inutili
Grandes proyectos inútiles
Alain Devalpo
Le Monde Diplomatique | août 2012

Les grands projets d’aménagement du territoire ne visent pas toujours à satisfaire des besoins. Pour vendre la construction d’une ligne de train à grande vitesse que peu de gens souhaitent utiliser ou celle d’un aéroport dans une région qui n’en nécessite pas, ingénieurs, promoteurs et maîtres d’ouvrage rivalisent d’habileté et de rhétorique. Justifier l’inutile est devenu une véritable culture dont on peut saisir les règles, les rites et les rythmes en lisant la conclusion d’un séminaire — fictif — sur le sujet.

Vous, bâtisseurs de cathédrales du nouveau millénaire, poursuivez un dessein plein d’esprit et de noblesse. Mais la population ne comprend pas toujours le sens de vos rêves. « Votre projet ne sert à rien ! », vous oppose-t-on parfois. Comment, dans ces conditions, faire fructifier vos ambitions ?
Les intervenants que nous venons d’entendre ont su nous faire partager leur inestimable expérience, et je vais tenter de dégager les axes stratégiques forts qui vous aideront à y parvenir.
Commençons par les transports. C’est un réconfort pour le bâtisseur contemporain que d’observer une campagne traversée comme l’éclair par des trains perchés sur leur digue de ballast. La course à la mobilité est synonyme de réussite. Nos sociétés vivent à la vitesse d’Internet. L’économie est un écheveau de flux tendus. L’homme doit s’y soumettre, et ce secteur offre un large éventail d’opportunités.
Pour séduire vos interlocuteurs, la démesure sera votre premier atout. Incitez vos ingénieurs à ébaucher des plans pharaoniques : percer cinquante kilomètres de tunnel sous les Alpes pour le tracé du train à grande vitesse (TGV) Lyon-Turin, mettre en valeur des milliers de mètres carrés de bocage pour implanter un aéroport dans la région nantaise, creuser sous la ville de Barcelone… L’exploit technologique, nourrissant l’orgueil national, occultera les désagréments pour les autochtones.
Sachez tirer parti de la concurrence entre métropoles : elle favorise le gigantisme et sert vos projets. Labourez le terrain politique en flattant la mégalomanie des grands élus qui rêvent tous d’une tour Eiffel dans leur cité. Une fois que vous aurez gagné leur confiance, ils sauront faire pression sur la cohorte des élus plus modestes, dont les finances seront ponctionnées même si les retombées pour leur territoire n’existent que sur le papier. Afin qu’aucune objection ne s’élève, votre pari sur l’avenir devra être pourvoyeur d’emplois. Le chantier terminé, si l’on vous fait remarquer que les promesses ne sont pas tenues, il sera toujours temps d’échafauder des analyses vous dédouanant : la crise, la crise ! Jouez de vos accointances gouvernementales pour obtenir un label d’intérêt général : ce dispositif administratif procure un véritable passe-droit.
Entourez-vous de bureaux d’études maîtrisant l’art de sophistiquer les dossiers jusqu’à les rendre indéchiffrables. Quand le fait le plus anodin se présente de manière abstraite, les curieux se découragent. La science étant l’apanage des scientifiques, seul un polytechnicien sera en mesure de compter les trains d’une ligne L durant un temps t. Pour se forger un avis, les élus s’en tiendront aux conclusions de vos études sérieuses, véridiques et bien intentionnées. Inutile, en revanche, de déployer trop de subtilité pour approcher la presse régionale : c’est un allié toujours fiable, et la générosité de votre régie publicitaire sera perçue par ce secteur sinistré comme un geste en faveur de la liberté de la presse.
Lorsque vous vous estimez en mesure d’œuvrer en harmonie avec les élus et les médias, présentez le plan de financement. Le secteur français de la grande vitesse fonctionne selon un schéma avisé. Réseau ferré de France (RFF) cumule des dizaines de milliards d’euros de dettes (1). Plusieurs lignes à grande vitesse (LGV) sont déficitaires, et le réseau secondaire se détériore. Pourtant, il faut se féliciter qu’une élite mobile bénéficie des TGV. Même si l’Espagne, numéro un européen en la matière, se trouve en pleine tempête financière, l’audace commande de persister dans la construction de deux mille kilomètres de voies nouvelles, pour un budget moyen de 20 millions d’euros le kilomètre.
Pour financer ces projets à la viabilité économique plus que douteuse, il est capital d’emprunter la voie des partenariats public-privé. En obtenant la construction, la maintenance, la gestion et l’exploitation d’une infrastructure, votre maîtrise sera totale, et les collectivités publiques vous seront pieds et poings liés. Vos experts expliqueront que vos bénéfices reflètent votre patriotisme, et le fardeau des pertes publiques sera dépeint comme un moindre mal au regard des emplois — hum ! — créés.
Au vu de l’ampleur des déficits budgétaires actuels, l’enveloppe présentée (qui explosera par la suite) pourra sembler exorbitante à vos commanditaires. Afin qu’ils fassent avaler aux contribuables des pilules de plusieurs milliards d’euros, fournissez-leur des chiffres propres à enivrer les plus sceptiques. Certaines données sont à minimiser, d’autres à amplifier. C’est en spéculant sur des besoins futurs que vous hypnotiserez vos concitoyens. Multipliez les tonnes de fret de marchandises et les passagers par millions, sans hésiter à flirter avec l’absurde. Seul un avenir où vous aurez gagné pourra vous donner tort.
Si le domaine du transport ferroviaire réserve de juteux contrats, ne négligez pas l’aérien, à l’exemple du projet d’aéroport du Grand Ouest, à Notre-Dame-des-Landes. Nantes est certes pourvue d’un aéroport sous-exploité, et la région, en cul-de-sac, en accueille déjà douze. Mais c’est oublier que l’époque est à la virtualité. Car enfin, il n’est nul besoin de besoins pour faire prospérer une idée !
Evoluer avec son époque a un coût. Il est bien sûr regrettable d’ensevelir des hectares de biodiversité sous des bijoux de technologie, mais ces sacrifices sont indispensables. Avec une législation de plus en plus contraignante, vos infrastructures doivent offrir des garanties d’insertion écologique et paysagère. Il existe de nombreux artifices pour enduire acier et béton du vert HQE (haute qualité environnementale) : un musée sur l’agriculture locale, des panneaux solaires, un toit végétal…
Il vous faudra, sur ce dossier, conserver un moral à toute épreuve. Car, malgré tous vos engagements, les écologistes aboieront. Ils seront rejoints par une foule d’esprits influençables, dont l’approche naïve peut dresser un obstacle imprévu. Un retraité dans la force de l’âge se révèle parfois un adversaire opiniâtre, qui va décortiquer vos plans de manière obsessionnelle. On le déplore au Pays basque, autour du projet de LGV vers l’Espagne : un argumentaire enflammé, livré par deux trublions (2), est relayé par les réseaux alternatifs. Misez sur votre service de communication pour leur barrer l’accès aux médias de grande envergure. Evitez que la contestation ne s’étende, ne devienne emblématique ou gagne les tribunaux administratifs, au risque d’un gel des chantiers.
Une bataille de chiffres ne peut opposer que des adversaires de même catégorie. Face aux arguments amateurs, invoquez la rigueur technocratique de vos spécialistes. Avec l’ardeur des pionniers, brandissez l’intérêt national, voire international, face à la vision passéiste de vos contradicteurs. Revendiquez votre participation sincère et transparente aux concertations publiques. Compte tenu de vos soutiens politiques et médiatiques, le dialogue, mené selon les méthodes adéquates, ne devrait pas vous inquiéter.
La contre-offensive doit être graduée. Vous devrez peut-être piloter une campagne de dénigrement par voie de presse. Si vous n’étouffez pas la révolte dans l’œuf, votre lobbying devra œuvrer à la criminalisation de l’opposition à votre ouvrage. A la légitimité revendiquée par les protestataires, répondez par la légalité institutionnelle et le recours à la force publique. Et si on vous accule au bras de fer, montrez votre détermination ; vous aussi avez le droit de vous exprimer ! Au nom de l’intérêt général, assignez, inondez les protestations sous des nuages de gaz lacrymogène, distribuez les amendes par milliers et faites éventuellement interpeller à tour de bras, comme en Allemagne pour la nouvelle gare de Stuttgart. La bataille peut aussi se gagner manu militari, comme nous l’enseigne l’expérience contre le maquis radical des « No TAV » (3) du val de Suze, en Italie. Si la tournure des événements l’impose, la possibilité de décréter un chantier « zone militaire d’intérêt stratégique » n’est pas à écarter.
Certes, planifier un grand marché public s’avère de plus en plus laborieux ; mais le jeu en vaut la chandelle. Les concessions accordées par les autorités s’étalent de nos jours sur plus d’un demi-siècle. Pour votre entreprise et vos actionnaires, c’est la promesse de décennies de prospérité. D’autant que l’éventail des pyramides du futur ne cesse de s’élargir : groupes hospitaliers, centres commerciaux, quartiers d’affaires, infrastructures sportives, tours (4)... Pour paraphraser George Orwell, dont l’un des personnages déclarait : « La guerre, c’est la paix. La liberté, c’est l’esclavage. L’ignorance, c’est la force », je n’hésiterai pas à l’affirmer : l’inutile, c’est rentable !

Alain Devalpo
Journaliste.
(1) Marc Fressoz, FGV, Faillite à grande vitesse, Le Cherche Midi, Paris, 2011.
(2) Pierre Recarte et François Tellier, Les Rails de la déraison. La très grande vitesse en Aquitaine et ailleurs, Nuvis, Paris, 2011.
(3) No treno ad alta velocità (« Pas de TGV »).
(4) Lire Thierry Paquot, « Plus haute sera la prochaine tour », Le Monde diplomatique, mars 2008.
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Pour réaliser cette planche, Franquin était allé prendre des croquis dans les environs de Zeebrugge où il y avait de grands chantiers de construction, avec d'énormes engins dinosauriens. C'est une des planches favorites d'André Franquin.


L’arte delle grandi opere inutili

Alain Devalpo *
Le Monde diplomatique | il manifesto |agosto 2012

I grandi progetti di sviluppo del territorio non sempre mirano a soddisfare dei bisogni. Per vendere la costruzione di una linea ferroviaria ad alta velocità che poche persone desiderano utilizzare o quella di un aeroporto in una regione che non ne necessita, ingegneri, promotori e beneficiari dei lavori fanno a gara di abilità e retorica. Giustificare l’inutile è diventata una vera e propria cultura di cui si possono cogliere le regole, i riti e i ritmi leggendo la conclusione di un – finto – seminario sull’argomento.


VOI, costruttori di cattedrali del nuovo millennio, inseguite un progetto geniale e nobile. Ma la popolazione non sempre comprende il senso dei vostri sogni. «La vostra opera non serve a niente!», vi si obietta a volte. Come far fruttare, in questa condizioni, la vostre ambizioni? I relatori che abbiamo appena ascoltato hanno saputo condividere con noi la loro inestimabile esperienza, e io cercherò di far emergere le strategie che vi aiuteranno a raggiungere i vostri obiettivi.

Iniziamo dai trasporti. È confortante per il costruttore contemporaneo osservare una campagna attraversata come un lampo da treni appollaiati sulla loro massicciata. La corsa alla mobilità è sinonimo di successo. Le nostre società vivono alla velocità di
Internet. L’economia è un groviglio produzioni just-in-time. L’uomo vi si deve sottomettere, e questo settore offre un ampio ventaglio di opportunità.

Per sedurre i vostri interlocutori, la dismisura sarà la vostra prima risorsa. Incitate i vostri ingegneri ad abbozzare dei piani faraonici: aprire cinquanta chilometri di galleria sotto le Alpi per il percorso del treno ad alta velocità (Tgv, in italiano Tav) LioneTorino, far fruttare migliaia di metri quadrati di boschi per costruire un aeroporto nella regione di Nantes, scavare sotto la città di Barcellona… L’exploit tecnologico, nutrendo l’orgoglio nazionale, nasconderà i disagi per gli abitanti locali.

Sappiate sfruttare la concorrenza fra metropoli: essa incentiva il gigantismo ed è utile ai vostri progetti. Preparate il terreno politico sollecitando la megalomania dei «grandi elettori» che sognano tutti una torre Eiffel nella loro città. Una volta che avrete guadagnato la loro fiducia, essi sapranno influenzare il corteo di amministratori minori, le cui finanze saranno dissanguate, sebbene le ricadute sul loro territorio non sussistano che sulla carta.

Affinché non si levi alcuna obiezione, la vostra scommessa sul futuro dovrà essere foriera di occupazione. Terminato il cantiere, se vi facessero notare che le promesse non sono state mantenute, farete sempre in tempo a elaborare delle analisi riabilitanti: la crisi, la crisi! Fate valere i vostri agganci governativi per ottenere un marchio di interesse generale: questo dispositivo amministrativo vi procurerà un vero e proprio lasciapassare.

Circondatevi di studi professionali capaci di manipolare i dossier fino a renderli indecifrabili. Quando il fatto più insignificante viene presentato astrattamente, i curiosi si scoraggiano. Essendo la scienza appannaggio degli scienziati, solo un cervellone sarà in grado di contare i treni di una linea L per un tempo t. Per farsi un’opinione, gli amministratori si atterranno alle conclusioni dei vostri studi seri, veridici e benintenzionati. Inutile, invece, andare troppo per il sottile nell’approccio con la stampa locale: è un alleato sempre affidabile, e la generosità della vostra strategia pubblicitaria sarà percepita da questo settore disastrato come un gesto in favore della libertà di stampa.

Quando vi sentirete in grado di operare in armonia con gli amministratori e i media, presentate il piano economico. In Francia il settore dell’alta velocità funziona secondo uno schema avveduto. La rete ferroviaria francese (Rff) accumula decine di miliardi di euro di debiti (1). Molte linee ad alta velocità (Lgv) sono in perdita, e la rete secondaria si sta deteriorando. Tuttavia, bisogna rallegrarsi che una élite in movimento tragga beneficio dai Tgv.

Sebbene la Spagna, leader europeo del settore, si trovi in piena tempesta finanziaria, l’audacia impone di persistere nella costruzione di duemila chilometri di nuove tratte, per un budget medio di 20 milioni di euro per chilometro.

Per finanziare queste opere, la cui fattibilità economica è assai dubbiosa, è fondamentale imboccare la via dei partenariati pubblico-privato. Ottenendo la costruzione, la manutenzione, la gestione e lo sfruttamento di una infrastruttura, il vostro controllo sarà totale, e la collettività sarà legata a voi mani e piedi. I vostri esperti spiegheranno che i benefici che ne trarrete riflettono il vostro patriottismo, e il peso delle perdite pubbliche sarà presentato come il male minore rispetto ai posti di lavoro – uhm! – creati.

Considerata l’ampiezza degli attuali deficit di bilancio, il preventivo presentato (che esploderà in seguito) potrà sembrare esorbitante ai vostri committenti. Per far ingoiare ai contribuenti pillole di diverse miliardi di euro, fornitegli delle cifre capaci di inebriare i più scettici. Certi dati devono essere minimizzati, altri amplificati. È parlando di futuri bisogni che ipnotizzerete i vostri concittadini. Moltiplicate per qualche milione le tonnellate di merci trasportate e i passeggeri, senza esitare a sfiorare l’assurdo.

Solo un futuro in cui avrete già vinto vi potrà dare torto. Se il settore del trasporto ferroviario riserva contratti lucrosi, non trascurate il settore aereo, seguendo l’esempio del progetto di aeroporto del Grande Ovest, a Notre-Dame-Des-Landes. È noto che Nantes è provvista di un aeroporto sottoutilizzato, e che la regione, ormai allo stallo, ne ospita già dodici. Ma ciò significa dimenticare che oggi siamo nell’epoca del virtuale. Perché, insomma, non c’è bisogno di bisogni per alimentare un’idea!

Stare al passo con i tempi ha un costo. Sicuramente è riprovevole seppellire ettari di biodiversità sotto gioielli tecnologici, ma questi sacrifici sono indispensabili. A causa di una legislazione sempre più costrittiva, le vostre infrastrutture devono offrire delle garanzie sull’impatto ecologico e paesaggistico. Esistono molti trucchi per spalmare acciaio e cemento di verde Hqe (alta qualità ambientale): un museo dell’agricoltura locale, pannelli solari, un tetto vegetale...

Per quest’affare avrete bisogno di un umore a prova di bomba. Perché, malgrado tutti i vostri sforzi, gli ecologisti sbraiteranno. Li seguirà una massa di spiriti influenzabili, il cui approccio ingenuo può rappresentare un ostacolo imprevisto. Un pensionato nel pieno vigore degli anni si rivela a volte un avversario ostinato, che smonterà i vostri piani in maniera ossessiva. È il deplorevole ostacolo incontrato nei Paesi baschi dal progetto di Lgv verso la Spagna, dove un discorso infiammato, diffuso da due guastafeste (2), è stato trasmesso attraverso le reti alternative. Puntate sul vostro ufficio stampa per impedirgli l’accesso ai mass media.

Evitate che la contestazione si estenda, divenga emblematica o raggiunga i tribunali amministrativi, con il rischio che si blocchino i cantieri. Una battaglia di cifre può opporre solo avversari della stessa categoria. Di fronte ad argomenti amatoriali, invocate il rigore tecnocratico dei vostri specialisti. Con l’ardore dei pionieri, fate valere l’interesse nazionale, addirittura internazionale, contro la visione passatista di chi vi contraddice. Rivendicate la vostra partecipazione sincera e trasparente alle concertazioni pubbliche. Considerando i vostri appoggi politici e mediatici, il dialogo, condotto secondo metodi adeguati, non dovrebbe preoccuparvi.

La controffensiva deve essere graduale. Probabilmente dovrete condurre una campagna di discredito a mezzo stampa. Se non soffocate la rivolta sul nascere, la vostra azione di lobbyng dovrà lavorare alla criminalizzazione dell’opposizione alla vostra opera. Alla legittimità rivendicata dai dimostranti, rispondete con la legalità istituzionale e il ricorso alla forza pubblica. E se vi inducono al braccio di ferro, mostrate la vostra determinazione; anche voi avete il diritto di esprimervi! In nome dell’interesse generale, denunciate, coprite le proteste con i gas lacrimogeni, distribuite multe a migliaia e ordinate eventualmente interrogatori a tutto spiano, come in Germania per la nuova stazione di Stoccarda.

La battaglia si può anche vincere manu militari, come ci insegna l’esperienza contro la resistenza radicale dei «No Tav» della Val di Susa, in Italia. Se la piega degli eventi lo impone, non è da escludere la possibilità di dichiarare un cantiere «zona militare
d’interesse strategico».

Certo, pianificare una grande gara d’appalto risulta sempre più difficile; ma il gioco vale la candela. Le concessioni accordate dalle autorità durano mezzo secolo. Per la vostra impresa e i vostri azionisti, è la garanzia di decenni di prosperità. Mentre la
gamma delle «cattedrali» del futuro continua a crescere: gruppi ospedalieri, centri commerciali, quartieri d’affari, infrastrutture sportive, torri (3)… Parafrasando uno dei personaggi di George Orwell, che dichiarava: «La guerra è la pace. La libertà è
la schiavitù. L’ignoranza è la forza», non esiterei ad affermare: l’inutile è redditizio!


* Giornalista
(1) Marc Fressoz, FGV, Faillite à grande vitesse, Le Cherche Midi, Parigi, 2011.
(2) Pierre Recarte e François Tellier, Les Rails de la déraison. La très grande
vitesse en Aquitaine et ailleurs, Nuvis, Parigi, 2011.
(3) Si legga Thierry Paquot, «La torre di domani sarà certo più alta», Le Monde
diplomatique/il manifesto, marzo 2008.

(Traduzione di V. C.)

Grandes proyectos inútiles

Alain Devalpo *
Le Monde Diplomatique | 2012

Los grandes proyectos de planificación urbana no apuntan siempre a satisfacer las necesidades. Para defender la construcción de una línea de tren de gran velocidad (TGV) que pocos desean utilizar o la de un aeropuerto en una región que no lo necesita, los ingenieros, promotores y maestros mayores de obras rivalizan en habilidad y en retórica. Justificar lo inútil se ha convertido en una verdadera cultura cuyas reglas, ritos y ritmos se pueden apreciar, leyendo la conclusión de un seminario -ficticio- consagrado a los grandes proyectos.

Ustedes, constructores de catedrales del próximo milenio, han hecho profesión de fe de una gran nobleza, pero la población no siempre comprenderá el verdadero sentido de sus sueños. “El proyecto que ustedes defienden no sirve para nada”, dirán algunos probablemente ¿Cómo, en estas condiciones, podrán hacer valer sus ambiciones?

Los participantes que acabamos de escuchar supieron transmitirnos su inestimable experiencia, y yo voy a intentar desprender los ejes estratégicos fuertes para el logro de aquellas ambiciones.Comencemos por el transporte. Es una alegría para el constructor contemporáneo observar un campo atravesado, como un relámpago, por un tren montado sobre su terraplén de balasto. La carrera por la movilidad es sinónimo de éxito. Nuestras sociedades viven con la velocidad de Internet. La economía es una maraña de flujos tensos. El hombre debe someterse a ello, y este sector ofrece un largo abanico de oportunidades.

Para seducir a los interlocutores, aconsejo la desmesura como primera carta. Inciten a sus ingenieros a esbozar planes faraónicos: perforar cincuenta kilómetros de túnel bajo los Alpes para el trazado del TGV Lyon-Turín, revalorizar miles de metros cuadrados de tierras de cultivo para implantar un aeropuerto en la región nantesa, horadar bajo la ciudad de Barcelona. La aventura tecnológica, que alimenta el orgullo nacional, disimulará las molestias ocasionadas a los autóctonos.

Sepan sacar partido de la competencia entre metrópolis: favorece el gigantismo y
sirve a sus proyectos. Preparen el terreno político exaltando la megalomanía de los
grandes dirigentes que sueñan todos con una torre Eiffel en su ciudad. Una vez que
hayan ganado su confianza, ellos mismos presionarán sobre la cohorte de representantes más modestos, cuyas finanzas se verán exprimidas aun cuando los resultados en su territorio solo existan en el papel.

Para evitar cualquier objeción, hay que apostar a la procuración de empleos en el
futuro. Una vez que la obra esté terminada, frente a cualquier observación sobre el
incumplimiento de las promesas, siempre habrá tiempo de elucubrar un análisis que
los redima a ustedes de la responsabilidad: ¡la crisis, la crisis! Aprovechen sus amistades de gobierno para obtener el sello de “interés general”: este dispositivo administrativo otorga una verdadera dispensa.

Rodéense de oficinas especializadas en el arte de sofisticar los expedientes hasta
volverlos indescifrables. Cuando el hecho más anodino está presentado de manera abstracta, los curiosos se desaniman. Dado que la ciencia es privilegio de los cientí-
ficos, únicamente un politécnico estará en condiciones de contar los trenes de una línea L durante un tiempo t. Para formarse una opinión, los dirigentes se atendrán a las conclusiones de los estudios serios, verídicos y bien intencionados de los constructores. Inútil, en cambio, desplegar demasiada sutilidad para contactarse con la prensa local: es un aliado siempre confiable y la generosidad de una concesión publicitaria será percibida por este sector castigado como un gesto a favor de la libertad de prensa.

Cuando ustedes se sientan en condiciones de trabajar en armonía con los representantes y los medios, presenten el plan de financiamiento. El sector francés de la gran velocidad funciona con un esquema sensato. La red ferroviaria de France (RFF) acumula decenas de miles de euros de deudas (1). Varias líneas de gran velocidad (LGV) son deficitarias, y la red secundaria se está deteriorando. Sin embargo, hay que alegrarse de que una elite que se desplaza se beneficie con el TGV. Aun si España, líder europeo en la materia, se encuentra en plena tempestad financiera, la audacia ordena persistir en la construcción de dos mil kilómetros de vías nuevas, con un presupuesto promedio de 20 millones de euros el kilómetro.

Para financiar estos proyectos de viabilidad económica más que dudosa, es importante emprender la vía de las colaboraciones público-privadas (PPP, por su sigla en inglés). Traten de obtener la construcción, el mantenimiento, la gestión y la explotación de alguna infraestructura: así lograrán el control total y la administración pública estará en sus manos. Los expertos que consulten explicarán que los beneficios que ustedes obtienen reflejan su patriotismo, y el fardo de las pérdidas públicas será descrito como un mal menor respecto de los empleos –¡ejem!– creados.

En vista de la amplitud del déficit presupuestario actual, el aporte presentado (que
luego se disparará) podrá parecer exorbitante a sus socios comanditarios. Con el fin
de hacer tragar a los contribuyentes la píldora de varios miles de millones de euros,
ofrézcanles cifras como para seducir a los más escépticos. Algunos datos hay que minimizarlos, otros amplificarlos. Especulando sobre necesidades futuras podrán hipnotizar a sus conciudadanos. Multipliquen las toneladas de flete de mercadería y los pasajeros por millones, sin dudar de coquetear con el absurdo. Únicamente un futuro en el cual ustedes ya habrán ganado podrá demostrar que se equivocaron.

Si el campo del transporte ferroviario ofrece contratos jugosos, no hay que descuidar el aéreo, como por ejemplo el proyecto de aeropuerto del Gran Oeste, en Notre-Dame-des Landes. Nantes posee, es verdad, un aeropuerto subexplotado y la región, que no tiene salida, tiene ya doce.

¡Pero no hay que olvidar que esta época es la era de lo virtual y que no se precisan necesidades para hacer prosperar una idea!Evolucionar con la época tiene un precio. Sin duda es para lamentar que haya que enterrar hectáreas de biodiversidad bajo joyas de tecnología, pero estos sacrificios son indispensables. Con una legislación cada vez más exigente, las infraestructuras deben ofrecer garantías de inserción ecológica y paisajística. Existen numerosos artificios para enduir el acero y el hormigón con verde HQE (alta calidad medioambiental): un museo sobre la agricultura local, algunos paneles solares, un techo vegetal…

En este aspecto será necesario que conserven la moral a toda costa. Pues, a pesar
de todo lo que ustedes puedan comprometerse, los ecologistas pondrán el grito en el cielo. A ellos se les sumará una cantidad de espíritus influenciables, cuyo enfoque ingenuo puede dar lugar a un obstáculo imprevisto. Un jubilado en la flor de la edad se presenta a veces como un adversario obstinado, que desbarata sus planes de manera obsesiva. Es lo que hubo que deplorar en el País Vasco, en torno al proyecto del LGV a España: un anuncio publicitario incendiario, escrito por dos alborotadores (2) fue transmitido por las redes sociales alternativas. Ustedes cuentan con el servicio de comunicación para impedirles el acceso a los medios de gran envergadura. Eviten que la protesta se propague, que se vuelva emblemática o gane los tribunales, con el consiguiente riesgo de la paralización de las obras.

Una batalla de cifras sólo puede oponer adversarios de la misma categoría. Frente a argumentos de aficionados, invoquen el rigor tecnocrático de sus especialistas.
Con el ardor de los pioneros, esgriman el interés nacional, incluso internacional,
frente a la visión nostálgica de sus contrincantes. Reivindiquen su participación sincera y transparente en las concertaciones públicas. Considerando el apoyo político y mediático con que cuentan, el diálogo, conducido según los métodos adecuados, no debería preocuparlos.

La contraofensiva debe ser gradual. Quizás deban maniobrar una campaña de denigración por vía de la prensa. Si no sofocan la revuelta cuando nace, el lobby que hagan después deberá trabajar sobre la criminalización de la oposición a la obra que ustedes están llevando a cabo. A la legitimidad revindicada por los contestatarios, respondan con la legalidad institucional y el recurso a la fuerza pública. ¡Y si les quieren torcer el brazo, muestren su determinación; también ustedes tienen el derecho de expresarse! En nombre del interés general, señalen, inunden las protestas con nubes de gas lacrimógeno, distribuyan multas de a miles y eventualmente interpelen con toda la fuerza, como en Alemania por la nueva estación de Stuttgart. La batalla puede ganarse también manu militari , como nos lo enseña la experiencia contra la resistencia radical de los No TAV (3) del Valle de Suze, en Italia. Si el giro de los acontecimientos lo impone, no habría que descartar la posibilidad de decretar “zona militar de interés estratégico” una obra.

En verdad, planificar un gran mercado público resulta cada vez más difícil; pero
la apuesta vale la pena. Las concesiones acordadas por las autoridades se extienden de aquí a cincuenta años. Para su empresa y sus accionistas, es la promesa de
décadas de prosperidad. Sobre todo porque el abanico de las pirámides del futuro
no cesa de ampliarse: hospitales enteros, centros comerciales, barrios comerciales,
infraestructuras deportivas, torres (4)…

Para parafrasear a uno de los personajes de George Orwell que declaraba: “La guerra es la paz. La libertad es la esclavitud. La ignorancia es la fuerza”, yo no dudaría en
afirmar: “¡Lo inútil es rentable!”.


*Periodista.
1. Marc Fressoz, FGV, Faillite à grande vitesse, Le ChercheMidi, París, 2011.
2. Pierre Recarte y François Tellier, Les Rails de la déraison. La
Très grande vitesse en Aquitaine et ailleurs, Nuvis, París, 2011.
3. “No treno ad alta velocità” (“No al TGV”).
4. Véase Thierry Paquot, “Plus haute sera la prochaine tour”, Le Monde diplomatique, marzo de 2008.

Traducción: Florencia Giménez Zapiola


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