Citius Altius Fortius
Plus vite, plus haut, plus fort
Devise des Jeux Olympiques
Concernant
l'urbanisme, l'état d'exception s'applique, depuis longtemps à
Londres, par zones, par « espaces d'exception », outre
celles des aéroports, des gares, et d'une manière générale des grands équipements publics, s'ajoutent celles privatisées, des résidences
fermées, des centres commerciaux et des
Business
Improvement District ; les sites olympiques
constitueront, dans cette mosaïque de districts aisés et pauvres
qui forment le Great London, pendant les Jeux mais aussi après la cérémonie de clôture,
d'autres « espaces d'exception », notamment celui du Parc
olympique reconverti en une gigantesque gated commnunity
privée, adossée au centre commercial le plus vaste d'Europe. Un état
d'exception se matérialisant par zones géographiques bien
délimitées, mais étendu au Great London, par un réseau de
vidéo-surveillance unique en Europe : 500.000 caméras scrutent en
permanence les espaces publics et privés. Le Comité invisible écrivait à propos de Londres que :
Au
projet Keynésien qui visait à réaliser l'utopie-capital in vivo,
en s'appuyant sur le mythe de l'accession progressive de tous à une
société d'abondance où les inégalités seraient corrigées par
l'interventionnisme étatique, s'est substituée aujourd'hui le
projet cybernétique de l'Empire qui s'appuie sur la gestion optimale
du chaos. L'Empire réalise l'utopie-capital in vitro, dans des
espaces limités, des noeuds d'exception du tissu biopolitique, comme
il l'a déjà amorcé avec la reconquête des centre-villes
historiques par la néo-bourgeoisie, la colonisation de zones
décrétées « branchées » ou le modèle californien des
gated-communities. Le Bloom à haute valeur ajoutée qui vit ou peut
se rendre dans ces zones « privilégiées » ne peut
ignorer que s'il ne joue pas le jeu il sera sans pitié précipité
au-dehors ; car dans le même temps, les portions ingérables du
territoire (dont la taille va de celle d'un quartier « difficile »
jusqu'à celle de provinces, voire de pays entiers) sont désormais
constitués en lieu de ban ressortissant à l'autorité brute de la
police.
Guérilla
urbaine
Historiquement,
l'état d'exception au Royaume-Uni s'est mis en place
progressivement depuis l’entre-deux
guerre, contre le terrorisme révolutionnaire de l’Armée
Républicaine Irlandaise (IRA) qui, au début des années 70,
reconstituée occupe à nouveau le devant de la scène, dans un
contexte marqué par l’essor du mouvement des droits civiques et
l’intervention des troupes britanniques en Irlande du Nord. L'IRA
invente alors – par pur hasard, selon la légende - un nouvel
explosif bon marché, aisément disponible et extrêmement puissant,
l’ANFO (un mélange de nitrate d’ammonium et d’essence), et
entame un cycle d'attentats à la voiture piégée particulièrement
meurtrier et destructeur. Mike Davis considère qu'à travers le
monde :
Ces
bombes firent passer le terrorisme urbain de l’artisanat à
l’industrie, et rendirent possible des attentats contre des
centres-villes entiers, ainsi que la destruction totale de
grattes-ciel en béton et de blocs résidentiels. La voiture piégée
se transforma alors en une arme semi-stratégique, comparable à
certains égards à la puissance de l’aviation du fait de sa
capacité à détruire des localités urbaines et des quartiers
généraux, et à terroriser les populations de villes entières.
En
1974, après les villes de l'Irlande, l'IRA décide d'attaquer
Londres. Quatre voitures piégées explosent faisant 180 blessés et
1 tué. Bien que les 8 poseurs de bombes de l’IRA aient été
rapidement arrêtés, ils furent acclamés dans les ghettos de
Belfast-Ouest, et l’opération devint un modèle pour les futures
vagues d’attentats de l’IRA à Londres, qui atteignirent leur
point d’orgue avec les énormes explosions qui dévastèrent la
City, et déstabilisèrent l’industrie mondiale de l’assurance en
1992 et 1993.
Ces
séries d'attentat provoqueront
une profonde révulsion parmi les catholiques, offrant au
gouvernement britannique l'occasion inespérée grâce à la
condamnation quasi-unanime, de poursuivre sa politique
d’emprisonnement arbitraire de militants républicains et de
renforcer militairement Londres, afin de la sécuriser. Les attentats
du 11 septembre 2001 à New York seront l'occasion de nouvelles lois,
le Terrorism
Act 2001, promulguées
dès décembre 2001. Afin
de faire voter cette loi, le gouvernement britannique a
institué une dérogation à la Convention européenne des droits de
l’homme. Elle se base sur la notion d’état d’urgence et fait
ainsi exception à l’article 5 de cette convention qui garantit la
liberté des personnes.
Le Terrorism
Act 2001, et
la
débauche sécuritaire démontrèrent cependant leurs limites, lors
des attentats de 2005, perpétrés dans les transports en commun
londoniens par des kamikazes
islamistes,
24 heures seulement après que l'organisation des Jeux
olympiques de 2012 eut
été confiée à la ville. Bien évidemment, ces attentats
contribuèrent à alimenter la paranoïa, et à renforcer l'arsenal
juridique de nouvelles lois autoritaires voire liberticides, au nom
de la lutte contre le terrorisme, dont le système
d’ordonnances de contrôle.
Zones
sécurisées,
d'exception,
d'exclusivité
commerciale...
Londres
se caractérise, plus que n'importe quelle capitale européenne, par
la prolifération de zones « protégées », d'enclaves
privées, de résidences fermées, de gated communities, de
centres commerciaux, des
Business
Improvement District,
et enfin avec la venue des Jeux, des
Olympics Brand Exclusion Zone,
toutes dotées de statut juridique particulier.
Concernant
les centres commerciaux, un éminent membre du Comité
Invisible prit en flagrant
délit de photographie par la milice du gigantesque mall
– centre commercial – Bluewater, jugeait ainsi :
Cet incident est à
rapprocher de la définition que donne Walter Benjamin de la
« dialectique du flâneur » : d'un côté l'homme qui se
sent regardé par tout et par tous, comme un vrai suspect ; de
l'autre, l'homme qu'on ne parvient pas à trouver, celui qui est
dissimulé. C'est probablement cette dialectique-là que développe
« L'homme des foules » (Paris, Capitale du 19e siècle).
Nous avons expérimentés qu'avec les techniques de contrôle mises
en oeuvre à Bluewater, la dissimulation dans la foule devient
impossible et que cette dialectique se réduit à son premier terme :
le flâneur est à priori un individu à risques. A la différence
qu'aujourd'hui l'indifférence de tous à l'égard de chacun réduit
grandement le sentiment d'être objet de l'attention d'autrui. Le
seul regard auquel est soumis le flâneur, finalement, est celui des
machines panoptiques dissimulées et de leurs scrutateurs.
Gated
Community
Les
quartiers
résidentiels sécurisés au Royaume-Uni, en appellent à un type
d’habitat « fortifié ». Mais,
selon Sarah Blandy, plusieurs études démontrent que la question de
l’insécurité ne figure pas toujours au premier rang des
préoccupations citoyennes. Le développement des gated
communitites serait
surtout la conséquence d’une érosion des idéaux de justice
sociale et d’égalité, du passage d’un système informel à un
système formel de contrôle social mais aussi et surtout à une
envie toujours croissante de vivre avec des gens de même statut et
de bénéficier de toute une série de services. De même, la
majorité des résidents de ce type de communauté n’est pas,
contrairement à ce que l’on pourrait penser, issue des classes les
plus aisées, mais bien de la classe moyenne. Pour ceux qui
appartiennent aux classes les mieux nanties, le côté « avantage
et commodité » est clairement prédominant. Le coût d’une
habitation au sein d’une gated
community ultra-sécurisée
est également un facteur important : plus le prix est élevé,
plus les avantages sont grands et plus la situation de vie est
considérée comme privilégiée.
Les
Business Improvement Districts (BIDs)
La
politique de réhabilitation des quartiers des centres villes
historiques, d'anciennes friches industrielles, tout particulièrement
à Londres, est largement déterminée par des intérêts commerciaux
au détriment des intérêts sociaux. Bien entendu, ces projets de
rénovation sont présentés comme étant dans l’intérêt de tous
en raison de la prospérité économique attendue (notamment les
créations d’emplois) qu’ils peuvent apporter à un quartier.
Anna MINTON assure ainsi qu'au nom de la rénovation urbaine,
d’importantes parties de villes comme à Londres sont aujourd’hui
la propriété de sociétés privées.
Opérationnelles depuis longtemps Outre-Atlantique, les Business
Improvement District,
sont
aujourd'hui des outils classiques pour fédérer les acteurs
économiques - entrepreneurs, commerçants, milieu d'affaires, etc.
- d'un quartier et plus généralement d'une zone délimitée, leur
permettant de compléter ou d'accroître à leur convenance, les
services fournis traditionnellement par les municipalités en matière
de propreté, d’amélioration de l’environnement urbain et de
dynamisme économique, et surtout de sécurité. Ces
structures à but non-lucratif, qui se concentrent essentiellement
dans les
secteurs d’affaires et les zones commerçantes doivent défendre
activement leurs intérêts auprès des autorités compétentes.
Véritables opérations de promotion des quartiers, tout ce qu’ils
entreprennent relève du marketing dans le sens le plus large du
terme; il s’agit tout à la fois de garder et d’attirer clients,
employés et investisseurs [1].
Propreté et sécurité figurent généralement en tête des priorités, La
réduction de la criminalité – dans leur propre zone - est une
mission clé des Business
Improvement Districts, afin
de créer des conditions favorables au développement du commerce, à
la mise en valeur et à la sécurisation d'une zone. Le Conseil de
chaque BID a le pouvoir de modifier substantiellement les règlements
locaux, d'élaborer leur propres règles et d'organiser leur propre
milice privée de sécurité. Selon les cas, leur accès est
réglementé, la zone soumise à une vidéo-surveillance continue et
des gardiens de sécurité peuvent intervenir à tout moment.
Certaines catégories de la population ne peuvent y accéder, les
mendiants, les sans-abris, les quêteurs, les marchands ambulants
sont immédiatement expulsés ; de même que certaines pratiques : le
pique-nique, le skateboard, la consommation d’alcool, les
manifestations, les photographies, etc., y sont interdites. Dans les
cas extrêmes, certains types de comportement sont non
grata,
on peut citer à titre d’exemple la décision prise par les
dirigeants du centre commercial de Bluewater d’interdire le port
des sweatshirts à capuche et des casquettes. Dans d'autres cas, il
ne s’agit pas uniquement d’exclure les délinquants potentiels
mais également ceux qui veulent profiter de l’espace public sans
dépenser d’argent.
La
priorité des BIDs est donc l’élimination de tout ce qui pourrait
effrayer ou gêner les consommateurs potentiels de visiter leur
zone. La criminalité, la petite délinquance, le vandalisme, les
actes d'incivilités sont ainsi identifiées comme des ennemis qu'il
convient d'éradiquer, ce qui explique le chevauchement des
politiques pénales et celles de réhabilitation urbaine. Ainsi, le
London
Bridge Business Improvement District Company annonce
clairement sa mission :
« To
make London Bridge a world-class business district and visitor
destination that is better managed, cared-for and connected. »
« We
aim to make the London Bridge area as safe and secure as possible –
and the perception of safety is just as important to us as crime
statistics. »
Aujourd'hui
des dizaines de BIDs existent en Angleterre et au pays de Galles,
régies par la loi sur le gouvernement local de 2003 (The
Local Government Act,
articles 41-59).
L'architecture
des
Jeux
Le
Comité International Olympique (CIO) est une organisation à but non
lucratif, basée en Suisse, qui détient la propriété exclusive
des jeux Olympiques, comprenant les droits sur l'organisation,
l'exploitation, la retransmission, l'enregistrement, la
représentation, la reproduction, l'accès et la diffusion, et ce,
sous n'importe quelle forme ou par n'importe quel moyen ou mécanisme,
existants ou à venir, ainsi que le contrôle exclusif de
l'utilisation du symbole, du drapeau, de la devise, de l'hymne, de
l'emblème, de la flamme olympique et de la torche, qu'on appelle
« les propriétés olympiques».
Le
CIO a le pouvoir d'élire la ville parmi les candidatures soumises
par les Comités Nationaux Olympiques, implantés dans chaque pays,
ou presque. La ville élue, devenant la ville hôte, s'engage
auprès du CIO à respecter scrupuleusement les conditions
d'organisation des 26 manuels techniques, contraignants, qui
réglementent en détail l'ensemble des dispositions pour chaque
domaine, tels que l'accréditation, l'hébergement, les cérémonies,
les divertissements, le commerce, le village olympique, etc.
Dans
ce cadre, sera créé par la mairie de Londres et le secrétaire
d'État à la Culture, des Médias et du Sport, un organisme, le
London
Organising Committee of the Olympic Games and Paralympic Games
(Comité
d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques) (LOCOG)
,
qui « doit fournir le maximum d'avantages et d'efficacité »,
responsable
de l'organisation, de la planification, du financement et du
déroulement des Jeux. L'approbation
en 2006 par le Parlement anglais des jeux Olympiques, a complété
la structure juridique nécessaire par la création d'une institution
publique responsable de la construction de l'infrastructure
nécessaire pour les
Jeux : The
Olympic Delivery Authority (ODA),
responsable des opérations d'urbanisme avant et après les jeux
(l'acquisition ou
l'expropriation de terrains, la construction des équipements et de
l'hébergement, etc.), le plan des transports, et la réglementation
des activités commerciales, de la publicité - y compris la
capacité à prendre des mesures juridiques en cas d'infraction.
L'Olympic
Delivery Authority cumule ainsi des pouvoirs
extraordinaires ayant la charge de coordonner avec autorité, les
différentes administrations chargées de la planification urbaine,
de l'architecture, des infrastructures, des transports publics, des
règlements commerciaux, de la police et toute autre entité
publique d'un quartier concerné par un site olympique. Le parlement peut être amené à voter des lois facilitant son travail, diminuant le recours des tiers, ou le temps des procédures judiciaires, etc. Tout ceci forme une des caractéristiques essentielles de l'état d'exception notée par Agamben: l'abolition provisoire de la distinction entre les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutifs. Une sorte d'"état d'exception mentale" accompagne généralement l'annonce de la candidature d'une ville et dans ce cadre propice au nationalisme, la population et ses dirigeants acceptent plus facilement une simplification des procédures, la limitation des droits et autres mesures "nécessaires", réclamées par la ville-hôte qui justifie ces mesures d'exception par l'importance de l'évènement, l'ampleur des travaux et des difficultés, et de l'image qu'elle se doit d'offrir au monde entier, et ce , à toutes les phases de l'organisation. Finlo Rohrer affirmait ainsi à la BBC en 2005 : Si vous croyez dans les chances de Londres 202, vous êtes un chic type qui aspire à la réussite de la Grande-Bretagne ; mais si vous exprimez des doutes, vous êtes un sale rabat-joie.
BANKSI | JO 2012 |
Les
zones d'exception olympique
La
charte du Comité international olympique, stipule que les sites
olympiques, leurs abords, les enceintes sportives, le village
olympique et autres lieux dédiés aux jeux, doivent impérativement
être protégés contre plusieurs types de menaces :
- le terrorisme, prérogative exclusive de l'Etat hôte où le CIO n'intervient pas ;
- les mouvements citoyens de contestation comprenant les domaines religieux, ethnique, éthique et politique ; la Charte olympique oblige ainsi que : Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans les zones olympiques ;
- le terrorisme commercial, prérogative exclusive du CIO et des sponsors officiels.
Clean
venue
Le
CIO utilise dans sa charte le terme Clean venue, traduisible
littéralement par « zone propre », qui s'applique à un
lieu en conformité avec les normes établies dans le Contrat ville
hôte et la Charte olympique. Le terme se réfère à toutes les
structures, les installations et les zones qui sont utilisées aux
fins officielles olympiques, d'être exemptes de toute publicité
commerciale – autres des sponsors - et d'autres messages jugés
inappropriés pour l'environnement des Jeux Olympiques. Dans ce
cadre, les
Olympics
Brand Exclusion Zone sont
élaborées en tant que mécaniques de
génération de plus-value, pour la protection du sponsoring officiel
et pour lutter contre le terrorisme commercial des marques non
officielles et concurrentes.
Le
Terrorisme Commercial
Le sponsoring sportif et le
marketing urbain, sont à l'origine du concept de Brand
Exclusion Zone, une
zone parfaitement délimitée dans laquelle seules sont admises, lors
des grands évènements sportifs, voire culturelles, par les
autorités compétentes et les organisateurs, des entreprises privées
à y faire figurer leur logo, et à mener leurs actions commerciales
(affichage, manifestation, évènementiel, etc.). Les Brand
Exclusion Zones, élaborées
en concertation avec les sponsors, s'inscrivent dans
les chartes des plus grands organisateurs de manifestations
sportives : la FIFA, l'UEFA, le Comité international olympique, etc,
et les villes hôtes doivent s'y contraindre, en accepter les
termes et ce, avant d'être élue, dès leur candidature.
Ces
chartes doivent assurer aux sponsors officiels leur bonne visibilité
et dorénavant, une protection contre l'ambush
marketing des
marques concurrentes. Cette stratégie encore appelée «
pseudo-sponsorship ou pseudo-parrainage », « marketing ou commerce
d’embuscade », « marketing parasitaire », « marketing pirate »,
« marketing sauvage », « guet-apens commercial » ou
« guérilla marketing », consiste pour une marque voulant
s'associer indirectement à un évènement dans le but de
profiter de la reconnaissance et des bénéfices qui sont attachés
au fait d'être un sponsor officiel, à organiser une campagne
publicitaire planifiée. L'objectif
principal des ambushers n‟est pas seulement d'obtenir une grande
visibilité mais bien de créer la confusion dans l'esprit du public
afin qu'il soit difficile de savoir qui sponsorise
vraiment l’évènement et de se faire ainsi passer pour
un sponsor, ou alors de diminuer l'impact d‟un concurrent qui
sponsoriserait l’évènement.
C'est
bien une « guérilla marketing » que se livrent tous les
grands consortiums mondiaux – sans quasiment aucune exception -
mais aussi les marques n'ayant pas les moyens financiers d’accéder au
statut de sponsor officiel. Dans cet affrontement sans merci,
l'année 1996 marque un tournant dans les rivalités : l'année
1996 des grands rendez-vous sportifs de classe internationale,
le Championnat d'Europe de football, organisé par
l'Angleterre et les jeux Olympiques d'Atlanta, aux Etats-Unis.
L'édition
de l'Euro 96, a fourni un magnifique exemple d'ambush
marketing qui a
profondément modifiée la destinée du sponsoring sportif : Nike
s'opposait alors à la marque anglaise Sportswear Company Umbro,
fournisseur officiel de vêtements de sport, dont le
logo allait inonder les écrans de télévision. Les dirigeants de
Nike ripostèrent en achetant chaque moindre espace publicitaire dans
un large périmètre autour du stade de Wembley, et notamment dans et
aux alentours de la station de Métro Wembley Park, principal hub de
transport public. La Sportswear Company Umbro était ainsi cantonnée
aux stades, assiégée par la campagne publicitaire Nike. La
même chose s'est produite en 1998, opposant cette fois-ci Nike à
son éternel rival et fournisseur officiel Adidas ; Nike avait à
cette occasion créé son propre « Nike Village » à proximité
du village officiel.
Lors
des Jeux d'Atlanta, un des sponsors officiels, Reebok, s'est à
nouveau retrouvé confronté à la concurrence d'un ambusher. Il
s‟agissait cette fois-ci de Puma qui avait donné au coureur
anglais Linford Christie des lentilles de contact bleues incrustées
du logo Puma blanc qu'il avait portées lors d‟une conférence
de presse. Kodak sponsor de l’évènement aura
à affronter son concurrent Fuji qui organisa-sponsorisa
une exposition photo : « Images of Excellence » en l'honneur
des 100 ans de l'athlétisme. Cette exposition voyagea à
travers les Etats-Unis pour finalement atteindre Atlanta au même
moment... que les Jeux Olympiques. Kodak avait beau avoir payé
près de 40 millions de dollars pour sponsoriser les Jeux, Fuji
était tout de même parvenu à s‟associer à l’évènement.
Les grands
organisateurs d’évènements et
leurs sponsors, payant
des sommes pouvant parfois atteindre des centaines de
millions d'euros, renforceront chaque année leur charte
afin d'empêcher, dans la mesure du possible, les pratiques
d'ambush marketing
et de renforcer les droits exclusifs liés aux différents types
de marketing touchant à l’évènement. C'est un point capital
pour les organisateurs, car en effet, s'il était possible pour
une marque d'obtenir des avantages comparables gratuitement, par des
attaques pirates, plus aucune marque ne serait prête à
débourser le moindre centime pour obtenir des droits de parrainage.
Les villes en acceptent les termes, car ces sponsors sont vitaux
pour l'organisation d’évènements de ce type. Leur
organisation requiert, des coûts très importants, voire
pharaoniques dans le cas des Jeux, et la majeure partie des revenus
touchés par l'organisateur ne provient pas de la vente de
tickets mais bien du paiement de droits de parrainage et de droits de
retransmission.
Ainsi,
face à l'ambush marketing, les organisateurs et sponsors
renforceront progressivement leur arsenal de
normes légales et règlementaires ainsi que toute une série de
moyens non-contentieux pour tenter d'évincer les
ambushers. Les
organisateurs exigent
des villes d'obtenir une réglementation spécifique et temporaire,
leur offrant un maximum
de garanties, taillées sur mesure pour les
sponsors. A
l'occasion des Jeux Olympiques de Sydney en 2000, deux lois furent
votées afin de protéger
l'évènement. L'une concernant la protection des signes tels que «
Jeux de Sydney », « olympiade », « olympique », etc.. ;
l'autre avait trait à la publicité dans l'enceinte olympique et
aux alentours de celle-ci.
De
même lors des Jeux Olympiques d'Athènes en 2004, une loi
fut également prise pour interdire la publicité par des
sociétés non autorisées dans l'enceinte et aux
alentours de l’évènement, y compris dans l'espace aérien.
Au sol, un
stripteaseur avait fait sensation lors d'une compétition de
natation, en surgissant dans le plus simple appareil, avec un slogan
publicitaire barrant sa poitrine.
Les
jeux Olympiques de Beijing en 2008 utilisèrent les mêmes
procédés. Une stratégie de lutte efficace contre l'ambush
marketing
nous est donnée par les mesures mises en place par la
Fédération Internationale de Football Association (FIFA)
à l'occasion de la Coupe du Monde de football 2010, en
Afrique du Sud. Parmi les principales mesures, les Brand
Exclusion Zone ne
s'appliquaient plus seulement à l'intérieur des stades, à leurs
parvis et façades, mais étaient considérablement élargies à un
périmètre étendu, ayant comme épicentre le coeur des stades. La
stratégie de guérilla publicitaire
de Nike s'adapta à ces restrictions et s'engouffra, avec une
étonnante efficacité, dans les graves lacunes laissées dans les
réglements. Ainsi, Nike contourna la Brand
Exclusion Zone, insitutant un large
périmètre de restrictions d'affichages publicitaires –
traditionnels - autour des stades, en projetant sur les façades d'un
building du centre de Johannesburg, ses messages et images, d'une
hauteur de 90 mètres, parfaitement visibles depuis les quartiers
centraux...
Le
plus parfait exemple s'est déroulé lors du match Danemark contre
les Pays-Bas en juin 2010,
un groupe de jeunes femmes vêtues de mini robes oranges –
couleurs des Pays-Bas et de la bière hollandaise Bavaria – a
été expulsé du stade. Lors du match, elles ont en effet retiré
leurs vêtements de ville, faisant apparaître leur tenue orange
sur lesquelles apparaissait un logo discret de Bavaria, peu
visible. Par ailleurs, une opération marketing en amont avait
également été préparée car ces tenues étaient déjà
offertes à l'achat de packs de bières. Cette campagne provoqua
à nouveau la colère de la FIFA car Bavaria ne faisait pas partie
des sponsors officiels mais tentait de profiter de la visibilité
de l’évènement. Budweiser était la seule bière
autorisée pour cette Coupe du Monde. Une action civile a donc été
intentée contre Bavaria. Une trentaine de jeunes femmes furent
interrogées et deux d‟entre elles, suspectées d‟avoir
conçu la campagne, ont été pénalement poursuivies devant un
tribunal de Johannesburg pour violation du Merchandise Marks
Act. L'affaire s'est finalement soldée par un arrangement
entre les deux compagnies... Au final, Bavaria a bénéficié
d'une large couverture médiatique, le tout avec un budget dérisoire
contrairement aux millions d'euros dépensés par Budweiser : les
jeunes femmes ont fait l'objet de l'attention des caméras et
beaucoup de gens ont perçu les démarches de la FIFA comme
exagérément agressives, entraînant de la sympathie pour les jeunes
femmes. L'affaire a fait couler beaucoup d'encre et cela a
bénéficié à Bavaria qui a vu ses ventes augmenter.
Parmi
les centaines d'exemples concernant d'autres manifestations sportives
internationales, l'ambush
marketing lors du match
de rugby entre l'Australie et la Nouvelle-Zélande, consista à faire
parcourir par deux hommes nus le stade avec le logo de
Vodafone peint sur leurs corps alors que l'entreprise ne
sponsorisait pas l’évènement. Plus classique : lors du
tournoi de tennis de Wimbledon, la marque de chips Pringles,
appartenant au groupe Procter & Gamble, décida d‟une
opération de distribution de boîtes de chips aux alentours du
stade, aux passants se dirigeant vers le stade. Deux
sosies de célèbres joueurs de tennis (Roger Federer et Bjorn
Borg) avaient été spécialement recrutés pour attirer
d'avantage l'attention. La marque "pirate" s'est
ainsi clairement associée à l’évènement. Ou bien
encore, la marque de chaussure K-SWISS a disposé en 2008 près
du stade de Roland-Garros une voiture sur le toit de laquelle
était incrustée une balle géante aux couleurs de la marque et
en face, un camion recouvert d‟une affiche représentant un
tennisman en action donnant l'impression de frapper sur la
balle. K-SWISS ne sponsorisait pas le tournoi de tennis mais son
action a été fort remarquée.
Clean
Venue Implementation
Ainsi
le CIO place le problème de l'ambush
marketing au centre des demandes
faites à la ville hôte car les
sponsors olympiens sont une source vitale de financement, sans lequel
le Royaume-Uni, ni aucun autre pays, ne serait pas en mesure
d'accueillir les Jeux. Ils sont l'une des principales sources de
financement, sans laquelle rien n'est possible.
Le Comité international olympique, devant protéger au mieux
l'intérêt de ses sponsors, les assurent qu'à Londres, les
pratiques d'ambush
seront
- quasi-immédiatement – éliminées
hors du cadre télévisuel, le réseau de vidéo-surveillance -
500.000 caméras -, et la « police » y veilleront. De même, les
parlementaires anglais ont voté un amendement qui vise à proscrire
toute publicité illicite lors des Jeux.
Le
CIO ajoute également - est-ce de l'humour britannique ? - vouloir
assurer un environnement accueillant pour les spectateurs [ensure
a welcoming environment for spectators].
Les
différentes échelles d'exclusions
Le
CIO exige des mesures strictes dans les enceintes classifiées
olympiennes, propriétés temporaires spirituelle
et symbolique du Mouvement olympique. Au-delà de ces enceintes
sacrées, les
périmètres des Olympics
Brand Exclusion Zone sont
définies par le CIO, et ainsi, du terrain ou de l'aire de jeu à
l'espace aérien, chaque périmètre est soumis à des règles
concernant
la publicité et l'identification commerciale.
En
outre, intervient également d'autres facteurs différenciant les
« lieux de compétition » qui s'appliquent à toute
structure ou zone dans laquelle un événement sportif a lieu, et
les « zones de non-compétition », terme qui s'applique à
toute structure dédiée officiellement à d'autres activités que
les événements sportifs, dont le Main Press
Centre (MPC), l' International Broadcast Centre (IBC), le village
olympique, et l'Hôtel du CIO.
La
charte et les guides techniques du CIO sont indicatifs, et révisés
en fonction des actions pirates
survenues lors des grands évènements sportifs internationaux.
Chaque action terroriste commerciale est répertoriée et
catégorisée, et les lignes directrices s'adaptent aux stratégies
d'ambush
marketing.
Ainsi,
à Londres, les
recommandations et les obligations faites par le CIO, concernant le
terrorisme commercial et les pratiques d'ambush
marketing,
stipulent d'agir sur quatre types de zones géographiques ayant
chacune leurs propres règles, périmètres et temporalité.
Olympic Marketing Ambush Prevention and Clean Venue Guidelines |
ZONE
de Niveau 4 - l'agglomération
Les
zones de niveau 4 comprennent l'espace aérien, les routes d'accès
aux sites, les bâtiments – notamment de grande hauteur -, à
proximité ou visibles depuis des sites, etc. Toutes
les mesures
nécessaires doivent être prises pour veiller à ce qu'aucune
propagande de toute nature apparaisse dans le champ de vision des
caméras de télévision et des spectateurs. Dans ce cadre, une
attention particulière est d'éviter la publicité et la propagande
dans l'espace aérien – avions, aéronefs, ballons, etc. - de la
ville hôte et d'autres villes qui accueillent des événements
olympique (CIO, 2005, p. 10). Une pratique déjà proscrite par les
autorités qui s'inscrit dans la sécurisation militaire des sites et
de la ville hôte, interdite de survol. Londres olympisée représente
une certaine radicalisation de la charte du Comité international
olympique : en effet, l’accord sur le programme de marketing
conjoint signé par Londres et le Comité National Olympique
britannique, et accepté par le CIO, prévoit des
garanties pour tous les espaces publicitaires extérieurs de la
ville de Londres, sauf pour approximativement 1 % des 2 700
espaces contrôlés par la BAA (British Airports Authority –
société des aéroports britanniques), laquelle est liée par
des contrats à long terme. Le CIO est en mesure de contrôler
l'ensemble des panneaux publicitaires légaux du Great London : les
meilleurs emplacements publicitaires - gares, métro,
autoroutes et rocades menant aux sites olympiques ou à l'aéroport,
lieux emblématiques ou historiques, etc. - sont en principe
"réservés" aux sponsors, leurs concurrents sont
toutefois admis mais certainement contraints aux zones de moindre
importance, et bien sûr, interdits dans les enceintes et leurs
périmètres d'Olympics
Brand Exclusion Zone.
Pour les marques non-olympisées, l'enjeu tient au génie des
publicitaires d'inventer des pratiques légales, ou justement
inédites et non encore proscrites par le CIO.
ZONE
de Niveau 3 – les périmètres
étendus des sites olympiques
Elles
comprennent les espaces techniques ou annexes – parkings public ou
officiel, parvis d'accès, etc. -, les abords immédiats des sites
olympiques aujourd'hui délimités par un large périmètre, une zone
tampon. Elles peuvent concerner également les voies d'accès entre
une station de Métro et une enceinte olympique.
Dans
ces zones, la publicité ou toute autre activité commerciale est
autorisée pour les partenaires officiels. À Londres
les Brand Exclusion Zone,
affichent les règlements d'une certaine radicalité ; celle du
Parc olympique de Strartford, est étendue au-delà de son périmètre,
pour une période de 35 jours. La promotion, la publicité des
marques concurrentes des sponsors officiels olympiques, et des
"partenaires" [sponsors nationaux ou locaux dans les
catégories non concurrentes de celles des sponsors Top et donnant
droit au marketing olympique uniquement dans leur pays] seront
strictement interdites, et les contrevenants passibles de lourdes
amendes. Les restrictions concernent les
traditionnels supports publicitaires - affichage, projection,
manifestation, prospectus, son, etc., les vendeurs ambulants, les
kiosques, etc. La vente ambulante peut compromettre, selon le
CIO, "certains aspects de la présentation visuelle des Jeux, et
porter atteinte à l'intégrité du Mouvement olympique, et diminuer
l'image des Jeux, la ville hôte, et la citoyenneté locale."
[sic].
Et
ce jusqu'aux restrictions faites sur les usagers, quels qu'ils
soient, spectateur ou simple promeneur, empruntant ces zones :
ainsi, par exemple, sont strictement interdits, les vêtements ou
accessoires, ou tout autre objet arborant des marques non grata
; de même des emballages d'aliments ou de packagin de boissons
estampillés d'un logo non officiel, etc. L'humour britannique
ironise ainsi que porter un tee-shirt Pepsi-Cola - Coca-Cola étant
le sponsor officiel - sera considéré comme un acte de terrorisme
publicitaire, qu'il vous faudra expliquer au commissariat du coin. Le
CIO indique aux organisateurs que trois types de violation sont à
prendre en considération : accidentelle, provoquée ou délibérée.
Le premier cas, peut concerner, par exemple, un spectateur entrant
dans une enceinte sportive avec un signe distinctif – logo,
emblème, etc - d'une marque non-officielle sur un t-shirt, un
parapluie ou un coussin de siège, etc... lui interdisant l'accès.
Cette
restriction, nous l'avons évoqué s'applique plus largement à tous
les domaines, religieux, politique, ethnique... comme nous le verrons
par la suite. Elle s'applique plus particulièrement pour les zones 1
et 2.
ZONE
de Niveau 2 – les sites
Les
zones de niveau 2 comprennent :
- tous les espaces intérieurs, autre que l'aire de jeux et des gradins, d'une enceinte sportive : les zones de circulation ou de déambulation, les accès, les halls, les toilettes publiques, etc.
- et dans le cas de Londres, le parc olympique, incluant vastes espaces extérieurs publics, les zones de guichets, les lieux d'aisance et de loisirs, les restaurants, etc.
Aucune
publicité d'aucune sorte n'est autorisée, sauf pour les sponsors
officiels et fournisseurs des Jeux. Le
summum de cette mégalomanie publicitaire est atteinte dans les sites
olympiques existants de la capitale : à Coventry, les panneaux de
signalisation [sponsorisés par des entreprises] ont été modifié
de manière à supprimer le logo de Ricoh Arena, qui accueille
habituellement les matchs du tournoi de football ; de même, les
logos sur les sèche-mains dans les toilettes seront éliminés
provisoirement.
Le centre commercial de Westfield Stratford City implanté stratégiquement à proximité du Parc olympique et connecté à l'une des stations de Métro le desservant représente l'exception notable.
Le centre commercial de Westfield Stratford City implanté stratégiquement à proximité du Parc olympique et connecté à l'une des stations de Métro le desservant représente l'exception notable.
ZONE
de niveau 1 – les enceintes sportives
Les
zones de niveau 1 comprennent :
- l'aire de compétition (le terrain ou l'aire de jeu) ;
- la zone des spectateurs (les tribunes, les gradins)
- tout autre lieu ou emplacement qui peut être vu par les caméras de télévision qui couvrent la compétition sportive et les tribunes des spectateurs.
Les
installations commerciales et les panneaux publicitaires sont
interdits – y compris des sponsors - dans et au-dessus des stades
et autres aires de compétition [Article 61]. Aucune publicité ou
activité commerciale de quelque nature n'est autorisée, autre que
l'identification très limitée des fabricants de matériel sportif,
équipement technique, équipement personnel, et des uniformes.
Aucune forme de publicité ou de
propagande, commerciale ou autre, ne doit figurer sur les personnes,
sur les vêtements de sport, les accessoires ou, plus généralement,
sur n'importe quel équipement porté ou utilisé par les athlètes
ou les autres participants, à l'exception de l'identification du
fabriquant de l'article ou de l'équipement concerné, sponsor d'une
équipe, et à la condition que cette identification ne doit pas être
marquée de manière ostensible à des fins publicitaires. La taille
des logos des sponsors sur les vêtements des sportifs en
compétition est codifiée.
Les
exhibitionnistes candidats au striptease publicitaire lors des JO de
Londres de 2012 seront sévèrement châtiés aux termes d'une
législation renforcée soumise aux députés. La
loi prévoit jusqu'à 20.000 livres (22.900 euros) et/ou une peine de
prison à l'encontre des "streakers", s'ils aggravent leur
cas en peignant sur une partie de leur anatomie dénudée des slogans
vantant un produit ou une marque. Il faut savoir que les streakers,
au Royaume-Uni se manifestent régulièrement sur les pelouses
sportives, de préférence lors de rencontres télévisées, au point
que cette spécificité apparaît comme un autre sport national, au
côté du football et du rugby.
Tous
les sites olympiques seront ainsi soumis à de telles restrictions et
étroitement surveillés, y compris les épreuves sportives se
déroulant en "extérieur", dont les 42.195
kilometres,
du marathon, se déroulant dans les rues de Londres. Dans
ce cas, des exceptions sont acceptées, mais limitées dans la mesure
du possible.
L'éthique
olympique
Le
sponsoring peut aussi devenir une arme à double tranchant, en
donnant une résonance planétaire aux critiques. L'implication
dans les JO de Londres du groupe américain Dow Chemical a ainsi fait
l'objet d'une vive campagne d'opposition en Inde et au Royaume-Uni en
raison de son lien avec la gigantesque catastrophe industrielle de
Bhopal en 1984. Le comité olympique indien a officiellement
protesté, et
Meredith Alexander, membre de la
commission d’éthique des Jeux olympiques a récemment démissionné.
D'autres
sponsors de ces Jeux sont des cibles potentielles de protestataires,
comme le pétrolier BP visé par les défenseurs de l'environnement
pour l'extraction de sables bitumineux. Des
professeurs de médecine britanniques ont de leur côté demandé le
retrait de McDonald's et Coca-Cola au nom de la lutte contre
l'obésité et des syndicats de mineurs sont déjà venus manifester
à Londres contre le groupe minier Rio Tinto - fournisseur des
matériaux précieux des médailles -, à cause d'un conflit social
au Canada. L'aciériste
ArcelorMittal qui ferme des sites en Europe, confronté à des
conflits sociaux, n'améliore guère son image "sociale" et
planétaire en dépensant une somme considérable pour parrainer les
JO, et une épouvantable sculpture géante en acier conçue par
l'artiste Anish Kapoor, la tour Orbit, qui offrira un point de vue
sur le parc olympique du haut de ses 115 mètres.
Amnesty
International demande ainsi si le Comité international olympique et
le Comité national olympique ne devraient-ils pas s'efforcer de
prendre toutes les précautions nécessaires, en faisant preuve
d'équité, de transparence, d'objectivité et de rigueur, afin
de s'assurer que les entreprises qu'ils choisissent comme partenaires
respectent les droits humains ? Les
remarques désobligeantes ne manquent pas, mais le CIO, souligne que
les jeux Olympiques se différencient des autres compétitions
sportives majeures en interdisant la publicité dans les aires de
compétitions...
La
militarisation
de
l'espace urbain
Les
jeux Olympiques de Londres 2012, prennent place dans un pays depuis
longtemps soumis à des lois d'exception, qu'elles soient nationales
concernant l'anti-terrorisme, municipales
et locales, en vigueur dans les Business
Improvement Districts. Dans
le cas de Londres, l'organisation des Jeux Olympiques bénéficie de
dispositifs sécuritaires exceptionnels et d'une longue expérience,
tel le réseau de vidéo-surveillance constitué de 500.000 caméras,
unique en Europe, ou la pratique acquise des milices privées de
sécurité, voire même des « taupes » infiltrées dans
les organisations les plus actives du type Occupy London.
Etat
d'exception ou dictature ?
Trois
lois se complétant sont au coeur du système juridique britannique –
et font l'objet d'une prodigieuse controverse - : celle promulguée
en 2001, le Terrorism
Act 2001,
The Prevention of Terrorism Bill, votée
en 2005, et The Terrorism Bill 2006, votée
après les attentats du mois de juillet 2005.
The
Prevention of Terrorism Bill met fin à un double système
d’organisation juridique : État de droit pour les nationaux et
violence pure pour les étrangers. La suppression de l’habeas
corpus est généralisée à l’ensemble des habitants. On entre
dans un état d’exception généralisé. The
Prevention of Terrorism Bill,
autorise le ministre de l’Intérieur à prendre des mesures de
contrôle pouvant conduire aux arrêts domiciliaires d’une
personne, lorsqu’il « a des raisons fondées de soupçonner qu’un
individu
est
ou a été impliqué dans une action liée au terrorisme ». Il
pourra également lui interdire l’utilisation d’un téléphone
mobile, limiter son accès au Net, l’empêcher d’avoir des
contacts avec certaines personnes, l’obliger à être chez lui à
certaines heures, autoriser la police et les services spéciaux à
avoir accès à toute heure à son domicile. Il a également la
possibilité de limiter son accès à un emploi ou à une occupation.
Elle donne au ministre de l’Intérieur des pouvoirs de magistrat.
Une personne est désignée comme terroriste non par un jugement,
mais par un certificat établi par un représentant du pouvoir
exécutif. Ce dernier ne doit, à aucun moment, justifier une
décision qui s’applique à de simples suspects. Les éléments
objectifs, devant servir de base à ces soupçons, ne sont même pas
nécessaires puisqu’ils restent secrets. Il suffit que l’autorité
administrative affirme les détenir et que cette déclaration soit
corroborée par un tribunal. C'est
le cas de Marian Price, figure publique du mouvement républicain
irlandais « dissident » prônant la lutte armée pour
mettre fin à la domination britannique. Elle est aujourd'hui
emprisonnée en Irlande du Nord depuis plus d’un an, sur le
fondement de preuves secrètes que ni elle ni ses avocats n’ont été
autorisés à voir. Elle est internée sans procès ni accusation et
sans date de libération en vue. [Source Secours Rouge | Belgique].
En
outre, le gouvernement ne fixe aucune limite temporelle, la lutte
anti-terroriste étant conçue comme une guerre de longue durée
contre un ennemi multiforme. Cette loi ne s’inscrit plus que
formellement dans un état d’exception. Selon le sociologue
Jean-Claude Paye, l’Antiterrorism, Crime and Security Act 2001
ainsi que le Prevention of Terrorism Act 2005
représentent un pas supplémentaire dans le démantèlement de
l’État de droit. :
Cette loi fait entrer le
Royaume-Uni dans une nouvelle
forme de régime
politique que la théorie du droit désigne
comme dictature.
The
Terrorism Bill 2006, représente un nouveau pas en avant dans la
capacité offerte au pouvoir exécutif de criminaliser, non seulement
toute action politique, mais aussi toute parole d’opposition
radicale ou de soutien à ces actions. La matérialité des faits
n’est plus nécessaire pour poursuivre des comportements, ni
l’intention attribuée aux personnes incriminées. Il s’agit là
de l’apport spécifique de cette loi [3]. L’avocat
David Anderson évoquait l’un des systèmes les plus répressifs
opérés par des démocraties occidentales comparables", le sociologue Jean-Claude Paye analyse ses principales caractéristiques :
Pour
comprendre toute la portée des nouvelles incriminations, celles
d’incitation indirecte et de glorification du terrorisme, on doit
les relier au Terrorism Act 2000 qui définit comme
terroriste l’acte qui entraîne des « dommages sérieux à la
propriété », qui « a pour objectif d’influencer le gouvernement
ou d’intimider la population ou une partie ce celle-ci » et qui «
le fait avec le but de promouvoir une cause politique, religieuse ou
idéologique ». Une telle définition du terrorisme permet de
criminaliser, non seulement des actions ayant des références
religieuses, mais aussi des mouvements sociaux de défense des droits
politiques et économiques. On voit tout de suite l’utilisation que
le pouvoir peut faire de ces nouvelles incriminations pour s’attaquer
à des actions non violentes, des paroles de solidarité vis-à-vis
de personnes ayant commis des actes désignés comme terroristes ou
simplement des déclarations, des prises de position hostiles à
l’action politique, économique ou sociale du gouvernement ou d’une
organisation internationale.
Par rapport au Terrorism
Act 2000, le Terrorism Act 2006 représente
un nouveau pas dans le démantèlement des libertés publiques. Le
Terrorism Act 2000, comme les lois anti-terroristes
adoptées au niveau de l’Union européenne, permet de s’attaquer
à toute action politique que le gouvernement juge indue. Il
criminalise le but de l’auteur d’un délit, celui de faire
pression sur un gouvernement ou sur une organisation internationale.
Il met en place un délit d’intention.
Le Terrorism Act 2006
remet en cause la possibilité d’exprimer une opinion politique
qui soit inacceptable pour le gouvernement, que ce soit au niveau des
affaires intérieures ou au niveau de sa politique internationale. Il
s’écarte encore davantage de la matérialité des faits et
s’inscrit pleinement dans le virtuel, puisque l’intention de la
personne poursuivie d’obtenir par son discours un résultat
déterminé n’est même plus nécessaire, seule compte la manière
dont peuvent être interprétées ses paroles, sans qu’il y ait
nécessité d’un rapport objectif entre le discours prononcé et
les faits incriminés. Le Terrorism Bill 2006
représente un pas important par rapport au Terrorism
Act 2000 dans la capacité de criminaliser des groupes de
plus en plus importants de la population. La clause 21 de
la nouvelle loi permet une extension des raisons qui permettent
une mise hors la loi des personnes stigmatisées.
Le Terrorism Act 2000
permet déjà de poursuivre les individus et les
organisations violentes. Être membre d’une telle organisation est
un délit qui peut conduire à une peine de dix ans
d’emprisonnement. Le soutien à de telles organisations est
également poursuivi . La notion de soutien ne se limite pas à ses
aspects financiers ou matériels, il est suffisant « de supporter ou
de favoriser les activités d’une organisation par n’importe quel
moyen ». Est également poursuivi le fait « de porter un signe
distinctif ou un vêtement qui peut conduire à une suspicion
raisonnable que l’on est membre ou que l’on supporte une
organisation interdite ». La nouvelle loi permet, quant à elle, à
travers la notion de glorification, de s’attaquer à des groupes
non violents, de criminaliser des individus qui supportent des
groupes violents, simplement par la parole ou par des écrits. Elle
s’attaque à une glorification « illégale ».
En fait, la nouvelle loi
anglaise donne au gouvernement la possibilité de proscrire toute
organisation politique, d’emprisonner ou de déporter toute
personne qui exprime, a exprimé ou exprimera une opinion politique
différente de celle du gouvernement concernant un conflit violent
n’importe où dans le monde.
À travers les notions
d’incrimination indirecte et de glorification du terrorisme, The
Terrorism Bill donne au pouvoir exécutif et aux tribunaux
britanniques le pouvoir, non seulement de criminaliser toute forme de
soutien à un mouvement social, à une action destinée à faire
pression sur le gouvernement anglais, mais aussi de déterminer ce
qui est bon et ce qui mauvais partout dans le monde. Cette loi nie
l’essence même du politique. Il n’y a plus de conflits
d’intérêts, mais une lutte mondiale du bien contre le mal. Il
instaure également une solidarité entre pouvoirs constitués
vis-à-vis de leur opposition politique, en criminalisant tout acte
de résistance armée, mais aussi de toute action de solidarité
matérielle et de soutien, verbal ou écrit, vis-à-vis, par exemple,
de la résistance armée tchétchène ou palestinienne ou vis-à-vis
de groupes ou de personnes qui défendent, ou qui ont défendu dans
le passé de telles luttes. Dans les faits, se positionner
politiquement, en désaccord avec le gouvernement britannique, peut
devenir un délit.
The Terrorism Bill
représente le point le plus avancé dans la mise en place d’un
nouvel ordre juridique. Le droit n’est plus ce qui délimite les
prérogatives du pouvoir, mais au contraire ce qui supprime toute
frontière à son action. L’ordre juridique devient la
symbolisation du non-droit. Il s’agit également d’estomper toute
délimitation entre la matérialité du fait et sa simple
possibilité, le délit existe car le pouvoir en a posé
l’éventualité.
Parmi
cet arsenal de lois, l'article 44 du Terrorism
Act
2001, est sans doute le plus contraignant pour l'ensemble de la
population ; elle prévoit l'arrestation
immédiate par la police, de personnes susceptibles d'être
des "terroristes en mission de reconnaissance". Aujourd'hui
encore, on
ne compte plus les excès de zèle des policiers qui n'hésitent pas
à arrêter les touristes-terroristes qui photographient innocemment
les monuments ou les choses les plus anodines : récemment, deux
Autrichiens suspects car en train de photographier un arrêt de bus
ont été interpellés, ainsi que le célèbre photographe Martin
Parr, qui photographiait des fêtards à Liverpool.
Un
cadre propice pour les Jeux Olympiques...
De
fait, la sécurisation des Jeux Olympiques peut s'appuyer largement
sur les lois d'exception existantes et les décrets de lois votés
après les émeutes de Londres en 2011, concernent de nouvelles
mesures destinées à légaliser la surveillance étendue du réseau
internet, autoriser la police à l'accès aux données des opérateurs
de téléphonie mobile (le nouveau système autorise
à vérifier l’heure, la durée et les numéros de téléphones
d’un appel téléphonique, ou une adresse e-mail. [3]),
l'utilisation de drones, de logiciel à reconnaissance faciale, etc.
Selon
les organismes responsables, le risque premier et le plus grave
auquel sont confrontés les Jeux Olympiques est le terrorisme
international, de sorte que Londres est placée en état d'alerte
maximum. Sous
la pression des États-Unis, inquiets quant aux faibles mesures de
sécurité prévues initialement, les effectifs de sécurité ont été
plus que doublés pour un montant devant atteindre 553 millions de
livres selon les hypothèses les plus hautes (environ 663 millions
d'euros). Pour assurer la sécurité des Jeux, la plus grande
mobilisation de forces militaires et de police depuis la seconde
guerre mondiale sera mise en œuvre à Londres : des avions et
hélicoptères de combat - avec pour ces derniers, des tireurs
d'élite de la Royal Air Force à leur bord - seront temporairement
stationnés à la base de la Royal air force Northolt à Londres ;
des dispositifs de défense aérienne - missiles sol-air - seront
déployés sur les sites, les toits des immeubles, pour protéger
l’espace aérien britannique ; le HMS Ocean, le plus grand navire
de la Royal Navy, sera stationné sur la Tamise pour fournir un
soutien logistique, des logements et des pistes d’atterrissage pour
les hélicoptères ; 13.500
militaires seront officiellement déployés. Les effectifs militaires
totaux sont estimés à entre 24.000 et 49.000 soldats, mais le
chiffre réel est secret, ce qui explique l'ampleur de cette
fourchette ; 1.000 agents de la diplomatie américaine et du FBI
ainsi que 55 patrouilles avec des chiens seront envoyés sur la zone
olympique ; d’autres nations enverront probablement leurs propres
équipes de sécurité pour accompagner leur délégation d’athlètes
et de politiciens.
“Secure
by Design” (SBD)
Une
des préoccupations essentielles de Scotland Yard est d'éviter les
rassemblements de type « Occupy », les manifestations de
protestations susceptibles de venir perturber la grand'fête
olympienne. Le gouvernement a adopté des mesures de plus en plus
répressives et décidé d’accorder des pouvoirs accrus à la
police pour agir contre toute forme de protestation, parmi lesquels
la constitution de zones d'exclusion où sont
strictement interdites les manifestations, donnant à la police le
droit de pénétrer dans les domiciles privés, ou celui de saisir des affiches ou tracts politiques. La Loi confère à la police le droit d'entrer, par effraction au besoin, dans une propriété privée pour supprimer une publicité non autorisée ou bien, par exemple, une banderole de protestation. Des « zones de contrôle policier »
ont été délimitées – dans toutes les villes du Royaume-Uni -,
correspondant à des cibles potentielles d'attaque terroriste mais également de rassemblements ou de manifestations.
De même, il est probable que des agents aient infiltré les
organisations les plus sérieuses ou rémunérer des indicateurs.
Les
efforts se concentrent sur le parc olympique, situé dans le "pauvre"
district populaire de Newham. Parmi le prodigieux arsenal de mesures
policières, notons le couvre-feu
pour les jeunes de moins de 16 ans entre 21 heures et 6 heures,
sauf s'ils sont accompagnés par un parent ou un responsable âgé de
plus de 18 ans. Ici plus qu'ailleurs, la police est autorisée à
arrêter et à fouiller quiconque, sans motifs raisonnables, sur la
simple présomption d'intention criminelle ou terroriste. Les
rassemblements, les manifestations, les protestations pacifiques ou
tout autre action individuelle considérée comme telle, y sont
interdites pendant toute la durée des Jeux ; la distribution de
tracts, et les affiches politiques interdites de mêmes.
Les
rues du district ont été nettoyé de tout ce qui est considéré allant à
l'encontre de l'esprit olympique, les pauvres, les mendiants, les
quêteurs, les drogués et les prostituées. Les maisons closes
dans l'East End ont été perquisitionné et fermé ; tandis que les
alcooliques et les sans-abris ont été depuis longtemps transférés
hors de la zone via le Samu Social.
Westfield Stardford City |
La
protestation ?
Ce
déploiement de force et de lois d'exception, les expulsions, les
pénibles travaux et l'embourgeoisement du quartier n'ont guère
entraîné les habitants dans la lutte, et on remarque la quasi
absence de mouvements de contestation d'habitants de
Stratford. Ce manque de résistance, la passivité peuvent
s'expliquer par le fait que l'implantation du Parc olympique se situe
dans un quartier pauvre, concentrant un grand nombre de travailleurs
étrangers et en situation illégale, condamnés au silence ; un
quartier "déshérité", véritable ghetto, dont le plan de
renouvellement urbain satisfait les propriétaires, assurés d'une
avantageuse plus-value. De même, le site olympique s'est implanté
sur d'anciennes friches industrielles et ferroviaires : le nombre
d'habitants expropriés est infime. Les associations de
riverains contestant tel ou tel point du plan général
d'aménagement, contre certains aspects du projet urbain,
existent mais sont isolées. L'ordre règne, si ce n'est
un vague mouvement de contestation de personnes expulsés, rapidement
maîtrisé. La principale association de riverains en lutte,
s'oppose à l'utilisation par l'armée de missiles sol-air, et des
possibles retombées dangereuses sur des zones habitées.
Outre
ces rêves de plus-values immobilières, d'amélioration du
"cadre" de vie, le gouvernement, le maire de Londres,
et de Newham, ont assuré aux habitants, et plus
particulièrement aux chômeurs des quartiers concernés, qu'ils
seraient assurés d'un emploi dans les entreprises chargées de la
construction du site olympique, des grandes infrastructures, ou
bien d'un emploi dans les cérémonies d'ouverture et de clôture des
Jeux, dans les sociétés de gardiennage, de service, les parades
publicitaires, etc., et mieux encore dans les activités
post-olympiennes du gigantesque centre commercial, des hôtels, des
restaurants, des services, etc., et enfin, pour compenser des
désagréments, d'une position privilégiée pour obtenir
gratuitement des billets pour les JO.
Dans
une société durement éprouvée par des décennies de capitalisme
anti-social, propre au Royaume-Uni, et plus encore par la crise de
2008, la population de Newham cédera au mirage-miracle olympien,
celui d'un possible emploi, assurée de l'amélioration des
conditions de vie de leur quartier, voire de leur arrondissement, et
peut-être fière d'habiter à proximité d'un site olympien promis à un avenir
radieux. Quitte à accepter les formidables atteintes aux libertés
civiles et individuelles, ainsi que les sévices de la police, les
restrictions de circulation et des arrestations arbitraires.
Cela
étant, au fur et à mesure que la crise s'aggrave, les
East Landers s'interrogent : les emplois politiquement promis
existent bien mais sur la base de contrats précaires, intérimaires,
les grandes entreprises anglaises du bâtiment privilégiant leur
circuit d'entreprises sous-traitantes, employant une main d'oeuvre
immigrée, voire illégale, en tout cas sous-payée. Les
sponsors officiels préfèrent pour leur parade et activités
publicitaires les étudiants londoniens de la middle-class
médiatiquement plus télé et photogénique. Le village
olympique a été vendu au gouvernement de Bahreïn, en dépit des
engagements initiaux à stimuler l'habitat social. Les billets
promis sont rares et concernent les épreuves sportives les moins
appréciées...
L'ENFER
OLYMPIEN
Entrez dans une zone d'exception olympique, ou même s'en approcher, c'est renoncer à ses droits fondamentaux, ou plus exactement, accepter le fait qu'ils ont été suspendus ; c'est cautionner la désinfection sociale et politique, appliquée par les forces de l'ordre et les milices privées, bafouant les valeurs fondamentales d'une démocratie.
Londres
2012 n'est en fait qu'un vaste complexe commercial du type Bluewater
étendu à une agglomération, un "espace d'exception" de
surveillance et de répression, et de marchandisation d'un spectacle
planétaire, placé sous l'égide selon Pierre Bourdieu, d'une
grande entreprise commerciale, dominée par une petite camarilla de
dirigeants sportifs et de représentants de grandes marques
industrielles :
le
Comité
international olympique.
Un organisme lié à des consortiums privés, ayant le pouvoir
exhorbitant de désigner la ville hôte malgré des accusations
avérées de corruption, et d'une éthique passablement réduite compromettant l'universalisme olympien.
Pendant
la période olympique, le Biopouvoir, le Spectacle et le marché seront
intimement liés, indissociables même ; les
lois, y compris les accords commerciaux, seront ainsi
temporairement suspendus, et la ville hôte soumise à des lois
d'exception en réponse à une nécessité anti-terroriste qui
l’exige comme tel : Necessitas
legem non habet,
à entendre, selon G. Agamben, en ses deux sens opposés : « La
nécessité ne reconnaît aucune loi » et « la nécessité crée sa
propre loi » (ou, nécessité fait loi). L'impact de la constitution
d'un nouveau cadre juridique, à plusieurs échelles spatiales et
temporelles, doit exclure tout danger, toute menace possible ; rien
ne doit être laissé au hasard dans la régulation et la
surveillance de l'espace économique et politique de la ville, et
dans leur relation avec la planification urbaine caractérisée par
une stratégie de sécurité militarisée.
Le
Parc olympique de Stratforf, constitue dans ce dispositif, la
spatialisation concrète de l'état d'exception, l'espace idéal du
plus parfait totalitarisme politique et commercial, une authentique utopie réalisée mais
limitée à la durée des Jeux, du 27 juillet au 12 août 2012. A
moins qu'il ne s'agisse ici d'une
hétérotopie
de compensation,
définie ainsi par Michel Foucault, d'être un autre espace, un autre
espace réel, aussi parfait, aussi méticuleux, aussi bien arrangé
que le nôtre est désordonné, mal agencé et brouillon. Un lieu
hétérotopique qui :
« suppose
toujours un système d'ouverture et de fermeture qui, à la fois, les
isole et les rend pénétrables. En général, on n'accède pas à un
emplacement hétérotopique comme dans un moulin. Ou bien on y est
contraint, c'est le cas de la caserne, le cas de la prison, ou bien
il faut se soumettre à des rites et à des purifications. On ne peut
y entrer qu'avec une certaine permission et une fois qu'on a accompli
un certain nombre de gestes. »
Le
Clean
Venue,
cet espace « propre » apparaît comme une des plus parfaites
manifestations de l'ordre biopolitique contemporain, dans laquelle
le sujet se heurte nu
à
la puissance déchaînée du pouvoir. Pour reprendre à nouveau
Michel Foucault,
cet espace d'exception et le périmètre de sa zone tampon,
pouraient être un gigantesque panoptique inversé, où la «vie
nue», c'est-à-dire l'individu dépouillé de ses attributs
politiques et juridiques, est produite et gérée par le «pouvoir
nu», le pouvoir illimité et libéré de toute base juridique. Ici,
la distinction entre public et privé est désactivée, et appliquée
jusqu'au corps même de l'individu, d'abord fouillé, puis soumis à
des restrictions vestimentaire et alimentaire, à des obligations
commerciales, et contrôlé en permanence ; il s'agit bien ici d'un
espace totalitaire.
Michel Foucault affirme que le dispositif panoptique aménage des unités spatiales qui permettent de voir sans arrêt, sans être vu, et de reconnaître aussitôt.
“Et pour s'exercer, ce pouvoir doit se donner l'instrument d'une surveillance permanente, exhaustive, omniprésente, capable de tout rendre visible, mais à la condition de se rendre elle-même invisible. Elle doit être comme un regard sans visage qui transforme tout le corps social en un champ de perception : des milliers d'yeux postés partout, des attentions mobiles et toujours en éveil [...]”
“ De là, l'effet majeur du Panoptique : induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir. Faire que la surveillance soit permanent dans ses effets, même si elle est discontinue dans son action ; que la perfection du pouvoir tende à rendre inutile l'actualité de son exercice ; que cet appareil architectural soit une machine à créer et à soutenir un rapport de pouvoir indépendant de celui qui l'exerce [...]. Le Panoptique est une machine à dissocier le couple voir-être vu : dans l'anneau périphérique, on est totalement vu, sans jamais voir ; dans la tour centrale, on voit tout, sans être jamais vu.”
S'inspirant des théories d'Agamben, le criminologue Pete Fussey (et al. 2011) utilise le
concept d'«espace d'exception» pour définir ce type de dispositif
de «sécurité totale» basée sur l'orthodoxie du risque zéro, la
militarisation de l'espace urbain, d'un grand déploiement de forces
de police, le recours aux milices de sécurité privés, les
conceptions militaires architecturales et environnementales, sur la
forte dépendance de surveillance technologique, afin de dissuader
les terroristes. Et la militarisation de l'espace urbain, comme
mesure "nécessaire" aux différentes menaces terroristes,
loin d'être temporaire va se dissoudre ad vitam dans le système de
contrôle et de surveillance. Pete Fussey affirme qu'une fois
établies, ces mesures génèrent des règles et des «visions» de
l'ordre dans lequel elles tendent à devenir permanentes. En considérant que la plupart des dispositifs
de sécurité sont intégrés dans la conception architecturale des
constructions et des infrastructures, de sorte que leur démantèlement
ultérieur est parfois compliqué,
voire impossible.
Pete Fussey avance l'idée que le projet de renouvellement urbain de
l'Est de Londres associé aux Jeux olympiques, qui cherche à
convertir l'un des districts les plus pauvres de la ville, en un
nouveau quartier habitable pour les classes moyennes, nécessite un
important dispositif de sécurisation de ce district populaire. "Le
problème est que le parc olympique va devenir une sorte de ville
d'or – golden city - entourée par un océan de pauvreté",
déclarait John Biggs, membre du Labour Party. Dans
ce contexte, il serait naïf de nier l'opportunité d'une
infrastructure de sécurité destinée à « r-assurer »
les potentiels investisseurs et futurs habitants. Un responsable de
l'Association of Chief Police Officers affirme ainsi, qu'en fait,
la conception même qui a été élaborée et les mesures de sécurité
qui ont été mises en place, ont pour objectif post-olympien de
réduire sur zone, la criminalité, le vandalisme, l'incivisme et
les comportements anti-sociaux ; afin d'assurer aux futurs usagers,
résidents et commerçants qu'ils pourront bénéficier d'un
environnement prestigieux et sécuritaire et ce, dès la fin des
Jeux. Les mesures contre-terroristes seront appliquées à des
infractions plus prosaïques dans la période post-olympique.
Occupy
Olympics
La
résistance contre les Jeux Olympiques s'est organisée au sein
d'associations ; dont la "Newham
Monitoring Project", un organisme indépendant anti-raciste née
en 1980, qui s'est engagée à lutter contre les
restrictions de circulation et les arrestations arbitraires pendant
la période olympique, avec des observateurs formés juridiquement,
devant circulant dans la zone olympique de Stratford. Un numéro
d'urgence est disponible 24 heures sur 24. Les observateurs bénévoles
auront la charge d'aider les personnes « suspectées »
soumises à une quelconque répression policière, et de collecter
des données, des preuves contre les agissements arbitraires,
discriminatoires ou abusifs de la police, pouvant par la suite être
divulguées par la presse.
D'autre
part, pour le mouvement Occupy London, les jeux Olympiques
représentent une formidable tribune mondiale et les militants ont
annoncé et promis des manifestations, des sit-in, et autres actions
pacifiques. D'autres associations dont le groupe "Our Olympic
- London
2012 Reclaim" dénoncent la commercialisation des Jeux, les
sponsors - Dow Chemical en tête - la restriction des libertés
individuelles, et du droit de manifester, etc. et prône la
désobéissance civile durant les JO :
We
exist to provide a hub for creating and promoting acts of civil
disobedience around the London 2012 Olympics.
We
believe that the London 2012 Olympics is an £11bn tax payer funded
ad campaign for some of the worst offending corporations in our
world.
We
believe that public funds should be spent on public services, not
redirected to private profits.
We
believe the policy of Austerity is a lie. It is a means of
imposing an economic apartheid upon the UK.
We
believe that it is time for us TO, come together and make London 2012
the greatest act of non violent civil disobedience of our time.
Les
militants prévoient ainsi une journée d'action de masse le 28
juillet prochain, au lendemain de l'ouverture des Jeux ; ils espèrent
perturber l'organisation en empruntant, par exemple, les voies VIP
des autoroutes et des rocades réservées aux officiels. Les autres
actions restent secrètes.
Mais les
conséquences les plus négatives de l'intrusion de la machine
olympienne à Londres, n'ont finalement pas initié un mouvement d'opposition
national - comme la campagne du NO GAMES, pour les jeux d'hiver de
Vancouver en 2010 -, ni même londonien, même si une multitude
d'associations et d'organisations s'activent à l'approche de
l'ouverture. Comme le note les organisations de la Gauche radicale,
tout ceci se déploie sans grande concertation. Elles soulignent
cependant que l'aspect positif a été d'initier un mouvement
protéiforme de contestation et, peut-être, de relancer le
mouvement Occupy London.
Il est vrai que les jeux olympiques ont un fort potentiel anesthésique et offre un support parfait pour un nationalisme exacerbé, mettant en veille la contestation. Personne
ne sait dans quelle mesure ces associations vont pouvoir rassembler
suffisamment de militants, d'activistes pour pouvoir perturber
l'organisation des jeux Olympiques, et quelle sera la réaction des
forces de police. Mais le
gouvernement a d'ores et déjà prévenu sa plus grande fermeté à
s'opposer à la moindre action de protestation... et d'ambush
marketing. Entre
activisme citoyen et terrorisme commercial, les jeux Olympiques 2012
nous réservent en fait, bien d'alléchantes surprises...
LIENS No Games :
Le
sport anglais
Le
Royaume-Uni a donné naissance à de nombreux sports - et le terme anglais [4] repris littéralement dans de nombreux pays -, le Football,
tennis, rugby, hockey, golf, etc. ainsi qu'à leur codification.
Selon Frédéric Baillette, dans ses premières réglementations,
l'exercice physique a été envisagé comme moyen d'enrayer, puis de
contrôler les débordements d'hostilité au pouvoir. Dans les
domaines terriens de l'Angleterre du 18e siècle, la "sportivation"
(codification, arbitrage, parrainage "militant"...) des
affrontements festifs et anarchiques de la plèbe, par la nouvelle
bourgeoisie agrairienne (Gentry tory), permit de "canaliser
l'agitation populaire" dans des divertissements tolérables.
Frédéric Baillette
Révoltes sociales et orthopédie sportive
sport et normalisation de la déviance
Extraits
Au
début de 19e siècle, les pédagogues britanniques (r)usèrent de la
même stratégie interventionniste, organisatrice et normalisant,
pour "discipliner l'effervescence" collégienne. Thomas
Arnold sut rétablir l'ordre en aménageant les jeux violents et
revendicatifs introduits par des élèves révoltés. En Angleterre,
il y avait [...] des écoliers à domestiquer et à civiliser [...]
écrit Eugen Weber. Après les années 1830, les ardeurs excessives
furent canalisées dans des jeux réglementés et les braconniers
transformés en garde-chasse. Le même "mécanisme
pacificateur", la même ruse civilisatrice, sera envisagé pour
supprimer les "moeurs belliqueuses" des tribus colonisées.
Dans
la lutte contre les individus en rupture, l'intérêt pour la
pratique sportive se situe à tous les niveaux. En amont de "
l'acte délictueux " (dans les clubs sportifs), elle serait un
moyen de prévention efficace. La " contamination " de la
jeunesse serait évitée en s'attaquant aux racines du mal : des
loisirs mal employés, en inculquant une discipline de vie et en
occupant le terrain des passions adolescentes. En aval (dans les
centres de rééducation, dans les prisons, ou encore dans les
banlieues " chaudes "), elle s'inscrit dans le processus
curatif en permettant une décontamination, une réacclimatisation
sociale du déviant, un retour dans le droit chemin ( su stade). "
Sauvegarde " et " régénéresence " sont les deux
thèmes forts de cette thérapie sportive.
Le sport doit freiner la progression des déviances, et réablir l'ordre. Cette conception du sport, comme remède anti-loubards, anti-casseurs, anti-drogués, anti-gauchistes..., pour dépassée qu'elle puisse paraître, est régulièrement réaffirmée et réactualisée par les médias et les hommes politiques les plus en vue.
Le sport doit freiner la progression des déviances, et réablir l'ordre. Cette conception du sport, comme remède anti-loubards, anti-casseurs, anti-drogués, anti-gauchistes..., pour dépassée qu'elle puisse paraître, est régulièrement réaffirmée et réactualisée par les médias et les hommes politiques les plus en vue.
SOURCES
Jean-Claude
PAYE
Le
modèle anglais
Pete Fussey et al.
Securing and sustaining
the olympic
city: Reconfiguring
London for 2012 and beyond.
Burlington:
Ashgate Publishing | 2011
Lida
Achtari
Le
régime de l’ambush marketing : une
oeuvre inachevée ?
2010
International
Olympic Committee
Brand Protection
Olympic Marketing Ambush
Prevention and Clean Venue Guidelines
Amnesty International
United Kingdom: five years on: time to end the control orders regime | 2010
Amnesty International qui avait organisé une campagne de boycott des Jeux de Beijing en 2008, semble bien timide quant aux mesures dictatoriales de Londres 2012... Si ce n'est un rapport qui accuse le gouvernement britannique de mettre en place
une justice parallèle qui restreint fortement les droits des
personnes soupçonnées d'activités liées au terrorisme. Dans un
nouveau rapport intitulé United Kingdom: Five years on: time to end
the control orders regime, l'organisation demande une nouvelle fois
aux autorités du Royaume-Uni d'abroger la Loi de 2005 relative à la
prévention du terrorisme et de cesser d'avoir recours aux
ordonnances de contrôle, qui bafouent les droits à la liberté, au
respect de la vie privée et à la liberté de mouvement,
d'expression et d'association. « Les mesures appliquées aux termes
de la Loi relative à la prévention du terrorisme ont créé une
justice parallèle, inéquitable et secrète pour les personnes
soupçonnées d'activités liées au terrorisme, a déclaré Nicola
Duckworth, directrice du programme Europe et Asie centrale d'Amnesty
International.
NOTES
[1]
L’administration du BID et l’ensemble des prestations sont
financés par un impôt spécial dont tous les bénéficiaires des
services doivent s’acquitter, (les résidents en général ne
payent qu’une contribution très symbolique). Cette taxe, prélevée
par la municipalité avant d’être reversée au BID, est calculée
soit sur la base du montant de l’impôt foncier, soit
proportionnellement à la surface de la propriété ou au métrage de
la vitrine. C’est un conseil d’administration, composé de
quelques uns des
principaux
décideurs de la vie économique locale (propriétaires
immobiliers,
entrepreneurs, responsables d’hôtels...) et de représentants de
la mairie et des services municipaux, qui se charge de définir les
grandes orientations.
[2].
Il suffit qu’une personne, n’importe laquelle, déclare se sentir
incitée à commettre des actes terroristes, par des paroles qui ont
été prononcées par un tiers, pour que l’on puisse poursuivre
l’auteur du discours. La personne qui parle est donc responsable de
la manière dont ses déclarations peuvent être reçues, quel que
soit son objectif. Il n’est pas non plus nécessaire qu’il y ait
un lien matériel entre le contenu du discours prononcé, par exemple
entre des paroles de soutien à la résistance palestinienne et les
actes qu’elles auraient « incités », par exemple la pose de
bombes dans le métro de Londres. Pour être poursuivi, il suffit
qu’un tribunal estime que ces paroles ont créé un « climat »
favorable au terrorisme. Cette loi donne également une compétence
universelle aux tribunaux britanniques, celle de nommer comme
terroriste toute action politique, développée n’importe où dans
le monde, et ainsi de criminaliser tout soutien, effectif ou par la
parole, à ces actes.
[3]
Elles n’incluent pas le contenu d’une conversation téléphonique
ou d’un e-mail. Les méta-données sont devenues une information
extrêmement importante pour les services de renseignement ; qui
les jugent au moins aussi instructives que le contenu lui-même des
communications. Le gouvernement britannique à demandé au parlement
d’adopter une loi qui obligerait les Fournisseurs d’Accès
Internet à fournir en temps-réel un accès à toutes les
communications électroniques du pays, pour l’ensemble de la
population, afin que les services secrets puissent réaliser une base
de données qui leur permettra de savoir qui a l’habitude de parler
avec qui. Jusqu’à présent, seules les personnes faisant l’objet
d’une enquête pouvaient faire l’objet d’une surveillance de
leurs communications, sur autorisation.
[4] En France, le Larousse indiquait : « Sport s. m. (sport - mot anglais formé du vieux français desport, plaisir, divertissement) », d'après ce dictionnaire, de tels mots "gâtent la langue évidemment mais il n'existe pas de douane pour les prohiber à la frontière". (P. Larousse, Grand dictionnaire universel du 19e siècle, Paris, 1875, tome 14, p. 1031). Furent également importés d'Angleterre en France, dans les faits comme dans la langue « turf », « jockey », « match », « boxe », etc.
[4] En France, le Larousse indiquait : « Sport s. m. (sport - mot anglais formé du vieux français desport, plaisir, divertissement) », d'après ce dictionnaire, de tels mots "gâtent la langue évidemment mais il n'existe pas de douane pour les prohiber à la frontière". (P. Larousse, Grand dictionnaire universel du 19e siècle, Paris, 1875, tome 14, p. 1031). Furent également importés d'Angleterre en France, dans les faits comme dans la langue « turf », « jockey », « match », « boxe », etc.
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