Les Municipalités Autonomes et Rebelles Zapatistes, Municipios Autónomos y Rebeldes Zapatistas



La lutte menée depuis 1983 par l'Armée zapatiste de libération nationale (Ejército Zapatista de Liberación Nacional, EZLN) a pris diverses formes du pacifisme assumé à la guérilla. Après son action d'éclat en janvier 1994, l'EZLN jugea préférable d'arrêter la lutte armée pour mener un combat politique tout en gardant une organisation militaire. Depuis, elle exhorte les populations opprimées -sans distinction- à s'unir autour de ses demandes qui concernent plus de Justice et de Liberté, une plus grande et réelle démocratisation de la société. Certains analystes mexicains avancèrent alors la formule plutôt inédite de « réformisme armé ». La lutte et l'organisation de l'EZLN sont donc tout à fait particulières car les insurgés ont ainsi constitué des Municipalités autonomes rebelles zapatistes (Municipios Autónomos Rebeldes Zapatistas, MAREZ) qui représentent la première structure de gestion mise en place par le mouvement zapatiste. Ces Municipalités autonomes doivent assurer l’auto-gouvernement d'un vaste territoire libéré décrété autonome. Leur lutte s'inscrit ainsi dans cette tendance de théoriciens critiques actuels, dont Holloway, qui défendent l'idée d'une stratégie visant à maintenir à distance l'appareil d'Etat plutôt qu'à l'affronter directement. Le philosophe anglais établi au Mexique, John Holloway, avance l'idée fondamentale, dans son ouvrage Changer le monde sans prendre le pouvoir, paru en 2002, d'un anti-pouvoir dont le but est de renoncer à la prise du pouvoir mais de changer le monde en profitant des espaces de liberté que le capitalisme produit inévitablement. Une célèbre phrase du sous-commandant Marcos résume parfaitement cette théorie : « Nous ne voulons pas le pouvoir, nous voulons pouvoir.»


Certains observateurs parmi les plus radicaux dénoncent la forme d'hypocrisie de ce système de co-existence pacifique qui, finalement, apporte dans les faits, que peu d'avantages aux populations : la pauvreté et l'injustice sévissent encore ; d'autres, au contraire, jugent l'irréalisme d'une guérilla zapatiste contre une armée bien entraînée et affirment que leur lutte pacifique a grandement amélioré les conditions de vie des paysans et au-delà, leur a rendu dignité.



Jusqu'à présent, le mouvement a résisté a toutes les formes de contre-insurrection, politique et armée. Le libéralisme libertaire, qui s'est toujours épanoui au contact de l'insurrection, porte depuis quelques temps ces attaques. L'EZLN est aujourd'hui confronté à d'autres formes contre-insurrectionnelles plus insidieuses, tel le tourisme labellisé écologique, le bio-piratage en plus de l'effort financier du gouvernement vers les communautés non zapatistes du Chiapas. Pourra-t-il démentir la maxime socialiste qui affirme qu'il est vain et inutile d'essayer de construire des contre-espaces de liberté au sein même d'une société capitaliste ? 





Le Chiapas : isolement et marginalité


Le Chiapas est l’État le plus au sud de la fédération des États-Unis du Mexique. Il s’agit d’une région montagneuse, dotée d’une ouverture sur l’océan Pacifique. Autrefois, le Chiapas faisait partie, avec le Guatemala et la péninsule du Yucatán, du territoire de la civilisation maya. Le territoire fut aussi habité par plusieurs autres groupes autochtones. Aujourd’hui, près de 40 500 km2 sur les 75 000 km2 du territoire chiapanèque est occupé par des populations autochtones. Ces autochtones sont généralement des Mayas, l’ethnie maya se déclinant en neuf sous-groupes au Chiapas. Le Chiapas, qui ne se joignit au Mexique qu’en 1824, est demeuré longtemps, et jusqu’à aujourd’hui sous certains aspects, très isolé du reste du pays. Les descendants des Espagnols, propriétaires des terres et des moyens de production, ont maintenu la région sous le joug d’un système quasi féodal, obligeant les autochtones à s’engager comme ouvriers dans des conditions de semi-esclavagisme (peones acasillados). La réforme agraire de la Révolution n’est en effet parvenu au Chiapas que bien après 1917, et encore que de façon partielle.




Aujourd’hui, les autochtones du Chiapas se trouvent encore dans une situation de précarité frappante. García de León, se référant au territoire où a surgi la rébellion zapatiste, parle d’«extrême misère» et «d’absence d’alternatives de progrès matériel». Il s’agit pourtant d’un État riche en ressources naturelles. Le Chiapas fournit en effet 20 % de l’électricité du pays et 40 % de son gaz naturel, mais 60 % de sa population cuisine à l’aide d’un four à bois. Ses ressources naturelles font d’ailleurs l’envie de plusieurs acteurs jusqu’à l’étranger et subissent, de ce fait, de fortes pressions. Mais les autochtones, eux, sont demeurés, au cours de l’histoire, exclus des retombées économiques de l’exploitation des ressources locales et des programmes gouvernementaux. Il existe, à tous les niveaux et jusque dans les communautés, des abus de pouvoir de caciques, de la corruption et de l’autoritarisme qui figurent, aux côtés de l’isolement géographique, parmi les raisons qui expliquent l’exclusion d’une partie importante de la population. Ces conditions de marginalité dans lesquelles vivent les autochtones auraient motivé leur désir de changement social. 






La contestation


Les années 1960/1970 voient la création de groupes armés révolutoinnaires dont le Partido Revolucionario Obrero Clandestino Unión del Pueblo (Parti Révolutionnaire Ouvrier Clandestin, union du Peuple - PROCUP), l'Asociación Cívica Nacional Revolucionaria (Association National Révolutionnaire Civique - ACNR), le Partido de los Pobres (PDLR), la Liga Comunista 23 de Septiembre (Ligue Communiste du 23 Septembre).

C’est dans ce contexte que le 6 août 1969 s'organise à Monterrey, dans la région du Chiapas, un groupe d’activistes clandestins issus de la pensée guévariste, le Fuerzas de Liberación Nacional, (Front de Libération National). Leur objectif était l’impulsion d’une république populaire et socialiste contre la politique de la bourgeoisie mexicaine. Puis, dans les années 1970 et 1980, des organisations autochtones indépendantes sont apparues et ont rassemblé des dissidents de différentes municipalités créant ainsi une nouvelle base régionale de revendication. D'autres organisations non clandestines agissent également, centrées principalement sur la lutte pour la terre, dont notamment l'Organisation Paysanne Emiliano Zapata (OCEZ), membre de la Coordination nationale Plan de (CNPA); la Centrale indépendante d'ouvriers et paysans (CIOAC), organisation nationale liée pendant des décennies au Parti communiste. Ces organisations seront la cible des forces de la Sécurité publique et des «gardes blanches » au service des grands propriétaires ; et parfois même d'autres paysans. Car dans sa lutte contre les organisations indépendantes, l'état mexicain a eu recours aux traditionnelles méthodes de contre-insurrection : la corruption des dirigeants paysans et la division des mouvements agraristes en accordant à certains des privilèges, en attribuant les mêmes terres à deux groupes, à l'origine de graves affrontements entre paysans ; ou bien encore en attribuant des terres à d'anciens policiers.

Les contestataires plus récalcitrants à la corruption sont assassinés ou victimes d'attentats contre leurs biens. Ainsi, en août 1975, Bartolomé Martinez Villatoro, le dirigeant de Venustiano Carranza est assassiné par les tueurs du cacique Carmen Orantes ; troisième dirigeant de cette communauté à être tué. En 1984, Andulio Galvez avocat de la CIOAC est criblé de balles à Comitan ; la CIOAC revendiquait des terres accaparées par le frère du gouverneur du Chiapas de l'époque. En décembre 1988, Sebastian Perez, dirigeant indigène de la CIOAC est assassiné par un éleveur de bétail. En 1990, Arturo Albores, de la OCEZ est assassiné dans la librairie qu'il venait d'ouvrir en plein centre de Tuxtla Gutierrez. Dans la plupart des cas, les tueurs ne sont pas inquiétés.
L'armée fédérale est également intervenue directement :
  • En mai 1976, l'armée assiège la Maison du Peuple de la communauté de Venustiano Carranza, qui s'était distinguée depuis les années trente dans sa lutte pour récupérer ses terres communales ; bilan : deux morts, trois blessés et la détention des autorités de la communauté.
  • En juin 1977, l'armée déloge les paysans des terres qu'ils occupent dans la région de Simojovel : villages pillés et incendiés, paysans assassinés et emprisonnés, communautés entières de paysans déportés dans d'autres régions.

L'évêché de San Cristobal, sera la seule institution à se soucier de la situation des paysans indiens et à leur rendre leur dignité. Cette Église a ainsi acquis la confiance de la population indienne mais s'est aussi attirée les foudres de l'élite. Le personnel de l'évêché est directement accusé d'être l'instigateur des mouvements et d'abriter des subversifs. Dans des négociations avec le Vatican, l'état mexicain exigeait le départ de l'évêque Samuel Ruiz. La menace avait d'ailleurs provoqué des manifestations de paysans en sa faveur. Il ne s'agissait pas de la première agression contre l'évêché : en juillet 1990, le curé de Soyatitàn, Marcel Rotstaert, de nationalité belge avait été expulsé du pays par le ministère de l'intérieur. En 1991, Joël Padron, curé de la ville de Simojovel, sera emprisonné, accusé d'association illicite.


La municipalité : maillon local d’un puissant pouvoir étatique

L’organisation politico-administrative des communautés s’articule, et ce depuis l’Indépendance en 1821, à l’institution des municipalités qui sont considérées comme le siège du pouvoir local. Les actions collectives du mouvement autochtone se confrontent donc très souvent avec le pouvoir municipal. Ce qui est illustré par le fait que plusieurs mouvements locaux utilisent depuis longtemps la prise d’édifices municipaux comme moyen de revendication. Les luttes de pouvoir au Mexique ont souvent passé par des luttes territoriales, impliquant régulièrement des changements dans les délimitations des municipalités. Ces modifications des limites territoriales d’une municipalité sont désignées sous le terme «remunicipalisation». La lutte pour la «remunicipalisation» existe depuis l’apparition de l’institution de la municipalité elle-même, particulièrement au Chiapas, mais s’est beaucoup intensifiée depuis l’arrivée, dans les années 1990, de divers programmes gouvernementaux de transfert de fonds aux conseils municipaux. Ces programmes visent, entre autres, à compenser le retrait, en 1992, de l’aide de l’État aux ejidos, qui arrivait sous forme de crédit à la production. Cette soudaine entrée d’argent dans les municipalités autochtones a exacerbé un désir d’autonomie chez certaines communautés voulant se distinguer de leur chef-lieu pour former un nouveau siège de conseil municipal afin de bénéficier des fonds gouvernementaux. Cette demande d’autonomie vient donc s’additionner aux revendications ethniques et compliquer une problématique géopolitique des communautés autochtones mexicaines déjà passablement complexe.

La communauté : base de l’organisation autochtone

La communauté est au Mexique une entité administrative concernant les autochtones. Sous le palier municipal, les autochtones sont organisés autour de communautés. Contrairement à la municipalité, dont la principale fonction est de fournir des travaux et services publics, la communauté présente un caractère social et religieux fondamental. Le village autochtone en est venu, au cours des années, à constituer le support de l’identité et de la solidarité en tant qu’espace d’«union entre membres d’une culture et d’un territoire». Bien que reposant sur des formes préhispaniques de propriété foncière, la communauté s’est transformée avec l’arrivée des Espagnols pour constituer le siège de toute «l’organisation proprement indienne» et de «l’appartenance profonde de l’individu». Les communautés se sont converties en l’espace social des autochtones à la suite de l’élimination des paliers supérieurs, et de la territorialité qui leur correspondait, comme résultat de la colonisation. C’est ainsi que les anciennes et complexes structures hiérarchiques régionales et supra régionales préhispaniques se sont transformées en un archipel de communautés isolées entre elles, ou avec peu de relations, et que chacune a été placée directement sous le pouvoir de l’État.

Pour certains, cette organisation communautaire permet aux autochtones, aujourd’hui encore, de se gouverner de façon autonome. Alors que pour d’autres, les réorganisations territoriales de cette époque visaient précisément à soumettre les civilisations préhispaniques, en «fragmentant et en limitant leur solidarité sociale», à l’aide d’un vaste projet de «redéfinition des espaces». Les «territorialité et identité des ethnies autochtones» auraient été réduites, dans un processus d’«atomisation», à la communauté qui prit la même forme que les municipalités, c’est-à-dire un chef-lieu entouré de ses villages subordonnés.

La communauté regroupe en effet des familles, hameaux et lieu-dits dispersés sur le territoire. Il demeure que, «confinés à cet espace communautaire, les paysans ont aussi contribué à le construire, implicitement ou explicitement, de façon à défendre ce qu’ils percevaient comme leurs intérêts agraires et politiques». Ainsi, l’organisation traditionnelle sociale, politique et économique d’une grande partie des peuples autochtones tourne autour de la vie en communauté, principalement basée sur l’activité agricole des familles. Mais cette organisation ne se trouve pas à l’abri des changements et n’est pas dénuée de contradictions; la vision romantique qui nous la dépeint comme stable, égalitaire, démocratique et pacifique devrait être relativisée. La communauté fonctionne autour d’un «ensemble de cellules familiales unies par divers systèmes de coopération», mais chaque «unité de production domestique demeure indépendante». Ainsi, au lieu d’une organisation donnant priorité au travail collectif, on y rencontre souvent un système économique où le travail est d’abord et avant tout individuel.

Dans les années 1970 et 1980, au Chiapas, alors que les organisations paysannes et autochtones reprenaient leurs batailles pour l’obtention de terres, il y eut de nombreuses invasions de grandes propriétés sur lesquelles s’installait une organisation communautaire où la terre était cultivée en commun. Mais aussitôt que le gouvernement accordait la terre aux autochtones, celle-ci était divisée en lopins exploités à nouveau de façon individuelle.

Par ailleurs, bien que la prise de décisions, celles qui concernent strictement la communauté, se fasse en assemblée par consensus, l’organisation politique est peut-être, elle aussi, moins démocratique qu’elle n’en a l’air. L’obtention du consensus revêt un véritable caractère sacré, puisque les participants se voient ensuite liés par l’honneur autour de la décision. Ces assemblées ne réunissent toutefois que les hommes mariés, excluant de ce fait les femmes et les jeunes. Les mêmes assemblées élisent, au sein de leurs membres, les responsables, ou représentants, qui devront assumer, au cours d’une période plus ou moins longue, les différentes fonctions (cargos) que nécessite la communauté pour sa gestion quotidienne ou qui relèvent des pratiques religieuses. C’est donc autour de ces assemblées, de ces décisions et de ces responsabilités que se définit l’identité communautaire et que se tissent les relations locales de coopération et d’intégration. Mais pour certains observateurs, cette organisation est plus souvent verticale qu’égalitaire. Le principe d’équité (parejo) y serait omniprésent, mais mènerait parfois à des abus et à des injustices. Le réseau de relations rituelles et l’exigence de la prise de décision par consensus ne laissent pas toujours place à l’opposition. Ce qui peut même conduire à l’expulsion des porteurs d’idées minoritaires de la communauté.


Ejército Zapatista de Liberación Nacional, EZLN

Au fil des années, la population est de plus en plus organisée, pose des actions collectives cohérentes, acquiert de l’expérience politique et met en place une réelle tradition de participation et de mobilisation de la base. Les luttes de revendication identitaire des groupes amérindiens s’intensifient, et les contacts se multiplient entre les diverses organisations.



Ainsi, il existe bel et bien un mouvement autochtone de résistance au Chiapas à l’époque de la naissance de l’Armée zapatiste de libération nationale (Ejército Zapatista de Liberación Nacional, EZLN). Hébert conclut, après une analyse du discours de certains acteurs des communautés autochtones, que la raison de l’exclusion économique fut déterminante sur la voie menant au soulèvement du mouvement zapatiste, mais ne suffit pas à expliquer l’importance de sa mobilisation. L’injustice, la discrimination et l’absence d’aide étatique au développement, ont sans aucun doute animé ce soulèvement armé. Mais, la naissance du mouvement zapatiste a été rendue possible grâce à la présence des organisations autochtones apparues depuis les années 1970-1980. L’EZLN a utilisé les créneaux mis en place par ces organisations, a recruté leurs acteurs et a été aidé par leur expérience de mobilisation politique. Un zapatiste témoigne : «Quand l’Armée zapatiste est arrivée dans nos communautés, aux environs de 1984, 1985, nous avions déjà, par nous-mêmes, essayé d’autres luttes pacifiques. Les gens protestaient déjà contre le gouvernement ».




L’Armée zapatiste de libération nationale (Ejército Zapatista de Liberación Nacional, EZLN) a été fondée en novembre 1983 par des guérilleros socialistes et des autochtones. Sa naissance serait l’oeuvre d’une véritable alliance entre les Forces de libération nationale (Fuerzas de Liberación Nacional, FLN), un groupe révolutionnaire influencé par les guérillas d’Amérique centrale et s’étant exilé dans la jungle chiapanèque, et les populations locales qui auraient amalgamé les idées socialistes à l’organisation autochtone. García de León distingue trois sources historiques du mouvement zapatiste :
  • la gauche marxiste-léniniste des années 1960 ;
  • les interprétations locales de la théologie indienne ;
  • la tradition locale de résistance aux «pouvoirs extrêmes».
Legorreta Díaz quant à elle, relève cinq conditions qui ont rendu possible l’assimilation du discours marxiste-léniniste par la population :
  • sa proposition de changement social ;
  • l’autoritarisme des gouvernements qui renforce l’exclusion des populations et empêche toute possibilité de collaboration ;
  • l’appui du diocèse catholique à ce discours ;
  • la crise politique et idéologique que vivent, au même moment, certaines organisations autochtones ;
  • la complicité des caciques autochtones et l’appui du mouvement autochtone déjà existant.

Le mouvement zapatiste a donc recruté ses membres au sein des organisations autochtones qui existaient déjà. Toutefois, l’adoption d’un projet prônant l’utilisation de la violence ne fait pas l’unanimité chez les autochtones. La division demeure profonde, à ce jour, entre ceux qui priorisent la voie pacifique de dialogue avec les autorités gouvernementales et ceux qui ont emprunté le chemin de la résistance armée.

Naissance et insurrection

C’est le 17 novembre 1983 qu’un petit groupe arriva dans la selva Lacandona chiapanèque et y installa un campement de montagne sommaire, nommé, selon la légende, La Pesadilla (le Cauchemar). C’est à cette date précise que fut créée l’armée zapatiste de libération nationale (Ejército Zapatista de Liberación Nacional, EZLN). Son nom provient de celui d’Emiliano Zapata l’un des grands leaders autochtones de la Révolution mexicaine. Le mouvement de Zapata luttait pour l’octroi de terres aux paysans pauvres soumis au régime des grandes propriétés. À la fin de la Révolution, en 1917, Zapata réussit à faire adopter une Constitution avant-gardiste, voire révolutionnaire, quant à la distribution des terres qui devaient être en majorité de propriétés collectives.

Il est maintenant de connaissance publique qu’une importante fraction de la population autochtone du Chiapas, des centaines de milles réparties dans plus de mille communautés selon les chiffres du mouvement lui-même, a été amenée, petit à petit, à adhérer au mouvement et à l’idée de la lutte armée.

Les conditions de pauvreté et de marginalité dans lesquelles vivent les autochtones du Chiapas offrent un terreau propre à fomenter l’insurrection. Ce petit groupe clandestin installé dans la pénombre et l’immensité de la forêt vierge a commencé ces premières actions de propagande dans les villages et de recrutement. Ces actions étaient menées dans la plus grande clandestinité ; ainsi les militants, lors de leurs déplacements, se déguisaient avec des uniformes d’instituteurs ou de la compagnie pétrolière étatique Pemex (Petroleos Mexicanos). Les nouvelles recrues des villages se déplaçaient, pour rejoindre le camp de base, uniquement à la nuit tombée. Ce recrutement s’est fait dans la plus grande clandestinité, permettant au mouvement de prendre de l’ampleur dans différentes régions du Chiapas. Des nouveaux camps d’entraînement militaire voient le jour : dont "El Fogón" (le fourneau), "Reclutas" (Recrues), "Baby Doc", "De la Juventud" (De la jeunesse) et un autre nommé "Margaret Thatcher". Ceux et celles qui décident de participer à cet entraînement sont nourris par les populations sympathisantes. Ces camps se composent d’une simple cuisine, de dortoirs, d’aire d’entraînement, de toilettes, et de positions de défense. Les campements dans les montagnes et dans la forêt étaient tous séparés mais pourtant restaient tous en communication grâce à un système de radio. Dans beaucoup de campement on apprenait aux militants le maniement des armes, la préparation et l'étude de stratégies et de tactiques militaires à partir des manuels des armées états-uniennes et mexicaines tout autant que l’histoire du Mexique.

Son importance croît grâce aux ateliers de sensibilisation et de discussions tenus dans les villages qui convainquent les populations d’adhérer à la cause. Une aide directe est apportée à certaines populations, par exemple par la construction de cliniques médicales. Les liens entre l'EZLN et les villageois se resserrent et parfois les militants s'invitaient dans un village acquis à la cause, pour tenir conférence, qui généralement se terminait par une fête. Progressivement, de nombreux villages rejoignent le mouvement et s'organisent pour assurer le ravitaillement des militants dans les campements.

Apparaissent donc, d’ores et déjà, les prémices de la structure de gestion, ainsi que les catégories de membres du mouvement qui le caractérisent toujours :
  • le haut commandement militaire (Comandancia General) et ses Comités clandestins révolutionnaires autochtones (Comité Clandestino Revolucionario Indígena, CCRI)
  • les soldats ;
  • les miliciens entraînés, prêts à se battre, mais poursuivant leurs activités régulières au champ ou ailleurs ;
  • les bases de soutien représentées par la population adhérant au mouvement mais ne participant pas à la lutte armée comme telle.

1988, la marche de Xi-nich

En 1988, le mouvement zapatiste entreprend sa première action de poids. La marche de « Xi-nich » à Palenque vise à contester l’élection du président Carlos Salinas de Gortari, élu par la fraude et symbole du néolibéralisme [ Ce même président annulera en 1993, l’article 27 de la constitution mexicaine de 1917, empreinte majeure de la révolution de Emiliano Zapata portant sur le droit à la terre et la redistribution équitable des terres aux « peones », esclaves dans les haciendas ].

1er janvier 1994 : la guerre est déclarée

Le Mexique alors pays émergent sur la scène mondiale se voit se faire déclarer la guerre par un groupe armé au sein de son propre pays le 1er janvier 1994, provoquant tant la surprise, que la confusion au sein du gouvernement qui croyait les mouvements révolutionnaires en Amérique Latine définitivement terminés. Dans l’éditorial d’El despertador Mexicano , l’EZLN s’explique.

«
Cela fait des centaines d’années que nous demandons satisfaction et que nous croyons en des promesses qui ne sont jamais tenues ; on nous dit toujours d’être patients et de savoir attendre des temps meilleurs. (…) On nous a promis que l’avenir serait différent. Et nous avons vu que non, tout reste pareil, ou devient pire que ce qu’ont vécu nos aïeux et nos parents. Notre peuple continue à mourir de faim et de maladies curables, plongé dans l’ignorance, l’analphabétisme, dans l’inculture. Et nous avons compris que si nous ne nous battons pas, nos enfants subiront le même sort, et ce n’est pas juste. »



L'EZLN ne revendique pas le socialisme, au moins dans les communiqués officiels qui n'ont aucune connotation idéologique. Son objectif n'est pas la prise du pouvoir, voire même l'indépendance d'une région, mais l'autonomie des communautés indiennes et ce, dans un discours quasi-patriotique. Elle exhorte également les populations opprimées -sans distinction- à s'unir autour de ses demandes qui concernent plus de Justice et de Liberté, une plus grande et réelle démocratisation de la société. Certains analystes mexicains avancèrent alors la formule plutôt inédite de « réformisme armé » qui s'oppose à l'idée d'une guérilla. Le sous-commandant Marcos expliqua par la suite, que la décision de commencer une guerre fut votée, communauté par communauté et que l'objectif était la médiatisation -mondiale- de leurs revendications.



Au matin du 1er janvier 1994, la nouvelle tombe : au Sud-Est du Mexique, dans une région oubliée depuis tant d’années, un groupe révolutionnaire armé est en train de prendre possession de sept chefs-lieux municipaux importants. Le Mexique, le monde, reste éberlué. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Cette surprise est en soit assez révélatrice.



La prise et l'occupation de San Cristobal de las Casas est d'une grande importance pour les paysans révolutionnaires car elle était considérée comme le symbole de la domination et de l'humiliation des blancs et des métis, les « coletos » sur les Indiens. Pour la première de son histoire, ce centre commercial où les Indiens y viennent vendre leurs produits depuis des décennies, est sous contrôle de l'EZLN.

Le 2 janvier, l’armée zapatiste commence son repli vers les montagnes. Mais quelques heurts vont avoir lieu. Principalement à Ocosingo, où les rebelles sont assiégés pendant deux jours par plus de 4000 soldats. Les jours qui suivirent la confusion était à son comble. Les routes sont bloquées par l’armée fédérale, un minibus chargé d’indiens du service de santé zapatiste est criblé de balles, deux ambulances de la croix rouge internationale sont prises pour cible, blessant deux secouristes. Le gouvernement est dépassé car il n’y a pas beaucoup d’informations. L’EZLN a fait aussi quelques 180 prisonniers. L’armée est totalement prise de court et le gouvernement s’inquiète d’une possible flambée dans les autres régions. Le 3 et 4 janvier toutes les villes sont reprises en main par l’armée fédérale, et des représentants de centaines de médias internationaux arrivent sur les lieux de la guérilla. On dénombre des dizaines de morts dans les deux camps. La nouvelle s’étend dans le monde entier et beaucoup de journaux en tirent leur une. Les principales ONG commencent alors à se mobiliser pour se rendre sur place. Le gouvernement quant à lui cherche à minimiser l’évènement dans ses déclarations mais envoie son aviation bombarder les montagnes de San Cristobal.



Mais les élites du gouvernement mexicain n'ont pas retenu la leçon Vietnamienne : les images des bombardements des populations civiles des villages et des zapatistes blessés, achevés d'un tir de grâce sur la place du marché d'Ocosingo firent le tour du monde. Le monde découvrait brutalement le faible degré de démocratie au Mexique et prenait connaissance de la misère – et de la détresse- des Indiens du Chiapas. Les élites mexicaines feront, de leur côté, connaissance non seulement avec l'opinion publique mondiale et économique : la Bourse des valeurs chuta, les capitaux étrangers n'appréciant guère l'insécurité.
A ce moment là, la société civile cherche à s’organiser pour arrêter la guerre et surveiller l’armée. Plus de quinze organisations civiles créent la Coordination d’organisations non gouvernementales pour la paix, la Conpaz pour faire pression sur les deux protagonistes. La solidarité internationale commence aussi à émerger. Suite à la publication du premier communiqué de presse des zapatistes, dans lequel ils exprimaient, par leur célèbre «¡Ya basta!», leur désir de justice sociale, des manifestations spontanées avaient en effet eu lieu à Mexico et dans le reste du monde afin de tenter d’arrêter l’effusion de sang. Six jours après le soulèvement, des manifestations à Washington devant l’ambassade du Mexique est organisée avec l’appui d’organisations, en Espagne, au Canada et dans d’autres pays demandent l’arrêt de la persécution militaire sur l’EZLN. Amnesty international quant à elle condamne les bombardements des communautés indiennes, les divers milieux intellectuels européens se mobilisent. Après les jours de violence qui suivirent l’attaque menée par l’EZLN et la réplique de l’armée mexicaine, l’État, poussé par l’opinion nationale et mondiale, déclare un cessez-le-feu intégral le 12 janvier, tandis que plus de cent mille personnes manifestent dans le Zocalo, place principale de Mexico Ciudad.

En tout et pour tout le mouvement Zapatiste ne se sera servie de la lutte armée qu’une dizaine de jours, le temps nécessaire diront-ils pour pouvoir faire connaître leur revendication. Un véritable mouvement de sympathie de la société civile tant à un niveau national qu’international a émergé en faveur des indigènes zapatistes. Beaucoup de Mexicain, indiens, pauvres, intellectuels ou artistes se sont reconnus et ont saisi les revendications de ce groupe armée. Par cette démonstration de force, elles obligèrent le monde à considérer et à reconnaître leur existence, ce qu’elles ont fait, paradoxalement, en se cachant le visage avec un mouchoir ou un passe-montagne. 





Clandestinité




Comment expliquer qu’un mouvement d’une telle ampleur ait pu croître pendant 10 ans dans une clandestinité presque complète, sinon par l’exclusion quasi totale dans laquelle vivaient ces populations ? Alors que depuis le début des années 1990, la rumeur de l’existence d’un groupe armé se faisait de plus en plus insistante, les élites locales et le gouvernement central se refusaient d'admettre leur existence.
En fait, le gouvernement connaissait l'existence d'un groupe armé dès 1992. Les éleveurs de bétail de ce village dénonçaient régulièrement leur présence aux autorités. Un groupe de partisans de l'EZLN avait, en mai 1993, soutenu une escarmouche contre les forces de l'armée dans la région d'Ocosingo. L'armée opéra par la suite dans la région et découvrit un camp d'entraînement. La répression contre les paysans soupçonnés d'activités illicites sera sévère, les manifestations interdites et le Code pénal fut modifié afin de pouvoir punir les délits d'incitation à la rébellion ; mais aucun indice ne permettait de juger de la force de l'EZLN, les militants se fondaient dans la masse paysanne. L'armée et les élites locales ont donc largement sous-estimé les capacités d'organisation et les effectifs de l'EZLN, estimant qu'il ne s'agissait là que d'un petit groupe d'extrémistes et de radicaux, là où s'était constitué un vaste mouvement. D'autre part, le gouvernement central, sur le point de signer les accords de l'Alena, n'était guère disposé à rendre public l'existence d'une guérilla organisée sur son territoire. 




Les Municipalités Autonomes et Rebelles Zapatistes, Municipios Autónomos y Rebeldes Zapatistas, MAREZ.



Paradoxalement, l'EZLN qui avait pendant dix années vécu dans la plus complète clandestinité, allait après janvier 1994, s'ouvrir largement sur le monde par le biais, notamment, d'informations et de communiqués diffusés sur Internet.

Les premières négociations s'établissent après l'arrêt des hostilités. Le dialogue ne faisait pas, semble-t-il, pas l'unanimité au sein de l'EZLN. Mais le gouvernement est disposé à prendre des mesures concrètes pour améliorer les conditions de vie matérielle des communautés du Chiapas (électrification, redistribution de l'aide fédérale, instauration d'un système d'éducation bilingue, etc.) et à négocier des nouvelles réformes au niveau régional et local, sur les principales revendications dont la réforme agraire et l'autonomie des communautés indigènes. Le temps passe sans réelle avancée, l'EZLN consulte l'ensemble des communautés tandis que le gouvernement temporise en arguant le fait que les réformes impliquent un changement de la Constitution et que le mouvement zapatiste n'avait pas de représentativité suffisante. Dès les premières discussions sur l’autonomie, il devient évident que celle-ci ne pourra se pratiquer à l’intérieur du cadre actuel de l’État et que la Constitution du pays devra être réformée. En effet, l’autonomie, afin de jouir d’une réelle portée, doit comprendre un niveau territorial régional, et non uniquement communautaire. Les Accords de San Andrés, pas plus que la réforme constitutionnelle de 2001, ne reconnaissent l’autonomie régionale. Or, l’autonomie est un système de gouvernement, elle n’est donc pas possible sans une véritable «refonte de l’État». Ceci n’empêche pas, comme nous le verrons, plusieurs communautés autochtones de constituer des autonomies de facto, sans attendre qu’elles soient reconnues de jure.

L’été suivant, l’EZLN invite la société civile et les autres organisations autochtones à participer à leur Convention nationale démocratique (Convención Nacional Democrática), qui se tient dans un lieu qu’ils baptisent «Aguascalientes». Cette première rencontre allait être suivi, au cours des années, par d’intenses échanges avec la société civile nationale et internationale. Ces échanges ont été facilités par l’utilisation d’Internet, qui devint l’une des principales caractéristiques du mouvement. Les Aguascalientes, ces lieux d’échanges, représentent ce lien qui, dès le départ, unit le mouvement zapatiste à la société civile. Le premier Aguascalientes allait être rapidement détruit par l’armée mexicaine, mais il fut, dans la même année, remplacé par cinq autres dans des localités qui allaient devenir les chefs-lieux régionaux du mouvement zapatiste. L’espace occupé par le mouvement était déjà considérable peu après le soulèvement.

Le 18 décembre 1994, alors qu’un nouveau président du pays vient d’entrer en fonction, la monnaie nationale connaît une grave dévaluation : c’est la crise du peso. Le lendemain, l’Armée zapatiste de libération nationale déclare la création d’une trentaine de municipalités en rébellion qui s’appelleront, après 1997, «Municipalités autonomes et rebelles zapatistes» (Municipios Autónomos y Rebeldes Zapatistas, MAREZ). Cette prise de possession est, davantage que militaire, le résultat d’une démarche d’affirmation politique des communautés. Il convient toutefois de se demander si la volonté provenait réellement des communautés elles-mêmes ou si elle était plutôt suggérée par les dirigeants du mouvement. L’EZLN avait, en effet, beaucoup à gagner d’une déclaration d’autonomie. «Nous avions déjà un territoire contrôlé», dit un dirigeant zapatiste, «et c’est pour l’organiser que furent créées les Municipalités autonomes». La création des Municipalités autonomes assoit le pouvoir zapatiste sur le territoire qu’il contrôle. Quelle que soit leur origine, les premières municipalités autonomes allait entraîner un long processus d’affirmation politique, économique et sociale soutenu précisément par cette lutte pour l’autonomie. La déclaration d’une autonomie de facto territorialise la lutte du mouvement zapatiste pour le pouvoir, ce qui provoque une réorganisation, voire une transformation, de l’espace et du territoire. Le Mexique tout entier est ébranlé par cette affirmation d’autonomie, par cette «nouvelle géographie administrative». Parce qu’une chose demeure très claire dès le départ et tout au long de l’épopée zapatiste : les insurgés ne veulent pas l’indépendance. Les autochtones se considèrent Mexicains et ne désirent pas se voir séparés du reste du pays. Dans toutes les démonstrations publiques, le drapeau mexicain est hissé bien haut, dans les écoles autonomes les enfants chantent l’hymne national. C’est plutôt l’assise de l’État-nation, c’est-à-dire la présence d’une seule grande nation sur le territoire national, qui est remise en question. Cette crise de l’État-nation à l’interne se jumelle à celle résultant de facteurs externes : de la globalisation et de l’érosion des pouvoirs nationaux qu’elle entraîne. L’État mexicain, au printemps de 1998, réagit en envoyant l’armée démanteler plusieurs de ces municipalités dites autonomes. En réaction à cette agression, d’autres municipalités, ailleurs au pays, vont se déclarer autonomes.Les négociations entre le mouvement zapatiste et l’État mexicain qui s’ensuivent vont participer à la redéfinition des rapports entre cet État et les groupes sociaux sur son territoire.


Contre-insurrection

Parallèlement aux négociations, l'Etat engage de nombreuses mesures destinées à affaiblir le mouvement zapatiste et à renforcer les organisations leur étant hostiles.

Les groupes para-militaires

Dans un premier temps, il s'appuiera sur les organisations hostiles à l'EZLN, dont notamment l'Association Rurale d'Intérêt Collectif (ARIC) proche des dirigeants du PRI et rivale de l'EZLN ainsi que les éleveurs de bétail qui obtiendront de l'Etat de conséquentes indemnisations au nom des dommages et des pertes subis lors des bombardements et actions de guerre de l'insurrection zapatiste. Les éleveurs de bétail et les grands propriétaires agricoles qui annoncent clairement leur intention de voir « tous ces indiens zapatistes liquidés », forment des unités de volontaires armés -grâce aux subsides de l'Etat- et organisent la répression contre les paysans et les militants de l'EZLN, et d'une manière générale, contre tous ceux qui manifestent quelque sympathie à leur égard, notamment les curés et les journalistes. Les membres de l'organisation para-militaire de la Coalition des organisations de citoyens du Chiapas (COCCH) et d'autres du même type seront, très vraisemblablement entraînés et protégés par l'armée mexicaine. Ces organisations n'hésitent pas à assassiner des membres des communautés indiennes proches du mouvement zapatiste. Le quotidien Milenio révèle, après la déclassification d'un document des services secrets étasuniens divulgué par une ONG américaine, qu'en 1994 l'armée mexicaine avait reçu l'ordre présidentiel d'organiser certains secteurs de la population civile, entre autres des agriculteurs, des propriétaires terriens et des individus caractérisés par leur fort sens patriotique, afin qu'ils soutiennent les opérations militaires [contre la guérilla zapatiste de l'EZLN]. L'ordre prévoyait également l'entraînement et le soutien des forces d'autodéfense et autres organisations militaires dans la région montagneuse de Los Altos, précise le document.

C'est précisément dans cette région que, le 22 décembre 1997, dans le petit village d'Acteal, les paramilitaires ont ouvert le feu contre 300 Indiens, prétendument sympathisants de la cause de l'EZLN. Quarante-cinq d'entre eux trouvèrent la mort. Les victimes étaient en majorité des femmes et des enfants, dont plusieurs bébés de moins de deux mois, rappelle le quotidien. Cette révélation vient contredire la version officielle du gouvernement mexicain sur les faits qui se sont déroulés à Acteal. De plus, le pouvoir et l'armée ont toujours soutenu que les groupes civils armés avaient surgis spontanément dans la région.

Diviser pour mieux régner

L'EZLN compte parmi ses ennemis un grand nombre de communautés paysannes d'origine indienne. Des familles entières quitteront ainsi des villages ou des zones ralliés au mouvement zapatiste pour s'installer dans des communautés hostiles à l'EZLN, voire dans des camps de réfugiés. La para-militarisation qui, ajoutée au harcèlement, à l’exacerbation des tensions et des divisions au sein des villages par un traitement public clairement différencié, tend à miner et à saper la très difficile construction de l’émancipation zapatiste. D'autre part, des conflits meurtriers sporadiques opposent, sans l'aide des militaires, les militants du Parti de la révolution démocratique et indigènes zapatistes.

L'armée

L'armée s'équipera dès les premiers mois de l'après insurrection de matériel anti-émeute et de nouvelles unités sont entraînées spécialement pour le combat anti-guérilla en zone rurale. Le gouvernement instaura une Coordination de la sécurité publique de la nation. En marge d’une certaine indifférence, d’un laisser faire apparent à l’égard des expériences d’« autonomie de fait » dans lesquelles les bases d’appui de l’EZLN – la militarisation de la région est organisée rapidement. Le territoire est quadrillé, des dizaines de campements militaires, de nouvelles casernes et des barrages routiers le contrôle.

Nous verrons par la suite, des procédés plus subtiles se mettre en place, dont notamment le développement du tourisme sous le label écolo.



1995, Asemblea Nacional Indígena Plural por la Autonomía

1995 voit la création de la première vaste organisation autochtone, l’Assemblée nationale autochtone plurielle pour l’autonomie (Asemblea Nacional Indígena Plural por la Autonomía, ANIPA). Pour certains, c’est la fondation de cette dernière qui marque les débuts d’un mouvement autochtone mexicain unifié. En outre, la proposition d’autonomie devient rapidement le thème unificateur des organisations autochtones et leurs actions collectives se concentrent de plus en plus sur cette demande. En 1996, deux événements importants marquent le parcours du mouvement autochtone mexicain. D’une part, il y a les négociations devant mener aux Accords de San Andrés. Même si les zapatistes s’y affichent comme les protagonistes, ces négociations concernent l’ensemble du mouvement autochtone. Par ailleurs, se tient, à San Cristóbal de Las Casas, le Forum national autochtone (Foro Nacional Indígena) rassemblant quelque 500 représentants d’environ 35 peuples autochtones de tout le pays, qui conviennent que «l’autonomie va dorénavant constituer l’axe principal de leur lutte pour une nouvelle relation entre eux et l’État». C’est de ce forum multiethnique qu’est né le Congrès national autochtone (Congreso Nacional Indígena, CNI). Le Congrès national autochtone aura une importance déterminante pour le mouvement autochtone mexicain pendant une longue période, mais, bien qu’il existe toujours, il n’arrive plus à rassembler les forces du mouvement autour d’une proposition commune.

Cela est en partie dû, sans doute, aux échecs successifs qu’ont essuyé, ces dernières années, les revendications des peuples autochtones. Le plus important de ces échecs étant le vote, par le gouvernement en 2001, de la «Réforme sur les peuples autochtones» qui diminue considérablement et dénature les exigences posées par le mouvement. Le CNI a cependant affirmé, malgré ce revers, qu’il continuerait à revendiquer la reconnaissance constitutionnelle, tout en appuyant les diverses expériences d’autonomie qui fleurissent dans des centaines de communautés autochtones de tout le pays. En outre, pour certains observateurs, les démarches des organisations autochtones pour protester contre cette réforme et exiger sa réouverture, en reliant «la question de l’autonomie à celle de la démocratisation de l’État», «cimentent l’unité du mouvement autochtone».

Les Accords de San Andrés

De ces négociations, les plus importantes demeurent sans doute celles qui ont mené à la signature des Accords de San Andrés (Acuerdos de San Andrés). Elles eurent lieu entre 1995 et 1996, à San Andrés Larrainzar. Les discussions qui s’y déroulèrent constituaient la première étape d’une série de tables de négociation qui devaient être dressées entre les représentants autochtones et l’État. Les Accords de San Andrés furent signés après cette première phase qui portait sur le thème «droits et cultures autochtones». Les Accords de San Andrés eurent un succès mitigé. Plusieurs reprochent aux zapatistes de s’être satisfaits de pauvres résultats, comme certaines organisations autochtones luttant déjà pour l’autonomie qui déplorèrent qu’ils n’aient pu obtenir plus qu’une reconnaissance de l’autonomie communautaire, locale, que les autochtones possédaient déjà. Le gouvernement aurait profité des mésententes au sein même du mouvement autochtone sur la question du niveau d’autonomie revendiqué pour ne pas modifier les lois existantes. Des auteurs parlent même de l’échec des négociations.

Reste que ces discussions permirent au mouvement autochtone mexicain de se renforcer. Beaucoup d’observateurs, peu importe leur opinion du mouvement zapatiste, s’entendent pour reconnaître qu’un des effets les plus positifs des Accords de San Andrés fut d’obliger l’État mexicain à considérer les revendications des autochtones. Le mouvement zapatiste a positionné le mouvement autochtone sur l’échiquier du pouvoir mexicain et, sans doute, mondial. Quoi qu’il en soit, les Accords de San Andrés ne furent jamais ratifiés par le Congrès mexicain. Ils demeurèrent longtemps, et sont peut-être encore, le cheval de bataille du mouvement autochtone qui cherchait à obliger le gouvernement à respecter sa parole. En avril 2001, celui-ci légifèrera finalement une loi concernant les droits des peuples autochtones, mais cette loi, nous l’avons vu, n’est qu’un pâle reflet des accords qui avaient été signés cinq ans plus tôt. Cette seconde atteinte aux négociations entre l’État et le mouvement autochtone surviendra, paradoxalement, à la suite d’une récupération de la flamme de ce mouvement par les zapatistes. L’EZLN allait en effet utiliser l’une des actions collectives favorites du mouvement autochtone, les grandes marches pacifistes, pour aller relancer le gouvernement dans son propre fief, la capitale nationale.

1996 : Rencontre Inter galaxies

L’EZLN organise la Première Rencontre Intercontinentale pour l’Humanité et contre le Néolibéralisme, également connue comme "Rencontre Inter galaxies". Près de 5000 personnes de 42 pays y prennent part. Dans le seconde quinzaine de juillet 1996, un peu plus de trois mille personnes de tous sexes, de toutes races, de toutes langues, et de presque toutes les couleurs politiques existant en ce monde se sont rendues au Chiapas dans le but de répondre à ces questions. Les participants venus du monde entier ont retrouvé à San Cristobal de Las Casas plusieurs groupes latinoaméricains – parmi lesquels quelque 800 Mexicains – et diverses petites délégations qui représentaient – bien sûr sans titre officiel – les cultures d'Asie, d'Afrique et d'Océanie. Pour la première fois dans l'histoire des Pauvres de la Terre, une armée paysanne, minuscule, formée d'indigènes analphabètes, est parvenue à réunir les esprits les plus généreux et féconds de l'époque. [Lien vers les retranscriptions des débats].



La marche de 2001, Marcha del Color de la Tierra

Le mouvement zapatiste a pris de court le premier gouvernement d’un parti autre que le parti révolutionnaire institutionnel (PRI), dès le lendemain de son élection. Au nouveau président, Vincente Fox, qui se targuait de pouvoir régler la question du Chiapas en 15 minutes, les zapatistes ont lancé le défi de les recevoir à Mexico. Baptisée «Marche de la couleur de la terre» (Marcha del Color de la Tierra), cette manifestation revendique fièrement ses origines ethniques. Entre le 24 février et le 10 mars 2001, la marche motorisée a traversé 12 États, ceux du sud et du centre, regroupant tous une importante population autochtone. Dans chacun de ces États, des rencontres avec diverses organisations autochtones eurent lieu et aboutirent à la tenue du troisième Congrès national autochtone (Congreso Nacional Indígena, CNI). À Mexico, l’arrivée de la caravane zapatiste attira des milliers de personnes. Les discours et les revendications des commandants insurgés, finalement reçus par le Congrès, furent écoutés de par le monde. Il n’en fallait pas plus pour croire à la résurrection du mouvement autochtone mexicain. Mais cette résurrection, si elle eut lieu, fut de courte durée. Les zapatistes rentrés chez eux apprirent le vote de la «Réforme sur les peuples autochtones» dont nous avons parlé et qui fait figure, à leurs yeux et à ceux de beaucoup d’observateurs, d’une trahison. À la suite de sa promulgation, la présence des zapatistes sur la scène publique s’est faite beaucoup plus modeste.


Au-delà des tensions et des contradictions :
l’effet unificateur de la demande d’autonomie

Le succès médiatique des municipalités autonomes zapatistes attire tous les regards, mais l’on aurait tort de croire qu’il s’agit des seules expériences d’autonomie au Mexique. Il existe aujourd’hui, dans tout le pays, plusieurs formes d’autonomie, à différents degrés et dans des conditions diverses, qui sont tolérées par l’État et sont maintenues à bout de bras par la mobilisation sociale. Dans presque tous les États du pays où vivent des populations autochtones importantes, des actions collectives sont mises de l’avant, depuis l’organisation d’une police communautaire, jusqu’à la création d’un système juridique basé sur les us et coutumes, en passant par une foule de localités qui se sont déclarées autonomes. En revanche, le thème de l’autonomie a aussi été récupéré par des acteurs visant à opérer en marge de la justice, ce qui l’a discrédité aux yeux de la population.

La création des Conseils de bon gouvernement
Juntas de Buen Gobierno



Le 1er janvier 2003, environ vingt mille sympathisants zapatistes envahissent les rues de San Cristóbal de Las Casas et démontrent que leur lutte continue. Puis, en juillet 2003, paraît une série de communiqués de presse baptisée «La Treceava Estela». Ce que disent en substance ces communiqués, c’est que jugeant que l’État leur a exprimé son refus de coopérer, qu’il leur a montré qu’il continuait à méconnaître la place des peuples autochtones dans la nation mexicaine, le mouvement zapatiste ferme la porte à toute forme de négociation et déclare une véritable autonomie de facto. La résistance, l’autonomie par rapport aux programmes étatiques et aux subsides gouvernementaux, étaient déjà pratiquées depuis près de 10 ans dans certains cas. Mais 2003 allait marquer une détermination encore plus ferme de cette volonté d’autogestion.


En outre, pour asseoir l’autogouvernement, le mouvement se dotait du même souffle d’une nouvelle structure de pouvoir. C’est par la même série de communiqués de presse que le sous-commandant Marcos annonce en effet la création des Juntas de Buen Gobierno, les «Conseils de bon gouvernement». Dans La Treceava Estela , l’EZLN rend public le déploiement d’une structure de gestion s’appuyant dorénavant sur trois paliers de gouvernement :
  • le local au niveau des communautés ;
  • le municipal au niveau des Municipalités autonomes ;
  • le régional avec les Conseils de bon gouvernement.
L’autonomie de facto des zapatistes ne va pas sans créer de conflits. Le 10 avril 2004, dans une municipalité non autonome de Los Altos, Zinacantán, une marche pacifique de bases de soutien zapatistes fut brutalement réprimée par des opposants des mêmes communautés, s’insurgeant contre les volontés autonomistes de leurs voisins. Cet événement révèle le degré de tension qui prévaut au Chiapas. La précarité des ressources de tout ordre entraîne de nombreux conflits dans la gestion de la vie quotidienne, voire de la survie. En outre, de telles tensions ne sont pas l’exclusivité des municipalités non autonomes, puisque des populations non zapatistes vivent sur les territoires des Municipalités autonomes. Les multiples différences ethniques, religieuses, politiques et économiques rendent l’espace chiapanèque et les relations qui s’y tissent, complexes et hautement politiques.

L’organisation politique

Pour se maintenir, le mouvement zapatiste a d’abord mis en place une structure de pouvoir militaire. L’EZLN est une véritable armée dans laquelle les postes et les rôles sont bien définis. Depuis 2003, elle se double d’une structure de pouvoir politique civile. Auparavant, le pouvoir de gestion sur le territoire zapatiste reposait essentiellement entre les mains des Conseils municipaux autonomes, mais ceux-ci demeuraient entièrement soumis aux décisions du Commandement militaire.

Le mouvement zapatiste a voulu corriger les erreurs de la pratique de l’autonomie et solidifier ses institutions en créant un nouveau palier de gouverne, celui des Conseils de bon gouvernement. Ce palier se situe au niveau régional de l’édifice du pouvoir zapatiste, illustré dans la Figure. A tour de rôle, des délégués — hommes et femmes — des communautés y assument leurs responsabilités, durant une ou deux semaines : fonctionnement collectif, horizontal et rotatif. Le meilleur moyen, selon le sous-commandant Marcos, d’éviter les pièges du pouvoir, tels la corruption ou l’éloignement des soucis du quotidien.





Les Conseils de bon gouvernement


Les Conseils de bon gouvernement (Juntas de Buen Gobierno) ont été nommés ainsi en réaction à ce que les zapatistes appellent le «mauvais gouvernement» ou la «mauvaise gouverne» de l’appareil étatique. Au nombre de cinq sur le territoire zapatiste, ils gèrent tous une région bien définie. Chaque Conseil de bon gouvernement rassemble les différentes Municipalités autonomes de son territoire. Il assure aussi la gestion des communautés zapatistes ne se trouvant pas sur le territoire d’une Municipalité autonome. Les Conseils de bon gouvernement sont formés de délégués des Municipalités autonomes. Ce sont ces agents, représentant aussi le niveau local, qui assurent la gestion du niveau régional. Pour Burguete Cal y Mayor, le rôle principal des Conseils de bon gouvernement est de coordonner et de surveiller, alors que leurs fonctions se déclinent ainsi :

  • décider des fonds d’aide qui parviennent aux Conseils municipaux et les distribuer équitablement ;
  • réguler le membership, ainsi que les droits et obligations qui lui sont rattachés ;
  • réguler le va-et-vient d’étrangers, visiteurs et chercheurs entre autres, sur le territoire ;
  • coordonner et surveiller que les pratiques de gouvernement des autorités et les actions de leurs membres ne s’éloignent pas des principes zapatistes ;
  • servir de médiateur dans les conflits entre les Municipalités autonomes, et entre celles-ci et les municipalités gouvernementales ;
  • veiller à l’application des Accords de San Andrés sur leur territoire ;
  • répondre aux dénonciations déposées contre les Conseils municipaux ;
  • veiller à l’application des projets et tâches communautaires ;
  • former une instance de gouvernement régional, à caractère civil, pour la représentation et la négociation, tant à l’interne, qu’à l’externe.

Les Conseils de bon gouvernement constituent donc un outil politique de gestion du territoire. Il s’agit d’une association de Municipalités autonomes pensée par les dirigeants du mouvement pour pallier le déséquilibre dans le développement de celles-ci. Les Conseils de bon gouvernement assurent le lien, la coordination et la communication pour la région. Ce pouvoir régional siège dans la capitale régionale qui abrite aussi les représentations des autres niveaux de pouvoir, principalement celui des municipalités, ainsi que la représentation des principales organisations sociales qu’on retrouve sur son territoire. Les capitales régionales servent donc à assurer le lien du local au global.




Le Caracol : du local au global et du global au local


Les Conseils de bon gouvernement se doublent d’institutions que le mouvement appelle des «Caracoles» (escargots). Ces Caracoles sont érigés là où se dressaient auparavant les Aguascalientes et ont été fondés en même temps que les Conseils de bon gouvernement. En fait, le terme «Caracol» est parfois employé pour parler d’un bâtiment particulier, lieu d’accueil et de rencontre situé à l’entrée de chaque capitale régionale, alors que d’autres fois,
il désigne cette capitale régionale en entier, y compris son Conseil de bon gouvernement.
Quoi qu’il en soit, le Caracol incarne le lien du local au global et du global au local, qui prend forme dans les capitales régionales, et ce autant à l’interne, du communautaire au régional, qu’à l’externe, du local vers l’international. Ce lien entre les échelles est évoqué par la figure de l’escargot dont la forme de l’intérieur vers l’extérieur, et vice-versa, symbolise le chemin du mouvement, que ce soit vers le niveau national ou international, ainsi que le passage obligé des échanges au sein même de son territoire à travers sa structure de gestion à trois paliers. Le symbole de la spirale a clairement été choisi pour représenter la transversalité entre les niveaux géographiques du mouvement. Il évoque aussi la démocratie directe ayant cours dans la structure de gestion zapatiste, puisque la spirale symbolise la parole dans les glyphes précolombiens. Les Caracoles et les Conseils régionaux comportent une volonté d’ancrer le pouvoir zapatiste sur le territoire. Le Caracol concentre en un lieu les forces du mouvement dispersées dans l’espace. Cet espace qu’occupe le mouvement est non seulement local, compris dans les limites du territoire en rébellion sous la gouverne de l’Armée zapatiste, mais aussi global, puisque les sympathisants zapatistes se retrouvent partout dans le monde. La figure de l’escargot positionne le mouvement sur le plan géographique. Le Caracol implante l’autonomie et assoit la territorialisation du mouvement.




Le Caracol : du local au global et du global au local


Les Conseils de bon gouvernement se doublent d’institutions que le mouvement appelle des «Caracoles» (escargots). Ces Caracoles sont érigés là où se dressaient auparavant les Aguascalientes et ont été fondés en même temps que les Conseils de bon gouvernement. En fait, le terme «Caracol» est parfois employé pour parler d’un bâtiment particulier, lieu d’accueil et de rencontre situé à l’entrée de chaque capitale régionale, alors que d’autres fois,
il désigne cette capitale régionale en entier, y compris son Conseil de bon gouvernement.
Quoi qu’il en soit, le Caracol incarne le lien du local au global et du global au local, qui prend forme dans les capitales régionales, et ce autant à l’interne, du communautaire au régional, qu’à l’externe, du local vers l’international. Ce lien entre les échelles est évoqué par la figure de l’escargot dont la forme de l’intérieur vers l’extérieur, et vice-versa, symbolise le chemin du mouvement, que ce soit vers le niveau national ou international, ainsi que le passage obligé des échanges au sein même de son territoire à travers sa structure de gestion à trois paliers. Le symbole de la spirale a clairement été choisi pour représenter la transversalité entre les niveaux géographiques du mouvement. Il évoque aussi la démocratie directe ayant cours dans la structure de gestion zapatiste, puisque la spirale symbolise la parole dans les glyphes précolombiens. Les Caracoles et les Conseils régionaux comportent une volonté d’ancrer le pouvoir zapatiste sur le territoire. Le Caracol concentre en un lieu les forces du mouvement dispersées dans l’espace. Cet espace qu’occupe le mouvement est non seulement local, compris dans les limites du territoire en rébellion sous la gouverne de l’Armée zapatiste, mais aussi global, puisque les sympathisants zapatistes se retrouvent partout dans le monde. La figure de l’escargot positionne le mouvement sur le plan géographique. Le Caracol implante l’autonomie et assoit la territorialisation du mouvement.




Parmi les problèmes les plus importants affrontés par les Municipalités autonomes figurent ceux rencontrés dans les relations avec les non-zapatistes habitant sur le même territoire. Les plaintes d’abus de pouvoir contre des représentants des Conseils autonomes sont fréquentes. Les Conseils municipaux seront peut-être les plus affectés par la nouvelle structure de gestion. Mais leurs fonctions demeurent dans les domaines suivants : «la justice, la santé communautaire, l’éducation, l’habitation, la terre, le travail, l’information et la culture, l’alimentation, le commerce et le trafic local». Les communautés locales restent quant à elles soumises à la gestion territoriale des Municipalités autonomes et se voient incluses dans la gestion régional des Conseils de bon gouvernement. Elles demeurent, au niveau local, la base de l’organisation des autochtones et le terreau du mouvement.



Les gouvernements autonomes sous le commandement militaire

La structure politique civile reste toutefois soumise au commandement militaire. Sa mise en place, bien que répondant à une volonté de séparation du politique et du militaire, n’exclut pas totalement ce dernier de la gouverne. Ainsi, chacune des cinq régions zapatistes continuera d’être supervisée par le Comité clandestin révolutionnaire autochtone de la zone (Comité Clandestino Revolucionario Indígena, CCRI), lui-même sous les ordres du Commandement général (Comandancia General). Chaque capitale régionale abritera, en plus de la Maison du bon gouvernement (Casa de Buen Gobierno), où siège le conseil du même nom, une commission de vigilance du Comité clandestin révolutionnaire autochtone. Cette dernière a pour fonction de s’assurer que le Conseil de bon gouvernement et la structure politique mettent effectivement de l’avant des mesures de bon gouvernement, en plus de protéger les citoyens et de contrôler l’accès au territoire. Chaque Conseil régional possède le droit de dissoudre un Conseil municipal, cependant que le Commandement militaire se réserve le droit de retirer sa légitimité à un Conseil de bon gouvernement. 




Pourquoi cette nouvelle structure de gestion ?


Les Conseils de bon gouvernement se chargent donc désormais de la gestion politique du mouvement. Selon La Treceava Estela, la formation des Conseils de bon gouvernement correspond à une volonté de l’Armée zapatiste de s’éloigner de la gestion politique du territoire. Il leur serait clairement apparu que la gestion militaire d’une armée ne pouvait pas se comparer à la gestion politique d’un territoire et que pour assurer un bon développement, mieux valait séparer les deux pouvoirs. Il demeure que c’est bel et bien le commandement militaire qui a énoncé et délimité les responsabilités de chaque organe de pouvoir. En outre, comme nous venons de le voir, les Conseils de bon gouvernement restent soumis à leur pendant militaire possédant la même juridiction territoriale. Les Conseils de bon gouvernement
auraient même pu être mis sur pied pour fournir au commandement militaire un outil de pouvoir additionnel et pourraient facilement constituer l’oeil et l’oreille politiques de l’EZLN au sein du territoire.

Admettons que la volonté de séparation du politique et du militaire participe à la création de la nouvelle structure de gestion. Un communiqué émanant directement du haut commandement militaire fut publié en juillet 2003 pour annoncer les changements à venir. Le premier point de ce communiqué stipule que la globalisation a atteint, avec la guerre en Irak, de nouvelles limites et que les zapatistes participent à la grande lutte planétaire pour l’altermondialisation. Le deuxième, que la classe politique mexicaine, incluant tous les partis politiques, a trahi l’espoir de plusieurs Mexicains de voir se concrétiser le projet d’une loi sur les droits et cultures autochtones. Le troisième point annonce la coupure complète des relations avec le gouvernement fédéral et les partis politiques quels qu’ils soient et réitère du même souffle la volonté des zapatistes de continuer la lutte de résistance et d’appliquer les Accords de San Andrés sur leur territoire. De telle sorte que, Marcos annonce ainsi la création des Conseils de bon gouvernement :
Il y aura un Conseil de bon gouvernement dans chaque zone et il représente un effort organisateur des communautés, non seulement pour affronter les problèmes de l’autonomie, mais aussi pour construire un pont plus direct entre elles et le monde. Ainsi que pour essayer de compenser le déséquilibre dans le développement des Municipalités autonomes et des communautés. Cet extrait du communiqué de presse parle d’«affronter les problèmes de l’autonomie» et là réside l’une des clés les plus intéressantes pour comprendre cette décision du mouvement. Quels sont ces «problèmes de l’autonomie» et comment la nouvelle structure de gestion va-t-elle permettre de les affronter ? Quels sont les enjeux de la gestion territoriale autonome qui ont poussé le mouvement à se doter d’une structure de pouvoir plus ample ? En fait, ce dont il s’est doté à l’été 2003, c’est d’un organe en régulation. L’intention du commandement militaire serait de réguler l’action des institutions de l’autogouvernement. Le commandement militaire serait intervenu dans la gestion des Municipalités autonomes dans un but nettement correctif. Les Conseils de bon gouvernement viseraient à «régulariser l’exercice du gouvernement autonome et à s’assurer que les institutions autonomes de facto fonctionnent avec des pratiques de bon gouvernement».

La gestion des Municipalités autonomes a apporté divers problèmes et l’on tente donc de corriger le tir. Après avoir dénoncé sur tous les fronts la mauvaise administration des intérêts des citoyens faite par l’État, le mouvement n’a d’autres choix que de montrer sa capacité d’exercer une «bonne gouverne». Toute cette question de la gouvernance se trouve donc au centre de la création des Conseils de bon gouvernement et leur nom en fait foi. En outre, il pourrait y avoir un désir de renforcer, sans perdre le contrôle pour autant, le pouvoir de la base. Selon le communiqué de presse, la nouvelle structure de pouvoir participerait de l’«effort organisationnel» des communautés ; une volonté, donc, venue de la base. La construction des nouvelles institutions de pouvoir politique participerait d’un mouvement du bas vers le haut.

De son côté, le nom des Municipalités autonomes et rebelles zapatistes (MAREZ) dévoile l’ambivalence entre autonomie et résistance. Depuis 2003, le mouvement tente de passer de la résistance à l’autonomie. Il a inventé, avec la création des Conseils régionaux, un dispositif à mi-chemin entre l’autonomie communautaire et la légalité des municipalités.

Pour Burguete Cal y Mayor, la raison profonde qui explique la création de la nouvelle structure de gestion est la nécessité de concrétiser l’autonomie. Pour se maintenir, les gouvernements autonomes zapatistes doivent territorialiser leur autonomie.


Existence de territoires parallèles

Il faut savoir qu’il existe, sur le territoire d’influence zapatiste, une autre structure de gestion en plus de la structure autonome : celle de l’État. Bien que s’étant déclaré autonome par rapport à celle-ci, le territoire zapatiste n’en est pas isolé et les deux juridictions territoriales se chevauchent. Burguete Cal y Mayor définit les Municipalités autonomes comme des «territoires virtuels articulés en réseaux, comportant des démarcations imaginaires qui superposent leur juridiction à d’autres territorialités qui leur sont préexistantes avec lesquelles elles sont en compétition; ce qui explique qu’elles soient constamment en redéfinition».

En fait, ce territoire est géré par deux gouvernements. Ces deux gouvernements ne se superposent pas en paliers, ils restent indépendants l’un de l’autre. Ils assurent donc la gestion de territoires parallèles. La plupart des municipalités, même si elles se sont officiellement déclarées autonomes, gèrent un espace où cohabitent zapatistes et non-zapatistes. Il s’agit parfois des membres d’une même famille. Il y a donc bel et bien deux gouvernements parallèles qui coexistent et répondent, chacun de son côté, aux besoins de ceux et celles qui se reconnaissent comme leurs citoyens et citoyennes. Chacun construit ses écoles, ses cliniques, met de l’avant ses programmes, etc. Dans la vie quotidienne, chaque habitant du territoire choisit le gouvernement auquel il se rattache. Leur légitimité leur est octroyée par les pratiques de la population. Celle-ci décide d’envoyer ses enfants à l’école autonome ou à l’école étatique, de se faire soigner à la clinique autonome ou étatique, etc. C’est donc la vie quotidienne qui permet, en quelque sorte, l’existence de ces deux instances. Les institutions autonomes, dans leur exercice du gouvernement au jour le jour, valsent donc avec une donnée pour le moins inaccoutumée, soit gérer une population sur un territoire où habite aussi une population s’identifiant à une autre instance de pouvoir. Trois principaux types de situations se présenteraient généralement :
  1. les deux gouvernements s’ignorent complètement et la cohabitation se fait tant bien que mal ;
  2. il peut s’installer un certain dialogue entre les deux afin d’assurer une gestion encore plus efficace ;
  3. cohabitation rime avec confrontation.

Il demeure que les deux structures de pouvoir, la zapatiste et l’étatique, sont solidement implantées sur le territoire. Les citoyens leur accordent la légitimité nécessaire à la gouverne. Un fait qu’il est intéressant de noter est que le Conseil de bon gouvernement d’Oventic répond assez fréquemment à des requêtes faites par des non-zapatistes et visant la résolution de problèmes de toutes natures, concernant ou non des acteurs zapatistes. Ce qui signifie que certaines personnes, sans appuyer le mouvement zapatiste, font confiance à sa structure de gestion. Cela illustre sans contredit la reconnaissance que reçoit sur le territoire cette gestion zapatiste autonome. Quoi qu’il en soit, il demeure assez difficile de cartographier l’espace occupé par l’autonomie zapatiste, non seulement parce qu’elles évoluent encore dans une certaine clandestinité, mais aussi, parce que leur territoire n’est pas uniquement physique, mais aussi, fonctionnel.


L'ECO-TOURISME au service de la contre-insurrection



Selon Bernard Duterme, à écouter les commandants rebelles, les menaces principales qui pèsent sur leur projet autonomiste et sur « ses résultats sanitaires et économiques encourageants » résident dans la stratégie contre-insurrectionnelle privilégiée par les autorités mexicaines ces dernières années. Une stratégie aux variantes multiples qui, à défaut d’avoir accepté de payer le prix politique d’une éradication militaire de l’EZLN ou, à l’inverse, de négociations abouties, parie depuis 1994 sur la lassitude des populations insurgées, en entretenant activement le harcèlement physique et psychologique des communautés autonomes. Quadrillage militaire des zones rebelles — cent dix-huit bases ou postes de l’armée fédérale, dont cinquante-sept installés sur des terres communautaires —, menaces et déplacements forcés, « parrainage » de groupes paramilitaires, coupures d’électricité et sabotages divers, exacerbation des divisions et conflits entre organisations paysannes indigènes, notamment par l’octroi de titres de propriété sur des terres qu’occupent les zapatistes... L’ensemble participe du pourrissement de la situation. Pas une semaine ne se passe sans l’écho d’une escarmouche plus ou moins violente à tel ou tel endroit d’un tissu social déchiré pour longtemps.




La facette la plus outrancière — parce que la plus visible — de l'évolution du Chiapas est le pillage et l’organisation du marché touristique local. Le « pittoresque des Indiens » du Chiapas, le «mystère » de ses ruines précolombiennes, la « luxuriance de sa nature préservée » ont fait de la région l’endroit rêvé pour touristes en quête de dépaysement culturel soft, de décor humain exotique et de rapport enchanté au monde… Selon l'association française EchoWay (http://www.echoway.org), les projets appuyés par des fonds gouvernementaux sont verticaux et non démocratiques, non contrôlés par la communauté, ils créent plus de divisions internes que d'unité, ils manquent d'échanges réels entre les touristes et les habitants locaux, sans compter les commerciaux et, pour comble, rendent triviale la culture indienne. Les premiers bénéficiaires de l’affluence demeurent quelques tour-opérateurs transnationaux avec leurs« formules écotouristiques tout en un», et pas les Mayas, dont quelque 70 % souffrent de malnutrition… En cela, la modique quote-part additionnelle que les rebelles zapatistes font payer « en toute illégalité » à l’entrée des cascades d’Agua Azul, aux voyagistes qui y déversent leur lot quotidien de visiteurs émerveillés, apparaît davantage comme l’expression symbolique inoffensive d’une volonté légitime de réappropriation que comme le tremplin d’un improbable renversement de tendance.

EPILOGUE

Extraits de l'article : Passés de mode, les zapatistes ? par Bernard Duterme


Ainsi, les contradictions les plus importantes que vivent les autochtones à l’heure actuelle pourraient bien être celles qu’entraînent les changements apportés à leur vie communautaire. À travers ce tableau très succinct, on voit en effet que la vie communautaire des autochtones du Mexique s’est complexifiée ces dernières années, entre autres à la suite de modifications légales et historiques affectant le territoire et la place de ces peuples, pour la plupart, agriculteurs. La vie des communautés autochtones se teinte d’une complexité toute particulière, coincée qu’elle est entre un État qui ne reconnaît leur existence que du bout des lèvres, des municipalités toutes-puissantes et un niveau local représentant leur coeur religieux, social, économique et politique, autrefois structuré autour d’un consensus social fort. Ce consensus a été profondément bouleversé par l’apparition de nouvelles identités «qui à la fois fragmentaient les communautés et recomposaient les solidarités dans des espaces plus vastes». Pour les autochtones du Mexique, le modèle de vie communautaire traditionnelle n’existe plus, puisque «les choix individuels et collectifs […] créent des clivages importants dans les communautés», mais qu’«aucun modèle unifié ne semble pouvoir le remplacer».


L’action de l’EZLN jouera un rôle déterminant dans la chute, en 2000, du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), maître absolu du Mexique depuis 1929. Mais, faute de stratégie claire quant à la « prise du pouvoir », qui leur paraît secondaire, les insurgés ne pourront empêcher l’arrivée à la tête de l’Etat du très droitier Parti d’action nationale (PAN). Et devront se contenter de gérer l’autonomie locale qu’ils ont, contre vents et marée, instaurée dans leurs communautés du Chiapas. Décision mal comprise dans un premier temps par les « zapatisants » du Mexique, d’Amérique et d’Europe, interprétée ensuite comme un renoncement définitif à un changement par la voie politique institutionnelle. Pourtant, cette tentative de construire un «autre monde », précisément là où les discriminations et la marginalisation avaient poussé des milliers de paysans mayas à se soulever en armes le 1er janvier 1994, constitue aujourd’hui de facto l’essentiel de la réalité de cette rébellion hors normes.



Si ces municipalités autonomes ne sont pas devenues des paradis sur terre, les indices d’absentéisme scolaire, de dénutrition et de mortalité infantile — les plus élevés du pays avant 1994 — y sont en baisse. L’application stricte de la «loi sèche» (ley seca) revendiquée par la composante féminine du mouvement dès 1993 a fait chuter l’alcoolisme — endémique jusque-là — ainsi que les violences conjugales et le mauvais traitement des femmes qui y étaient associés. En matière de justice, le recours aux usages communautaires — fussent-ils émancipés du caciquisme traditionnel — n’est pas sans risques et instille des situations complexes de « pluralisme juridique ». Parmi d’autres, l’anthropologue Mariana Mora explique toutefois que, dans le caracol de Morelia, tant des métis et indigènes zapatistes que des non-zapatistes préfèrent désormais, pour résoudre leurs problèmes de terre, de vol, de divorce, « s’adresser aux instances autonomes plutôt qu’aux cadres officiels». Avec la conviction que les premières sont plus « justes» et « efficaces ».



Le volet économique est forcément plus problématique. Dans les communautés autonomes, le clientélisme et l’assistancialisme vis-à-vis de l’Etat, bannis depuis 2003, ont fait place à une autre dépendance, envers la solidarité non gouvernementale, interne et internationale. Quoique plus respectueuse des dynamiques et des priorités zapatistes, elle ne peut rompre avec le schéma aléatoire ou obligeant de l’aide. Au-delà, c’est l’ensemble des régions indigènes rurales du Chiapas qui continuent à faire les frais d’une insertion pour le moins désavantageuse au sein de l’économie nationale et mondiale. En atteste l’émigration, qui touche aussi fortement les communautés rebelles. Zapatiste ou non, l’indigène chiapanèque sait qu’à Cancún (Mexique), aux Etats-Unis ou ailleurs, il pourra mieux gagner sa vie qu’en s’acharnant sur son maigre lopin de terre, pour y produire un maïs qui a perdu sa rentabilité depuis que l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) a, en 1994, ouvert la voie aux excédents de l’agro-industrie américaine.



L’« Autre campagne » lancée par Marcos en marge de la campagne électorale officielle de 2006, pour mobiliser et articuler les luttes « en bas à gauche», c’est surtout son « antipolitisme » qui a filtré dans l’opinion et, plus particulièrement, les attaques répétées à l’encontre du candidat favori de la gauche M. Andrés Manuel López Obrador. Officiellement, dans la foulée de son autre campagne qui l’a vu sillonner le pays en quête des minorités rebelles — sociales, ethniques, sexuelles, générationnelles…—, l’EZLN persiste à croire en « la possibilité d’un mouvement national anticapitaliste de gauche », horizontal, de base, en marge de toute représentation, médiation ou institution politique. Reste que, quoi qu’il advienne de cette rébellion des confins du Mexique, elle garde le mérite d’avoir donné vie, à partir de son ancrage local, à un idéal éthique et politique désormais universel : l’articulation de l’agenda de la redistribution à celui de la reconnaissance. En prenant les armes d’abord, pacifiquement ensuite, au gré des circonstances, des rapports de forces et de l’adaptation de ses propres stratégies. « Nous voulons être égaux parce que différents », répètent ses commandants sous leur cagoule devenue le symbole saugrenu d’une affirmation identitaire.



Si, après s’être insurgés en 1994 pour « la démocratie, la liberté et la justice», ils ne sont pas parvenus à refonder la Constitution, à décoloniser les institutions, à démocratiser le pays, ils entendent continuer à peser sur les choix de société, dans un Mexique bloqué politiquement et grand ouvert aux vents dominants de l’économie globalisée. Dans les organisations non gouvernementales locales proches des communautés rebelles, on conserve son optimisme. On y reconnaît que les zapatistes « sont moins nombreux qu’il y a dix ans »— même si « l’EZLN elle-même est incapable de quantifier précisément ses bases d’appui, certains quittant le mouvement, d’autres le rejoignant ». Mais la conviction que l’on a affaire à « un mouvement antisystémique », « irréversible », « plus déterminé que jamais » et « inscrit dans le long terme » demeure intacte. 


EXTRAITS et SOURCES


Stéphane Guimont

Mémoire de la maîtrise en géographie, 2006
Autonomie et développement territorial
au Mexique zapatiste : la part des organisations sociales

Marie-Christine Renard

Le Chiapas est aussi le Mexique
Cahier des Amériques Latines, 1995

Bernard Duterme

Passés de mode, les zapatistes ?
Courrier International, octobre 2009

Frente Zapatista de Liberación Nacional

Fuerte es su corazón: Los municipios rebeldes zapatistas.
Ediciones del Frente Zapatista de Liberación Nacional, 2002


Marcos

Yo, Marcos.
México: Ediciones del Milenio, 1994

La Treceava Estela.
Communiqué de presse, 2003

El mundo: siete pensamientos en mayo de 2003.
Communiqué de presse, 2003

Leer un video.
Communiqué de presse, 2004

Llegó el momento de construir lo que falta.
Communiqué de presse, 2005

Sexta Declaración de la Selva Lacandona.
Communiqué de presse, 2005


Site internet

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A propos d'éco-tourisme :

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