EZLN et Eco-tourisme au CHIAPAS

Photo : Martin Parr


Les formes de répression qu'exercent les autorités contre le mouvement zapatiste au Chiapas sont multiples : des tentatives d'institutionnalisation des municipalités autonomes à la violence, voire à l'assassinat, de militants ou de sympathisants de l'EZLN. D'autres formes plus subtiles s'y ajoutent : la disneylisation, la marchandisation des communautés du Chiapas, la folklorisation de la culture locale, le développement du tourisme labellisé écologique ou solidaire. La France y participe activement. Nous présentons ici quelques articles.




Chiapas, Selva Lacandona, Lacandones - Photo Rosa Ripoll


Chiapas Is Cheap !



Par John Ross
2009

La marchandisation du mouvement zapatiste a récemment atteint des sommets d’absurdité dans le New York Times, qui a qualifié les villages rebelles du sud-est du Chiapas de destination touristique à la mode et à bas prix. « Chiapas Is Cheap ! Indian Villages Flourish And The Price Is Right!» (« Le Chiapas est bon marché ! Les villages indigènes sont florissants et les prix sont bons !») pouvait-on lire en gras dans la section Voyage du NYT du dimanche 16 novembre – ironiquement, la veille du 25e anniversaire de la création de l’Armée zapatiste de libération nationale. La double page consacrée au sujet contenait également une photo du caracol, le centre politico-culturel zapatiste d’Oventic, à 45 minutes de voiture de la ville en vogue de San Cristobal. « L’échec de leur révolution » (sic) a donné à la région zapatiste un « frisson de danger » commentait Matt Gross, le soi-disant « simple voyageur » du Times, quelques jours plus tard, après s’être frayé un chemin jusqu’au caracol pour rédiger un article tape-à-l’œil où il va jusqu’à indiquer les prix imbattables des quesadillas vendues dans le magasin Che Guevara du village.


Photo : Martin Parr



Les charlatans du tourisme vert

Par Anne Vigna




L’organisation du Forum International du Tourisme Solidaire (FITS) cofinancée par la France et le gouvernement de l’Etat du Chiapas, qui y a inclus « le commerce équitable », a rassemblé des acteurs écotouristiques du monde entier. Les nombreux délégués communautaires mexicains, triés sur le volet - déclarant ouvertement être membres du Parti Révolutionnaire Institutionnel (comme le gouverneur) et surtout anti-zapatistes - ont révélé que l’écotourisme était dans cette région un « outil de gouvernance », le projet «écotouristique » étant offert à ceux qui refusent de rejoindre les villages autonomes zapatistes. Cette utilisation nouvelle de l’écotourisme comme arme dans un conflit dit de basse intensité, marque une réappropriation particulièrement dangereuse du concept.

D’autre part, certains méga-projets qui aurait autrefois était qualifiés de complexes touristiques enclavés dans la logique du tourisme de masse, comme ceux portés par des multinationales, largement dénoncées, ont été présentés comme écotouristiques. Ces dernières font pression sur le gouvernement pour évincer la population locale dont la présence est jugée néfaste pour les Parcs.

Des communautés déplacées par la pauvreté et la répression s’y sont effectivement réfugiées. L’organisation même de la manifestation, l’extrême contrôle des participants, les parcours choisis sensés faire oublier la militarisation du Chiapas pourtant si visible n’a fait que révéler davantage les enjeux. La caution scientifique et politique prêtée à l’événement, inauguré par Léon Bertrand et le Président Fox en personne, traduis une géopolitique agressive de l’écotourisme dans une région du monde qui incarne comme peu actuellement la pauvreté, la richesse de la biodiversité et des cultures, la mondialisation et la lutte pour la dignité humaine. Elle a été le ferment des évolutions socio-politiques récentes en cours en Amérique Latine dont beaucoup s’inspirent désormais.

Au Chiapas, les projets d’écotourisme promus par les gouvernements (local et fédéral) ne se fondent pas sur le modèle communautaire, mais tendent à promouvoir un tourisme familial et privé. Le gouvernement local ne cesse de vanter l’écotourisme comme la « solution aux problèmes économiques du Chiapas », mais finance depuis quelques années les pires projets d’écotourisme du Mexique... Selon M. Maxime Kieffer, consultant dans ce secteur, qui vient d’enquêter au Chiapas, « les habitants n’ont pas été consultés dans la phase préparatoire. On leur présente l’activité et les cabanes toutes prêtes, en béton, sans aucun aménagement écologique pour limiter les pollutions. Les responsables ne sont pas formés, il n’y a pas de gestion collective, pas de projet de développement local, même pas une réflexion sur les déchets ». Pis : quand les communautés refusent un projet sur leurs terres, les méthodes employées pour les convaincre laissent présager un sombre avenir dans la région. Ainsi, le conseil autonome de la communauté zapatiste Roberto Barrios a dénoncé à plusieurs reprises les intimidations de fonctionnaires publics comme celles d’investisseurs privés pour créer un projet d’écotourisme proche de ses cascades. Or le premier droit d’une communauté est de pouvoir refuser l’arrivée de visiteurs sur ses terres - donc de ne pas se voir imposer de projets, même s’« ils sont très, très bien », comme le répète sans cesse à la presse la responsable du tourisme au Chiapas.
Ces projets sont également financés par l’Union européenne à travers le programme Prodesis. Avec un tel partenaire - le gouvernement pourtant peu recommandable de M. Pablo Salazar (Parti révolutionnaire institutionel [PRI])-, l’Union appuie des projets touristiques qui n’ont rien d’écologique et sont, sur bien des points, contraires aux règles de base de l’écotourisme. Dans la communauté lacandone de Lacanjá Chansayab, les familles gèrent des projets privés sans aucune collaboration entre elles. Elles reconnaissent porter toujours leur tunique traditionnelle parce que les formateurs envoyés par Sectur (le ministère du tourisme) leur ont assuré que les touristes voulaient les voir ainsi.

Si l’on en croit les dépliants, le Chiapas est le royaume de la nature et de la paix. Le vert de l’écotourisme ferait ainsi disparaître le kaki des soldats, qui n’ont pourtant jamais quitté la région depuis 1994, date du soulèvement zapatiste. La communication est en effet astucieuse et pourrait bien fonctionner. Dans le bureau local de Sectur, à Tuxtla Gutiérrez, on reconnaît que les projets montés ne respectent pas les principes-clés de l’écotourisme, mais que le concept est utilisé dans toute la promotion du gouvernement.

En coprésidant le second Forum international du tourisme solidaire (FITS) au Chiapas en mars 2006, la France a pourtant cautionné cette fausse image. M. Fox, le même qui propose la destruction de la Basse-Californie, a été accueilli par M. Salazar, comme « le grand fondateur du tourisme solidaire ». Les efforts du Chiapas en la matière ont été abondamment vantés par M. Jean-Louis Dieux, vice-président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, pour lequel le Chiapas est un pionnier et bientôt un modèle du tourisme solidaire... Au même moment, les participants au forum venus d’Afrique et d’Asie se plaignaient dans une lettre ouverte aux organisateurs de « n’avoir discuté avec aucune communauté lors des visites de terrain ». Une preuve supplémentaire que la vision impulsée par le gouvernement local n’est pas exactement la même que celle des participants à ce forum.

Au sein du FITS comme ailleurs, le sauvetage de l’appellation « écotourisme » est devenu une priorité des réseaux, associations, universitaires qui défendent le concept. Le label, en particulier pour le tourisme solidaire, est apparu au départ comme la solution la plus indiquée.

Un label du tourisme solidaire garantirait, en plus d’un souci de préservation du milieu, la gestion par les habitants du projet de tourisme et un réinvestissement d’une part des bénéfices dans des services communs. En France, les voyagistes solidaires regroupés dans l’Association pour un tourisme équitable et solidaire (ATES) ont invité Fairtrade Labelling Organizations (FLO), qui surveille la chaîne du commerce équitable, à travailler sur ce thème. Ces associations devenues voyagistes ont en effet tout intérêt à jouer la transparence et à mettre en avant leurs actions de solidarité et leur éthique, quand d’autres agences se limitent à un code de bonne conduite mais utilisent les termes attractifs de « tourisme responsable » dans leur communication.

Mais la certification reste un processus lourd, complexe et coûteux. Pour M. Ernest Cañada, responsable de l’ONG espagnole Action pour un tourisme responsable (ATR), « les frais de certification liés au label écartent les petits projets ». Au Mexique, par exemple, le coût de certification du label du commerce équitable avoisine les 2 000 euros par an pour une organisation de producteurs de café. « De plus, poursuit M. Cañada, en labellisant le café de multinationales comme Nestlé, McDonald’s ou Carrefour, FLO a pris un autre chemin. Certifier l’activité d’écotourisme que mèneront bientôt les chaînes hôtelières, qui continueront par ailleurs de violer les droits de leurs salariés, n’a pour nous aucun sens. »

Pour ne pas reproduire les erreurs de labellisation du commerce équitable, les frais de certification ne devraient pas être assumés par le projet, afin que les plus petits - qui sont la majorité - aient également accès à ce réseau. Mais, surtout, un label de tourisme solidaire, durable ou responsable, devrait dans ses fondements exclure de la compétition les grands groupes de tourisme.

Labellisé ou non, l’écotourisme doit cesser de tromper son client. L’activité n’est pas une solution universelle qui peut s’appliquer partout : il n’est pas possible de reconvertir tous les peuples qui vivent près d’un site archéologique ou dans une forêt primaire en « guides » sous prétexte de protection ou de développement social. Le gouvernement du Chiapas mine dangereusement l’avenir en misant, si vite et si mal, sur la case « écotourisme ». Et, de même que le commerce équitable n’a pas enrayé la crise du café dans la région, l’écotourisme « frelaté » ne fera pas grand-chose contre la pauvreté.




Une Communauté Indigène Zapatiste attaquée par la police


Source : Bellaciao
2010


La guerre de basse intensité menée par les autorités mexicaine (fédérales, régionales et locales) contre les populations indigènes, mayas et zoques du Chiapas, s’intensifie. Pour permettre la mise en place d’un projet baptisé "écotouristique", la police de l’État du Chiapas, aux ordres du gouverneur PRD Juan Sabines, vient de franchir un degré de plus dans l’escalade vers ce que les zapatistes désignent comme une véritable "guerre d’extermination contre les peuples indigènes".

Lors d’une brutale opération, réunissant des policiers fédéraux et des fonctionnaires du gouvernement local, parmi lesquels des représentants du ministère de "l’Environnement", les forces de l’ordre ont brûlé les maisons, avec tous leurs effets personnels, des habitants du Poblado Laguna San Pedro. Ils ont saccagé les cultures (y compris les réserves de semences de maïs et de haricots, ainsi que des arbres fruitiers) et pillé la boutique coopérative des membres de cette communauté de la forêt Lacandone, appartenant à la commune autonome Ricardo Flores Magón. Ceux-ci ont ensuite été emmenés de force, avec des hélicoptères, vers la ville de Palenque. Les autorités prétendent vouloir reloger les personnes ainsi déplacées dans une zone "en dehors de la réserve de la biosphère", opérer une reforestation et, au passage, développer des cultures... destinées à la fabrication de "biodiesel".

L’État mexicain et les multinationales de l’énergie et des "loisirs" s’arrogent ainsi le droit, au nom de la défense de l’environnement, d’expulser des populations qui ont pourtant démontré depuis des millénaires leur capacité à vivre en harmonie, sans l’aide de quiconque, dans ces régions de forêts tropicales.

Il faut noter que cette politique d’expulsions de la région des Montes Azules, préparée depuis des années, compte sur l’appui de gouvernements étrangers, parmi lesquels ceux de l’Union européenne (avec le tristement célèbre programme Prodesis), et de plusieurs multinationales de l’environnement, telles que Conservation International et le WWF.

Une simple lecture de la composition des conseils d’administration de ces ONG permet de comprendre qu’à côté des mégaprojets touristiques se dissimulent également les convoitises sur le pétrole, l’uranium, l’or et surtout la formidable biodiversité que recèle encore, malgré des décennies de pillage, ces régions du Sud-Est mexicain. Dans un communiqué, le Conseil de bon gouvernement de La Garrucha s’adresse à la "société civile nationale et internationale", pour lui demander sa solidarité face à de tels agissements.




Le Chiapas, un État assiégé par les transnationales


Par John Ross
2009


Ouvrant la voie à l’assaut touristique lancé à tout va dans l’Etat du Chiapas sur la zone rebelle, le projet d’autoroute traversant les montagnes pour relier San Cristobal aux magnifiques ruines mayas de Palenque, empiéterait sur une douzaine de villages autonomes zapatistes. Les pressions exercées pour faire du Chiapas une destination touristique internationale continuent à engendrer de la violence entre communautés zapatistes et non zapatistes à propos du contrôle de certains sites, notamment Agua Azul, un complexe d’écotourisme situé dans le corridor San Cristobal-Palenque.

Plus au sud, des communautés aussi bien zapatistes que non zapatistes ont été expulsées manu militari de la biosphère de Montes Azules, une réserve de 300 000 hectares, dans la Selva [forêt] lancandona, au moment même où des poids lourds de l’écotourisme, soutenus par des transnationales telles que Ford Motors, revendiquent un droit sur cet inestimable sanctuaire. Le boom de l’écotourisme a fait pousser des hôtels cinq étoiles et attiré des caravanes de touristes dans la région, les Israéliens en tête.

L’exploitation par le commerce touristique local ou international de sites mayas sacrés, comme Palenque, a également alimenté les tensions dans le sud-est du Chiapas. En janvier, les zapatistes ont menacé d’occuper les ruines mayas de Tonina, à proximité d’Ocosingo, « la porte de la jungle lancandona », en raison d’un conflit terrien. En octobre dernier, la police de l’État du Chiapas a tué par balle six non-zapatistes après l’occupation par le militant Tojolabal Mayans des ruines de Chinkultik, dans la région des lacs de Montebello, à proximité de Comitan, pour demander une plus grande part du « gâteau touristique ».

Le tourisme est l’un des quatre axes du progrès au Chiapas, relève le correspondant du quotidien La Jornada, Hermann Bellinghausen, l’un des meilleurs spécialistes de la lutte zapatiste. On lui doit par exemple le scénario de Heart Of Time, un film qui se déroule dans la région zapatiste et qui a été présenté récemment au Festival du film de Sundance, créé par Robert Redford. Le pétrole, les biocarburants et l’extraction minière – les trois autres axes - donnent également des frissons lorsqu’on pense à l’avenir de l’Etat le plus méridional du Mexique.



Appel à la solidarité internationale pour protéger
la Selva Lacandona du Chiapas, au Mexique.

Février 2010



Les plantations de palmiers pénètrent à feu à et sang dans la Selva Lacandona. Le communiqué suivant a été publié par le Réseau latino-américain contre la monoculture d’arbres (RECOMA). Le Réseau dénonce par ce moyen les graves atteintes que subissent les communautés de la Selva Lacandona dans la zone de la Réserve de biosphère de Montes Azules, dans l’État de Chiapas, au Mexique.
En janvier dernier, le Congrès de l’État de Chiapas a approuvé le financement de la construction d’une usine de fabrication d’huile de palme. Peu après, des dizaines de familles de la municipalité d’Ocosingo ont été expulsées de leur territoire, qui sera affecté à l’expansion des plantations de palmiers africains.Des dizaines d’agents de police fortement armés sont arrivés dans la forêt en hélicoptères et ont sorti violemment de leurs maisons les hommes, les femmes et les enfants ; ils ont brûlé leurs logements et, sans explication aucune, les ont transportés à la ville de Palenque.

Tandis que le gouvernement fait des discours sur la conservation et la protection de la zone, il en expulse ceux qui, jusqu’au moment présent, ont rendu possible cette conservation, et il remplace les écosystèmes indigènes par des plantations de palmiers africains en régime de monoculture.

Les plantations de palmiers à huile sont présentées comme ‘écologiques’, comme si la production d’agrocarburants dérivés de l’huile de palme était une solution au changement climatique. En plus d’être fausses, les déclarations de ce genre omettent toute mention des graves répercussions de ces plantations, telles que les violations des droits des populations locales et des peuples autochtones qui ont lieu en ce moment au Chiapas. En outre, les plantations de palmiers à huile étant une des causes principales du déboisement, elles accélèrent le changement climatique par la libération du carbone stocké dans les forêts, elles détruisent les moyens de subsistance et la souveraineté alimentaire de millions de petits agriculteurs, peuples autochtones et autres communautés, et elles ont un fort impact sur l’environnement. Elles ont besoin de produits chimiques qui empoisonnent les travailleurs et les populations et qui polluent le sol et l’eau. Les plantations de palmiers à huile éliminent la diversité biologique et épuisent l’eau douce.
En définitive, les plantations pour la production de papier et d’agrocarburants (comme dans le cas du palmier à huile) aggravent les conditions de vie et de survie des populations locales et ne sont avantageuses que pour une poignée d’entreprises qui s’enrichissent au prix de la destruction environnementale et sociale.
Pour ces raisons, nous exhortons la communauté internationale à condamner les plans d’expansion de la plantation industrielle de palmiers à huile au Mexique, en dénonçant la situation par tous les moyens à sa portée.



Le Caracol Roberto Barrios

dénonce


AUPRÈS DE L’OPINION PUBLIQUE,
Auprès de la société civile mexicaine et internationale,

Les faits suivants :

Tout au long des dernières années, divers organismes gouvernementaux tels que l’INI, le SEDESOL, le SEMARNAP, le ministère du Tourisme et le conseil municipal de Palenque, entre autres, ont tenté de faire construire un complexe touristique aux abords de la rivière Bascán, située sur le territoire de la commune rebelle de Roberto Barrios.
À plusieurs reprises, le refus opposé par notre communauté est parvenu à paralyser ce projet mais, une fois de plus, les promoteurs de ce projet d’exploitation reviennent à la charge, avec les mêmes arguments, en répétant les sempiternels mensonges du discours démagogique des entreprises. Nous savons pertinemment à quel point les entreprises du secteur hôtelier, de la restauration et du tourisme convoitent nos terres et la taille des intérêts en jeu. Ce sont eux, les chefs d’entreprise, les principaux bénéficiaires de l’exploitation de nos ressources naturelles, quoi qu’ils disent en nous rebattant les oreilles avec leurs belles promesses de développement et de confort pour nos communautés.
Nous connaissons les problèmes qui ont surgi partout où ce type de projet a été réalisé, comme aux cascades de Agua Azul, de Misol-ha et autres, où les inégalités et les affrontements inter-communautés sont évidents. Et aucun organisme n’intervient pour tenter de résoudre de tels problèmes, on cherche uniquement à les occulter et à prétendre que tout va bien. La construction de locaux et l’aménagement du territoire ne répond en rien aux besoins des habitants des villages affectés et nous ne croyons pas non plus que nous allions tirer quelque bénéfice que ce soit de ce projet.
Les divers gouvernements, fédéraux ou locaux, savent pertinemment que de semblables projets ne sont faits que pour créer une belle image aux yeux du reste du monde, de belles cartes postales et de belles photos pour illustrer livres et revues s’adressant aux gens argentés qui viennent jouir de nos ressources naturelles, tandis que la réalité profonde de la misère et de l’exploitation ne sortent pas sur les photos ni dans les journaux : nous n’y figurerons qu’en tant que curiosité exotique menacée de disparition.

Nos coutumes et nos traditions, nos chants et nos danses, nos langues et nos costumes traditionnels ne vont servir qu’à amuser et à rendre plus gais les fêtes et les réunions de ceux qui peuvent payer en pesos, en dollars ou en euros. Une façon d’entretenir et d’augmenter encore la situation d’exclusion, d’exploitation et de pauvreté chez nous, dans nos propres demeures.
Dans le même temps, on va aussi ravager un patrimoine que nous avons hérité de nos ancêtres, qui avaient su le préserver jusqu’à nos jours pour que nos peuples puissent en jouir et en profiter sans surexploitation ni exagération. Ce patrimoine, on veut maintenant l’endommager, en transformant en vile marchandise tout ce qui peut être vendu.
La destruction arrive et avec elle les arbres sont abattus. Le vice, les drogues, les maladies l’accompagnent et les eaux sont polluées, alors que nous y puisons quotidiennement selon nos besoins.
Le 20 juin 2003, le conseil des terres communales avait déjà dénoncé les mêmes problèmes et montré que l’intention est la même, que tous ces projets de complexe touristique dans ces cascades ne sont qu’une provocation visant à déstabiliser, à diviser et à faire s’affronter les communautés zapatistes et non zapatistes.
Nous voulons nous adresser à certains de nos frères indigènes qui, éblouis par la richesse, ont cédé à la tentation du pouvoir et contribuent à promouvoir le signe de la mort au sein de nos villages, sans que leur importent les conséquences immédiates et futures. Nous les informons que désormais non seulement la communauté en résistance s’y oppose, mais que nous ont rejoints nos frères qui croyaient auparavant aux partis politiques, ce qui montre suffisamment la vérité de notre refus. Au vu de tout ce qui arrive, ceux qui ne croyaient pas que cela pouvait se passer prennent conscience aujourd’hui de la réalité.
Nous exigeons le respect de nos communautés, de leurs ressources naturelles et de leur territoire. Nous exigeons de paralyser immédiatement ce projet. Nous exigeons le retrait définitif du projet dénommé Écotourisme sur nos terres. Nous exigeons le respect de notre vie communautaire.

DÉMOCRATIE ! LIBERTÉ ! JUSTICE !

Caracol V, Roberto Barrios, 
le 8 avril 2005

Article publié dans le n° 32 de CQFD, mars 2006.


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