Ce
texte de Manfredo Tafuri est fondamental ; Bernard
Huet, qui préfaça le livre, note qu' à
la différence des critiques et des historiens de l'architecture
moderne qui n'ont guère réussi à éclairer la crise de
l'architecture, Tafuri se propose d'en révéler l'origine mythique
grâce aux instruments d'une critique "opérative". Pour
armer cette critique il doit se placer d'un point de vue
fondamentalement différent de celui utilisé par les historiens
traditionnels qui opèrent dans le cadre problématique de l'Histoire
de l'Art.
Manfredo TAFURI
La Crise de l'Utopie : Le Corbusier à Alger
[Partie 1]
Chapitre extrait de :
Projet et Utopie, Architecture et développement capitaliste.
Editions Laterza, 1973
Avec
une clairvoyance unique à son époque, Le Corbusier décrit les
objectifs que doit se fixer le mouvement architectural progressiste
en Europe : résorber la multiplicité, compenser l'improbable par le
déterminisme du plan, concilier l'organique et le non organique en
accentuant la dialectique de leurs rapports, démontrer que le niveau
maximum de programmation de la production coïncide avec la plus
grande « productivité de l'esprit ». Il est conscient
que l'architecture moderne doit se battre sur un triple front. Car,
si l'architecture est désormais synonyme d'organisation de la
production, la distribution et la consommation sont, au même titre
que la production, des facteurs déterminants du cycle. Pour Le
Corbusier, le fait que l'architecte n'est pas un dessinateur d'objets
mais un organisateur n'est pas un slogan, mais un impératif qui
permet à l'activité intellectuelle de s'inscrire dans la
civilisation machiniste. L'architecte se situant à
l'avant-garde, anticipe cette civilisation, et en détermine les
plans, même lorsqu'ils sont sectoriels.
Pour cela, il doit organiser son action sur plusieurs axes : l'appel aux industriels et la normalisation typologique sont des offres de service à l'entreprise ; la recherche d'une autorité capable de concilier la planification urbaine et celle du cadre bâti avec les programmes de réorganisation sociale débouche au niveau politique sur la création des CIAM [Congrès International pour l'Architecture Moderne] ; enfin, la production de la forme conduite à son niveau le plus élaboré doit permettre de transformer le public en sujet actif de la consommation.
Pour cela, il doit organiser son action sur plusieurs axes : l'appel aux industriels et la normalisation typologique sont des offres de service à l'entreprise ; la recherche d'une autorité capable de concilier la planification urbaine et celle du cadre bâti avec les programmes de réorganisation sociale débouche au niveau politique sur la création des CIAM [Congrès International pour l'Architecture Moderne] ; enfin, la production de la forme conduite à son niveau le plus élaboré doit permettre de transformer le public en sujet actif de la consommation.
Plus
précisément, la forme est chargée d'authentifier et de
« naturaliser » l'univers artificiel de la précision
technologique. Et puisque cet univers vise à assujettir totalement
la nature dans un processus continu de transformation qui investit
tous les niveaux de la réalité, c'est la structure
anthropo-géographique tout entière qui sera pour Le Corbusier la
base à partir de laquelle devra être réorganisé le cycle de la
production du cadre bâti [1].
Mais
Le Corbusier comprend également que la prudence des investissements,
l'individualisme de l'esprit d'entreprise, la permanence de systèmes
économiques archaïques comme la rente foncière, freinent
dangereusement le développement et le rendement « humain »
de l'expansion de cet univers technologique.
Le Corbusier, Principe constructif maison Dom-ino |
Le Corbusier, immeuble-villa |
De 1919
à 1929, une recherche patiente, poursuivie à travers la création
typologique de la maison Dom-ino, reprise dans le type de
l'Immeuble-villa, puis l'étude pour la Ville pour trois
millions d'habitants, enfin appliquée pour le Plan Voisin
pour Paris, permet à Le Corbusier de fixer les échelles et les
outils spécifiques de l'intervention architecturale et de vérifier
ses hypothèses générales dans des réalisations fragmentaires
traitées comme des recherches de laboratoire. Percevant la dimension
correcte à laquelle il faut poser le problème urbain, il peut enfin
dépasser les modèles du « rationalisme » allemand.
De
1929 à 1931, avec les plans expérimentaux pour Montevideo, Buenos
Aires, Sao Paulo, Rio, qui conduisent au plan expérimental Obus pour
Alger, Le Corbusier formule l'hypothèse théorique la plus achevée
de l'urbanisme moderne, hypothèse qui n'a pas encore été dépassée,
ni sur le plan idéologique, ni sur le plan formel [2].
Le Corbusier, plan Sao Paulo, Brésil |
A
l'inverse de ce que Bruno Taut, Ernst May ou Walter Gropius
réalisent, il brise la séquence continue
architecture/quartier/ville : la structure urbaine en tant que telle,
comme unité physique et fonctionnelle, est l'expression d'une
nouvelle échelle de valeurs, et c'est dans la dimension même du
paysage qu'il faut chercher la signification de ce qu'elle
communique.
A
Alger, la vieille Kasbah, les collines de Fort-l'Empereur, la courbe
formée par la baie, sont des matériaux bruts disponibles que Le
Corbusier considère comme de véritables ready-made à échelle
giganteste ; la nouvelle structure qui les détermine bouleverse leur
signification originelle et leur confère une unité qu'ils n'avaient
pas auparavant. Mais au plus grand déterminisme doit correspondre un
maximum de liberté et de flexibilité. Le présupposé économique
de toute l'opération est très claire : le plan Obus ne se
contente pas, en effet, d'exprimer la nécessite d'un nouveau
« statut du sol » qui mettrait fin à l'anarchie
paléo-capitaliste de l'accumulation foncière et qui rendrait la
totalité du sol disponible pour une réorganisation unitaire et
organique de la ville qui transformerait réellement celle-ci en
système urbain [3].
L'objet
industriel ne présuppose aucune situation univoque dans l'espace,
car la production en série implique au départ le dépassement
radical de toute hiérarchie spatiale. L'univers technologique, comme
l'avaient déjà compris les cubistes, les futuristes et les
élémentaristes, ignore l'ici et le là : c'est tout
le milieu humain – comme simple champ topologique – qui est le
lieu naturel de ses opérations. Pour réorganiser la ville, la
disponibilité totale du sol n'est plus suffisante ; maintenant,
c'est l'intégralité de l'espace, dans ses trois dimensions, qu'il
faut rendre disponible. Et il va falloir distinguer à l'intérieur
de l'unité-ville deux échelles d'intervention, correspondant aux
cycles de la production et de la consommation.
La
restructuration de la totalité de l'espace urbain et paysager répond
à la nécessité de rationaliser l'organisation globale de la
machine urbaine. A cette échelle d'intervention, les
structures technologiques et les réseaux de communication doivent
être en mesure de constituer une « image » unitaire où
l'anti-naturalisme des terrains artificiels, disposés à des
hauteurs différentes, et le caractère exceptionnel du réseau de
communication, constitué par l'autoroute qui parcourt le dernier
niveau de l'immeuble courbe destiné aux logements sociaux, peuvent
se charger d'une signification symbolique. La liberté formelle des
blocs d'habitation de Fort-l'Empereur intègre les valences
emblématiques de l'avant-garde surréaliste ; les édifices incurvés
constituent d'énormes objets architecturaux qui miment de façon
abstraite une sorte de « danse des contradictions »
sublimée à la manière des formes libres contenues dans la Villa
Savoye, ou des assemblages ironiques de l'appartement Bestégui aux
Champs-Elysées [4].
Ce
qui transparaît dans ces oeuvres, comme dans toute la structure
urbaine enfin transformée en unité organique, c'est le caractère
positif des contradictions, la conciliation du problèmatique et du
rationnel, la composition « héroïque » de tensions
violentes. A travers la structure de l'image, et uniquement à
travers elle, le règne de la nécessité se confond avec le règne
de la liberté ; le premier est exprimé dans le déterminisme
rigoureux du plan, et le second dans la réappropriation, à travers
ce plan, d'une connaissance humaine supérieure.
Le
Corbusier recourt lui aussi à la technique du choc, mais les objets
à réaction poétique sont maintenant reliés les uns aux autres par
un organisme dialectique. Puisque rien ne peut échapper à la
dynamique formelle et fonctionnelle de ces objets, le plan de Le
Corbusier impose une implication totale du public à tous les niveaux
d'usage et de lecture. Mais le public est ici contraint à une
participation intellectuelle, consciente et critique. En effet, toute
« lecture distraite » des images urbaines conduirait à
une persuasion occulte. Rien ne dit, d'ailleurs, que Le Corbusier
n'ait pas prévu ce genre d'effet secondaire, comme moment nécessaire
de stimulation indirecte [5].
Même
si Le Corbusier cherche à « éloigner l'angoisse par
l'introjection de ce qui est la cause », son propos ne se
réduit pas à cela. Au niveau élémentaire de la production, c'est
à dire celui de la simple cellule d'habitation, l'objectif qu'il se
fixe est de concevoir un objet flexible et interchangeable qui
favorise une consommation rapide. Dansles mailles des macrostructures
formées par les terrains artificiels superposés, Le Corbusier
laisse toute liberté dans les modes d'insertion des cellules
d'habitation préconstituées ; autrement dit, le public est invité
à projeter activement la ville. Un dessin particulièrement éloquent
de Le Corbusier montre qu'il va même jusqu'à prévoir la
possibilité d'insérer des éléments excentriques et éclectiques
dans les mailles des structures fixes. La « liberté »
laissée au public (le prolétariat dans l'immeuble d'habitation dont
la courbe se déroule devant la mer, et la haute bourgeoisie sur les
collines de Fort-l'Empereur) doit être poussée jusqu'au point de
lui permettre l'expression de son « mauvais goût ».
L'architecture devient ainsi à la fois un acte didactique et
l'instrument de l'intégration collective.
Le Corbusier, Plan Obus : le bâtiment paysage face à la mer : Le Corbusier laisse toute liberté dans les modes d'insertion des cellules d'habitation . |
Mais
cette liberté prend une signification encore plus grande dans le
domaine de l'industrialisation du bâtiment. Le Corbusier ne fix pas
la plus petite unité de production sous la forme d'éléments
fonctionnels standardisés comme le faisait Ernst May dans sa
Frankfurter Küche. Pour lui, la définition de l'objet isolé ne
peut se faire sans tenir compte du styling, de la révolution
permanente de la technique, et de la consommation rapide imposée par
la logique capitaliste de l'expansion. La cellule d'habitation,
puisqu'elle est théoriquement consommable à court terme, doit
pouvoir être remplacée chaque fois que les besoins individuels
changent, chaque fois que de nouveaux besoins sont créés par le
renouvellement des modèles et des standards de l'habitat dictés par
la production [6]. Ainsi la signification du projet devient très
claire.
Le
sujet de la réorganisation urbaine, c'est un public sollicité de
participer de manière critique et de jouer un rôle créateur dans
cette réorganisation. L'avant-garde industrielle, l' « autorité »
et les usagers, dotés de fonctions théoriquement homogènes, sont
engagés à l'intérieur de ce processus continu, irrésistible et
« exaltant » du développement. Depuis la réalité de la
production jusqu'à l'image, puis l'utilisation de l'image, la
machine urbaine tout entière exploite le potentiel « social »
de la civilisation machiniste jusqu'à la limite de ses possibilités
implicites.
Il
nous faut tenter, maintenant, de répondre à une question. Comment
se fait-il que le projet de Le Corbusier pour Alger, ses plans pour
les villes européennes et sud-américaines, et même ses
propositions théoriques les plus modestes, soient restés lettre
morte ? N'y a-t-il pas contradiction entre l'échec personnel de Le
Corbusier et le fait que son oeuvre soit considérée encore
aujourd'hui comme l'hypothèse la plus progressiste et la plus
achevée, sur le plan formel, que toute la culture bourgeoise ait
produite dans le domaine du design et de l'urbanisme ?
Il
y a beaucoup de réponses possibles, toutes valables et
complémetaires. Mais ce qu'il faut préciser avant tout, c'est que
Le Corbusier travaille en « intellectuel », au sens
strict du terme. A l'inverse de Bruno Taut, Ernst May ou Martin
Wagner, il n'est pas lié à un pouvoir local ou à un pouvoir
étatique. Pous poser ses hypothèses, il part d'une réalité
particulière. Dans la mesure où le projet pour Alger tient compte
d'une orographie et d'une stratification histoirque exceptionnelles,
sa forme ne peut être répétée ; mais la méthode selon laquelle
le projet est conduit est amplement généralisable. Le Corbusier va
du particulier à l'universel ; il suit une démarche exactement
inverse de celle des intellectuels de la République de Weimar [ Voir
notre article ]. Ce n'est donc pas par hasard si Le Corbusier
travaille à Alger, du moins jusqu'en 1937, sans mission officielle
ni compensation financière. Il « invente » sa commande,
la généralise, et il est prêt à payer de sa personne pour jour un
rôle actif et proposer des solutions.
C'est
pourquoi tous ses modèles ont le caractère d'expériences de
laboratoire ; or, il est absolument impossible de faire passer un
modèle de laboratoire dans la réalité. De plus, le caractère
généralisable de ses hypothèses théoriques se heurte aux retards
des structures qu'elles se proposent de transformer. Si l'on
considère qu'il faut faire une révolution architecturale pour
harmoniser l'architecture avec les impératifs du progrès dans le
domaine de l'économie et de la technologie, alors que dans ces
domaines, aucune forme organique cohérente ne peut encore
apparaître, on ne s'étonnera pas que le réalisme des conceptions
de Le Corbusier soit considéré comme une utopie.
Il
est impossible d'interpréter correctement l'échec du projet d'Alger
– et plus généralement, la « faillite » de Le
Corbusier – si on ne le relie pas à la crise internationale de
l'architecture moderne, autrement dit, à la crise de l'idéologie du
Neue Welt (Nouveau Monde)
[7].
Le Corbusier, Lithographie Poème de l'angle droit, 1955 |
Le Corbusier, Lithographie Poème de l'angle droit, 1955 |
Il
est intéressant d'examiner comment les historiens contemporains
tentent habituellement d'expliquer la crise de l'architecture moderne
; ils en situent le début autour des années 1930 et ils admettent
communément qu'elle n'a fait que s'aggraver jusqu'à nos jours ;
mais ils attribuent presque toute la responsabilité de cette crise à
des phénomènes de régression politique, tels que le stalinisme ou
les fascisme européens ; ils ignorent systématiquement, dans le
même temps, l'apparition à l'échelle mondiale, justement après la
grande crise économique de 1929, de facteurs nouveaux aussi décisifs
que la réorganisation internationale du capital par le recours
généralisé à des systèmes de planification anti-cycliques, ou
encore la mise en pratique du premier plan quinquennal soviétique.
Il
est significatif de retrouver (sous une forme purement idéologique)
presque tous les objectifs formulés dans le domaine économique par
la Genral Theory de Keynes, comme principes fondamentaux des
poétiques de l'architecture moderne. « Se libérer de la
crainte du futur en déterminant ce futur comme présent » : le
principe même de la politique d'intervention préconisée par Keynes
est à la base, non seulement des poétiques de l'art moderne, mais
également des théories urbanistiques de Le Corbusier. Keynes est
confronté au « parti de la catastrophe » et tend à en
récupérer la menance, en l'intégrant à des niveaux toujours
différents [8]. Le Corbusier prend acte de la réalité de classe de
la ville moderne ; in en dépplace les conflits au niveau le plus
élevé ; il élabore un projet extrêmement complet d'intégration
du public, qui est impliqué à la fois comme opérateur et comme
consommateur actif dans le mécanisme du développement urbain. Ce
mécanisme devient alors organiquement « humain ».
Notre
hypothèse de départ se confirme. L'architecture comme idéologie du
plan est dépassée par la réalité du plan, dès lors que
celui-ci quitte le niveau de l'utopie pour devenir un mécanisme
opératoire efficace.
La
crise de l'architecture moderne s'ouvre au moment précis où le
grand capital industriel, son interlocuteur naturel, dépasse
l'idéologie fondamentale véhiculée par l'architecture, pour la
reléguer au rang des superstructures. Dès ce moment, la fonction de
l'idéologie architectonique est terminée. Et lorsqu'elle s'obstine
à vouloir malgré tout la réalisation de ses hypothèses
théoriques, elle peut à la rigueur devenir un instrument pour faire
évoluer des situations de retard ; mais dans la plupart des cas,
elle est plutôt un facteur de gêne.
On
comprend dès lors les situations régressives et angoissantes dans
lesquelles le mouvement moderne s'est débattu de 1935 à nos jours.
Les conditions les plus générales de rationalisation de la ville et
du territoire ne sont toujours pas remplies, mais la nécessité de
cette rationalisation continue néanmoins à servie de stimulant
indirect, pour des réalisations compatibles avec des objectifs
partiels, fixés au coup par coup.
Il
se produit alors quelque chose d'apparemment inexplicable. Les
idéologues de la forme semblent renoncer à s'inscrire dans le réel,
pour se replier sur le second pôle de la dialectique ordre/chaos
proposée par la cultrue bourgeoise. Sans abandonner l' « utopie
du projet », ils cherchent une compensation contre les
processus concrets qui ont provoqué le dépassement de l'idéologie,
dans la récupération du chaos et dans la sublimation du désordre.
Ils se livrent à la contemplation de cette angoisse que les
constructivistes semblaient avoir définitivement surmontée.
Parvenus
indéniablement dans une impasses qu'ils ne peuvent nier, les
idéologues de l'architecture renoncent à jouer un rôle dynamique
dans la ville et dans les structures de production ; ils se
retranchent alors derrière le masque d'une automie disciplinaire
retrouvée, ou se réfugient dans des comportements névrotiques
d'auto-destruction.
La
critique contemporaine, étant incapable d'analyser les causes
réelles de la crise du design, concentre toute son attention
sur les problèmes internes du design lui-même ; de manière
symptomatique, elle accumule les inventions idéologiques pour tenter
de donner une nouvelle substance à l'alliance entre les techniques
de communication visuelle et les utopies technologiques. Cette
alliance, aujourd'hui énoncée en termes d'un « néo-humanisme »
ambigu, présente par rapport à la Neue Sachlichkeit le grave
inconvénient d'être beaucoup plus mystificatrice quant à sa
fonction de médiation entre l'utopie et le développement. Ce n'est
pas un hasard si l'image de la ville est le champ privilégié où
l'on cherche à réaliser cette alliance.
Le Corbusier, hall d'immeuble Nungesser et Coli : Poème de l'angle droit |
[ La suite : seconde partie]
ARTICLES Associés
Manfredo Tafuri : La Crise de l'Utopie : Le Corbusier à Alger [Partie I]
NOTES
[1]
Il serait intéressant à ce propos de procéder à l'analyse
complète du problème de la peinture de Le Corbusier, en relation
avec le thème de l'adaptation active de l'individu à la réalité
technologique et à ses nouvelles conditions d'espaces. Ce thème,
même après l'exposition du palais Strozzi à Florence en 1963, fait
toujours l'objet de recherches après l'article ancien de Nava, non
dénué d'indication. [Cf. Antonio Nava, « Poetica de Le
Corbusier »]. Ce thème n'a été traité que dans très peu
d'articles dont l'intérêt était évident.
[2]
Ce n'est pas évidemment ici la place pour le faire, mais il serait
nécessaire d'articuler et d'enrichir le processus accompli par Le
Corbusier, et que nous n'avons esquissé que par trop
synthétiquement. L'étude de Brian Taylor sur les documents des
archives Le Corbusier à Paris, relatifs aux projets et à
l'exécution de l'ensemble de Pessac et à de précédentes études
pour des habitations ouvrières, constitue le début d'un nouveau
courant d'études, destiné à revoir radicalement les jugements
acquis sur Le Corbusier en tant qu'urbaniste.
[3]
Sur l'expérience de Le
Cobusier à Alger, il est nécessaire de faire encore des recherches.
Voir pourtant le chapitre consacré à l'urbanisme de Le Corbusier
dans le livre de Giorgio Piccinato, L'Architettura
contenporanea in Francia,
1965.
[4]
Les dessins du poème de l'Angle droit (1955), expliquent le sens
attribué par Le Corbusier au parcours intellectuel accompli à
travers le labyrinthe : comme pour Klee, dont le goût graphique des
dessins est très proche de Le Corbusier. L'Ordre n'est pas une
totalité externe à l'activité humaine qui le créé. La recherche
de la synthèse est d'autant plus enrichie par les incertitudes de la
mémoire, par la tension problématique, qu'elle donne même des
directions en contraste avec le but final, et parvient à se
retourner dans la plénitude d'une expérience authentique. Pour Le
Corbusier aussi, l'abslou de la forme est la complète réalisation
d'une constante victoire sur l'incertitude du futur, en passant par
l'avènement d'une attitude problématique comme garantie unique de
sauvegarde collective.
[5]
Parmi les nombreux témoignages littéraires de Le Corbusier, où
l'intervention de l'architecture comme instrument d'intégration
sociale est explicitement placée au premier plan, celui relatif à
l'usine hollandaise Van Nelle est particulièrement significatif. «
L'usine des tabacs Van Nelle de Rotterdam – écrit Le Corbusier –
création des temps modernes, efface sa signification désespérantes
au mot « prolétaire ». Cette dérivation du sentiment de
propriété égoïste vers un sentiment d'actin collective, nous
conduit à ce phénomène heureux de l'intervention personnelle en
chaque point de l'entreprise humaine. Le travail demeure tel dans sa
matérialité, mais l'esprit l'éclaire. Je le répète, tout est
dans ce mot : preuve d'amour. C'est là que par une administration
autre, il faut conduire, épurer et amplifier l'avènement
contemporain ; dites-nous ce que nous sommes, à quoi nous pouvons
servir, pourquoi nous travaillons. Donnez-nous des plans,
montrez-nous les plans, expliquez-nous les plans. Rendez-nous
solidaires (…). Si vous nous montrez les plans et bous les
expliquez, il n'y aura plus ni caste possédante, ni prolétariat
sans espoir. Il y aura une société croyante et agissante. A l'heure
actuelle des plus strictes rationnalisations, c'est de conscience
qu'il s'agit ». Le Corbusier, La ville radieuse, chapitre sur
le « Spectacle de la vie moderne », 1933.
[6]
Il serait possible sur la base de ces considérations, de s'opposer
aux thèmes de Banham qui critique, d'un point de vue interne au
développement technologique, l'immobilisme typologique des maîtres
du « mouvement moderne ». « En préférant –
écrit-il – des normes et des genres établis, les architectes
optent pour des pauses où l'évolution normale de la technologie se
trouve interrompue ; ces processus d'évolution et d'innovation, pour
autant que nous puissions en juger, ne peuvent être arrêtés que
par l'abandon de la technologie telle que nous la connaissons
aujourd'hui, par un arrêt délibéré de la recherche et de la
production de masse ». R. Banham, Theory
and Design in the First Machine Age,
1960. Il est certainement suprflu de rlever que toute la science
fiction architectonique qui a proliféré des années à aujourd'hui,
rachetant la démission « des images » des processus
technologiques, est – à l'égard du plan Obus de Le Corbusier –
en-deçà des modèles les plus désolants.
[7]
L'idéologie du Neue
Welt, du Nouveau Monde,
comme champs infini de potentialité libératoire, est commun à
Lissitsky et à hannes Meyer, l'article significatif à ce sujet
« Die Neue Welt » dans la revue Das Werk n° 7, 1926.
[8]
Antonio Negri, La teoria
capitalista delle stato nel'29 : John M. Keynes.
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