M. TAFURI : La Crise de l'Utopie : Le Corbusier à Alger [Partie I]


Le Corbusier, Lithographie Poème de l'angle droit, 1955.


Ce texte de Manfredo Tafuri est  fondamental ; Bernard Huet, qui préfaça le livre, note qu' à la différence des critiques et des historiens de l'architecture moderne qui n'ont guère réussi à éclairer la crise de l'architecture, Tafuri se propose d'en révéler l'origine mythique grâce aux instruments d'une critique "opérative". Pour armer cette critique il doit se placer d'un point de vue fondamentalement différent de celui utilisé par les historiens traditionnels qui opèrent dans le cadre problématique de l'Histoire de l'Art. 


Manfredo TAFURI


La Crise de l'Utopie : Le Corbusier à Alger
[Partie 1]

Chapitre extrait de :
Projet et Utopie, Architecture et développement capitaliste.

Editions Laterza, 1973


Avec une clairvoyance unique à son époque, Le Corbusier décrit les objectifs que doit se fixer le mouvement architectural progressiste en Europe : résorber la multiplicité, compenser l'improbable par le déterminisme du plan, concilier l'organique et le non organique en accentuant la dialectique de leurs rapports, démontrer que le niveau maximum de programmation de la production coïncide avec la plus grande « productivité de l'esprit ». Il est conscient que l'architecture moderne doit se battre sur un triple front. Car, si l'architecture est désormais synonyme d'organisation de la production, la distribution et la consommation sont, au même titre que la production, des facteurs déterminants du cycle. Pour Le Corbusier, le fait que l'architecte n'est pas un dessinateur d'objets mais un organisateur n'est pas un slogan, mais un impératif qui permet à l'activité intellectuelle de s'inscrire dans la civilisation machiniste. L'architecte se situant à l'avant-garde, anticipe cette civilisation, et en détermine les plans, même lorsqu'ils sont sectoriels. 



Pour cela, il doit organiser son action sur plusieurs axes : l'appel aux industriels et la normalisation typologique sont des offres de service à l'entreprise ; la recherche d'une autorité capable de concilier la planification urbaine et celle du cadre bâti avec les programmes de réorganisation sociale débouche au niveau politique sur la création des CIAM [Congrès International pour l'Architecture Moderne] ; enfin, la production de la forme conduite à son niveau le plus élaboré doit permettre de transformer le public en sujet actif de la consommation.

Plus précisément, la forme est chargée d'authentifier et de « naturaliser » l'univers artificiel de la précision technologique. Et puisque cet univers vise à assujettir totalement la nature dans un processus continu de transformation qui investit tous les niveaux de la réalité, c'est la structure anthropo-géographique tout entière qui sera pour Le Corbusier la base à partir de laquelle devra être réorganisé le cycle de la production du cadre bâti [1].

Mais Le Corbusier comprend également que la prudence des investissements, l'individualisme de l'esprit d'entreprise, la permanence de systèmes économiques archaïques comme la rente foncière, freinent dangereusement le développement et le rendement « humain » de l'expansion de cet univers technologique.


Le Corbusier, Principe constructif maison Dom-ino
Le Corbusier, immeuble-villa
Le Corbusier, Ville de 3 millions d'habitants
Le Corbusier, plan Voisin, Paris

De 1919 à 1929, une recherche patiente, poursuivie à travers la création typologique de la maison Dom-ino, reprise dans le type de l'Immeuble-villa, puis l'étude pour la Ville pour trois millions d'habitants, enfin appliquée pour le Plan Voisin pour Paris, permet à Le Corbusier de fixer les échelles et les outils spécifiques de l'intervention architecturale et de vérifier ses hypothèses générales dans des réalisations fragmentaires traitées comme des recherches de laboratoire. Percevant la dimension correcte à laquelle il faut poser le problème urbain, il peut enfin dépasser les modèles du « rationalisme » allemand.

De 1929 à 1931, avec les plans expérimentaux pour Montevideo, Buenos Aires, Sao Paulo, Rio, qui conduisent au plan expérimental Obus pour Alger, Le Corbusier formule l'hypothèse théorique la plus achevée de l'urbanisme moderne, hypothèse qui n'a pas encore été dépassée, ni sur le plan idéologique, ni sur le plan formel [2].


Le Corbusier, plan Sao Paulo, Brésil
Le Corbusier, Plan Obus 1931, Alger
Le Corbusier, Plan Obus 1931, Alger
A l'inverse de ce que Bruno Taut, Ernst May ou Walter Gropius réalisent, il brise la séquence continue architecture/quartier/ville : la structure urbaine en tant que telle, comme unité physique et fonctionnelle, est l'expression d'une nouvelle échelle de valeurs, et c'est dans la dimension même du paysage qu'il faut chercher la signification de ce qu'elle communique.

A Alger, la vieille Kasbah, les collines de Fort-l'Empereur, la courbe formée par la baie, sont des matériaux bruts disponibles que Le Corbusier considère comme de véritables ready-made à échelle giganteste ; la nouvelle structure qui les détermine bouleverse leur signification originelle et leur confère une unité qu'ils n'avaient pas auparavant. Mais au plus grand déterminisme doit correspondre un maximum de liberté et de flexibilité. Le présupposé économique de toute l'opération est très claire : le plan Obus ne se contente pas, en effet, d'exprimer la nécessite d'un nouveau « statut du sol » qui mettrait fin à l'anarchie paléo-capitaliste de l'accumulation foncière et qui rendrait la totalité du sol disponible pour une réorganisation unitaire et organique de la ville qui transformerait réellement celle-ci en système urbain [3].

L'objet industriel ne présuppose aucune situation univoque dans l'espace, car la production en série implique au départ le dépassement radical de toute hiérarchie spatiale. L'univers technologique, comme l'avaient déjà compris les cubistes, les futuristes et les élémentaristes, ignore l'ici et le : c'est tout le milieu humain – comme simple champ topologique – qui est le lieu naturel de ses opérations. Pour réorganiser la ville, la disponibilité totale du sol n'est plus suffisante ; maintenant, c'est l'intégralité de l'espace, dans ses trois dimensions, qu'il faut rendre disponible. Et il va falloir distinguer à l'intérieur de l'unité-ville deux échelles d'intervention, correspondant aux cycles de la production et de la consommation.

La restructuration de la totalité de l'espace urbain et paysager répond à la nécessité de rationaliser l'organisation globale de la machine urbaine. A cette échelle d'intervention, les structures technologiques et les réseaux de communication doivent être en mesure de constituer une « image » unitaire où l'anti-naturalisme des terrains artificiels, disposés à des hauteurs différentes, et le caractère exceptionnel du réseau de communication, constitué par l'autoroute qui parcourt le dernier niveau de l'immeuble courbe destiné aux logements sociaux, peuvent se charger d'une signification symbolique. La liberté formelle des blocs d'habitation de Fort-l'Empereur intègre les valences emblématiques de l'avant-garde surréaliste ; les édifices incurvés constituent d'énormes objets architecturaux qui miment de façon abstraite une sorte de « danse des contradictions » sublimée à la manière des formes libres contenues dans la Villa Savoye, ou des assemblages ironiques de l'appartement Bestégui aux Champs-Elysées [4].

Ce qui transparaît dans ces oeuvres, comme dans toute la structure urbaine enfin transformée en unité organique, c'est le caractère positif des contradictions, la conciliation du problèmatique et du rationnel, la composition « héroïque » de tensions violentes. A travers la structure de l'image, et uniquement à travers elle, le règne de la nécessité se confond avec le règne de la liberté ; le premier est exprimé dans le déterminisme rigoureux du plan, et le second dans la réappropriation, à travers ce plan, d'une connaissance humaine supérieure.

Le Corbusier recourt lui aussi à la technique du choc, mais les objets à réaction poétique sont maintenant reliés les uns aux autres par un organisme dialectique. Puisque rien ne peut échapper à la dynamique formelle et fonctionnelle de ces objets, le plan de Le Corbusier impose une implication totale du public à tous les niveaux d'usage et de lecture. Mais le public est ici contraint à une participation intellectuelle, consciente et critique. En effet, toute « lecture distraite » des images urbaines conduirait à une persuasion occulte. Rien ne dit, d'ailleurs, que Le Corbusier n'ait pas prévu ce genre d'effet secondaire, comme moment nécessaire de stimulation indirecte [5].

Même si Le Corbusier cherche à « éloigner l'angoisse par l'introjection de ce qui est la cause », son propos ne se réduit pas à cela. Au niveau élémentaire de la production, c'est à dire celui de la simple cellule d'habitation, l'objectif qu'il se fixe est de concevoir un objet flexible et interchangeable qui favorise une consommation rapide. Dansles mailles des macrostructures formées par les terrains artificiels superposés, Le Corbusier laisse toute liberté dans les modes d'insertion des cellules d'habitation préconstituées ; autrement dit, le public est invité à projeter activement la ville. Un dessin particulièrement éloquent de Le Corbusier montre qu'il va même jusqu'à prévoir la possibilité d'insérer des éléments excentriques et éclectiques dans les mailles des structures fixes. La « liberté » laissée au public (le prolétariat dans l'immeuble d'habitation dont la courbe se déroule devant la mer, et la haute bourgeoisie sur les collines de Fort-l'Empereur) doit être poussée jusqu'au point de lui permettre l'expression de son « mauvais goût ». L'architecture devient ainsi à la fois un acte didactique et l'instrument de l'intégration collective. 

Le Corbusier, Plan Obus : le bâtiment paysage face à la mer :  Le Corbusier laisse toute liberté dans les modes d'insertion des cellules d'habitation .  

Mais cette liberté prend une signification encore plus grande dans le domaine de l'industrialisation du bâtiment. Le Corbusier ne fix pas la plus petite unité de production sous la forme d'éléments fonctionnels standardisés comme le faisait Ernst May dans sa Frankfurter Küche. Pour lui, la définition de l'objet isolé ne peut se faire sans tenir compte du styling, de la révolution permanente de la technique, et de la consommation rapide imposée par la logique capitaliste de l'expansion. La cellule d'habitation, puisqu'elle est théoriquement consommable à court terme, doit pouvoir être remplacée chaque fois que les besoins individuels changent, chaque fois que de nouveaux besoins sont créés par le renouvellement des modèles et des standards de l'habitat dictés par la production [6]. Ainsi la signification du projet devient très claire.

Le sujet de la réorganisation urbaine, c'est un public sollicité de participer de manière critique et de jouer un rôle créateur dans cette réorganisation. L'avant-garde industrielle, l' « autorité » et les usagers, dotés de fonctions théoriquement homogènes, sont engagés à l'intérieur de ce processus continu, irrésistible et « exaltant » du développement. Depuis la réalité de la production jusqu'à l'image, puis l'utilisation de l'image, la machine urbaine tout entière exploite le potentiel « social » de la civilisation machiniste jusqu'à la limite de ses possibilités implicites.

Il nous faut tenter, maintenant, de répondre à une question. Comment se fait-il que le projet de Le Corbusier pour Alger, ses plans pour les villes européennes et sud-américaines, et même ses propositions théoriques les plus modestes, soient restés lettre morte ? N'y a-t-il pas contradiction entre l'échec personnel de Le Corbusier et le fait que son oeuvre soit considérée encore aujourd'hui comme l'hypothèse la plus progressiste et la plus achevée, sur le plan formel, que toute la culture bourgeoise ait produite dans le domaine du design et de l'urbanisme ?

Il y a beaucoup de réponses possibles, toutes valables et complémetaires. Mais ce qu'il faut préciser avant tout, c'est que Le Corbusier travaille en « intellectuel », au sens strict du terme. A l'inverse de Bruno Taut, Ernst May ou Martin Wagner, il n'est pas lié à un pouvoir local ou à un pouvoir étatique. Pous poser ses hypothèses, il part d'une réalité particulière. Dans la mesure où le projet pour Alger tient compte d'une orographie et d'une stratification histoirque exceptionnelles, sa forme ne peut être répétée ; mais la méthode selon laquelle le projet est conduit est amplement généralisable. Le Corbusier va du particulier à l'universel ; il suit une démarche exactement inverse de celle des intellectuels de la République de Weimar [ Voir notre article ]. Ce n'est donc pas par hasard si Le Corbusier travaille à Alger, du moins jusqu'en 1937, sans mission officielle ni compensation financière. Il « invente » sa commande, la généralise, et il est prêt à payer de sa personne pour jour un rôle actif et proposer des solutions.

C'est pourquoi tous ses modèles ont le caractère d'expériences de laboratoire ; or, il est absolument impossible de faire passer un modèle de laboratoire dans la réalité. De plus, le caractère généralisable de ses hypothèses théoriques se heurte aux retards des structures qu'elles se proposent de transformer. Si l'on considère qu'il faut faire une révolution architecturale pour harmoniser l'architecture avec les impératifs du progrès dans le domaine de l'économie et de la technologie, alors que dans ces domaines, aucune forme organique cohérente ne peut encore apparaître, on ne s'étonnera pas que le réalisme des conceptions de Le Corbusier soit considéré comme une utopie.

Il est impossible d'interpréter correctement l'échec du projet d'Alger – et plus généralement, la « faillite » de Le Corbusier – si on ne le relie pas à la crise internationale de l'architecture moderne, autrement dit, à la crise de l'idéologie du Neue Welt (Nouveau Monde) [7].


Le Corbusier, Lithographie Poème de l'angle droit, 1955
Le Corbusier, Lithographie Poème de l'angle droit, 1955

Il est intéressant d'examiner comment les historiens contemporains tentent habituellement d'expliquer la crise de l'architecture moderne ; ils en situent le début autour des années 1930 et ils admettent communément qu'elle n'a fait que s'aggraver jusqu'à nos jours ; mais ils attribuent presque toute la responsabilité de cette crise à des phénomènes de régression politique, tels que le stalinisme ou les fascisme européens ; ils ignorent systématiquement, dans le même temps, l'apparition à l'échelle mondiale, justement après la grande crise économique de 1929, de facteurs nouveaux aussi décisifs que la réorganisation internationale du capital par le recours généralisé à des systèmes de planification anti-cycliques, ou encore la mise en pratique du premier plan quinquennal soviétique.

Il est significatif de retrouver (sous une forme purement idéologique) presque tous les objectifs formulés dans le domaine économique par la Genral Theory de Keynes, comme principes fondamentaux des poétiques de l'architecture moderne. « Se libérer de la crainte du futur en déterminant ce futur comme présent » : le principe même de la politique d'intervention préconisée par Keynes est à la base, non seulement des poétiques de l'art moderne, mais également des théories urbanistiques de Le Corbusier. Keynes est confronté au « parti de la catastrophe » et tend à en récupérer la menance, en l'intégrant à des niveaux toujours différents [8]. Le Corbusier prend acte de la réalité de classe de la ville moderne ; in en dépplace les conflits au niveau le plus élevé ; il élabore un projet extrêmement complet d'intégration du public, qui est impliqué à la fois comme opérateur et comme consommateur actif dans le mécanisme du développement urbain. Ce mécanisme devient alors organiquement « humain ».

Notre hypothèse de départ se confirme. L'architecture comme idéologie du plan est dépassée par la réalité du plan, dès lors que celui-ci quitte le niveau de l'utopie pour devenir un mécanisme opératoire efficace.

La crise de l'architecture moderne s'ouvre au moment précis où le grand capital industriel, son interlocuteur naturel, dépasse l'idéologie fondamentale véhiculée par l'architecture, pour la reléguer au rang des superstructures. Dès ce moment, la fonction de l'idéologie architectonique est terminée. Et lorsqu'elle s'obstine à vouloir malgré tout la réalisation de ses hypothèses théoriques, elle peut à la rigueur devenir un instrument pour faire évoluer des situations de retard ; mais dans la plupart des cas, elle est plutôt un facteur de gêne.

On comprend dès lors les situations régressives et angoissantes dans lesquelles le mouvement moderne s'est débattu de 1935 à nos jours. Les conditions les plus générales de rationalisation de la ville et du territoire ne sont toujours pas remplies, mais la nécessité de cette rationalisation continue néanmoins à servie de stimulant indirect, pour des réalisations compatibles avec des objectifs partiels, fixés au coup par coup.

Il se produit alors quelque chose d'apparemment inexplicable. Les idéologues de la forme semblent renoncer à s'inscrire dans le réel, pour se replier sur le second pôle de la dialectique ordre/chaos proposée par la cultrue bourgeoise. Sans abandonner l' « utopie du projet », ils cherchent une compensation contre les processus concrets qui ont provoqué le dépassement de l'idéologie, dans la récupération du chaos et dans la sublimation du désordre. Ils se livrent à la contemplation de cette angoisse que les constructivistes semblaient avoir définitivement surmontée.

Parvenus indéniablement dans une impasses qu'ils ne peuvent nier, les idéologues de l'architecture renoncent à jouer un rôle dynamique dans la ville et dans les structures de production ; ils se retranchent alors derrière le masque d'une automie disciplinaire retrouvée, ou se réfugient dans des comportements névrotiques d'auto-destruction.

La critique contemporaine, étant incapable d'analyser les causes réelles de la crise du design, concentre toute son attention sur les problèmes internes du design lui-même ; de manière symptomatique, elle accumule les inventions idéologiques pour tenter de donner une nouvelle substance à l'alliance entre les techniques de communication visuelle et les utopies technologiques. Cette alliance, aujourd'hui énoncée en termes d'un « néo-humanisme » ambigu, présente par rapport à la Neue Sachlichkeit le grave inconvénient d'être beaucoup plus mystificatrice quant à sa fonction de médiation entre l'utopie et le développement. Ce n'est pas un hasard si l'image de la ville est le champ privilégié où l'on cherche à réaliser cette alliance.

Le Corbusier, hall d'immeuble Nungesser et Coli : Poème de l'angle droit

[ La suite : seconde partie]

ARTICLES Associés

Manfredo Tafuri : La Crise de l'Utopie : Le Corbusier à Alger [Partie I]


NOTES

[1] Il serait intéressant à ce propos de procéder à l'analyse complète du problème de la peinture de Le Corbusier, en relation avec le thème de l'adaptation active de l'individu à la réalité technologique et à ses nouvelles conditions d'espaces. Ce thème, même après l'exposition du palais Strozzi à Florence en 1963, fait toujours l'objet de recherches après l'article ancien de Nava, non dénué d'indication. [Cf. Antonio Nava, « Poetica de Le Corbusier »]. Ce thème n'a été traité que dans très peu d'articles dont l'intérêt était évident.

[2] Ce n'est pas évidemment ici la place pour le faire, mais il serait nécessaire d'articuler et d'enrichir le processus accompli par Le Corbusier, et que nous n'avons esquissé que par trop synthétiquement. L'étude de Brian Taylor sur les documents des archives Le Corbusier à Paris, relatifs aux projets et à l'exécution de l'ensemble de Pessac et à de précédentes études pour des habitations ouvrières, constitue le début d'un nouveau courant d'études, destiné à revoir radicalement les jugements acquis sur Le Corbusier en tant qu'urbaniste.

[3] Sur l'expérience de Le Cobusier à Alger, il est nécessaire de faire encore des recherches. Voir pourtant le chapitre consacré à l'urbanisme de Le Corbusier dans le livre de Giorgio Piccinato, L'Architettura contenporanea in Francia, 1965.

[4] Les dessins du poème de l'Angle droit (1955), expliquent le sens attribué par Le Corbusier au parcours intellectuel accompli à travers le labyrinthe : comme pour Klee, dont le goût graphique des dessins est très proche de Le Corbusier. L'Ordre n'est pas une totalité externe à l'activité humaine qui le créé. La recherche de la synthèse est d'autant plus enrichie par les incertitudes de la mémoire, par la tension problématique, qu'elle donne même des directions en contraste avec le but final, et parvient à se retourner dans la plénitude d'une expérience authentique. Pour Le Corbusier aussi, l'abslou de la forme est la complète réalisation d'une constante victoire sur l'incertitude du futur, en passant par l'avènement d'une attitude problématique comme garantie unique de sauvegarde collective.

[5] Parmi les nombreux témoignages littéraires de Le Corbusier, où l'intervention de l'architecture comme instrument d'intégration sociale est explicitement placée au premier plan, celui relatif à l'usine hollandaise Van Nelle est particulièrement significatif. «  L'usine des tabacs Van Nelle de Rotterdam – écrit Le Corbusier – création des temps modernes, efface sa signification désespérantes au mot « prolétaire ». Cette dérivation du sentiment de propriété égoïste vers un sentiment d'actin collective, nous conduit à ce phénomène heureux de l'intervention personnelle en chaque point de l'entreprise humaine. Le travail demeure tel dans sa matérialité, mais l'esprit l'éclaire. Je le répète, tout est dans ce mot : preuve d'amour. C'est là que par une administration autre, il faut conduire, épurer et amplifier l'avènement contemporain ; dites-nous ce que nous sommes, à quoi nous pouvons servir, pourquoi nous travaillons. Donnez-nous des plans, montrez-nous les plans, expliquez-nous les plans. Rendez-nous solidaires (…). Si vous nous montrez les plans et bous les expliquez, il n'y aura plus ni caste possédante, ni prolétariat sans espoir. Il y aura une société croyante et agissante. A l'heure actuelle des plus strictes rationnalisations, c'est de conscience qu'il s'agit ». Le Corbusier, La ville radieuse, chapitre sur le « Spectacle de la vie moderne », 1933.

[6] Il serait possible sur la base de ces considérations, de s'opposer aux thèmes de Banham qui critique, d'un point de vue interne au développement technologique, l'immobilisme typologique des maîtres du « mouvement moderne ». «  En préférant – écrit-il – des normes et des genres établis, les architectes optent pour des pauses où l'évolution normale de la technologie se trouve interrompue ; ces processus d'évolution et d'innovation, pour autant que nous puissions en juger, ne peuvent être arrêtés que par l'abandon de la technologie telle que nous la connaissons aujourd'hui, par un arrêt délibéré de la recherche et de la production de masse ». R. Banham, Theory and Design in the First Machine Age, 1960. Il est certainement suprflu de rlever que toute la science fiction architectonique qui a proliféré des années à aujourd'hui, rachetant la démission « des images » des processus technologiques, est – à l'égard du plan Obus de Le Corbusier – en-deçà des modèles les plus désolants.

[7] L'idéologie du Neue Welt, du Nouveau Monde, comme champs infini de potentialité libératoire, est commun à Lissitsky et à hannes Meyer, l'article significatif à ce sujet « Die Neue Welt » dans la revue Das Werk n° 7, 1926.

[8] Antonio Negri, La teoria capitalista delle stato nel'29 : John M. Keynes.

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