Chine : Architecture et paysage : le Diaolou


Une simple carte postale de Chine, des diaolous, maisons tours fortifiées, qui s'inscrivent magnifiquement et respectueusement dans le paysage ;  conception extra-ordinaire d'une ville/paysage, rompant admirablement avec le modèle des maisons individuelles des banlieues pavillonnaires ou des tours que préconisent écologistes et capitalistes. 








Contre l'étalement urbain des villes en zones pavillonnaires [figure en bas], nombre d'architectes préconisent la densification des villes [figure en haut] par la construction d'immeubles de grande hauteur. Or, les tours, c'est à dire l’empilement vertical de niveaux sur une surface restreinte au sol,  représentent le modèle de construction le plus économique et le plus rentable pour les investisseurs. Ici, préoccupations écologique et capitaliste s'accordent harmonieusement et la pensée architecturale en Europe semble ainsi figée sur ce modèle, l'érigeant comme seule voie possible. 
Cette aporie de la pensée architecturale  entièrement soumise aux considérations écologistes et au diktat économique d'un capitalisme vert, enfermée dans une Realpolitik,  ne doit pas nous faire oublier  que d'autres contre-propositions, d'autres utopies et alternatives, contre ce qui est -comme en politique- restent à imaginer, ou à ré-investir. La New Babylon de Constant,  la cité linéaire des désurbanistes soviétiques, les diaolous de Chine, etc., nous démontrent que d'autres alternatives à leur pensée tiède,  peuvent aussi être envisageables, préférables, sans aucun doute nécessaires. 





Les diaolous, se concentrent uniquement sur le territoire de Kaiping, situé au sud-ouest de Guangdong. Les premiers diaolous sont bâtis sous l’ère Jiajing des Ming (1522-1566) mais leur typologie architecturale n'est pas encore celle de tour élancée. Leur vocation est défensive dans un contexte chaotique où des bandes armées de brigands pillaient les villages et les villes.

La plupart des diaolous seront construit au début du 20e siècle, dans un contexte politique tout aussi chaotique, les bandes de pillards sévissent à nouveau. Bâtiments fortifiés construits grâce aux ressources de l’émigration, ils servaient à la défense des villageois à une époque où l’ordre public n’était pas assuré, et présentent la particularité de mêler des éléments architecturaux chinois et occidentaux.

L'architecture.

Les diaolous bâtis sur plusieurs étages symbolisent la fusion complexe et réussie des styles architecturaux chinois et occidentaux. Il existe trois types de bâtiments : les tours communautaires construites par plusieurs familles et utilisées comme refuges temporaires, les tours résidentielles construites par de riches familles à des fins résidentielles et défensives, et les tours de guet. Ils peuvent être fabriqués en pierre, en pisé, en brique ou en béton. Harmonieusement intégrés dans le paysage environnant, les diaolous représentent l’épanouissement de traditions locales – nées sous la dynastie des Ming – en matière de construction visant à se défendre contre les bandits. Le paradoxe est que l’argent des émigrés servait à organiser la défense des villages, mais en même temps attirait les brigands : « Dans les pas de chaque émigré marchent trois brigands » disait un dicton local. Les activités des brigands visant plus particulièrement les familles d’émigrés réputées riches, étaient le pillage et le rapt.


Les riches chinois émigrés.

L'émigration, en effet, joue un rôle important dans la construction et la typologie architecturale car de nombreux habitants de la région iront chercher fortune aux États-Unis, tout en conservant des liens avec les familles de leur village. L’influence de l’émigration est visible dans l’architecture de ces bâtiments construits fin XIXe début XXe. A la différence des bâtiments de style occidental construits dans les concessions étrangères des grandes villes, les diaolous ont été érigés à la campagne, dans des villages, à l’initiative de paysans. Contre toute attente, on aurait donc, grâce à l’émigration, des paysans « cosmopolites » à Kaiping qui démontrent que ce ne sont pas forcément les classes chinoises les plus aisées et les plus éduquées qui étaient les plus susceptibles d’être perméables aux influences occidentales. C’est une des manières d’envisager les diaolous, et cette façon de voir est mise en avant depuis la politique d’ouverture de 1979 et le retour en odeur de sainteté des Chinois d’outre-mer qui s’en est suivi. Car les diaolous sont caractéristiques de la culture des Chinois d’outre-mer dont ils sont une incarnation dans la pierre.


Patricia R.S. Batto

Les diaolous de Kaiping (1842-1937)
Des constructions défensives pour faire face à des menaces variées



Site UNESCO 


Place d'un village 


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