Nous présentons ici plusieurs articles de presse consacrés aux expulsions de logement et aux saisies qui se multiplient en Espagne. Paradoxalement, l'Espagne compte plus d'un million de logements vides, faute d'acquéreurs... Pour faire face à cette situation d'injustice, de démesure capitaliste soutenue par le politique, les militants au sein d'organisations, de simples citoyens ont décidé d'entrer en résistance et d'empêcher toute exécution de procédure d'expulsion, en s'opposant pacifiquement mais fermement, le temps de la saisie, aux huissiers et aux policiers ; opération qualifiée de guérilla pacifique par le journal El País. Trop pacifique face aux enjeux et au nouveau gouvernement de Droite ?
Car en effet, depuis la crise immobilière de 2008, une loi espagnole sur les emprunts bancaires autorise les banques à s’approprier les propriétés faisant l’objet de crédits dont les titulaires font défaut pour seulement 60% de leur valeur (voire même 50% de leur valeur). Rappelons qu'en 2001, environ 85% des prêts hypothécaires espagnols étaient constitués d’emprunts à taux variable, alors que cette proportion demeure en France ou encore en Allemagne, inférieure à 20 % du total des prêts immobiliers consentis. Ainsi asphyxiés par le taux progressif des emprunts, nombre de propriétaires ne parviennent pas à éteindre leur dette. Confrontés à ce texte de loi, ils sont expropriés, mais ils doivent cependant continuer à payer la partie de l’emprunt qui n’a pas été couverte par cette expropriation.
Selon le ministère de la Justice espagnol, le nombre des propriétaires expulsés pour cause de surendettement a dramatiquement augmenté au deuxième trimestre 2011, enregistrant une hausse de 21,2 % par rapport à 2010, année déjà record dans ce domaine [Selon le quotidien El País, les expulsions de logement ont été multipliées par trois en trois ans. Au premier trimestre 2011, 15.500 expulsions de logement ont eu lieu, 36,3% de plus qu’en 2010 durant la même période]. 300.000 personnes auraient ainsi été expropriées en Espagne, dont 59.000 en Catalogne. Selon l’association Caritas, entre 15 et 20 expulsions auraient lieu chaque jour en Catalogne actuellement. Or, les 70% de Catalans bénéficiaires des allocations chômage arriveraient à la limite de leur durée d’indemnisation d’ici à février 2012, et les associations caritatives redoutent une multiplication des procédures d’expulsion. Les procédures d’expulsion initiées il y a 1 an ½ à 2 ans ne sont effectivement mises en œuvre qu’à partir de maintenant.
Les expulsions de propriétaires surendettés sont devenues l’un des sujets les plus dénoncés par les "Indignés", comme par l'opinion publique. Le Mouvement du 15-M et la "Plateforme des Affectés par l’Hypothèque" (PAH), un réseau national s'appuyant sur des assemblées de quartier, se mobilisent pour bloquer les expulsions. Partout en Espagne, ils appliquent la même stratégie : des dizaines de personnes se rassemblent devant l’immeuble dont doit être délogé une famille, interdisant ainsi l’entrée dans le bâtiment de la commission judiciaire chargée de notifier la procédure d’expulsion exercée à la demande de la banque créancière. La Plateforme dénonce les aides publiques versées aux banques, celles-là même qui expulsent les familles. Tous exigent que soit appliquée la dation en paiement, principe qui permet la remise du logement au créancier en contrepartie de la liquidation de la dette. Car avec la chute des prix de l’immobilier, l’exécution de l’hypothèque ne suffit souvent pas à rembourser le montant du prêt accordé par la banque au moment de l’achat du logement, qui a souvent perdu une grande partie de sa valeur d'achat. Les expulsés se retrouvent ainsi condamnés à la double peine: sans logement et toujours endettés.
Même les patrons s’inquiètent des conséquences de cette paupérisation dramatique de la population. Ainsi, Jordi Alberich, directeur général du Cercle d'economia, un club de réflexion du patronat catalan, souhaite que l’on mette en place d’urgence un train de mesures pour tous les Espagnols. Il estime que « le risque de conflit social est élevé, si on donne le sentiment de ne pas mettre tout le monde à contribution ».
Les "indignés" contre les saisies immobilières
Juan Diego Quesada
| El País
| 20 juin 2011
Luis Domínguez Quintana, 74 ans, arbore sur la poitrine un cœur traversé d'une flèche où est indiquée la lettre de son groupe sanguin. Le premier symbolise son amour pour une ex-fiancée, la deuxième démontre que Luis est un homme pragmatique. En cas d'accident, les médecins sauront immédiatement quel type de sang utiliser. Assis dans son canapé chez lui, à Parla [banlieue de Madrid], il ouvre sa veste pour montrer ce dessin tatoué à l'encre. "Et là, dans mon cœur, j'ai aussi maintenant les 100 personnes qui m'ont permis de rester chez moi." Cette centaine de personnes qui, le 16 juin au matin, ont réussi à empêcher son expulsion en manifestant bruyamment.
Luis Domínguez, invalide à 65 %, n'arrive plus à rembourser son crédit immobilier depuis deux ans. Il devait être expulsé de son logement à la première heure. Mais au cri de "Luis, ami, le peuple est avec toi", les manifestants, réunis au sein du collectif Frappés par le crédit immobilier à Madrid [Afectados por la hipoteca de Madrid], ont empêché la greffière et le représentant de la banque d'accéder au bâtiment.
L'avocat du collectif a présenté aux autorités judiciaires des rapports médicaux qui ont permis de suspendre la saisie. "Un délai est demandé en raison de l'état de santé dans lequel se trouve le client", précise le dossier.
Luis Domínguez n'est pas un cas isolé. La crise a multiplié le nombre d'expulsions en Espagne*. Mais désormais, les saisies sont combattues par des mouvements de citoyens comme celui-ci, qui lutte contre la législation sur les crédits. Les manifestants, réunis par Democracia real ya !, à l'origine du mouvement de la Puerta del Sol, exigent que la cession du logement permette de liquider intégralement l'ardoise avec la banque.
Après le départ des personnes envoyées pour l'expulser, Domínguez, qui vit seul dans cet appartement de 130 mètres carrés, a entendu sonner son interphone : "Mets-toi à la fenêtre !" Passant la tête dehors, il a vu une foule qui fêtait sa victoire à l'entrée de l'immeuble. "Esto es esperanza, y no la presidenta", chantaient-ils en chœur. ["Ça, c'est de l'espoir, et pas la présidente", jeu de mot entre esperanza ("espoir") et Esperanza Aguirre, la présidente de la communauté de Madrid.]
Quelques heures plus tard, Luis Domínguez nous ouvre les portes de cet appartement où il peut espérer vivre au moins encore quelques mois. Appuyé sur des béquilles, il sert un cocktail de son invention, à base d'eau et de citron. C'est un spécialiste de la nutrition, et il suit un régime strict qui, visiblement, le rajeunit. Il ne prend qu'un repas par jour et se nourrit de légumes secs, de fruits, de fromage et de yaourts.
La banque lui réclame 150 000 euros, en plus de la cession de son logement. Ses problèmes ont commencé il y a trois ans, raconte-t-il, après un accident de la circulation qui l'a laissé gravement blessé aux jambes. Parallèlement, deux factures au nom de son entreprise de bâtiment, pour un total de 60 000 euros, lui sont restées impayées. Il a donc commencé à ne plus rembourser son crédit. Adhérent du Parti socialiste ouvrier espagnol (Psoe), il a cherché de l'aide du côté du monde politique, en vain.
Alors, d'où vient ce nouveau comité de soutien ? Luis Domínguez s'est rendu à Madrid sur la place de la Puerta del Sol le 21 mai, pendant la journée de réflexion. Voir ces milliers d'"indignés" rassemblés l'a ému : "J'ai pris conscience qu'il y avait un vrai sentiment de changement." La veille de l'expulsion, il était de nouveau sur la place centrale madrilène et il a raconté son histoire. Immédiatement, un groupe s'est organisé pour lui venir en aide. "Nous nous sommes réunis pour former une guérilla sans mitraillettes et nous luttons contre le système", assure-t-il, ouvrant de nouveau sa veste pour montrer son tatouage.
* Le nombre d'expulsions s'est multiplié par trois durant les trois dernières années en Espagne. Entre janvier et mars 2011, 15 491 expulsions ont eu lieu, soit 36 % de plus qu'au premier trimestre 2010.
En Espagne, les Indignés mobilisés contre les expulsions
Emmanuelle Steel
| Libération
| 11 juillet 2011
Maria José Del Coto se souviendra toujours avec émotion du 6 juillet 2011. Ce matin-là, les Indignés s’étaient installés aux portes de son domicile, à Ciudad Lineal, un quartier ouvrier de Madrid. Deux heures plus tard, quand est apparu le secrétaire judiciaire venu exécuter l’ordre d’expulsion de Maria José et de ses deux enfants pour un crédit hypothécaire impayé, il n’a pu que constater son impossibilité à agir. Plus de 200 Indignés bloquaient pacifiquement la rue. « J’ai éprouvé une telle reconnaissance pour cette foule… C’est la preuve qu’il y a encore des gens disposés à se battre. La prochaine fois qu’il y a une telle mobilisation, moi et mes enfants nous irons », raconte Maria José, dans son 48 m2 qu’elle ne quitte plus de peur de voir les banques forcer la serrure et occuper les lieux. Cette femme de 53 ans ne perçoit aucun revenu, à l’exception de la maigre allocation de son fils de 25 ans, handicapé. Son ex-conjoint ayant cessé de rembourser son prêt hypothécaire, les banques ont le droit de saisir le logement et de réclamer à Maria José une dette exorbitante qu’elle traînera toute sa vie.
Asphyxie. « La prochaine fois » : il y en aura certainement une. Ces derniers jours, la Plateforme des personnes affectées par l’hypothèque (PAH) a empêché à Madrid trois expulsions de petits propriétaires ayant contracté des emprunts aux conditions asphyxiantes, des hypothèques-poubelles. Les ordres de déloger ces personnes ont été temporairement suspendus par la justice. Ce collectif est issu du mouvement des Indignés, auquel il a d’ailleurs donné un nouveau souffle. Ses actions, les plus concrètes qu’aient jamais entreprises les rebelles de la Puerta del Sol, ont été très médiatisées. Qualifié de «guérilla pacifique» par le journal El País, la PAH est inspirée d’initiatives semblables débutées il y a plusieurs mois en Catalogne. Le mouvement «anti-desahucios» (anti-expulsions), dont les rangs ne cessent de grossir, a ainsi déjà empêché une cinquantaine d’expulsions dans toute l’Espagne. Les comités de quartiers ont commencé à apparaître un peu partout.
A Madrid, pas un jour ne passe sans qu’une assemblée populaire sur le thème des expulsions ne se tienne sur une place, attirant le voisinage. «Les personnes affectées ne se sentent plus seules et s’unissent. Des centaines de milliers de familles risquent de se retrouver bientôt à la rue. Le gouvernement doit réagir !» affirme Eloi Morte, porte-parole de la plateforme anti-expulsions de Madrid. Bien que contestables juridiquement, ces actions ont attiré la sympathie des Espagnols, car elles s’inscrivent dans un élan de révolte généralisée contre les banques, qui ont perçu des aides astronomiques de l’Etat. En outre, ces mobilisations relancent le débat sur la reconnaissance du droit au logement, l’une des causes portées par les Indignés. «On a distribué les crédits hypothécaires comme des petits pains, dénonce Eloi Morte. Aucune étude de la situation financière de l’emprunteur n’était réalisée. Les informations essentielles sur les conditions de l’hypothèque étaient cachées aux usagers. La priorité des banques était de caser leurs produits et d’endetter les gens à vie en leur faisant signer des emprunts sur trente, voire cinquante ans.»
Avenir. Lorsque la crise a éclaté en 2008, 300 000 foyers ont cessé de rembourser leurs échéances, d’après la PAH. Le pays compte actuellement 5 millions de chômeurs déclarés. «Les banques s’approprient les logements des personnes endettées à moitié prix, elles leur réclament des dettes de centaines de milliers d’euros alors qu’elles sont à la rue ! Les familles n’ont pas à assumer tout le poids de la crise», ajoute Morte. «La société est en train de se rendre compte qu’il se passe quelque chose d’anormal», affirme Julio César Rodriguez, un Equatorien de 49 ans qui ne rate plus une mobilisation contre les expulsions. L’an dernier, il s’est brutalement retrouvé à la rue après avoir cessé de rembourser son crédit hypothécaire. Sa banque ne s’est pas contentée de saisir l’appartement qu’il avait acheté en 2006 après dix ans de travail comme ouvrier dans la construction, elle lui réclame aussi des frais dépassant largement la valeur du bien confisqué. «Je suis tombé dans un piège.»
Pour mettre un terme à la voracité des banques, la PAH réclame au législateur d’approuver l’extinction de la dette lors de la saisie du bien hypothéqué - un système en vigueur dans les autres pays de l’Union européenne.
Certains voient dans ce type de revendications concrètes l’avenir des Indignés du 15 mai. La solidarité avec les personnes asphyxiées par les crédits hypothécaires a acquis une telle visibilité que des politiques s’en font aujourd’hui le relais. Ainsi, le candidat socialiste aux prochaines élections générales de mars 2012, Alfredo Perez Rubalcaba, a récemment critiqué les banques pour les profits qu’elles réalisent «au détriment des gens». Un discours dans lequel les Indignés peuvent se reconnaître
Mobilisation en Espagne: les «Indignés» contre les huissiers
Emmanuelle Steel
|La Presse
| 23 juillet 2011
Dans l'ensemble de l'Espagne, le mouvement anti-expulsions des Indignés a mené à une soixantaine de mobilisations pour sauver des propriétaires endettés.
(Madrid) Des centaines de militants se massent devant le domicile d'une famille asphyxiée par les dettes et incapable de rembourser son prêt hypothécaire. Le but: empêcher les huissiers de l'expulser et de saisir le logement. C'est le nouveau type d'actions-chocs menées par les Indignés, dont les protestations secouent l'Espagne depuis le 15 mai. Ils dresseront un bilan de leur mouvement ce week-end à Madrid.
«N'avez-vous pas honte de jeter les gens à la rue?», clame une pancarte brandie par un jeune homme, t-shirt noir, barbe de trois jours et cernes creusés au fil des manifestations. Ce matin-là, les Indignés, ces jeunes Espagnols révoltés contre les banques et la classe politique, se sont donné rendez-vous devant le domicile de Maria José Del Coto, dans un quartier ouvrier de Madrid. Environ 300 personnes vont tenter d'empêcher le passage des huissiers de justice venus expulser de son logement cette femme de 53 ans sans emploi, avec deux enfants à charge, qui ne perçoit aucun revenu à l'exception de la maigre allocation de son fils handicapé.
Comme elle est incapable de rembourser son prêt hypothécaire, sa banque a le droit de saisir le rez-de-chaussée de 48 mètres carrés dans lequel elle s'entasse avec ses enfants. Mais en plus de la jeter à la rue, la banque lui réclame plus de 200 000 euros de frais supplémentaires, une dette qu'elle traînera toute sa vie. «De manière totalement injuste», déclare à La Presse Eloi Morte, porte-parole de la Plateforme des personnes affectées par l'hypothèque (PAH) créée à Madrid par les Indignés. «Nous demandons d'instaurer le système de dation en paiement qui est en vigueur dans d'autres pays, c'est-à-dire l'extinction de la dette au moment de la saisie du bien hypothéqué par la banque. Les familles n'ont pas à assumer tout le poids de la crise», poursuit le jeune militant, qui dénonce aussi les aides publiques versées aux banques qui expulsent ces familles.
300 000 familles en défaut de paiement
Dans toute l'Espagne, le mouvement anti-expulsions a mené une soixantaine de mobilisations pour sauver des propriétaires, souvent des chômeurs ou des immigrés, ayant contracté des emprunts aux conditions asphyxiantes, baptisés «hypothèques poubelles». D'après la PAH, l'endettement des foyers a pris des proportions de drame national: depuis que la crise a éclaté en 2008, 300 000 familles auraient cessé de rembourser leur crédit hypothécaire en Espagne.
Deux semaines auparavant déjà, plus de 200 Indignés avaient forcé les huissiers à faire demi-tour lorsqu'ils s'étaient présentés chez Maria José. Mais aujourd'hui, une centaine de policiers antiémeute ont été déployés dans le quartier pour empêcher les manifestants de paralyser l'action judiciaire. L'expulsion de la famille aura lieu. Une fois dans la rue, Maria José sort saluer les manifestants, massés derrière un cordon de policiers. «Ce n'est pas que je ne veux pas payer, la vérité, c'est que je suis pauvre!», lance-t-elle les mains levées, dans un geste de reconnaissance adressé à la foule.
Les paralysations d'expulsions comptent parmi les actions les plus emblématiques des Indignés. Des réunions se tiendront cette fin de semaine pour étudier les stratégies pour la poursuite de ce mouvement de rébellion pacifique lancé le 15 mai dernier à la Puerta del Sol, carrefour central de Madrid. Des cortèges d'Indignés partis de plusieurs villes d'Espagne en juin convergeront vers Madrid aujourd'hui, et une manifestation aura lieu demain soir dans les rues de la capitale
Malgré les manifestants, le rituel des expulsions se poursuit à Madrid
Dominique Faget
| afp.com
| 23 novembre 2011
MADRID - Accompagnés de deux policiers, deux huissiers se présentent chez Consuelo Lozano, une Equatorienne de 40 ans, pour l'expulser de son appartement de la banlieue de Madrid. Un rituel désormais, alors que ces opérations se multiplient en Espagne sous l'effet de la crise.
"Les banquiers sont des voleurs. Honte! Injustice! Salopards!", crient une soixantaine de manifestants rassemblés dehors pour tenter d'empêcher l'expulsion.
En vain. Une rangée de policiers anti-émeute casqués, bouclier en main, les tient à distance, le temps que les huissiers emmènent Consuelo Lozano, une femme de ménage au chômage installée depuis 2006 à Torrejon de Ardoz, une cité-dortoir du nord de Madrid à forte population immigrée.
Déjà, confrontée à un quotidien de plus en plus difficile depuis qu'elle a perdu son travail, elle a renvoyé en Equateur ses deux fils, sa fille et son mari pour leur épargner cette nouvelle épreuve.
Les expulsions pour cause de surendettement, l'un des symptômes les plus criants de la crise en Espagne, sont devenues la cible de choix du mouvement des "indignés", associant voisins et amis dans des opérations commando qui souvent contraignent la justice à annuler ou retarder ces opérations. Mais parfois elles sont menées à terme, à grand renfort de policiers anti-émeute. Par ce froid matin de novembre, c'est au tour de Consuelo, après un face-à-face tendu lorsque les policiers écartent un groupe de manifestants assis au bas de l'immeuble.
Motif: une dette de 200.000 euros auprès de la banque, à laquelle Consuelo ne peut plus faire face. "Ils ont détruit ma famille. La banque a pris ma maison. C'est à eux maintenant, je ne vais pas me battre", lance-t-elle en ravalant ses larmes. "Maintenant ils essaient de me réclamer le double de la valeur de la maison. Je leur ai dit que je ne pouvais pas payer. Je ne sais pas où aller".
Après la victoire de la droite aux élections législatives, la grogne sociale pourrait s'amplifier sous l'effet de nouvelles mesures de rigueur, alors que l'Espagne compte près de cinq millions de chômeurs. Comme beaucoup d'immigrés d'Amérique latine, le mari de Consuelo, Jaime, alors ouvrier dans le bâtiment, avait été encouragé à acheter son logement pour 220.000 euros en 2006, à l'époque où les banques se montraient particulièrement généreuses.
Puis est arrivé en 2008 l'éclatement de la bulle immobilière, qui avait porté pendant plus d'une décennie le développement économique de l'Espagne. Jaime a perdu son travail. "Nous allons essayer de les convaincre qu'ils commettent une injustice, qu'ils ne peuvent laisser ces gens à la rue parce qu'ils n'ont aucun endroit où aller", explique Chema Ruiz, un porte-parole de la Plateforme contre les expulsions (PAH).
Ces derniers mois, avec d'autres groupes militants, cette association a empêché de nombreuses expulsions et milite pour une réforme de la loi afin de protéger les propriétaires surendettés. Mais selon la PAH, 300 familles sont encore expulsées quotidiennement en Espagne. "Tout est de la faute de ces satanées banques", affirme Nicolas San Martin, un manifestant de 29 ans qui vient d'être contraint sans ménagement par la police de dégager la porte de l'immeuble. "Et avec Rajoy (le futur chef du gouvernement) cela va être pire".
De l'autre côté de la rue, Luis Mendes, un immigré de Guinée-Bissau de 40 ans, lui aussi ouvrier du bâtiment au chômage, devrait subir le même sort jeudi. "Je veux négocier avec eux. Les mensualités augmentent. Je n'ai pas l'argent pour payer", confie-t-il. "Je ne peux pas rester dans la rue. Il commence à faire froid", dit-il, vêtu d'une veste légère et un bonnet de laine enfoncé sur la tête. "Je ne sais pas ce que je vais faire".
Selon la PAH, la même menace pèse sur deux autres familles de la rue. "Vous, vous", lance la foule. "Cela peut vous arriver, à vous".
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