Burkina Faso : Révolution et Politique Urbaine

Thomas Sankara
Il vaut mieux faire un pas avec le peuple que cent pas sans le peuple.
Thomas Sankara

L'architecture et l'urbanisme ne sont guère des domaines 
où les révolutionnaires, une fois parvenus au pouvoir, excellent. Fidel Castro n'engagea pas les architectes vers une vision sociale/conceptuelle aussi radicale que sa politique anti-impérialiste, les dirigeants socialistes enclins aux grandes réformes radicales, tel qu'Hugo Chavez [1], n'ont jamais défini comme prioritaire l'habitat social, l'habitat pour le plus grand nombre et au-delà la ville idéale. Les Comités de quartier, dans les pays du bloc soviétique, ceux de La Havane ou de Caracas, seront les principales avancées, certes non négligeables. 

Thomas Sankara n'échappe pas à la règle ;  Révolutionnaire, considéré, à juste titre, comme le Che Africain, panafricaniste et tiers-mondiste burkinabé, il incarna et dirigea la Révolution Burkinabé du 4 août 1983 jusqu’à son assassinat lors du coup d’état de son successeur -et compagnon- Blaise Compaoré. Figure incomparable de la politique africaine et mondiale, radicalement insoumis à tous les paternalismes et docilisations pourtant plus sûrs placements en longévité politique post-coloniale, Thomas Sankara a légué aux générations futures la verve et l’énergie de l’espoir, l’emblème de la probité et la conscience historique de l’inaliénabilité de la lutte contre toutes oppressions. Plus de vingt années après son assassinat, il demeure toujours un exemple pour les jeunes africains contestataires. 


Sankara : l'homme intègre

Quant au mythe, Sankara [2] trouve ses racines au Prytanée militaire du Kadiogo. C’est là que le démon de la politique le saisit, sous l’influence du professeur et mentor Adama Touré, militant communiste. Passionné, animé par ses convictions, le verbe exalté, il devient un orateur populaire. En 1980, alors secrétaire d’Etat à l’Information du gouvernement Saye Zerbo, il démissionne du poste avec fracas au cri de ”malheur à ceux qui bâillonnent le peuple ! ” Zerbo renversé en 1982, le Conseil du Salut du Peuple (CSP), présidé par le médecin-capitaine Jean-Baptiste Ouedraogo, fait de Sankara son Premier ministre. Déjà, aux meetings, il enflamme les foules en scandant “Le néo-colonialisme, à bas ! L’impérialisme, à bas !” L’aile conservatrice du CSP prend peur de la radicalisation de Sankara et de son entourage. Il se retrouve emprisonné et sous la pression populaire il finit par être relâché. Vivant alors dans la défiance, il fomente un putsch avec son ami Blaise Compaoré qui débouche le 4 août 1983 sur l’instauration du Conseil National de la Révolution (CNR).

Un peuple “conscientisé” : 

Dorénavant, le jeune Président Sankara oeuvre pour rendre dignité, autonomie et indépendance économique à son pays. Thomas Isidore Noël Sankara pose les bases d’une révolution intègre et africaine. Il change alors le nom de son pays de Haute-Volta (hérité de la colonisation) en Burkina Faso , ce qui signifie “le pays des hommes intègres“. Thomas Sankara s'attaqua au néo-colonialisme, à la tutelle française [Mitterrand, président], aux mesures d'aide au développement instituées par le  FMI ( Fond Monétaire Internationale) et la Banque mondiale. D’un autre côté, il musèle la presse et multiplie les emprisonnements politiques. Pour ” conscientiser ” le peuple, il n’hésite pas à licencier 2 600 instituteurs pour les remplacer par des enseignants révolutionnaires peu qualifiés.



Les Hommes Intègres

Pour combattre la corruption et l’embourgeoisement, il montre l’exemple avec les membres de son gouvernement : il est le seul président d'Afrique (et sans doute du monde) à avoir vendu les luxueuses voitures de fonctions de l'État pour les remplacer par des... Renault 5. Il faisait tous ses voyages en classe touriste et ses collaborateurs étaient tenus de faire de même. Il est célèbre aussi pour son habitude de toujours visiter Harlem (et d'y faire un discours) avant d'arriver à l'ONU. 

Il a engagé une lutte contre la corruption, qui s’est traduite par des procès retransmis à la radio, mais sans condamnation à mort. Le jour où il oblige les fonctionnaires à déclarer leurs biens pour faire l’objet d’une enquête, il est le premier à se plier à l’exercice publiquement et rit lorsqu’un journaliste lui fait remarquer qu’il est probablement un des chefs d’Etat les plus pauvres du monde. Chaque année, il dissout le gouvernement : ” C’est une formule pédagogique révolutionnaire qui impose que soit rappelé à chacun qu’il est à un poste pour servir et qu’il doit en permanence se remettre en question “, explique-t-il alors.


Sur le plan social, il combat l’excision, réglemente la polygamie, améliore les conditions de vie de la femme et promeut l’alphabétisation des adultes. Les résultats de cette politique sont sans appel : réduction de la malnutrition, de la soif (construction massive dans le pays de puits et retenues d'eau), des maladies, notamment des enfants, et de l'analphabétisme. Il a aussi institué la coutume de planter un arbre à chaque grande occasion pour lutter contre la désertification. Sankara est surtout connu pour avoir rompu avec la société traditionnelle inégalitaire burkinabé, par l'affaiblissement brutal du pouvoir des chefs de tribus, et par la réintégration des femmes dans la société à l'égal des hommes. 

Ainsi, il ne peut être question de douter de l'intégrité de Thomas Sankara, mais force est de constater que les grandes réformes dans les domaines de l'architecture et de l'urbanisme, et notamment la politique urbaine concernant la capitale, Ouagadougou, et malgré les déclarations d'intention, ont davantage privilégié les classes moyennes et bourgeoises. Pour certains observateurs, l'action déterminante des classes privilégiées, de la chefferie traditionnelle, des forces rétrogrades, sera décisive contre les réformes du gouvernement, tandis que le formidable exode rural vers la capitale  accentuait les défauts d'une politique urbaine soumise à l'avidité des spéculateurs. 

Développement de Ouagadougou


Politique urbaine : 
une révolution au service de l’État

Alain Marie
Université de Paris I
IEDES

L’espace urbain, tout spécialement celui des capitales, est politique: les effets de la concentration des activités urbani- santes (production manufacturière, commerce, administration, grands équipements collectifs) sont amplifiés par la concentration du pouvoir, de ses appareils, de ses oeuvres et de ses pompes. Arène de la compétition sociale, de la lutte pour la richesse, le pouvoir et la maîtrise idéologique où s’accusent les lignes de force d’une société, où se cristallisent les rapports de sens et de puissance, où s’aiguisent clivages et contradictions, où se révèlent, en fin de compte, par effet de grossissement et de condensation, les processus de décomposition-recomposition sociales, où se confrontent et s’affrontent tradition et modérnité, logiques "populaires" et logiques étatiques, appareils d’Etat et sociétés civiles, ville légale et ville réelle, stratégies de la domination et stratégies de la ruse.


Ouagadougou, 1930

Ouagadougou n’échappe pas la règle: dans un pays rural à 90 %, mais où les paysans sont encore exclus du débat politique en tant qu’acteurs directs, toutes les forces qui comptent politiquement s’y trouvent concentrées. Ici, l’Etat est face à tous les contrepouvoirs : il y a d’abord les différentes fractions de la classe politique qui se disputent sa maîtrise en manipulant un système multipartite surdéterminé par les luttes de clan ; il y a ensuite la moyenne et petite-bourgeoisie, turbulente et politisée, des professions libérales, des jeunes technocrates de la Fonction publique, des enseignants, des employés et des ouvriers stabilisés, dont les divers syndicats sont habitués à défaire les gouvernements par leurs grèves et leurs manifestations de rue, auxquelles les mouvements lycéens et étudiants prennent une part active ; il y a enfin, l'originalité burkinabè, la puissante hiérarchie traditionnelle, puisque Ouagadougou est aussi la capitale du royaume mossi le plus important du pays.


POLITIQUE URBAINE

Aussi n’est-il pas étonnant que l’objectif essentiel des jeunes jacobins révolutionnaires qui prirent le pouvoir le 4 août 1983 fut de construire un État central fort, capable de s’imposer aux dépens des ennemis désignés de la révolution démocratique et populaire (la bourgoisie d’Etat, la bourgeoisie commerçante spéculatrice, la moyenne bourgeoisie des marchands et des entrepreneurs, les forces rétrogrades qui tirent leur puissance des structures traditionnelles de type féodal et des fauteurs de l’instabilité et de l’impuissance des régimes précédents (les partis et les syndicats) et que cet objectif put impliquer une logique de recomposition totale de la société urbaine et de son espace.

En effet, parmi les principales mesures, significatives de cet objectif d’affirmation d’un pouvoir hégémonique, supprimant tous les contre-pouvoirs entre lui et les masses, on ne manque pas d’être frappé par celles qui, de près ou de loin, visaient au remodelage de la société urbaine. Citons entre autres :
  • l’institution des CDR (Comité de défense de la révolution) destinés à se substituer à tous les contre-pouvoirs antérieurs : dans les quartiers et les villages, pour "casser" le pouvoir traditionnel (celui des gérontocraties des sociétés lignagères comme celui des chefferies plus structurées des anciens royaumes mossi et de leurs subdivisions locales, notamment, les quartiers de Ouagadougou) ; dans les bureaux et les entreprises, pour court-circuiter et neutraliser les centrales syndicales ;
  • la division de Ouagadougou en 30 secteurs dirigés chacun par un bureau CDR élu par la population, et délimités de telle sorte qu’ils imposent le rédécoupage et la dislocation des 66 anciens quartiers, privant ainsi leurs chefferies de leurs assises territoriales traditionnelles ;
  • la nationalisation de toutes les terres, urbaines et rurales, pour déposséder de leur pouvoir sur le sol et sur leurs occupants, les chefs de village, chefs de quartiers et notables traditionnels ainsi que la bourgeoisie foncière des villes ;
  • la suppression des loyers durant l’année 1985 pour gagner la faveur du petit peuple des locataires et donner un coup d’arrêt aux spéculations des propriétaires cumulards ;
  • le lotissement systématique de tous les quartiers spontanés de Ouagadougou pour mettre un terme à la spéculation de la bourgeoisie foncière et de certains chefs de quartier ;
  • la prise en charge par les CDR de secteurs des opérations d’attribution des parcelles loties, mesure qui va dans le même sens que les précédentes ;
  • la création des Tribunaux populaires de conciliation chargés, sous l’égide des CDR, du règlement de tous les litiges locaux, fonciers entre autres, de manière à réduire encore les prérogatives, judiciaires traditionnelles des autorités coutumières ;
  • la construction accélérée de cités pavillonnaires et de petits immeubles pour donner satisfaction aux aspirations à un logement, moderne chez la moyenne et la petite bourgeoisie qu’il s’agit de gagner à la révolution.

La politique urbaine dont ces mesures constituaient l’armature présentait deux aspects principaux : le lotissement des quartiers périphériques et la rénovation du centre-ville.

Le lotissement : lutte contre la spéculation ou l'haussmanisation au service de la rationalité étatique ?

Bien entendu, l’idée du lotissement des quartiers spontanés (qui occupent 60 % du territoire urbain et regroupent 70 % de la population) n’était pas nouvelle au Burkina Faso. Mais des expériences précédentes, très ponctuelles, le nouveau pouvoir dressa un Bilan négattif. De 1960 à 1980, les pouvoirs publics n’ont loti que 1, 04 ha.,  soit 52 hectares par an, alors que dans le même temps, la superficie des quartiers spontanés augmentait de 210 ha par an, soit quatre fois plus vite. En 1980, 3.300 ha seulement, sur 8.000, sont lotis et 3.207 parcelles seulement ont été loties dans les quartiers spontanés.

Face à ce constat d’inefficience des gouvernements passés, le pouvoir révolutionnaire se faisait fort d’apporter la démonstration de son efficacité. Il s’agissait donc d’agir vite et fort : la DEUTC (Direction générale de l’urbanisme, de la topographie et du cadastre) fut ainsi chargée en 1984 d’élaborer un SDAU (Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme) qui permetterait de maîtriser totalement le développement de Ouagadougou jusqu’à l’horizon 2000, de manière à juguler l’extension anarchique de l’habitat spontané.





Le SDAU prévoyait donc le lotissement de 60.000 parcelles d’ici à l’an 2000 (parcelles rectangulaires de 300 à 400 m2, soit 20 x15 m ou 20 x 20 m.), de manière à agir à l’échelle de l’ensemble de l’agglomération et à loger chaque ménage (81.000 furent recensés en 1985) sur une parcelle. Fin 1987, le pouvoir put faire état de la réussite de cet objectif : en deux ans (1985-87), plus de 60.000 parcelles avaient en effet déjà été loties à cette date. Mais encore faut-il savoir à quel prix, politique pour lui, économique et social pour les populations concernées, c’est-à-dire, aussi, pour l’Etat lui-même ... ! Si l’on prend en considération, en effet, le point de vue de ces dernières, force est de constater les effets pervers objectifs d’une politique arbitrairement décidée d’en haut, sans consultation véritable des principaux intéressés.

Il suffit pour s’en convaincre de considérer quels fixent les critères d’attribution d’une parcelle lotie et d’obtention du PUH (Permis urbain d’habiter) qui en garantissait la jouissance définitive :
  • être propriétaire de la parcelle qu’on occupait (les non propriétaires devant être relogés après, mais il n’était pas précisé quand ni à quelles conditions) ;
  • être âgé d’au moins dix-huit ans ;
  • avoir des constructions sur la parcelle à lotir ;
  • ne pas être détenteur d’une autre parcelle déjà lotie dans la ville ;
  • verser un droit d’entrée de 25 O00 F. CFA (500 FF) ;
  • mettre en valeur la parcelle attribuée (reconstruire en dur) ;
  • acquitter un droit de 300 F. CFA (6 FF) par m2.

La prise en compte de ces conditions met en évidence un premier paradoxe de taille : si l’on considère en effet que le choix de la rénovation était officiellement commandé par des raisons de moindre coût par rapport aux opérations de réhabilitation et de restructuration, il faut bien admettre que l’on se trouvait-là en présence d’un quiproquo qui ne trompe guère que les naïfs, car force est de constater qu’en l’occurrence, s’il y avait moindre coût, c’est au bénéfice de l’Etat, promoteur de l’opération, mais non pas de celui des prétendus bénéficiaires. Non seulement le coût de l’opération était reporté sur eux, mais, de surcroît, celle-ci leur coûtait en plus la destruction des investissements qu’ils avaient réalisés précédemment, que ce soit sous la forme de l’achat de la parcelle ou sous la forme des constructions qu’ils y avaient faites ! En effet, la moindre visite sur le terrain, même superficielle, montrait que le nouveau plan en damier avec normalisation de la taille des lots ne coïncidait jamais avec l’ancien parcellaire, si bien que même si l’on avait la chance de ne pas avoir à se déplacer, les limites de la parcelle lotie ne correspondaient plus avec celles de l’ancienne, ce qui condamnait à en détruire de toute façon le bâti existant, soit parce qu’il se retrouvait en porte-à-faux, soit, le plus souvent, parce qu’il était, en tout ou en partie, hors des nouvelles limites.

Au niveau micro-économique, le lotissement représenta donc un véritable sinistre pour une population composée dans sa grande majorité de petites gens aux revenus faibles ou intermittents [3] des bâtiments d’habitation dans un délai d’un an.

Au niveau macro-économique, le lotissement n’en apparut pas moins incohérent, puisqu’il revint à détruire du capital accumulé par l’épargne populaire et, dans le même temps, à contraindre celle-ci à devoir s’investir à nouveau dans de nouvelles dépenses de construction alors qu’une partie aurait pu se porter ailleurs, vers des dépenses plus productives, tout en la ponctionnant pour alimenter le financement de l’opération en même temps que les caisses de l’État ! [4]

Curieux procédé que celui qui consistait à détruire une partie de la richesse nationale (le parc immobilier) et à appauvrir une partie de la population pour financer une opération de prestige urbanistique et d’affirmation du pouvoir d’Etat au nom d’une politique d’amélioration des conditions de vie des masses, en principe destinée à les gagner définitivement à la cause révolutionnaire, et dont le résultat effectif fut de les en détourner !

Bien loin, en effet, d’aiguiser la lutte des classes aux dépens des possédants, la rénovation souda dans une même protestation silencieuse gros et petits détenteurs de parcelles, propriétaires et locataires ou hébergés. Car, si certains perdirent plus que d’autres, tous se retrouvèrent lésés et tous furent devant la nécessité d’affronter une situation aggravée par la contrainte de la destruction et du réaménagement. Bien plus - autre paradoxe -, ce sont les plus modestes qui furent évidemment les plus frappés par la mesure : les hébergés et les locataires, parce qu’ils passaient après les propriétaires dans les listes d’attributaires et que leurs propriétaires ne pouvaient tout de suite reconstruire suffisamment de logements pour tous les garder, mais aussi les petits propriétaires de leur unique parcelle, parce que beaucoup d’entre eux, ne pouvant s’acquitter des droits d’entrée sur la nouvelle parcelle lotie, ou, à plus long terme, ne pouvant les mettres en valeur [5], furent condamnés de fait à quitter le quartier pour aller chercher un nouveau logement plus loin, c’est-à-dire au delà des limites de lotissement ! Si bien qu’en réalité, avec le lotissement, l’État révolutionnaire s’alièna sa base sociale naturelle, le petit peuple des villes, sans pour autant, bien entendu, se concilier les couches supérieures ou intermédiaires.

Quant à la lutte contre la spéculation, en ce domaine également, le lotissement fut porteur de conséquences contradictoires : la moindre visite rapide des quartiers périphériques de Ouagadougou montrait en effet que, à la limite des lotissements en cours, de vastes zones non encore urbanisées se couvraient dans le même temps de minuscules constructions cubiques d’une seule pièce, à l’évidence vides d’habitant, mais hâtivement construites dans l’attente de lotissement à venir.

Bien entendu, cette stratégie d’anticipation n’échappait pas aux responsables ; l’un d’entre eux reconnaissait ainsi qu’il y avait là une forme de "démocratisation de la spéculation" [6], celle-ci étant évidemment d’un coût moins élevé que la spéculation classique, dans la ville habitée. Pour autant, il lui fallait bien admettre que le lotissement, y compris dans ses effets d’"élargissement" de la base de la spéculation, avait pour conséquence l’exclusion des plus pauvres de la propriété des terrains urbains. Mais comme il le fit remarquer avec une franchise somme toute appréciable : " la ville a un prix. Celui qui ne peut y accéder n’a qu’à retourner au village pour y cultiver "!

Ainsi s’avouait, dans les propos de l’un de ses responsables, l’une des implications profondes de la politique urhaine: du pouvoir : exclure de la viIle les couches non solvables, impropres : à en consommer productivement l’espace et les seraïces,, inaptes, à en payer le mûr de la modernisation et de la modélisation ; comment, façonner une ville de producteurs-consommateurs-contribuables recensés, localisés, sédentarisés, fmés dans les limites d‘un espace quadrillé, lisible, rationnel.

La rénovation des quartiers centraux : une logique ségrégative

Pour que l’entreprise fut totale, on le voit, il ne manquait que d'organiser selon les mêmes principes tous les vieux quartiers plus ou moins populaires et populeux qui, occupant les espaces intermédiaires entre : la périphérie des pauvres ou des marginaux et le centre-ville du pouvoir ou Ies quartiers de luxe de la bourgeoisie, ont vocation à faire transition et écran à condition d’être réservés aux couches-tampons que sont les classes moyennes. Or c’est précisêment à cette exigence de rationalisation ségrégative qu’il faut bien qualifier de classiquement étatique et bourgeoise, en dépit de son habillage rhétorique révolutionnaire, qu’a répondu la rénovation des vieux quartiers centraux. C’est en effet dans cette seule perspective politique que cette rénovation trouvait sa cohérence, alors qu’elle était évidemment contradictoire avec l’objectif proclamé de la priorité aux besoins du "peuple".

En effet, parallèlement au lotissement massif des quartiers spontanés de la périphérie, le gouvernement lança dès 1984 un vaste programme de construction de logements dits "sociaux". Il s’agit des Cités An II, An III, An IV qui, à partir de cette année-là devaient ponctuer le nouveau cours révolutionnaire des choses et donner au centre-ville un aspect moderne et fonctionnel. Toutes ces cités répondaient à un objectif commun officiellement proclamé : comme le rappelait par exemple Sidwaya du 31 août 1984 à propos de la Cité An II, ce projet répondait à une préoccupation majeure et combien noble du CNR : celle de permettre à chaque Burkinabè d’avoir un logement décent et agréable.

Bien entendu, la réalité était loin de correspondre aux généreuses et idéologiques déclarations d’intention du pouvoir. D’abord parce que le nombre de logements construits (le programme biennal de juillet 1984 - juillet 1986 prévoyait la construction de 1 500 villas à Ouagadougou) était évidemment sans rapport aucun avec la demande globale. Ensuite parce que le coût de construction des logements les mettait hors de portée du plus grand nombre, y compris des petits salariés. La sélection fut donc sévère et les postulants à de tels logements se recrutèrent nécessairement dans la minorité des couches moyennes à revenus relativement élevés, celle qui, selon les termes mêmes utilisés pour définir l’un des principaux critères d’attribution, faisait preuve qu’elle disposait d’une capacité financière permettant l’engagement.

En dépit des critiques que ce type de réalisation suscita dans l’opinion et dont l’officieux Sidwaya se fit occasionnellement l’écho, tout en s’empressant d’y répondre dans sa langue de bois habituelle, le pouvoir n’en poursuivit pas moins sa politique de rénovation des vieux quartiers centraux et lui imprima même un rythme accéléré. En août 1986, à l’occasion du troisième anniversaire de la révolution, ce furent ainsi les quartiers de Tiedpalgo, Peuloghin et, pour une partie, Zangouettin, qui tombèrent sous le coup d’un déguerpissement prochain, prélude à l’édification de la "Cité An IV", opération d’autant plus spectaculaire qu’elle touchait cette fois des vieux quartiers populeux et commersants du centre-ville, entre la zone commerciale et l’aéroport. Le déguerpissement fut donc inévitablement vécu comme une véritable catastrophe économique et financière par ceux qui en furent les victimes. Victimes d’autant plus amères, que les conditions pratiques en fixent particulièrement expéditives : pour Tiedpalgo, Peuloghin et Zangouettin en août 1986, comme pour Bilibamtjili en août 1985, la mise en demeure d’avoir à déguerpir fut assortie d’un délai de deux mois seulement pour récupérer ce qui pouvait l’être, déménager, trouver une solution d’hébergement, de location ou tenter de reconstruire ailleurs ... en zone spontanée !

Mais ce fut aussi un véritable sinistre affectif, familial, sociologique que subirent encore les déguerpis : il fallut abandonner les lieux auxquels on était attaché, le tissu de relations familiales et sociales au sein duquel on trouvait sa sécurité matérielle et affective, l’environnement économique des fournisseurs et des clients auxquels on était habitué. En effet, le lotissement, avec ses effets d’expulsion partielle et de dispersion des groupes locaux, notamment les familles étendues, et à fortiori la rénovation qui était un déguerpissement de fait, ne pouvaient que mettre en péril toutes les formes de regroupement, et au premier chef celles qui ont une base coutumière : associations d’originaires, de défense des coutumes, groupes de danse... Mais toutes étaient en fait menacées, non seulement par les dispersions résidentielles et la sectorisation de l’espace urbain, qui taillait à travers les limites des anciens quartiers et redistribuait ceux-ci, mais également par le fait que l’Etat imposait leur substitution par ses propres institutions d’encadrement, de contrôle et de relais de son pouvoir.

Sidwaya du 25 août 1986 reconnaisait ainsi que, dans les quartiers détruits pour faire place à la Cité An IV, notamment à Tiedpalgo, il y avait une "forte concentration duns les concessions" et qu’à Zangouettin, "on peut encore passer d’une concession à une autre, d’un bout du quartier à l’autre, sans avoir besoin de sortir de la rue". Dans le même article, il était fait état du voeu des habitants pour un relogement en bloc : " En outre, compte tenu des liens solides qui se sont tissés entre les familles ou les groupes au fil des ans, il était souhaité que, dans la mesure du possible, l'on attribue à la majorité des habitants un même site où ils pourraient se retrouver ". Constat qui débouchait sur l’aveu indirect de l’un des enjeux essentiels de cette politique urbaine : " En somme, c’est la question de la cohésion sociale qui est ici posée ..." Quoiqu’il proclama sa volonté de rompre avec l’impérialisme et de promouvoir le développement selon des voies originales, force est de constater que le modèle qui inspirait plus ou moins explicitement la politique urbaine du pouvoir révolutionnaire était d’un classicisme très occidentalo-centrique dans son inspiration à la fois bourgeoise et jacobine. On y retrouvait associés en effet les modèles essentiels qui ont forgé la ville européenne moderne :
  • le modèle haussmanien : le quadrillage aéré de l’espace urbain facilite le contrôle, la surveillance et, éventuellement, la répression;
  • le modèle de la cité ouvrière conçue par l’idéologie hygiéniste de la deuxième moitié du 19e siècle : fixé sur sa parcelle, identique à toutes les autres, le citadin y apprend les nouvelles disciplines de sa soumission à l’autorité centrale (notamment par sa participation aux travaux d’intérêt collectif), de son enfermement vertueux dans la cellule conjugale et de sa sédentarité laborieuse, à laquelle il ne manque même pas le jardin-ouvrier, puisque le pouvoir, sitôt le lotissement achevé, entendait faire appliquer le mot d’ordre " à chaque ménage, son potager" ;
  • le modèle technocratique, plus récent, de la cité moderne, gérée bureaucratiquement, avec sa population, son cadastre et ses ressources fixées, répertoriées, planifiées et informatisées ; informations mathématisées sur la base desquelles peuvent être programmés impôts fonciers, taxes d’habitations, patentes, schémas directeurs, plans d’occupation des sols, zones d’aménagement prioritaires, pôles de croissance, etc., le tout conçu à partir d’une direction centrale, localisée dans un centre-ville hérissé de monuments architecturaux affichant leur modernité et dominant des périphéries banlieusardes réduites à leur fonction de parc à usage résidentiel pour les couches populaires ;
  • un modèle plus spécifiquement "révolutionnaire", enfin, selon lequel le remodelage de l’espace urbain est l’un des moyens principaux de recompositionc radicale de la société sous l’impulsion et le contrôle exclusif de l’Etat. On l’a constaté, cette recomposition passe par des transferts de fait de la population, transferts qui finissent par assigner à chaque couche sociale une localisation stratégique précise au sein d’un espace urbain remodelé comme un casernement. Elle passe en effet par l’imposition d’un urbanisme à visée explicitement panoptique ; les jeunes jacobins de la révolution sankariste étaient, sans le savoir, des disciples de Jeremy Bentham avec son panopticon paradigmatique tel que M. Foucault l’analysait dans Surveiller et punir : au centre du dispositif, l’appareil d’Etat dans son QG à même de tout voir et de tout contrôler, car les blocs dans lesquels seraient désormais assignées à résidence les différentes couches de la société doivent venir s’aligner en bordure de rue, en fonction d’un quadrillage implacable de voies primaires, secondaires et tertiaires rigoureusement hiérarchisées, délimitant un parcellaire strictement homogène, unidimensionnel, aéré, transparent et, pour tout dire, cellulaire, à l’image même d’un vaste camp militaire. A ce tableau, il ne manquait même pas les subdivisions régimentaires que constituait le découpage de l’espace urbain en secteurs commandés depuis les permanences des CDR, elles-même en position panoptique au milieu des populations locales.

Cet urbanisme de la table rase, dont il faut bien comprendre que, de la ville antérieure, i1 ne conservait que les seuls Plots de modernité fonctionnelle (grands équipements publics, immeubles, quartiers résidentiels de luxe), mais que, pour le reste, y compris la zone commerciale et les quartiers anciens du centre ville, il entendait ne rien épargner, témoignait d’une sorte de passion rationalisatrice et utopique jusqu’au-boutiste, au creux de laquelle l’observateur le plus impartial et le mieux disposé a priori à l’égard des idéaux proclamés de justice sociale et d’indépendance nationale, doit bien finir par percevoir une souterraine mais incontestable logique totalitaire.

La politique urbaine, " analyseur " de la révolution

N’oublions pas en effet que cette rénovation totale, qui faisait alterner les vastes champs de ruine, les chantiers en cours et les nouveaux lotissements, et qui fut menée à coups d’opérations "commando" selon la terminologie officielle elle-même, se déroula à l’échelle de l’agglomération tout entière et se concentra, pour l’essentiel, sur une période de trois ans (de 1984 à 1987) seulement ! N’oublions pas non plus, derrière le triomphalisme des résultats statistiques dont se prévalaient les responsables burkinabè, la réalité concrète et matérielle de ce qu’il faut bien considérer comme un coup de force permanent mené par l’Etat révolutionnaire contre une société civile violentée et contre une population véritablement sinistrée, tant par la perte de son capital foncier et immobilier antérieur que par la dislocation des liens familiaux et sociaux consécutive aux déplacements et aux délocalisations engendrés par la rénovation.

En fin de compte, la politique urbaine menée par les jeunes jacobins de la révolution burkinabè constitue un excellent "analyseur" de cette révolution en général : elle en dévoile les lignes de force et les contradictions. Elle fait apparaître en effet que les objectifs proclamés de justice sociale, d’amélioration prioritaire du sort des "masses" populaires, d’éradïcation des privilèges indûment appropriés par les minorités dominantes "féodalité" mossi, bourgeoisie d’Etat, bourgeoisie d’affaires et même petite bourgeoisie de la Fonction publique et de redistribution égalitaire des ressources nationales, pour populaires qu’ils furent durant les deux premières années de la révolution, sont très vite passés au second plan, au bénéfice de ce qui devint le premier et obsessionnel souci des nouveaux dirigeants : construire un Etat fort, centralisateur, régnant sans partage sur une société domestiquée, accouchée au forceps en société civile totalement prise dans le maillage serré de l’appareil d’Etat, transparente et soumise, mobilisable et mobilisée en permanence sur les mots d’ordre du pouvoir.

Seule, en effet, la prise en compte de cette passion étatique reléguant tout le reste au second plan, - au magasin des accessoires idéologiques -, permet de comprendre les radicales antinomies de la politique urbaine : au nom du logement pour tous, la destruction de fait des quartiers populaires et l’expulsion des fractions les plus pauvres de leurs populations ; au nom de la justice sociale, l’aménagement ségrégatif de l’espace urbain selon un modèle typiquement bourgeois qui réserve la ville "moderne" aux catégories "solvables" (comme le reconnaissait sans fard, rappelons-le, un haut responsable de la politique urbaine) ; au nom de la mobilisation des ressources nationales et de la priorité à l’investissement productif, la destruction d’un capital cristallisé dans le parc immobilier existant et la stérilisation de l’épargne populaire condamnée à s’investir à nouveau dans l’accession aux parcelles loties et dans la reconstruction ; au nom de l’accroissement de la richesse nationale, l’accaparement par l’Etat d’une partie de l’épargne populaire directement prélevée sous la forme de la perception des droits d’entrée sur les parcelles loties, indirectement prélevée sous la forme des droits d’entrée sur les matériaux importés quand, simultanément, la rénovation-destruction diminuait directement et indirectement les ressources de tous et surtout des plus pauvres ; au nom de la lutte contre la spéculation foncière, la dépossession des petits propriétaires, le gel des investissements locatifs et l’engendrement de nouvelles pratiques spéculatives qui restaient accessibles aux plus riches...

Du même coup, la révolution perdait ses deux assises "naturelles" en milieu urbain : d’une part, sa base nationaliste, plus large que sa base sociale, s’effritait car tous ceux que séduisit au premier chef son idéologie anti-impérialiste d‘auto-suffisance, de développement auto-centré et de modernisation - l’intelligentsia, les jeunes technocrates, les cadres moyens, les salariés du secteur public, les ouvriers - ne perçurent bientôt plus que la réalité de la dégradation de leur niveau de vie, de la perte de leurs libertés et de la destruction des instruments de leur capacité à intervenir dans les affaires publiques ; d’autre part, le noyau dur de sa base sociale : tous ceux que séduisirent les thèmes du pouvoir du peuple et pour le peuple, de la lutte contre les privilégiés et pour la justice sociale, mais que pouvaient laisser indifférents les atteintes aux libertés - (prolétaires des villes et des campagnes, chômeurs, travailleurs intermittents, paysans pauvres, ruraux prolétarisés en quête d’un logement et d’un emploi), ne perçurent bientôt plus que la réalité du travail quasiment forcé, des denrées agricoles en hausse, des prélèvements monétaires accrus, des logements détruits, des terres expropriées, sans que cela fut compensé par une véritable amélioration des conditions de vie et de l’emploi.

En fin de compte, l’échec de Thomas Sankara fut celui d’une tentative révolutionnaire estimable en soi, mais dont les objectifs les plus légitimes et les plus authentiquement populaires furent rapidement oblitérés par l’objectif de construction d’un Etat omniprésent, capable d’affirmer son hégémonie à tous les niveaux de la société et, à cette fin, lancé dans une perpétuelle fuite en avant, dont on ne peut passer sous silence qu’elle impliquait une dérive totalitaire : destruction de tous les contre-pouvoirs, traditionnels ou modernes, encadrement et contrôle serré de la population, mobilisation incessante des esprits et des corps pour forger l’homme nouveau requis par les temps nouveaux, mobilisation de la force de travail et des ressources, destruction des anciennes territorialités urbaines au profit d’un quadrillage rigoureux de l’espace et d’une re-territorialisation étatique dont il serait naïf (ou, au contraire, roué !) d’ignorer la logique policière, bureaucratique et ségrégative, porteuse d’une recomposition radicale des formes de sociabilité préexistantes, accoucheuse par la violence d’une société civile entièrement domestiquée et irrémédiablement coupée de ses anciennes racines traditionnelles, détachée de ses vieilles habitudes "archaïques" ou "formellement démocratiques", entièrement identifiée désormais à la raison d’État au nom d’une utopie révolutionnaire au creux de laquelle on a appris, aujourd’hui, à débusquer l’utopie totalitaire.


Alain Marie
Université de Paris I
IEDES



NOTES

[1] Ainsi, le grand réformateur Hugo Chavez considéra véritablement les problèmes des bidonvilles et de l'habitat social qu'en 2010, après plus de dix années d'exercice présidentiel et dans un contexte de prochaine élection.

[2] Né à Yako le 21 Décembre 1948, en pays mossi, il est silmi-mossi, une ” sous-classe ” méprisée par les féodaux mossi. Son père, Peul, est un tirailleur voltaïque, combattant ” volontaire ” qui a servi la France sur trois continents. De ses souvenirs d’enfance, il racontait avec humour les jours où son père se retrouvait en prison par sa faute. Comme la fois où, jeune frondeur, il s’était rendu aimable envers un enfant blanc dans l’espoir qu’il lui prête sa bicyclette et l’avait finalement prise sans autorisation pour faire le tour du village. Jeudi noir

Lors de l’anniversaire de la révolution, le 4 août 1987, Thomas Sankara fait un bilan. La révolution est une réussite entachée d’erreurs et de tâtonnements. Le peuple l’a suivi mais il sent bien qu’il faut faire une pause. ” Il vaut mieux faire un pas avec le peuple que cent pas sans le peuple. ” Le chef d’Etat annonce alors un adoucissement politique qu’il ne pourra amorcer : le jeudi 15 octobre 1987, il se fait mitrailler par un commando sur le parvis du Conseil de l’entente, siège du CNR, avec une douzaine de ses collaborateurs. Blaise Comparoé, ami fidèle et bras droit, prend alors le pouvoir, déniant être à l’origine de cet assassinat, attribué à la France de Mitterand [président] et Chirac [premier ministre], via, selon certains témoignages [l'épouse de Sankara], Khadafi.

[3] A Nonsin-Wagadogo, par exemple, seul le tiers des chefs de ménage (les 15 % de commerçants, les 18 % d’employés, enseignants et militaires) disposait de revenus réguliers et décents, quoique modestes. Quant aux autres, (cultivateurs : 28 % ; artisans : 10 % ; chauffeurs et gardiens : 8 % ; manoeuvres : moins de 5 % ; ménagères, chômeurs et divers : 16 %) leurs revenus sont toujours très faibles et souvent intermittents.

[4] Les taxes de jouissance payées par les attributaires des parcelles loties furent ventilées selon l’affectation suivante : 25 % pour alimenter les fonds pour l’opération de lotissement, 25 % pour le budget communal et 50 % pour le budget de l’Etat !

[5] Une enquête réalisée en 1983-1985 à Tanghin, quartier spontané au nord de la ville, constatait : l’argent est si rare que le moindre investissement est démesuré. Déjà le premier versement de 25 O00 f. CFA semble très difficile à plus de la moitié de la population. D’après l’enquête, 5890 des personnes interrogées répondaient qu’elles ne pourraient payer les 25 O00 f. CFA (CE J.- L. Camilleri, Evolution d’une stratégie populaire. Perception du lotissement dans un quartier spontané de Ouagadougou, Université de Ouagadougou, ESLSH, avril 1985, rap. ronéotypé).

[6] Entretien effectué en avril 1988.

SOURCE

A propos de Thomas Sankara  Africansuccess.org

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