New York | Block-out total 1965 / 1977 / 2003 |
Comment
rendre inutilisable une ligne de TGV,
un
réseau électrique ?
Le
comité invisible
L'insurrection
qui vient
Le Sunday Times, dans son édition du 9 septembre 2012,
annonçait qu'Israël songerait à lancer une frappe IEM –
plusieurs bombes à impulsion électromagnétique - contre l'Iran
afin de contraindre ses dirigeants à mettre un terme au programme
nucléaire. Une telle frappe, interdite par les traités
internationaux, pourrait renvoyer l'Iran à l'« age de pierre »
selon les experts militaires américains.
Les
métropoles mondiales n’ont jamais été aussi puissantes alors
même que leur risque de vulnérabilité n’a jamais été aussi
fort et aussi grand ; leur approvisionnement en électricité est l'un de leurs points névralgiques. Les
Etat-majors militaires le
place au centre de leurs recherches – les bombes à impulsion
électromagnétique (IEM ou EMP electromagnetic pulse) –, de leurs
stratégies – démoralisation des habitants -, mises en pratique notamment en Irak. En considérant les dernières guerres
engageant un ou plusieurs pays de l'Occident, l'on constate cette
même stratégie s'appuyant sur le concept de paralysie qui
consiste à priver d'électricité les grands centres
urbains, en prenant pour cibles, selon le degré de paralysie
souhaitée, les centrales électriques, les transformateurs ou le
réseau de distribution, ou tous à la fois.
La
guerre en Irak est l'exemple concret d'une guerre médiatiquement « propre »,
dont l'objectif est d'atteindre aussi efficacement que possible les
populations urbaines, un objectif de démoralisation, non plus
par des bombardements intensifs – comme au Vietnam -, mais par des bombardements ciblés contre les centrales électriques, alimentant les pompes des puits
d'eau, le réseau d'eau potable, les stations d'épurations, les
congélateurs industriels de stockage de nourriture, les
hôpitaux, etc., jusqu'aux plus simples ustensiles électro-ménagers. Les
privations et les conséquences dues à une paralysie électrique
générale de grande envergure doivent agir ainsi directement sur le
moral, le mécontentement et la peur des populations. Dans ce cadre
de guerre psychologique en milieu urbain, les services secrets
anglo-saxons et israéliens ont développé des méthodes basées sur
l'usage viral des téléphones portables et peuvent désormais
choisir de protéger les infrastructures de télécommunication –
qui étaient jusqu'à présent une cible essentielle - : un scénario
digne d'un film catastrophe, pour plonger la population d'une ville
dans la confusion, voire dans une panique collective, contaminante
tel un virus, et s'auto-alimentant sans cesse via le portable...
Les militaires ne sont pas les seuls à s'intéresser aux centres de
production d'électricité. Les révolutionnaires du monde entier
prennent également pour cible l'alimentation en électricité dans le but d'une propagande par le fait, éclairant
la population de leur force de frappe, de leur détermination et des
faiblesses d'un gouvernement, incapable d'assurer la sécurité. Des
guérilleros du commandant Guevara dont les ordres sont de contrôler le réseau de distribution d'électricité des
villes qu'ils investissent lors de son offensive de Santa Clara en
1958, aux révolutionnaires péruviens des années 1990 faisant
sauter des pylônes de ligne à haute tension, le contrôle ou la
paralysie électrique d'une ville est une arme stratégique et
hautement symbolique.
Entre destruction militaire et propagande révolutionnaire,
s'immisce la stratégie d'intimidation ou de représailles d'État
« terroriste », dont l'objectif est de contraindre les
forces adverses à se soumettre à leur volonté ; comme ce fut le
cas en 2006, lorsque Israël prit pour cible la centrale électrique
de Gaza, l'endommageant gravement, un acte de pure vengeance, selon nombre d'experts militaires.
Les
bombes
à
impulsion
électromagnétiques
Une
impulsion électromagnétique (IEM), plus connue sous le nom EMP (de
l'anglais electromagnetic pulse) est une émission d'ondes
électromagnétiques brève et de très forte amplitude qui peut
détruire ou endommager n'importe quel appareil électrique,
électronqiue, sous-tension et non-protégé, et brouiller pendant un
temps plus ou moins long les télécommunications, les radars et les
systèmes de détection. L'originalité
des armes électromagnétiques réside dans le fait qu'ayant atteint
un sous-élément conducteur de l'électricité, leur action peut se
trouver propagée à distance par les conducteurs, les cables
auxquels il se trouve relié.
Ce
type d'impulsion a été découvert en 1945 lors d'essais nucléaires
américains, en tant qu'effet secondaire d'une bombe atomique. Les
bombes à impulsion électromagnétique, pouvant détruire ou
gravement endommager le moindre appareil électrique non-protégé,
sur des zones plus vastes qu'une mégapole, ont des conséquences
aussi dévastatrices qu'une bombe nucléaire classique, et
condamneraient les habitants d'une grande mégapole, privés
d'équipements électriques et électroniques, à une mort certaine,
à moins d'une évacuation totale. À ce titre, ce
type d'arme est considéré en tant que tel et soumis aux conventions
internationales, qui limitent leur utilisation.
Il
existe deux types de bombes créant des IEM. La plus simple et
ancienne tire profit d’un explosif générant un important champ magnétique,
généralement lors de l'explosion d'une bombe atomique en haute altitude
(400 kilomètres) ; la seconde utilise un générateur de micro-ondes
de haute puissance.
IEM
non-nucléaires | Electronic Bomb
L'utilisation
de bombes atomiques en haute altitude comporte bien des limites –
éthique, politique -, et est frappée de lourdes restrictions par
les conventions internationales ; stimulant autant les savants
militaires à inventer le Générateur
magnéto-cumulatif, générant
une impulsion électromagnétique d'origine non-nucléaire,
permettant
moins d'effets mécaniques, thermiques et de rayonnements ionisants.
Un des
avantages d’un tel concept est de disposer d’une arme «
conventionnelle » non létale, non interdite par les traités
internationaux, et d'éviter les néfastes conséquences politique et médiatique.
Un autre avantage
tout aussi important est leur prix de construction relativement bas.
Les
plus récents progrès scientifiques militaires permettent à présent
d'embarquer un nouveau type de générateur
de taille réduite, les E-bombs [Electronic Bomb], sur un missile de croisière, un
drone, une bombe aérienne, ou un obus classique de gros calibre tiré
d'un char lourd, qui serait en mesure de neutraliser tous les
systèmes électroniques, de communication, de détection sur une
superficie de quelques centaines de mètres selon la charge. La
précision n'est plus autant déterminante, les ogives devant
exploser dans l'atmosphère, à quelques centaines de mètres
au-dessus de l'objectif ou de la zone, et non l'atteindre
directement. Enfin, l'armée américaine dispose très certainement
aujourd'hui de grenades de ce type, susceptibles d'arrêter un tank
en détruisant son système électronique.
Les
nations restent en général très discrètes sur leur recherches
récentes concernant les IEM non-nucléaires et leur utilisation.
Mais l'on sait que Boeing et l’US Air Force, depuis 2009,
expérimentent un missile « EMP » ou HPM pour High Power
Microwaves, appelé CHAMP pour Counter-Electronics High-Powered
Microwave Advanced Missile Project. La puissance de la charge devrait
être fantastique. En janvier 2012, Boeing a annoncé avoir obtenu un
contrat de 38 millions de dollars pour la poursuite du développement
de ce programme. Tandis que les
scientifiques militaires russes et chinois, dans les sources
ouvertes, décrivent les principes de base des armes nucléaires
spécialement conçus pour générer un accroissement de l'effet IEM,
qu'ils appellent armes "Super-IEM". Ces armes, d’après
eux, peuvent même détruire les meilleures protections des systèmes
électroniques militaires et civils américains.
Conséquences
Les
effets d'une IEM d'origine nucléaire, dépendent de nombreux facteurs notamment de
l'altitude à laquelle la bombe va exploser et de sa puissance. Une
bombe qui explose à haute altitude (IEM-HA ou HEMP en anglais)
provoque une IEM bien plus étendue qu'une explosion près du sol. Les conséquences d'une telle bombe sont difficiles à évaluer mais on estime qu'elles peuvent être considérables : un seul engin de forte puissance, explosant en haute atmosphère peut affecter les appareils électrique et électronique d'un pays aussi vaste que les Etats-Unis, en théorie.
Les
hypothèses des conséquences d’une
explosion électromagnétique non-nucléaire de moindre puissance,
sont multiples : le
réseau de distribution électrique serait endommagé à l'échelle
d'une région, affectant les
centrales nucléaires et électriques. Tous
les équipements électriques et électroniques - donc informatiques
- seraient détruits ou endommagés, même ceux utilisant des
courants induits modérés. En outre, les ondes radio et radar sont
interrompues pendant un temps qui peut se chiffrer en minutes, voire
en heures. Les communication radio seraient alors impossibles.
Une attaque massive d'IEM pourrait ainsi paralyser l’activité économique, industrielle
et donc sociale d’une ville, d'une mégapole, d'un pays et cela sans s’en prendre – du moins
directement – à la vie de ses habitants, ni même aux bâtiments.
On imagine combien est grande la vulnérabilité à l’IEM d’une
société largement informatisée et des armées équipées de
matériels sophistiqués bourrés d’électronique, quand on voit
les effets que peut produire la foudre sur un appareil électronique
domestique insuffisamment protégé.
Concernant
les conséquences sur l'être humain, les
bombes IEM d'origine non-nucléaires, peuvent aussi causer des
dommages en perturbant les connexions neuronales provoquant une perte
de conscience temporaire, ou la mort, si le sujet se trouve à
proximité immédiate d'une source puissante. Des journalistes soupçonnaient fortement ces armes d'avoir provoqué les mystérieux malaises de très nombreux soldats américains des champs de bataille de la seconde guerre en Irak. Le Pentagone ne donna aucune explication sérieuse. Le commandant
Fourdrinier de l'Armée de l’air, évoquait à ce propos que :
« Quant
à ceux qui penseraient être en présence d’une arme non-létale,
il convient de préciser qu’étant donné les niveaux de puissance
générés, tout être vivant surpris à découvert dans la zone
d’efficacité d’une e-bombe risque de subir exactement le même
sort que le grain de maïs placé dans le micro-onde de la cuisine et
qui se métamorphose alors en ''pop-corn'' ! »
Bien évidemment, les centres de commandement militaire sont prémunis contre de telles attaques : blindage étanche, fibre optique – plutôt que câblage métallique - et autres technologies les mettent à l'abri du danger ; et préventivement, des pièces de rechange sont stockées concernant le matériel susceptible d'être affecté. En principe les dispositifs militaires sont censés être protégés. Mais on ignore en fait quelle serait leur capacité de résister à un effet EMP "vraie grandeur".
Futur
Bernard
Fontaine, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de
la chose, déclarait dans une interview de 2012 que
les armes non létales, dont les IEM, sont aujourd'hui à l'honneur :
« C’est
la tendance « lourde » pour le futur, principalement pour
des raisons « éthiques ». il s’agira de plus en
plus du contrôle des foules ou d’assaillants par laser (dazzler)
(effet d’éblouissement) ou faisceaux de micro-ondes (ADS)
(sensation de brulure sur la peau). Il s’agira aussi de la
neutralisation de réseaux électroniques par effet EMP pour
remplacer les bombardements « classiques » (effet de
destruction d’infrastructures militaires ou administratives
sensibles sans victimes et sans destruction de bâtiments). »
Le
commandant Fourdrinier, estime que :
Son
aspect conventionnel, son coût modéré, ses dommages collatéraux
restreints en terme de pertes humaines, facilitent la prise de
décision concernant son emploi. Elle bénéficie bien sûr des
qualités propres à l’arme aérienne qui la met en œuvre :
souplesse d’emploi, mobilité, rapidité d’action, frappe dans la
profondeur, réactivité, flexibilité, adaptabilité, précision.
Plus
encore, la variété des objectifs qui peuvent être traités et le
degré ajustable des conséquences engendrées permet d’envisager
l’utilisation de la e-bombe dans le cadre d’une stratégie de «
riposte graduée ». Une frappe IEM initiale paralysante aux effets
limités et réversibles permet de stabiliser une situation,
d’affirmer une volonté politique, d’accorder du temps à la
diplomatie et de donner un avertissement crédible.
L’importance
des objectifs traités et le rythme auquel les frappes sont réalisées
permet de moduler le signal politique délivré, depuis le simple
coup de semonce localisé jusqu’à la frappe stratégique globale
et simultanée. Le même principe peut être appliqué en réaction à
l’attitude d’un état qui adopterait une stratégie indirecte
avérée de soutien à des groupes terroristes ou à des guérillas
transnationales. L’arme HPM permet de délivrer une sanction
proportionnée à la basse intensité de l’agression, ménageant
les opinions internationales mais contraignant les régimes impliqués
à revoir leur politique, eu égard aux pertes encourues.
En
conclusion, il faut retenir que la ebombe est une arme de destruction
électrique massive. Sa relative simplicité et sa létalité sur la
technologie adverse en font une arme « à haute valeur ajoutée ».
Elle permet d’agir sur des zones étendues en modulant les effets
et en minimisant les pertes humaines. Elle renforce de ce fait
l’utilité de l’arme aérienne en tant qu’instrument politique.
IRAK
: Théorie des cinq cercles
Les
bombes à impulsions électromagnétiques ont le considérable
inconvénient d'endommager irrémédiablement les circuits
électroniques de chaque appareil non-protégé, militaire ou civil ;
une efficacité redoutable mais peu compatible à grande échelle,
avec le concept plus important de se concilier le coeur
des populations civiles, et celui d'une reconstruction à ce point
difficile et prodigieusement coûteuse. Les guerres en Irak, menées
par l'Occident, seront donc « classiques », même si les
stratégies employées s'appuyaient sur de nouvelles conceptions et
un armement inédit sur un champ de bataille : les missiles
équipés de E-bombes étaient à cette époque opérationnels. Des
experts militaires exprimaient en 2004 l’idée que l’US
Army ait utilisé des missiles dotés de E-bombes pour neutraliser
les bunkers de Saddam Hussein, situés en sous-sol.
Le
Colonel John A. Warden, de l’US Air Force, un des concepteurs de la
stratégie de bombardement stratégique de la Coalition durant la
guerre du Golfe depuis la fin des années 1980, sera très intéressé par l'e-bombe, particulièrement adaptée
pour les conflits impliquant un ennemi structuré, technologiquement
développé, doté d’une société civile organisée, c’est-à-dire
une cible de prédilection pour la e-bombe. Warden établira sa
célèbre théorie des cinq cercles basée sur la
considération que « l'ennemi est un système » constitué de cinq
cercles, ou cinq anneaux concentriques, qui attribue une valeur peu
déterminante – selon les pays toutefois et notamment en cas de
guerre asymétrique - aux forces armées :
1er cercle : le
commandement
2e cercle : les
éléments organiques essentiels (production d'énergie, fourniture
de carburant, approvisionnement en nourriture et finances)
3e cercle :
l'infrastructure, principalement les structures de communication
physiques (routes, ports et aéroports)
4e cercle : la
population (qui assure la protection et le soutien des dirigeants)
5e cercle : les
forces armées ennemies
Selon
Warden, il s'agit en fait d'un schéma d'organisation générique,
valant aussi bien pour le « corps humain » qu'un « État
industrialisé, un cartel de la drogue ou une compagnie d'électricité
» [1]. Ce schéma n'a pas en tant que tel comme objectif de définir
une théorie des organisations que de fournir un outil d'analyse dans
le cadre d'une réflexion utilitariste (coût/bénéfices) permettant
de savoir quel coût ou dommages est capable d'admettre un ennemi
afin d'effectuer une action déterminée : la guerre est ainsi conçue
principalement comme moyen de forcer un ennemi à faire ou ne pas
faire quelque chose, à l'encontre de sa volonté. Le schéma
concentrique permet, selon lui, de démontrer trois choses : en
premier lieu, que tous ces éléments forment un système compact ;
que ce système est hiérarchisé : un soldat de base, qu'il soit de
la mafia ou de l'armée américaine, n'a pas les mêmes pouvoirs
qu'un général ou un parrain ; et enfin, que les opérations
militaires doivent viser à « changer l'état d'esprit de l'ennemi »
et donc à influencer, directement ou indirectement, sur le premier
cercle, celui du commandement :
« Contrairement à
Clausewitz, la destruction des armées de l'ennemi n'est pas
l'essence de la guerre ; l'essence de la guerre est de convaincre
l'ennemi d'accepter votre position, et combattre ses forces
militaires est au mieux un moyen pour une fin, au pire un gaspillage
total de temps et d'énergie. »
Selon
cette théorie, il est nécessaire de frapper l'un ou quelques-uns de
ces cinq cercles (et plus particulièrement leurs points décisifs
selon les pays ou les forces en présence), ou autant que possible le
plus possible d'entre eux, afin de paralyser durablement les forces
ennemies. Cette frappe doit se faire idéalement par bombardement
aérien, permettant à l'attaquant de minimiser ses propres pertes.
Les armées ennemies deviennent alors des « appendices inutiles ».
L'aviation
et la destruction des infrastructures
La
théorie de Warden se fonde sur l'aviation comme force principale et
de la précision grandissante des armes, notamment les smart bombs ou
precision-guided missiles (PGM), et sur les E-Bombs. Elle refuse
toute attaque directe sur les civils, mais considère comme objectif
fondamental la destruction de l'infrastructure assurant la survie de
la population, ou de l'organisation sociale, c'est-à-dire les
services d'électricité, d'eau, de gaz, les médias, etc. Le
commandant Fourdrinier analysait ainsi la
stratégie de Warden :
La
e-bombe permet d’attaquer efficacement un grand nombre de
constituants de ces cinq cercles. Considérons le premier cercle, à
savoir les structures gouvernementales et les moyens civils et
militaires. Les bureaucraties modernes fonctionnent grâce à des
réseaux denses de micro-ordinateurs et de banques de données. Les
ordres transmis le sont souvent sous forme numérique, via les média
utilisant cette technologie (téléphone, télévision, liaisons de
données,…). Les outils d’analyse et d’aide à la décision
reposent également sur des outils informatiques. Une HPM détruira
toute la structure de commandement d’un seul coup, et les câbles
du réseau seront autant de vecteurs qui propageront l’impulsion
mortelle à l’ensemble du système (sauf s’il s’agit de
liaisons en fibres optiques). La destruction des données mémorisées
interdira tout retour à l’état initial, même après remplacement
du matériel endommagé. Ainsi, l’utilisation d’une arme HPM
contre les structures du premier cercle apporte une plus-value
considérable.
De
la même manière, les organes essentiels du deuxième cercle sont
vulnérables face à la e-bombe. Les industries pétrolières,
chimiques, manufacturières, les centrales à énergie, l’essentiel
des moyens de production modernes reposent sur l’utilisation
d’automates. Ces machines robotisées sont sensibles aux pics de
tension destructeurs générés par une HPM. L’attaque des
structures du deuxième cercle au début d’une campagne aérienne
stratégique permet de stopper les activités de production de
l’adversaire, le privant de toute capacité à durer.
Le
réseau d’infrastructure du troisième cercle présente également
quelques opportunités pour la e-bombe. En particulier, les réseaux
de transport peuvent être facilement désorganisés, voire stoppés
dans le cas du transport aérien très dépendant des infrastructures
au sol. On peut également supposer que les allumages électroniques
des véhicules, les postes d’aiguillage automatiques, les
instruments de bord des aéronefs seront mis hors d’usage. Une
attaque HPM sur le troisième cercle va paralyser l’adversaire.
La
population constitue le quatrième cercle de Warden. Sans
s’appesantir sur les effets biologiques directs,
c’est surtout dans les effets indirects que réside l’intérêt
d’une telle arme. En effet, c’est essentiellement la volonté de
combattre de la population que l’on cherche à atteindre. Le roman
Ravages de Barjavel illustre bien les conditions de vie d’une
population technicienne soudain privée du confort de l’électricité,
des moyens de communication, des moyens de transport, isolée des
instances dirigeantes, etc. Si l’efficacité d’une e-bombe sur le
moral des habitants de régions très rurales n’est pas assurée,
on peut être assez confiant quant au résultat produit à Manhattan.
Le
cinquième cercle est constitué des forces armées de notre
adversaire. Cette arme est tout d’abord un formidable
multiplicateur de force qui permet d’atteindre l’ennemi dans ce
qu’il a de plus efficace, le ramenant rapidement à des modes
d’action d’un autre siècle. Les ordinateurs, les systèmes de
communications l'équipement de télécommunications, ceux
incorporées dans l'équipement militaire, tel que des processeurs de
signal, les commandes de vol électroniques et les systèmes de
commande numériques de moteur, sont tous potentiellement
vulnérables. Les récepteurs de toutes les variétés sont
particulièrement sensibles, comme transistors à haute fréquence
miniatures extrêmement sensibles et des diodes dans un tel
équipement sont facilement détruites par exposition aux coupures
électriques à haute tension. Par conséquent le radar et
l'équipement de guerre électronique, le satellite, la micro-onde,
la fréquence ultra-haute, le VHF, la haute fréquence et le bas
matériel de transmissions de bande et l'équipement de télévision
sont très vulnérables. Un Mirage III ou un Mig 21 devrait pouvoir
rentrer à sa base, mais un Mirage 2000 ou un F-16, les commandes de
vol électriques foudroyées, devrait rapidement rejoindre le sol.
Cette munition permettrait de neutraliser sur une large zone les
systèmes de défense antiaériens, en s’affranchissant du repérage
précis des batteries adverses et des radars associés. De plus, en
cas d’arrêt des conduites de tir afin d’éviter les missiles
antiradar, l’efficacité de la e-bombe restera très bonne.
Pour l'Etat-major des forces armées occidentales, il ne faisait aucun doute que la victoire était acquise, et que la destruction complète de certaines infrastructures – dont ils auraient la charge par la suite – n'était pas nécessaire ; certains militaires avancent l'idée qu'il n’y avait pas d’intention de détruire complètement le système de génération électrique irakien, mais de l'endommager sérieusement, dans l'objectif de priver momentanément Bagdad, et quelques autres villes majeures, de leur électricité ; mais à la fin de la guerre, les centrales électriques irakiennes fonctionnaient seulement à 4 % de leur capacité.
Les
centrales électriques sont ainsi des cibles
légitimes de la guerre. Selon le colonel Kenneth Rizel, qui parle
d'« infrastructures duelles » (civiles et militaires),
l'application de la théorie de Warden durant la guerre du Golfe
aurait fait preuve d'un succès indéniable, bien que moralement
« problématique ». Ainsi, selon lui, si cette campagne
aérienne, fondée sur les bombardements stratégiques, a permis
d'éviter nombre de dégâts collatéraux, ne faisant que 3.000 morts
chez les civils de façon directe malgré le largage de 88.000 tonnes
de bombes en 43 jours, la destruction des usines hydroélectriques et
autres installations électriques, a permis d'anéantir les capacités
de command and control
de l'armée irakienne, et la résistance des Irakiens.
Mais les
bombardements des centrales électriques ont également paralysé les
hôpitaux, le réseau de distribution de l'eau potable ; dont les conséquences ont provoqué
l'augmentation d'épidémies de gastroentérites, de choléra et de
typhoïde. Les centrales d'épuration des
eaux, détruites volontairement selon les témoignages d'ONG, ne
fournissaient à Bagdad, qu'un tiers de l'eau potable nécessaire,
attisant encore les épidémies et les infections rénales. Les
« dégâts collatéraux »,
sont estimés au minimum à 100 000 civils morts
indirectement, tandis que le taux de mortalité infantile doublait,
selon une ONG.
Parenthèse
humanitaire
Vanda
Lamm nous rappelle que l'histoire des guerres humaines regorge
d’exemples d’opérations militaires contre des « installations
contenant des forces dangereuses », telles que des barrages et des
digues ; les conflits du 20e siècle ont été particulièrement
destructifs pour cette catégorie d’installations. Les guerres de
Corée et du Vietnam ont été le théâtre de bombardements contre
des digues, dont le but était pour les forces armées américaines
de détruire des hectares de terres cultivées, le bétail, ainsi que
des villages, afin de contraindre le gouvernement Nord-Vietnamien à
des négociations. [Lire notre article]. De même, les centrales
électriques et plus largement l'ensemble des infrastructures ont été
bombardées méthodiquement.
Ces
événements – et ceux de la seconde guerre mondiale - ont conduit
le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à insister auprès
des États pour convenir, en temps de paix, d’une « procédure ad
hoc permettant d’assurer une immunité générale », lors de
conflits armés, à des ouvrages « tels que les barrages et les
digues des centrales hydroélectriques », qui sont destinés à des
fins essentiellement pacifiques. Par la suite, la liste des
installations contenant des forces dangereuses a été
complétée de façon à inclure les centrales nucléaires
« civiles ». À l’issue de longs débats, et de fortes
réticences, a été adopté par consensus l’article 56 du
Protocole I additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949.
Ce Traité a été adopté par la Conférence diplomatique, qui a
siégé de 1974 à 1977.[1] Le paragraphe 1 de l’article 56 énumère
trois catégories d’installations protégées, à savoir les
barrages, les digues et les centrales nucléaires civiles.
À
propos de cet article, la première question soulevée par les
analystes a trait au fait qu’il omet d’autres installations
dangereuses, telles que certaines usines chimiques ou installations
pétrolières. Tandis que d'autres – plus idéalistes - jugent
nécessaire d'inclure les centrales de production d'énergie
électrique : ce qu'évidemment, les stratèges militaires refusent. La
question est posée : étant donné ces effets sur les
non-combattants, est-ce que les installations d'énergie électrique
sont des cibles militaires légitimes ?
PALESTINE
: GAZA
La
bande sous contrôle palestinien de Gaza est alimentée par trois
sources d’électricité distinctes : Israël, l’Egypte, et sa
propre centrale. Un total de 282 MW. Un chiffre déjà en-deçà des
besoins de Gaza fixés à 350 MW pour «fonctionner» normalement.
Ces trois sources cumulées offrent donc une couverture théorique de
80% des besoins de Gaza. Première source d’électricité, la
centrale de Gaza offre une capacité totale de 217 MW, produits à
partir de carburant liquide. Mais sa production dans les années 2000
n’a jamais dépassé les 140 MW. Avant d’être frappée par la
stratégie d'Israël de priver d'électricité, le plus durablement
possible les populations civiles.
Le
28 juin 2006, un avion des FAI [Forces Aériennes d'Israël] frappe
la centrale électrique et endommage deux des six transformateurs, en
représailles de la capture d'un soldat israélien et de la mort de
deux autres, par des militants palestiniens liés au Hamas :
«De 140 MW, nous sommes passés à 80 MW. Les dommages du
bombardement n’ont jamais pu être complètement réparés»,
expliquait en 2011, le directeur de la centrale Rafiq Maliha. Le
conflit avec Israël et le blocus économique instauré par l’Etat
hébreu depuis la prise de pouvoir du Hamas en juin 2007 a
durablement déréglé la machine énergétique de Gaza : centrale
endommagée, quotas limités de carburant importés d’Israël (2
millions de litres par mois pour des besoins situés
à 13 millions de litres mensuels). En outre, la grave crise
énergétique de Gaza est, selon certains observateurs, une des
conséquences des divisions politiques palestiniennes entre le Hamas
et le Fatah.
En
2007, le bouclage israélien et égyptien de Gaza avait sévèrement
restreint l’alimentation en carburant; qui a d’abord été passé
en contrebande par les tunnels depuis
l’Egypte, puis ensuite utilisé dans la production d’électricité,
après qu’un ingénieur ait élaboré un processus de raffinage.
Août 2007 : l’Union
européenne qui réglait jusqu'à présent les dépenses en fioul
bloque les fonds. De même, le territoire de Gaza est
paralysé par une interdiction sur l’importation de matériaux pour
la construction ou les réparations, laissant la centrale dans
l’incapacité de fonctionner normalement. La compagnie
d’électricité locale prévenait ainsi les habitants qu'ils
recevraient seulement six heures d’électricité. Ahmad Abou
Al-Amreen, responsable de l’information à l’Autorité de
l’énergie déclarait alors :
« Nous sommes désolés de
vous annoncer que nous sommes incapables de fournir les hôpitaux,
les locaux d’enseignement, les pompes à eau et les installations
d’eaux usées et tous les autres domaines de la vie avec les
quantités suffisantes d’électricité »
Abu
Al-Amreen déclarait qu’Israël portait la responsabilité globale
de la crise énergétique, mais de nombreux experts palestiniens –
du Fatah - accusaient le Hamas d'avoir mal géré les besoins en
énergie, et Mustafa Ibrahim, spécialiste des droits de l’Homme
et écrivain, déclarait que l’administration du Hamas avait omis
de sécuriser la livraison d’énergie sur le territoire.
Gaza a été jusqu'en 2012, au bord de l’abîme énergétique, et
peut se retrouver périodiquement dans le noir complet au gré du
conflit avec Israël. Les black-out se succédaient, l’étroit
territoire éclairé seulement entre trois et cinq heures par jour.
Alors que les températures frôlent le 0°C en hiver, la bougie et
le brûleur à kérosène ont refait leur apparition dans les
maisons. Le bruit des générateurs dans les rues rugit. Mais
les groupes électrogènes et autres
générateurs d’appoint peuvent difficilement se substituer au
réseau électrique car ils sont privés, eux aussi, du précieux
carburant pour fonctionner. Dans les rues, le retour de la lumière
fait l’objet d’intenses rumeurs et spéculations. L’électricité
arrive puis repart à n’importe quel moment de la journée : à 8
heures, 15 heures ou 3 heures du matin.
Mais
l’absence de lumière est peut-être le problème le moins grave ;
il s’agit seulement du premier maillon d’une longue chaîne de
dysfonctionnements, dont l'un des plus graves est l’absence d’eau.
Sans électricité, le circuit de l’eau – des stations de
traitement jusqu’aux pompes des immeubles– est lui aussi
défaillant. Rafiq Maliha témoignait : « Je n’ai plus d’eau
chez moi depuis 5 jours. Parfois, j’ai de la lumière mais les
robinets sont "à sec". D’autres fois, c’est le
contraire. » De même, les stations d’épuration et les broyeurs
à ordures fonctionnent par intermittence. Sans oublier la chaîne du
froid pour les produits alimentaires, devenue tout aussi fragile :
les congélateurs industriels et autres réfrigérateurs n’échappent
pas aux black-out quotidiens.
Face
à ces conditions de survie qui éprouvent le peuple de Gaza depuis
de nombreuses années, la crise énergétique est devenue un des
sujets de mécontentement populaire, entretenu par le Fatah contre
les responsables du Hamas accusant eux Israël. Israël n'en espérait
pas tant.
L'organisation
israélienne pour la défense des droits de l'homme, B'Tselem,
accusait dès 2006, les Forces de Défense d'Israël de crimes de
guerre pour avoir bombardé cette centrale, qui a laissé, pendant de
longs mois, de nombreuses zones de la Bande de Gaza sans puissance
électrique complète, handicapant gravement les hôpitaux, la
fourniture d'eau et les systèmes d'égouts. "B'Tselem établit
que le bombardement de la centrale électrique était illégal et que
la Loi Humanitaire Internationale le définit comme crime de guerre,
puisque cette attaque était essentiellement un objectif civil.
« Cette action n'avait
apparemment aucuns fondements militaires et il semble que son
intention ait été de satisfaire un désir de vengeance. »
Au
lieu d'entreprendre une action militaire aussi radicale, Israël
aurait pu couper la fourniture d'électricité vers Gaza par
l'intermédiaire de l'Israel Electric Corporation, bien que cela
aussi eût été illégal, déclare le groupe. B'Tselem exigeait
alors que le gouvernement ouvre une enquête sur le bombardement de
la centrale.
LIBAN
: des émeutes
Le
problème de l’électricité au Liban n’est pas nouveau. Durant
la guerre civile (1975-1989), les réseaux et les centrales ont été
gravement détériorés, et la fraude s’est largement répandue, en
raison de l’absence de l’Etat et des déplacements de population.
La reconstruction a permis des investissements très importants dans
le secteur. De nouvelles centrales ont été construites, le réseau
de transport a été modernisé. L’une des questions centrales
demeurait alors celle de la distribution, donc de la collecte des
factures et de la lutte contre la fraude. Les tentatives de
sous-traiter ces activités entre 2001 et 2005 à des entreprises
privées, internationales, comme EDF (en charge des banlieues de
Beyrouth), ou locales, n’ont pas été reconduites, pour des
raisons apparemment très diverses. EDF avait significativement
redressé la situation, alors qu’ailleurs, le bilan des
sous-traitants était très contesté.
Ainsi,
à la veille de la guerre de l’été 2006, la situation était loin
d’être redevenue satisfaisante. Depuis la guerre de 2006, la
situation s’est encore dégradée. Les bombardements israéliens
ont une fois encore touché plusieurs installations électriques.
Beyrouth connaît désormais le rationnement. Les écarts
territoriaux dans l’accès au service restent très importants :
début 2008, selon L’Orient-Le Jour, Beyrouth reçoit
quotidiennement 21 heures de courant, alors que la banlieue sud, à
l’autre extrême, subit près de 10 heures de coupures. Les
pénuries demeuraient, pratiquement insensibles à Beyrouth
intra-muros certes, mais de l’ordre de plusieurs heures par jour
dans les banlieues de la capitale et les régions. Le secteur
productif est aussi très lourdement pénalisé. L’électricité
devient donc le symbole des fossés qui se creusent au Liban entre
régions, entre classes sociales, entre confessions.
L’émeute
sanglante du 27 janvier 2008 à Beyrouth trouve son origine dans une
manifestation contre la multiplication et l’allongement des
coupures du courant électrique ces derniers mois. Elle n’est que
la dernière en date d’une série d’autres manifestations
similaires, moins médiatisées, dans un contexte où la question
électrique est l’enjeu de polémiques, de surenchères verbales à
propos des fraudeurs petits ou gros, de rixes qui éclatent au
passage des releveurs de compteurs ou des équipes de lutte contre la
fraude, instituées en partie par EDF.
LIMA
Le
PCP-SL – le Sentier Lumineux - au Pérou, est très certainement le
groupe révolutionnaire qui a porté au plus haut niveau, la guérilla
urbaine de « l'électricité », entre 1982 et 2000, en
s'attaquant régulièrement au réseau approvisionnant Lima. Les
centrales électriques étroitement surveillées ne pouvaient faire
l'objet d'attaques frontales, mais distantes de plusieurs kilomètres
de la capitale, les pylônes de haute tension, les points
névralgiques, seront la cible idéale.
Un pylône de télécommunication dynamité |
En
1982, la guérilla menée par le PCP-SL – le Sentier Lumineux - au
Pérou, n'occupe pas encore une place importante dans le paysage
politique et médiatique ; les actions en zone rurale pourtant
sérieuses et nombreuses n'obtiennent guère d'écho dans la presse
nationale et internationale, ou sont inévitablement déformées par
la propagande du gouvernement. À l'inverse, les actions urbaines
menées à Lima ont une répercussion et un impact national et
international considérable. Dès lors, le Comité
Metropolitano – l'un
des organes du Sentier Lumineux à Lima, aura pour objectif
de
faire de la capitale une "caisse de résonance du Parti"
[caja de resonancia del Partido],
et d'organiser les opérations de propagande par le fait, dont celles
symboliques des «coupures » d'électricité.
L'attaque
d'envergure du 29 Mars 1982 débute par le dynamitage de pylônes à
haute tension privant, pour la première fois Lima de courant
pendant plus de deux heures, coordonné avec une série d'attentats
synchronisés. Puis, suivra une longue période d'attaques du réseau
électrique et de communication.
Le 2 août 1982, le dynamitage de cinq pylônes de haute tension
prélude les attentats contre les ministères de l'Économie, de
l'Industrie, le Palais de justice, la Chancellerie. En décembre, le
PCP-SL, célèbre l'anniversaire d'Abimael Guzmán avec des attaques
simultanées à Lima et Ayacucho ; alors que Lima était privée
d'électricité, des senderistas
illuminent
la colline cerro San Cristobal d'un “feu de joie” représentant
une faucille et un marteau.
Un
ministère, une banque, un building d'une multinationale, une caserne
militaire ou n'importe quel autre autre bâtiment privé
d'électricité est excessivement vulnérable : les différents
systèmes de sécurité – alarme, vidéo, etc. - deviennent
inutiles ou dérisoires face à une attaque bien organisée. Les
senderistas profiteront des interruptions de courant pour mener des
expropriations
: en mai 1983, à la nuit tombée, des senderistas
dynamitent 10 pylônes de haute tension et lancent une série
d'attentats contre des banques, des sièges d'entreprises privées
internationales, d'un poste de l'armée, tandis qu'un « feu de
joie » illumine d'une faucille et d'un marteau le cerro San
Cristobal.
Les
attentats se poursuivent dans Lima et leur fréquence augmente. La
venue du pape en 1985 est l’occasion d’une longue panne
électrique dans plusieurs secteurs de Lima ; de même en juin de la
même année pour la visite du président argentin Raul Alfonsin, une
panne du réseau suivie d’un attentat à la voiture piégée sous
les fenêtres du Palais du Gouvernement.
L'armée
n'a d'autres alternatives de surveiller les pylônes du réseau
d'électricité et ceux de communications, ou de placer des champs de
mine à leurs abords ; et la police, d'affecter de nombreux hommes à
la surveillance des ministères, des banques, des sièges de
multi-nationales, etc. Autant d'effectif en moins pour des missions
plus importantes.
Ainsi,
pour les révolutionnaires, la guérilla « de l'électricité »
devait tout à la fois être une opération de propagande par le
fait, prouvant les faiblesses des forces gouvernementales, symbolique
car affectant le plus grand nombre d'habitants – et notamment les
plus riches -, une action destinée à perturber les activités
économique et industrielle, et une opération technique
affaiblissant les systèmes de sécurité et de surveillance leur
permettant des actions armées contre des bâtiments.
Gian
Giacomo Feltrinelli
Gian
Giacomo Feltrinelli, éditeur milliardaire de Milan, a été l'un des
financiers des groupes révolutionnaires d'Italie et d'autres pays du
monde, jusqu'à sa mort en 1972, et ses librairies étaient autant
un réseau de points de vente que de militantisme. Tiers-mondiste ou
Internationaliste, il tissera des relations influentes avec nombre de
hautes personnalités révolutionnaires, dont le célèbre Fidel
Castro, les inconnus «Tupamaros» d'Uruguay. L'éditeur via une
banque de Zurich, versait des sommes importantes à des
organisations révolutionnaires Sud-Américaines, Palestiniennes,
Allemandes, Espagnoles, Françaises, Grecs et Italiennes.
En
1969, Feltrinelli décide de devenir un « guérillero » à part
entière et il organise les GAP (Groupes d'action partisane). Parmi
leurs premières actions, des poteaux électriques seront détruits
dans le nord de la Lombardie, des émissions télévisées pirates
avec des appels à la lutte armée, perturbent les programmes.
Suivent de nombreuses autres actions de propagande par le fait. En
1972, Gian Giacomo Feltrinelli meurt déchiqueté par une explosion
sur un pylône haute tension à Segrate, près de Milan, qu'il
tentait de dynamiter. L'opération aurait dû plonger Milan et le
congrès national du Parti communiste italien qui s'y déroulait,
dans l'obscurité. Une action purement symbolique bien « étrange »,
qui aujourd'hui interroge nombre de journalistes, suite à
l'ouverture d'archives, maintenant déclassifiées.
Le
journaliste Ferruccio Pinot publiait en mars 2012 un article
circonstancié résumant les recherches faites par des journalistes,
policiers et juges concluant qu'il s'agissait très probablement
d'une mise en scène, d'un assassinat politique : « En 2012,
après 40 ans, il est maintenant possible d'avoir des éléments qui
permettent de soulever des doutes sérieux quant aux conditions de
son décès ». Le rapport d'expertise médico-légale, effectué
par deux sommités de l'époque, document jamais publié à ce
jour, révèle bien des ambiguïtés, passées à l'époque sous
silence ; des présomptions pèsent sur le fait qu'il aurait eu ses
poignets attachés, que ses mains ne présentaient pas de traces de
poudre, en dépit de l'explosion, et qu'elles auraient du être
amputées ou au moins mutilées, que certaines lésions vitales ne
sont pas dues à une explosion, tandis que d'autres blessures sont
situées dans son dos.
Les
journalistes évoquent ainsi une forte présomption d'assassinat,
mais les possibles d'infiltration, les "traîtres"
susceptibles d'avoir exécuté Feltrinelli - avant l'explosion -,
sont nombreux : sans doute le Mossad palestinien - "Un Mossad va
me tuer", aurait-t-il dit à son ami et ancien partisan
Giambattista Lazagna - ou la CIA via le réseau Gladio – les
services secrets américains de l'“arrière” -, avec l'entière
collaboration des Services secrets italiens.
1977
New York
Le
réseau, parfois, se paralyse de lui-même, le plus souvent à cause
de défaillances humaine ou climatologique – un hiver rigoureux, un
été trop chaud -, et peut affecter des zones aussi grandes que
l'Europe [2008], l'Inde en 2012, et des mégapoles comme New York,
victime de longs block-out, en 1965, 1977 et 2003. Idéal
pour juger de la réaction de la population.
Celui
de l'automne 1965, le premier de grande importance, n'aura guère de
conséquences si ce n'est de gigantesques embouteillages, et la réaction de la population a été passive. Ce fut la nuit où fut enregistré le plus bas taux de criminalité à New York depuis des décennies. Une curieuse légende fit grand bruit. Un journaliste,
après une enquête très hâtive publiée par le New York Times en 1966, avait prétendu que le nombre des
naissances avait fortement augmenté à New York neuf mois après la
panne : le romantisme de l'obscurité, des chandelles, le magnifique clair de Lune, auraient stimulés une intense activité sexuelle. Ce qui se révéla
faux, en tout cas pour le nombre des naissances, on constata que
celle-ci n'avait exercé aucun effet sur le mouvement saisonnier des
naissances.
La
panne du jeudi 14 août 2003, appelée « mégapanne », a été
gigantesque, affectant les États et provinces du nord-est de
l'Amérique du Nord. Il s'agit de la plus grande catastrophe
énergétique de l'histoire du continent affectant New York et Toronto. L'économie est paralysée,
Wall Street ne tient pas séance, et la plupart des secteurs de
l'industrie sont à l'arrêt. Plusieurs «
blocks » à New York n'ont pas été touchés par la coupure. Pour
les autres, dont Times Square, il faudra près de quatre jours pour
que la situation redevienne normale. Les dommages sont
estimées à environ six milliards de dollars. Par
chance, la coupure s'est produite en plein jour, et en plein été,
minimisant ainsi son impact psychologique sur la population. Les
usagers prisonniers des ascenseurs des buildings sont secourus. Sous
terre, des milliers de personnes sont bloquées dans les rames de
métro. Commence alors un véritable parcours du combattant pour ceux
qui souhaitent rentrer chez eux. Les flots de marcheurs forcés
investissent les ponts qui relient Manhattan aux autres quartiers de
la ville.
D'autres se préparent à rester sur place et organisent des campements de fortune. Grand Central Station va par exemple se transformer en dortoir géant. À la nuit tombante, dans certains quartiers, s'organisent spontanément des apéros puis des repas dans les rues, éclairés à la bougie, les bars improvisent des fêtes, et comme les restaurants investissent la rue : des barbecues sont improvisés, les denrées périssables y sont cuites ; les glaciers offraient leurs stocks qui fondaient dans les congélateurs en panne. Bref, les témoignages assurent de la plus grande convivialité, de rencontres para-normales, et comme en 1965, d'une grande activité sexuelle.
D'autres se préparent à rester sur place et organisent des campements de fortune. Grand Central Station va par exemple se transformer en dortoir géant. À la nuit tombante, dans certains quartiers, s'organisent spontanément des apéros puis des repas dans les rues, éclairés à la bougie, les bars improvisent des fêtes, et comme les restaurants investissent la rue : des barbecues sont improvisés, les denrées périssables y sont cuites ; les glaciers offraient leurs stocks qui fondaient dans les congélateurs en panne. Bref, les témoignages assurent de la plus grande convivialité, de rencontres para-normales, et comme en 1965, d'une grande activité sexuelle.
Ce ne
fut pas le cas le 13 juillet 1977 ; la panne de courant débute à 21
h 34 ; elle est dû à un orage, dont les chocs de foudre successifs
sur des lignes de haute tension provoquent la panne. Faute de
délestage effectué suffisamment rapidement, de nouvelles
disjonctions surviennent en cascade. L'ensemble de New-York est dans
l'obscurité totale, et le black-out prit fin 25 heures plus tard
seulement. Dès les premières heures du block-out, les pillages de
boutiques débutent, qui vont dégénérer le lendemain en mis à sac
méthodique, et en émeutes entre commerçants, population et police.
Les commerçants bien armés veillent à leur boutique, et n'hésitent
pas à faire feu.
Des supermarchés sont entièrement pillés, d'autres en feux, la police ne peut faire face à la multitude, et certains blocks sont littéralement dévastés. Les pillards emportent sur leurs épaules tout ce qui peut être transportable. Des journalistes précisent que ce fut la nuit des cambrioleurs, qui profitent de l'absence des propriétaires, bloqués dans les transports ou les ascenseurs, et de l'obscurité. 4000 pilleurs, émeutiers seront arrêtés par la police. On estime les dégâts à plusieurs centaines de millions de dollars. C'est un véritable traumatisme pour l'Amérique entière qui pourtant avait connu quelques années plus tôt, de graves émeutes raciales.
Des supermarchés sont entièrement pillés, d'autres en feux, la police ne peut faire face à la multitude, et certains blocks sont littéralement dévastés. Les pillards emportent sur leurs épaules tout ce qui peut être transportable. Des journalistes précisent que ce fut la nuit des cambrioleurs, qui profitent de l'absence des propriétaires, bloqués dans les transports ou les ascenseurs, et de l'obscurité. 4000 pilleurs, émeutiers seront arrêtés par la police. On estime les dégâts à plusieurs centaines de millions de dollars. C'est un véritable traumatisme pour l'Amérique entière qui pourtant avait connu quelques années plus tôt, de graves émeutes raciales.
Révolutions Futures
Le
PCP-SL, en attaquant le réseau électrique de Lima préfigurait
peut-être les méthodes à plus grande échelle des guerres
révolutionnaires de demain. Cette technique présente cependant
l'inconvénient majeur de placer la population urbaine d'une mégapole
dans des conditions de survie et rendre inacceptable et impopulaire,
une guerre populaire de longue durée, notamment dans les pays
de l'Europe occidentale, habitués à un certain confort depuis
longtemps. Ce qui n'était pas le cas de Lima, où survivaient plus
d'un million d'habitants dans des bidonvilles et autres taudis
sordides du centre-ville... privés d'électricité.
Le
comité invisible, dessinait ainsi le contour possible de
L'insurrection qui vient :
« Mais la métropole
produit aussi les moyens de sa propre destruction. À chaque réseau
ses points faibles, ses noeuds qu’il faut défaire pour que la
circulation s’arrête, pour que la toile implose. La dernière
grande panne électrique européenne l’a montré : il aura suffi
d’un incident sur une ligne à haute tension pour plonger une bonne
partie du continent dans le noir. Le premier geste pour que quelque
chose puisse surgir au milieu de la métropole, pour que s’ouvrent
d’autres possibles, c’est d’arrêter son perpetuum mobile.
C’est ce qu’ont compris les rebelles thaïlandais qui font sauter
les relais électriques. »Pour la méthode, retenons du
sabotage le principe suivant : un minimum de risque dans l’action,
un minimum de temps, un maximum de dommages. […] L’infrastructure
technique de la métropole est vulnérable : ses flux ne sont pas
seulement transports de personnes et de marchandises, informations et
énergie circulent à travers des réseaux de fils, de fibres et de
canalisations, qu’il est possible d’attaquer. Saboter avec
quelque conséquence la machine sociale implique aujourd’hui de
reconquérir et réinventer les moyens d’interrompre ses réseaux.
Comment rendre inutilisable une ligne de TGV, un réseau électrique
? Comment trouver les points faibles des réseaux informatiques,
comment brouiller des ondes radios et rendre à la neige le petit
écran ? »
Bill
Radasky, un expert américain des phénomènes électromagnétiques,
aurait pu répondre aux membres du
comité invisible,
comme il le déclarait à la revue New
Scientist, il lui était très facile de fabriquer, avec du matériel
acheté dans
n'importe quel magasin électrique
pour quelques centaines de $, une mini bombe à micro-ondes capable
d’inactiver discrètement toute TV et ordinateurs dans un rayon de 100 mètres.
Un engin
assez petit pour tenir dans le coffre d'une voiture. Robert
Gardner, de l'Union internationale des sciences de la radio,
confirmait les propos de Radasky, et d'autres sources affirment –
sans preuves véritables et vérifiables - que selon des rapports de Russie des
e-bombes ont été utilisées lors de hold-up pour désactiver
les systèmes de sécurité des banques et perturber les
communications de la police.
Des E-bombs peu coûteuses, techniquement maîtrisables, faciles à construire, à manipuler, discrètes, imparables, et ne faisant pas de victimes : les ingrédients d'un véritable cauchemar pour les gouvernements ; et une providence pour les guérilleros urbains des temps futurs ?
Des E-bombs peu coûteuses, techniquement maîtrisables, faciles à construire, à manipuler, discrètes, imparables, et ne faisant pas de victimes : les ingrédients d'un véritable cauchemar pour les gouvernements ; et une providence pour les guérilleros urbains des temps futurs ?
EXTRAITS
& SOURCES
Commandant
Fourdrinier
Stratégie
aérienne : emploi d’une arme « propre » de destruction massive.
Jean-Pierre
Petit
Les
Enfants du Diable
Editions
Albin Michel | 1995
Carlo
Kopp
Bombe
électromagnétique :
une
arme de destruction de masse électronique
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