VILLES | E-BOMB & GUÉRILLA URBAINE

New York | Block-out total 1965 / 1977 / 2003


Comment rendre inutilisable une ligne de TGV,
un réseau électrique ?

Le comité invisible
L'insurrection qui vient


Le Sunday Times, dans son édition du 9 septembre 2012, annonçait qu'Israël songerait à lancer une frappe IEM – plusieurs bombes à impulsion électromagnétique - contre l'Iran afin de contraindre ses dirigeants à mettre un terme au programme nucléaire. Une telle frappe, interdite par les traités internationaux, pourrait renvoyer l'Iran à l'« age de pierre » selon les experts militaires américains. 

Les métropoles mondiales n’ont jamais été aussi puissantes alors même que leur risque de vulnérabilité n’a jamais été aussi fort et aussi grand ; leur approvisionnement en électricité est l'un de leurs points névralgiques. Les Etat-majors militaires le place au centre de leurs recherches – les bombes à impulsion électromagnétique (IEM ou EMP electromagnetic pulse) –, de leurs stratégies – démoralisation des habitants -, mises en pratique notamment en Irak. En considérant les dernières guerres engageant un ou plusieurs pays de l'Occident, l'on constate cette même stratégie s'appuyant sur le concept de paralysie qui consiste à priver d'électricité les grands centres urbains, en prenant pour cibles, selon le degré de paralysie souhaitée, les centrales électriques, les transformateurs ou le réseau de distribution, ou tous à la fois.

La guerre en Irak est l'exemple concret d'une guerre médiatiquement « propre », dont l'objectif est d'atteindre aussi efficacement que possible les populations urbaines, un objectif de démoralisation, non plus par des bombardements intensifs – comme au Vietnam -, mais par des bombardements ciblés contre les centrales électriques, alimentant les pompes des puits d'eau, le réseau d'eau potable, les stations d'épurations, les congélateurs industriels de stockage de nourriture, les hôpitaux, etc., jusqu'aux plus simples ustensiles électro-ménagers. Les privations et les conséquences dues à une paralysie électrique générale de grande envergure doivent agir ainsi directement sur le moral, le mécontentement et la peur des populations. Dans ce cadre de guerre psychologique en milieu urbain, les services secrets anglo-saxons et israéliens ont développé des méthodes basées sur l'usage viral des téléphones portables et peuvent désormais choisir de protéger les infrastructures de télécommunication – qui étaient jusqu'à présent une cible essentielle - : un scénario digne d'un film catastrophe, pour plonger la population d'une ville dans la confusion, voire dans une panique collective, contaminante tel un virus, et s'auto-alimentant sans cesse via le portable...

Les militaires ne sont pas les seuls à s'intéresser aux centres de production d'électricité. Les révolutionnaires du monde entier prennent également pour cible l'alimentation en électricité dans le but d'une propagande par le fait, éclairant la population de leur force de frappe, de leur détermination et des faiblesses d'un gouvernement, incapable d'assurer la sécurité. Des guérilleros du commandant Guevara dont les ordres sont de contrôler le réseau de distribution d'électricité des villes qu'ils investissent lors de son offensive de Santa Clara en 1958, aux révolutionnaires péruviens des années 1990 faisant sauter des pylônes de ligne à haute tension, le contrôle ou la paralysie électrique d'une ville est une arme stratégique et hautement symbolique.

Entre destruction militaire et propagande révolutionnaire, s'immisce la stratégie d'intimidation ou de représailles d'État « terroriste », dont l'objectif est de contraindre les forces adverses à se soumettre à leur volonté ; comme ce fut le cas en 2006, lorsque Israël prit pour cible la centrale électrique de Gaza, l'endommageant gravement, un acte de pure vengeance, selon nombre d'experts militaires. 

Les bombes
à impulsion
électromagnétiques


Une impulsion électromagnétique (IEM), plus connue sous le nom EMP (de l'anglais electromagnetic pulse) est une émission d'ondes électromagnétiques brève et de très forte amplitude qui peut détruire ou endommager n'importe quel appareil électrique, électronqiue, sous-tension et non-protégé, et brouiller pendant un temps plus ou moins long les télécommunications, les radars et les systèmes de détection. L'originalité des armes électromagnétiques réside dans le fait qu'ayant atteint un sous-élément conducteur de l'électricité, leur action peut se trouver propagée à distance par les conducteurs, les cables auxquels il se trouve relié.

Ce type d'impulsion a été découvert en 1945 lors d'essais nucléaires américains, en tant qu'effet secondaire d'une bombe atomique. Les bombes à impulsion électromagnétique, pouvant détruire ou gravement endommager le moindre appareil électrique non-protégé, sur des zones plus vastes qu'une mégapole, ont des conséquences aussi dévastatrices qu'une bombe nucléaire classique, et condamneraient les habitants d'une grande mégapole, privés d'équipements électriques et électroniques, à une mort certaine, à moins d'une évacuation totale. À ce titre, ce type d'arme est considéré en tant que tel et soumis aux conventions internationales, qui limitent leur utilisation.

Il existe deux types de bombes créant des IEM. La plus simple et ancienne tire profit d’un explosif générant un important champ magnétique, généralement lors de l'explosion d'une bombe atomique en haute altitude (400 kilomètres) ; la seconde utilise un générateur de micro-ondes de haute puissance.

IEM non-nucléaires | Electronic Bomb

L'utilisation de bombes atomiques en haute altitude comporte bien des limites – éthique, politique -, et est frappée de lourdes restrictions par les conventions internationales ; stimulant autant les savants militaires à inventer le Générateur magnéto-cumulatif, générant une impulsion électromagnétique d'origine non-nucléaire, permettant moins d'effets mécaniques, thermiques et de rayonnements ionisants. Un des avantages d’un tel concept est de disposer d’une arme « conventionnelle » non létale, non interdite par les traités internationaux, et d'éviter les néfastes conséquences politique et médiatique. Un autre avantage tout aussi important est leur prix de construction relativement bas.




Les plus récents progrès scientifiques militaires permettent à présent d'embarquer un nouveau type de générateur de taille réduite, les E-bombs [Electronic Bomb], sur un missile de croisière, un drone, une bombe aérienne, ou un obus classique de gros calibre tiré d'un char lourd, qui serait en mesure de neutraliser tous les systèmes électroniques, de communication, de détection sur une superficie de quelques centaines de mètres selon la charge. La précision n'est plus autant déterminante, les ogives devant exploser dans l'atmosphère, à quelques centaines de mètres au-dessus de l'objectif ou de la zone, et non l'atteindre directement. Enfin, l'armée américaine dispose très certainement aujourd'hui de grenades de ce type, susceptibles d'arrêter un tank en détruisant son système électronique.

Air et Cosmos | 14 février 2003

Les nations restent en général très discrètes sur leur recherches récentes concernant les IEM non-nucléaires et leur utilisation. Mais l'on sait que Boeing et l’US Air Force, depuis 2009, expérimentent un missile « EMP » ou HPM pour High Power Microwaves, appelé CHAMP pour Counter-Electronics High-Powered Microwave Advanced Missile Project. La puissance de la charge devrait être fantastique. En janvier 2012, Boeing a annoncé avoir obtenu un contrat de 38 millions de dollars pour la poursuite du développement de ce programme. Tandis que les scientifiques militaires russes et chinois, dans les sources ouvertes, décrivent les principes de base des armes nucléaires spécialement conçus pour générer un accroissement de l'effet IEM, qu'ils appellent armes "Super-IEM". Ces armes, d’après eux, peuvent même détruire les meilleures protections des systèmes électroniques militaires et civils américains.


Conséquences

Les effets d'une IEM d'origine nucléaire, dépendent de nombreux facteurs notamment de l'altitude à laquelle la bombe va exploser et de sa puissance. Une bombe qui explose à haute altitude (IEM-HA ou HEMP en anglais) provoque une IEM bien plus étendue qu'une explosion près du sol. Les conséquences d'une telle bombe sont difficiles à évaluer mais on estime qu'elles peuvent être considérables : un seul engin de forte puissance, explosant en haute atmosphère peut affecter les appareils électrique et électronique d'un pays aussi vaste que les Etats-Unis, en théorie.

Les hypothèses des conséquences d’une explosion électromagnétique non-nucléaire de moindre puissance, sont multiples : le réseau de distribution électrique serait endommagé à l'échelle d'une région, affectant les centrales nucléaires et électriques. Tous les équipements électriques et électroniques - donc informatiques - seraient détruits ou endommagés, même ceux utilisant des courants induits modérés. En outre, les ondes radio et radar sont interrompues pendant un temps qui peut se chiffrer en minutes, voire en heures. Les communication radio seraient alors impossibles. 

Une attaque massive d'IEM pourrait ainsi paralyser l’activité économique, industrielle et donc sociale d’une ville, d'une mégapole, d'un pays et cela sans s’en prendre – du moins directement – à la vie de ses habitants, ni même aux bâtiments. On imagine combien est grande la vulnérabilité à l’IEM d’une société largement informatisée et des armées équipées de matériels sophistiqués bourrés d’électronique, quand on voit les effets que peut produire la foudre sur un appareil électronique domestique insuffisamment protégé.


Concernant les conséquences sur l'être humain, les bombes IEM d'origine non-nucléaires, peuvent aussi causer des dommages en perturbant les connexions neuronales provoquant une perte de conscience temporaire, ou la mort, si le sujet se trouve à proximité immédiate d'une source puissante. Des journalistes soupçonnaient fortement ces armes d'avoir provoqué les mystérieux malaises de très nombreux soldats américains des champs de bataille de la seconde guerre en Irak. Le Pentagone ne donna aucune explication sérieuse. Le commandant Fourdrinier de l'Armée de l’air, évoquait à ce propos que :

« Quant à ceux qui penseraient être en présence d’une arme non-létale, il convient de préciser qu’étant donné les niveaux de puissance générés, tout être vivant surpris à découvert dans la zone d’efficacité d’une e-bombe risque de subir exactement le même sort que le grain de maïs placé dans le micro-onde de la cuisine et qui se métamorphose alors en ''pop-corn'' ! »


Bien évidemment, les centres de commandement militaire sont prémunis contre de telles attaques : blindage étanche, fibre optique – plutôt que câblage métallique - et autres technologies les mettent à l'abri du danger ; et préventivement, des pièces de rechange sont stockées concernant le matériel susceptible d'être affecté.  En principe les dispositifs militaires sont censés être protégés. Mais on ignore en fait quelle serait leur capacité de résister à un effet EMP "vraie grandeur".


Futur

Bernard Fontaine, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de la chose, déclarait dans une interview de 2012 que les armes non létales, dont les IEM, sont aujourd'hui à l'honneur :

« C’est la tendance « lourde » pour le futur, principalement pour des raisons  « éthiques ». il s’agira de plus en plus du contrôle des foules ou d’assaillants par laser (dazzler) (effet d’éblouissement) ou faisceaux de micro-ondes (ADS) (sensation de brulure sur la peau). Il s’agira aussi de la neutralisation de réseaux électroniques par effet EMP pour remplacer les bombardements « classiques » (effet de destruction d’infrastructures militaires ou administratives sensibles sans victimes et sans destruction de bâtiments). »

Le commandant Fourdrinier, estime que :

Son aspect conventionnel, son coût modéré, ses dommages collatéraux restreints en terme de pertes humaines, facilitent la prise de décision concernant son emploi. Elle bénéficie bien sûr des qualités propres à l’arme aérienne qui la met en œuvre : souplesse d’emploi, mobilité, rapidité d’action, frappe dans la profondeur, réactivité, flexibilité, adaptabilité, précision.
Plus encore, la variété des objectifs qui peuvent être traités et le degré ajustable des conséquences engendrées permet d’envisager l’utilisation de la e-bombe dans le cadre d’une stratégie de « riposte graduée ». Une frappe IEM initiale paralysante aux effets limités et réversibles permet de stabiliser une situation, d’affirmer une volonté politique, d’accorder du temps à la diplomatie et de donner un avertissement crédible.
L’importance des objectifs traités et le rythme auquel les frappes sont réalisées permet de moduler le signal politique délivré, depuis le simple coup de semonce localisé jusqu’à la frappe stratégique globale et simultanée. Le même principe peut être appliqué en réaction à l’attitude d’un état qui adopterait une stratégie indirecte avérée de soutien à des groupes terroristes ou à des guérillas transnationales. L’arme HPM permet de délivrer une sanction proportionnée à la basse intensité de l’agression, ménageant les opinions internationales mais contraignant les régimes impliqués à revoir leur politique, eu égard aux pertes encourues.
En conclusion, il faut retenir que la ebombe est une arme de destruction électrique massive. Sa relative simplicité et sa létalité sur la technologie adverse en font une arme « à haute valeur ajoutée ». Elle permet d’agir sur des zones étendues en modulant les effets et en minimisant les pertes humaines. Elle renforce de ce fait l’utilité de l’arme aérienne en tant qu’instrument politique.


IRAK : Théorie des cinq cercles

Les bombes à impulsions électromagnétiques ont le considérable inconvénient d'endommager irrémédiablement les circuits électroniques de chaque appareil non-protégé, militaire ou civil ; une efficacité redoutable mais peu compatible à grande échelle, avec le concept plus important de se concilier le coeur des populations civiles, et celui d'une reconstruction à ce point difficile et prodigieusement coûteuse. Les guerres en Irak, menées par l'Occident, seront donc « classiques », même si les stratégies employées s'appuyaient sur de nouvelles conceptions et un armement inédit sur un champ de bataille : les missiles équipés de E-bombes étaient à cette époque opérationnels. Des experts militaires exprimaient en 2004 l’idée que l’US Army ait utilisé des missiles dotés de E-bombes pour neutraliser les bunkers de Saddam Hussein, situés en sous-sol.

Le Colonel John A. Warden, de l’US Air Force, un des concepteurs de la stratégie de bombardement stratégique de la Coalition durant la guerre du Golfe depuis la fin des années 1980, sera très intéressé par l'e-bombe, particulièrement adaptée pour les conflits impliquant un ennemi structuré, technologiquement développé, doté d’une société civile organisée, c’est-à-dire une cible de prédilection pour la e-bombe. Warden établira sa célèbre théorie des cinq cercles basée sur la considération que « l'ennemi est un système » constitué de cinq cercles, ou cinq anneaux concentriques, qui attribue une valeur peu déterminante – selon les pays toutefois et notamment en cas de guerre asymétrique - aux forces armées :
1er cercle : le commandement
2e cercle : les éléments organiques essentiels (production d'énergie, fourniture de carburant, approvisionnement en nourriture et finances)
3e cercle : l'infrastructure, principalement les structures de communication physiques (routes, ports et aéroports)
4e cercle : la population (qui assure la protection et le soutien des dirigeants)
5e cercle : les forces armées ennemies

Selon Warden, il s'agit en fait d'un schéma d'organisation générique, valant aussi bien pour le « corps humain » qu'un « État industrialisé, un cartel de la drogue ou une compagnie d'électricité » [1]. Ce schéma n'a pas en tant que tel comme objectif de définir une théorie des organisations que de fournir un outil d'analyse dans le cadre d'une réflexion utilitariste (coût/bénéfices) permettant de savoir quel coût ou dommages est capable d'admettre un ennemi afin d'effectuer une action déterminée : la guerre est ainsi conçue principalement comme moyen de forcer un ennemi à faire ou ne pas faire quelque chose, à l'encontre de sa volonté. Le schéma concentrique permet, selon lui, de démontrer trois choses : en premier lieu, que tous ces éléments forment un système compact ; que ce système est hiérarchisé : un soldat de base, qu'il soit de la mafia ou de l'armée américaine, n'a pas les mêmes pouvoirs qu'un général ou un parrain ; et enfin, que les opérations militaires doivent viser à « changer l'état d'esprit de l'ennemi » et donc à influencer, directement ou indirectement, sur le premier cercle, celui du commandement :
« Contrairement à Clausewitz, la destruction des armées de l'ennemi n'est pas l'essence de la guerre ; l'essence de la guerre est de convaincre l'ennemi d'accepter votre position, et combattre ses forces militaires est au mieux un moyen pour une fin, au pire un gaspillage total de temps et d'énergie. »
Selon cette théorie, il est nécessaire de frapper l'un ou quelques-uns de ces cinq cercles (et plus particulièrement leurs points décisifs selon les pays ou les forces en présence), ou autant que possible le plus possible d'entre eux, afin de paralyser durablement les forces ennemies. Cette frappe doit se faire idéalement par bombardement aérien, permettant à l'attaquant de minimiser ses propres pertes. Les armées ennemies deviennent alors des « appendices inutiles ».

L'aviation et la destruction des infrastructures

La théorie de Warden se fonde sur l'aviation comme force principale et de la précision grandissante des armes, notamment les smart bombs ou precision-guided missiles (PGM), et sur les E-Bombs. Elle refuse toute attaque directe sur les civils, mais considère comme objectif fondamental la destruction de l'infrastructure assurant la survie de la population, ou de l'organisation sociale, c'est-à-dire les services d'électricité, d'eau, de gaz, les médias, etc. Le commandant Fourdrinier analysait ainsi la stratégie de Warden  :
La e-bombe permet d’attaquer efficacement un grand nombre de constituants de ces cinq cercles. Considérons le premier cercle, à savoir les structures gouvernementales et les moyens civils et militaires. Les bureaucraties modernes fonctionnent grâce à des réseaux denses de micro-ordinateurs et de banques de données. Les ordres transmis le sont souvent sous forme numérique, via les média utilisant cette technologie (téléphone, télévision, liaisons de données,…). Les outils d’analyse et d’aide à la décision reposent également sur des outils informatiques. Une HPM détruira toute la structure de commandement d’un seul coup, et les câbles du réseau seront autant de vecteurs qui propageront l’impulsion mortelle à l’ensemble du système (sauf s’il s’agit de liaisons en fibres optiques). La destruction des données mémorisées interdira tout retour à l’état initial, même après remplacement du matériel endommagé. Ainsi, l’utilisation d’une arme HPM contre les structures du premier cercle apporte une plus-value considérable.
De la même manière, les organes essentiels du deuxième cercle sont vulnérables face à la e-bombe. Les industries pétrolières, chimiques, manufacturières, les centrales à énergie, l’essentiel des moyens de production modernes reposent sur l’utilisation d’automates. Ces machines robotisées sont sensibles aux pics de tension destructeurs générés par une HPM. L’attaque des structures du deuxième cercle au début d’une campagne aérienne stratégique permet de stopper les activités de production de l’adversaire, le privant de toute capacité à durer.

Le réseau d’infrastructure du troisième cercle présente également quelques opportunités pour la e-bombe. En particulier, les réseaux de transport peuvent être facilement désorganisés, voire stoppés dans le cas du transport aérien très dépendant des infrastructures au sol. On peut également supposer que les allumages électroniques des véhicules, les postes d’aiguillage automatiques, les instruments de bord des aéronefs seront mis hors d’usage. Une attaque HPM sur le troisième cercle va paralyser l’adversaire.

La population constitue le quatrième cercle de Warden. Sans s’appesantir sur les effets biologiques directs, c’est surtout dans les effets indirects que réside l’intérêt d’une telle arme. En effet, c’est essentiellement la volonté de combattre de la population que l’on cherche à atteindre. Le roman Ravages de Barjavel illustre bien les conditions de vie d’une population technicienne soudain privée du confort de l’électricité, des moyens de communication, des moyens de transport, isolée des instances dirigeantes, etc. Si l’efficacité d’une e-bombe sur le moral des habitants de régions très rurales n’est pas assurée, on peut être assez confiant quant au résultat produit à Manhattan.

Le cinquième cercle est constitué des forces armées de notre adversaire. Cette arme est tout d’abord un formidable multiplicateur de force qui permet d’atteindre l’ennemi dans ce qu’il a de plus efficace, le ramenant rapidement à des modes d’action d’un autre siècle. Les ordinateurs, les systèmes de communications l'équipement de télécommunications, ceux incorporées dans l'équipement militaire, tel que des processeurs de signal, les commandes de vol électroniques et les systèmes de commande numériques de moteur, sont tous potentiellement vulnérables. Les récepteurs de toutes les variétés sont particulièrement sensibles, comme transistors à haute fréquence miniatures extrêmement sensibles et des diodes dans un tel équipement sont facilement détruites par exposition aux coupures électriques à haute tension. Par conséquent le radar et l'équipement de guerre électronique, le satellite, la micro-onde, la fréquence ultra-haute, le VHF, la haute fréquence et le bas matériel de transmissions de bande et l'équipement de télévision sont très vulnérables. Un Mirage III ou un Mig 21 devrait pouvoir rentrer à sa base, mais un Mirage 2000 ou un F-16, les commandes de vol électriques foudroyées, devrait rapidement rejoindre le sol. Cette munition permettrait de neutraliser sur une large zone les systèmes de défense antiaériens, en s’affranchissant du repérage précis des batteries adverses et des radars associés. De plus, en cas d’arrêt des conduites de tir afin d’éviter les missiles antiradar, l’efficacité de la e-bombe restera très bonne.

Pour l'Etat-major des forces armées occidentales, il ne faisait aucun doute que la victoire était acquise, et que la destruction complète de certaines infrastructures – dont ils auraient la charge par la suite – n'était pas nécessaire ; certains militaires avancent l'idée qu'il n’y avait pas d’intention de détruire complètement le système de génération électrique irakien, mais de l'endommager sérieusement, dans l'objectif de priver momentanément Bagdad, et quelques autres villes majeures, de leur électricité ; mais à la fin de la guerre, les centrales électriques irakiennes fonctionnaient seulement à 4 % de leur capacité.

Les centrales électriques sont ainsi des cibles légitimes de la guerre. Selon le colonel Kenneth Rizel, qui parle d'« infrastructures duelles » (civiles et militaires), l'application de la théorie de Warden durant la guerre du Golfe aurait fait preuve d'un succès indéniable, bien que moralement « problématique ». Ainsi, selon lui, si cette campagne aérienne, fondée sur les bombardements stratégiques, a permis d'éviter nombre de dégâts collatéraux, ne faisant que 3.000 morts chez les civils de façon directe malgré le largage de 88.000 tonnes de bombes en 43 jours, la destruction des usines hydroélectriques et autres installations électriques, a permis d'anéantir les capacités de command and control de l'armée irakienne, et la résistance des Irakiens. 

Mais les bombardements des centrales électriques ont également paralysé les hôpitaux, le réseau de distribution de l'eau potable ; dont les conséquences ont provoqué l'augmentation d'épidémies de gastroentérites, de choléra et de typhoïde. Les centrales d'épuration des eaux, détruites volontairement selon les témoignages d'ONG, ne fournissaient à Bagdad, qu'un tiers de l'eau potable nécessaire, attisant encore les épidémies et les infections rénales. Les « dégâts collatéraux », sont estimés au minimum à 100 000 civils morts indirectement, tandis que le taux de mortalité infantile doublait, selon une ONG.

Parenthèse humanitaire

Vanda Lamm nous rappelle que l'histoire des guerres humaines regorge d’exemples d’opérations militaires contre des « installations contenant des forces dangereuses », telles que des barrages et des digues ; les conflits du 20e siècle ont été particulièrement destructifs pour cette catégorie d’installations. Les guerres de Corée et du Vietnam ont été le théâtre de bombardements contre des digues, dont le but était pour les forces armées américaines de détruire des hectares de terres cultivées, le bétail, ainsi que des villages, afin de contraindre le gouvernement Nord-Vietnamien à des négociations. [Lire notre article]. De même, les centrales électriques et plus largement l'ensemble des infrastructures ont été bombardées méthodiquement.

Ces événements – et ceux de la seconde guerre mondiale - ont conduit le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à insister auprès des États pour convenir, en temps de paix, d’une « procédure ad hoc permettant d’assurer une immunité générale », lors de conflits armés, à des ouvrages « tels que les barrages et les digues des centrales hydroélectriques », qui sont destinés à des fins essentiellement pacifiques. Par la suite, la liste des installations contenant des forces dangereuses a été complétée de façon à inclure les centrales nucléaires « civiles ». À l’issue de longs débats, et de fortes réticences, a été adopté par consensus l’article 56 du Protocole I additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949. Ce Traité a été adopté par la Conférence diplomatique, qui a siégé de 1974 à 1977.[1] Le paragraphe 1 de l’article 56 énumère trois catégories d’installations protégées, à savoir les barrages, les digues et les centrales nucléaires civiles.

À propos de cet article, la première question soulevée par les analystes a trait au fait qu’il omet d’autres installations dangereuses, telles que certaines usines chimiques ou installations pétrolières. Tandis que d'autres – plus idéalistes - jugent nécessaire d'inclure les centrales de production d'énergie électrique : ce qu'évidemment, les stratèges militaires refusent. La question est posée : étant donné ces effets sur les non-combattants, est-ce que les installations d'énergie électrique sont des cibles militaires légitimes ?


PALESTINE : GAZA


La bande sous contrôle palestinien de Gaza est alimentée par trois sources d’électricité distinctes : Israël, l’Egypte, et sa propre centrale. Un total de 282 MW. Un chiffre déjà en-deçà des besoins de Gaza fixés à 350 MW pour «fonctionner» normalement. Ces trois sources cumulées offrent donc une couverture théorique de 80% des besoins de Gaza. Première source d’électricité, la centrale de Gaza offre une capacité totale de 217 MW, produits à partir de carburant liquide. Mais sa production dans les années 2000 n’a jamais dépassé les 140 MW. Avant d’être frappée par la stratégie d'Israël de priver d'électricité, le plus durablement possible les populations civiles.

Le 28 juin 2006, un avion des FAI [Forces Aériennes d'Israël] frappe la centrale électrique et endommage deux des six transformateurs, en représailles de la capture d'un soldat israélien et de la mort de deux autres, par des militants palestiniens liés au Hamas : «De 140 MW, nous sommes passés à 80 MW. Les dommages du bombardement n’ont jamais pu être complètement réparés», expliquait en 2011, le directeur de la centrale Rafiq Maliha. Le conflit avec Israël et le blocus économique instauré par l’Etat hébreu depuis la prise de pouvoir du Hamas en juin 2007 a durablement déréglé la machine énergétique de Gaza : centrale endommagée, quotas limités de carburant importés d’Israël (2 millions de litres par mois pour des besoins situés à 13 millions de litres mensuels). En outre, la grave crise énergétique de Gaza est, selon certains observateurs, une des conséquences des divisions politiques palestiniennes entre le Hamas et le Fatah.

En 2007, le bouclage israélien et égyptien de Gaza avait sévèrement restreint l’alimentation en carburant; qui a d’abord été passé en contrebande par les tunnels depuis l’Egypte, puis ensuite utilisé dans la production d’électricité, après qu’un ingénieur ait élaboré un processus de raffinage. Août 2007 : l’Union européenne qui réglait jusqu'à présent les dépenses en fioul bloque les fonds. De même, le territoire de Gaza est paralysé par une interdiction sur l’importation de matériaux pour la construction ou les réparations, laissant la centrale dans l’incapacité de fonctionner normalement. La compagnie d’électricité locale prévenait ainsi les habitants qu'ils recevraient seulement six heures d’électricité. Ahmad Abou Al-Amreen, responsable de l’information à l’Autorité de l’énergie déclarait alors :

« Nous sommes désolés de vous annoncer que nous sommes incapables de fournir les hôpitaux, les locaux d’enseignement, les pompes à eau et les installations d’eaux usées et tous les autres domaines de la vie avec les quantités suffisantes d’électricité »

Abu Al-Amreen déclarait qu’Israël portait la responsabilité globale de la crise énergétique, mais de nombreux experts palestiniens – du Fatah - accusaient le Hamas d'avoir mal géré les besoins en énergie, et Mustafa Ibrahim, spécialiste des droits de l’Homme et écrivain, déclarait que l’administration du Hamas avait omis de sécuriser la livraison d’énergie sur le territoire. Gaza a été jusqu'en 2012, au bord de l’abîme énergétique, et peut se retrouver périodiquement dans le noir complet au gré du conflit avec Israël. Les black-out se succédaient, l’étroit territoire éclairé seulement entre trois et cinq heures par jour. Alors que les températures frôlent le 0°C en hiver, la bougie et le brûleur à kérosène ont refait leur apparition dans les maisons. Le bruit des générateurs dans les rues rugit. Mais les groupes électrogènes et autres générateurs d’appoint peuvent difficilement se substituer au réseau électrique car ils sont privés, eux aussi, du précieux carburant pour fonctionner. Dans les rues, le retour de la lumière fait l’objet d’intenses rumeurs et spéculations. L’électricité arrive puis repart à n’importe quel moment de la journée : à 8 heures, 15 heures ou 3 heures du matin.

Mais l’absence de lumière est peut-être le problème le moins grave ; il s’agit seulement du premier maillon d’une longue chaîne de dysfonctionnements, dont l'un des plus graves est l’absence d’eau. Sans électricité, le circuit de l’eau – des stations de traitement jusqu’aux pompes des immeubles– est lui aussi défaillant. Rafiq Maliha témoignait : « Je n’ai plus d’eau chez moi depuis 5 jours. Parfois, j’ai de la lumière mais les robinets sont "à sec". D’autres fois, c’est le contraire. » De même, les stations d’épuration et les broyeurs à ordures fonctionnent par intermittence. Sans oublier la chaîne du froid pour les produits alimentaires, devenue tout aussi fragile : les congélateurs industriels et autres réfrigérateurs n’échappent pas aux black-out quotidiens.


Face à ces conditions de survie qui éprouvent le peuple de Gaza depuis de nombreuses années, la crise énergétique est devenue un des sujets de mécontentement populaire, entretenu par le Fatah contre les responsables du Hamas accusant eux Israël. Israël n'en espérait pas tant.

L'organisation israélienne pour la défense des droits de l'homme, B'Tselem, accusait dès 2006, les Forces de Défense d'Israël de crimes de guerre pour avoir bombardé cette centrale, qui a laissé, pendant de longs mois, de nombreuses zones de la Bande de Gaza sans puissance électrique complète, handicapant gravement les hôpitaux, la fourniture d'eau et les systèmes d'égouts. "B'Tselem établit que le bombardement de la centrale électrique était illégal et que la Loi Humanitaire Internationale le définit comme crime de guerre, puisque cette attaque était essentiellement un objectif civil.

« Cette action n'avait apparemment aucuns fondements militaires et il semble que son intention ait été de satisfaire un désir de vengeance. »

Au lieu d'entreprendre une action militaire aussi radicale, Israël aurait pu couper la fourniture d'électricité vers Gaza par l'intermédiaire de l'Israel Electric Corporation, bien que cela aussi eût été illégal, déclare le groupe. B'Tselem exigeait alors que le gouvernement ouvre une enquête sur le bombardement de la centrale.


LIBAN : des émeutes

Le problème de l’électricité au Liban n’est pas nouveau. Durant la guerre civile (1975-1989), les réseaux et les centrales ont été gravement détériorés, et la fraude s’est largement répandue, en raison de l’absence de l’Etat et des déplacements de population. La reconstruction a permis des investissements très importants dans le secteur. De nouvelles centrales ont été construites, le réseau de transport a été modernisé. L’une des questions centrales demeurait alors celle de la distribution, donc de la collecte des factures et de la lutte contre la fraude. Les tentatives de sous-traiter ces activités entre 2001 et 2005 à des entreprises privées, internationales, comme EDF (en charge des banlieues de Beyrouth), ou locales, n’ont pas été reconduites, pour des raisons apparemment très diverses. EDF avait significativement redressé la situation, alors qu’ailleurs, le bilan des sous-traitants était très contesté.

Ainsi, à la veille de la guerre de l’été 2006, la situation était loin d’être redevenue satisfaisante. Depuis la guerre de 2006, la situation s’est encore dégradée. Les bombardements israéliens ont une fois encore touché plusieurs installations électriques. Beyrouth connaît désormais le rationnement. Les écarts territoriaux dans l’accès au service restent très importants : début 2008, selon L’Orient-Le Jour, Beyrouth reçoit quotidiennement 21 heures de courant, alors que la banlieue sud, à l’autre extrême, subit près de 10 heures de coupures. Les pénuries demeuraient, pratiquement insensibles à Beyrouth intra-muros certes, mais de l’ordre de plusieurs heures par jour dans les banlieues de la capitale et les régions. Le secteur productif est aussi très lourdement pénalisé. L’électricité devient donc le symbole des fossés qui se creusent au Liban entre régions, entre classes sociales, entre confessions.

L’émeute sanglante du 27 janvier 2008 à Beyrouth trouve son origine dans une manifestation contre la multiplication et l’allongement des coupures du courant électrique ces derniers mois. Elle n’est que la dernière en date d’une série d’autres manifestations similaires, moins médiatisées, dans un contexte où la question électrique est l’enjeu de polémiques, de surenchères verbales à propos des fraudeurs petits ou gros, de rixes qui éclatent au passage des releveurs de compteurs ou des équipes de lutte contre la fraude, instituées en partie par EDF.

LIMA

Le PCP-SL – le Sentier Lumineux - au Pérou, est très certainement le groupe révolutionnaire qui a porté au plus haut niveau, la guérilla urbaine de « l'électricité », entre 1982 et 2000, en s'attaquant régulièrement au réseau approvisionnant Lima. Les centrales électriques étroitement surveillées ne pouvaient faire l'objet d'attaques frontales, mais distantes de plusieurs kilomètres de la capitale, les pylônes de haute tension, les points névralgiques, seront la cible idéale.


Un pylône de télécommunication dynamité
En 1982, la guérilla menée par le PCP-SL – le Sentier Lumineux - au Pérou, n'occupe pas encore une place importante dans le paysage politique et médiatique ; les actions en zone rurale pourtant sérieuses et nombreuses n'obtiennent guère d'écho dans la presse nationale et internationale, ou sont inévitablement déformées par la propagande du gouvernement. À l'inverse, les actions urbaines menées à Lima ont une répercussion et un impact national et international considérable. Dès lors, le Comité Metropolitano – l'un des organes du Sentier Lumineux à Lima, aura pour objectif de faire de la capitale une "caisse de résonance du Parti" [caja de resonancia del Partido], et d'organiser les opérations de propagande par le fait, dont celles symboliques des «coupures » d'électricité.

L'attaque d'envergure du 29 Mars 1982 débute par le dynamitage de pylônes à haute tension privant, pour la première fois Lima de courant pendant plus de deux heures, coordonné avec une série d'attentats synchronisés. Puis, suivra une longue période d'attaques du réseau électrique et de communication. Le 2 août 1982, le dynamitage de cinq pylônes de haute tension prélude les attentats contre les ministères de l'Économie, de l'Industrie, le Palais de justice, la Chancellerie. En décembre, le PCP-SL, célèbre l'anniversaire d'Abimael Guzmán avec des attaques simultanées à Lima et Ayacucho ; alors que Lima était privée d'électricité, des senderistas illuminent la colline cerro San Cristobal d'un “feu de joie” représentant une faucille et un marteau.

Un ministère, une banque, un building d'une multinationale, une caserne militaire ou n'importe quel autre autre bâtiment privé d'électricité est excessivement vulnérable : les différents systèmes de sécurité – alarme, vidéo, etc. - deviennent inutiles ou dérisoires face à une attaque bien organisée. Les senderistas profiteront des interruptions de courant pour mener des expropriations : en mai 1983, à la nuit tombée, des senderistas dynamitent 10 pylônes de haute tension et lancent une série d'attentats contre des banques, des sièges d'entreprises privées internationales, d'un poste de l'armée, tandis qu'un « feu de joie » illumine d'une faucille et d'un marteau le cerro San Cristobal.

Les attentats se poursuivent dans Lima et leur fréquence augmente. La venue du pape en 1985 est l’occasion d’une longue panne électrique dans plusieurs secteurs de Lima ; de même en juin de la même année pour la visite du président argentin Raul Alfonsin, une panne du réseau suivie d’un attentat à la voiture piégée sous les fenêtres du Palais du Gouvernement.

L'armée n'a d'autres alternatives de surveiller les pylônes du réseau d'électricité et ceux de communications, ou de placer des champs de mine à leurs abords ; et la police, d'affecter de nombreux hommes à la surveillance des ministères, des banques, des sièges de multi-nationales, etc. Autant d'effectif en moins pour des missions plus importantes.

Ainsi, pour les révolutionnaires, la guérilla « de l'électricité » devait tout à la fois être une opération de propagande par le fait, prouvant les faiblesses des forces gouvernementales, symbolique car affectant le plus grand nombre d'habitants – et notamment les plus riches -, une action destinée à perturber les activités économique et industrielle, et une opération technique affaiblissant les systèmes de sécurité et de surveillance leur permettant des actions armées contre des bâtiments.

Gian Giacomo Feltrinelli

Gian Giacomo Feltrinelli, éditeur milliardaire de Milan, a été l'un des financiers des groupes révolutionnaires d'Italie et d'autres pays du monde, jusqu'à sa mort en 1972, et ses librairies étaient autant un réseau de points de vente que de militantisme. Tiers-mondiste ou Internationaliste, il tissera des relations influentes avec nombre de hautes personnalités révolutionnaires, dont le célèbre Fidel Castro, les inconnus «Tupamaros» d'Uruguay. L'éditeur via une banque de Zurich, versait des sommes importantes à des organisations révolutionnaires Sud-Américaines, Palestiniennes, Allemandes, Espagnoles, Françaises, Grecs et Italiennes.

En 1969, Feltrinelli décide de devenir un « guérillero » à part entière et il organise les GAP (Groupes d'action partisane). Parmi leurs premières actions, des poteaux électriques seront détruits dans le nord de la Lombardie, des émissions télévisées pirates avec des appels à la lutte armée, perturbent les programmes. Suivent de nombreuses autres actions de propagande par le fait. En 1972, Gian Giacomo Feltrinelli meurt déchiqueté par une explosion sur un pylône haute tension à Segrate, près de Milan, qu'il tentait de dynamiter. L'opération aurait dû plonger Milan et le congrès national du Parti communiste italien qui s'y déroulait, dans l'obscurité. Une action purement symbolique bien « étrange », qui aujourd'hui interroge nombre de journalistes, suite à l'ouverture d'archives, maintenant déclassifiées.




Le journaliste Ferruccio Pinot publiait en mars 2012 un article circonstancié résumant les recherches faites par des journalistes, policiers et juges concluant qu'il s'agissait très probablement d'une mise en scène, d'un assassinat politique : « En 2012, après 40 ans, il est maintenant possible d'avoir des éléments qui permettent de soulever des doutes sérieux quant aux conditions de son décès ». Le rapport d'expertise médico-légale, effectué par deux sommités de l'époque, document jamais publié à ce jour, révèle bien des ambiguïtés, passées à l'époque sous silence ; des présomptions pèsent sur le fait qu'il aurait eu ses poignets attachés, que ses mains ne présentaient pas de traces de poudre, en dépit de l'explosion, et qu'elles auraient du être amputées ou au moins mutilées, que certaines lésions vitales ne sont pas dues à une explosion, tandis que d'autres blessures sont situées dans son dos.


Les journalistes évoquent ainsi une forte présomption d'assassinat, mais les possibles d'infiltration, les "traîtres" susceptibles d'avoir exécuté Feltrinelli - avant l'explosion -, sont nombreux : sans doute le Mossad palestinien - "Un Mossad va me tuer", aurait-t-il dit à son ami et ancien partisan Giambattista Lazagna - ou la CIA via le réseau Gladio – les services secrets américains de l'“arrière” -, avec l'entière collaboration des Services secrets italiens.


1977 New York


Le réseau, parfois, se paralyse de lui-même, le plus souvent à cause de défaillances humaine ou climatologique – un hiver rigoureux, un été trop chaud -, et peut affecter des zones aussi grandes que l'Europe [2008], l'Inde en 2012, et des mégapoles comme New York, victime de longs block-out, en 1965, 1977 et 2003. Idéal pour juger de la réaction de la population.




Celui de l'automne 1965, le premier de grande importance, n'aura guère de conséquences si ce n'est de gigantesques embouteillages, et la réaction de la population a été passive. Ce fut la nuit où fut enregistré le plus bas taux de criminalité à New York depuis des décennies. Une curieuse légende fit grand bruit. Un journaliste, après une enquête très hâtive publiée par le New York Times en 1966, avait prétendu que le nombre des naissances avait fortement augmenté à New York neuf mois après la panne : le romantisme de l'obscurité, des chandelles, le magnifique clair de Lune, auraient stimulés une intense activité sexuelle. Ce qui se révéla faux, en tout cas pour le nombre des naissances, on constata que celle-ci n'avait exercé aucun effet sur le mouvement saisonnier des naissances.

La panne du jeudi 14 août 2003, appelée « mégapanne », a été gigantesque, affectant les États et provinces du nord-est de l'Amérique du Nord. Il s'agit de la plus grande catastrophe énergétique de l'histoire du continent affectant New York et Toronto. L'économie est paralysée, Wall Street ne tient pas séance, et la plupart des secteurs de l'industrie sont à l'arrêt. Plusieurs « blocks » à New York n'ont pas été touchés par la coupure. Pour les autres, dont Times Square, il faudra près de quatre jours pour que la situation redevienne normale. Les dommages sont estimées à environ six milliards de dollars. Par chance, la coupure s'est produite en plein jour, et en plein été, minimisant ainsi son impact psychologique sur la population. Les usagers prisonniers des ascenseurs des buildings sont secourus. Sous terre, des milliers de personnes sont bloquées dans les rames de métro. Commence alors un véritable parcours du combattant pour ceux qui souhaitent rentrer chez eux. Les flots de marcheurs forcés investissent les ponts qui relient Manhattan aux autres quartiers de la ville. 




D'autres se préparent à rester sur place et organisent des campements de fortune. Grand Central Station va par exemple se transformer en dortoir géant. À la nuit tombante, dans certains quartiers, s'organisent spontanément des apéros puis des repas dans les rues, éclairés à la bougie, les bars improvisent des fêtes, et comme les restaurants investissent la rue : des barbecues sont improvisés, les denrées périssables y sont cuites ; les glaciers offraient leurs stocks qui fondaient dans les congélateurs en panne. Bref, les témoignages assurent de la plus grande convivialité, de rencontres para-normales, et comme en 1965, d'une grande activité sexuelle. 

Ce ne fut pas le cas le 13 juillet 1977 ; la panne de courant débute à 21 h 34 ; elle est dû à un orage, dont les chocs de foudre successifs sur des lignes de haute tension provoquent la panne. Faute de délestage effectué suffisamment rapidement, de nouvelles disjonctions surviennent en cascade. L'ensemble de New-York est dans l'obscurité totale, et le black-out prit fin 25 heures plus tard seulement. Dès les premières heures du block-out, les pillages de boutiques débutent, qui vont dégénérer le lendemain en mis à sac méthodique, et en émeutes entre commerçants, population et police. Les commerçants bien armés veillent à leur boutique, et n'hésitent pas à faire feu. 




Des supermarchés sont entièrement pillés, d'autres en feux, la police ne peut faire face à la multitude, et certains blocks sont littéralement dévastés. Les pillards emportent sur leurs épaules tout ce qui peut être transportable. Des journalistes précisent que ce fut la nuit des cambrioleurs, qui profitent de l'absence des propriétaires, bloqués dans les transports ou les ascenseurs, et de l'obscurité. 4000 pilleurs, émeutiers seront arrêtés par la police. On estime les dégâts à plusieurs centaines de millions de dollars. C'est un véritable traumatisme pour l'Amérique entière qui pourtant avait connu quelques années plus tôt, de graves émeutes raciales.




Révolutions Futures


Le PCP-SL, en attaquant le réseau électrique de Lima préfigurait peut-être les méthodes à plus grande échelle des guerres révolutionnaires de demain. Cette technique présente cependant l'inconvénient majeur de placer la population urbaine d'une mégapole dans des conditions de survie et rendre inacceptable et impopulaire, une guerre populaire de longue durée, notamment dans les pays de l'Europe occidentale, habitués à un certain confort depuis longtemps. Ce qui n'était pas le cas de Lima, où survivaient plus d'un million d'habitants dans des bidonvilles et autres taudis sordides du centre-ville... privés d'électricité.

Le comité invisible, dessinait ainsi le contour possible de L'insurrection qui vient :

« Mais la métropole produit aussi les moyens de sa propre destruction. À chaque réseau ses points faibles, ses noeuds qu’il faut défaire pour que la circulation s’arrête, pour que la toile implose. La dernière grande panne électrique européenne l’a montré : il aura suffi d’un incident sur une ligne à haute tension pour plonger une bonne partie du continent dans le noir. Le premier geste pour que quelque chose puisse surgir au milieu de la métropole, pour que s’ouvrent d’autres possibles, c’est d’arrêter son perpetuum mobile. C’est ce qu’ont compris les rebelles thaïlandais qui font sauter les relais électriques. »Pour la méthode, retenons du sabotage le principe suivant : un minimum de risque dans l’action, un minimum de temps, un maximum de dommages. […] L’infrastructure technique de la métropole est vulnérable : ses flux ne sont pas seulement transports de personnes et de marchandises, informations et énergie circulent à travers des réseaux de fils, de fibres et de canalisations, qu’il est possible d’attaquer. Saboter avec quelque conséquence la machine sociale implique aujourd’hui de reconquérir et réinventer les moyens d’interrompre ses réseaux. Comment rendre inutilisable une ligne de TGV, un réseau électrique ? Comment trouver les points faibles des réseaux informatiques, comment brouiller des ondes radios et rendre à la neige le petit écran ? »

Bill Radasky, un expert américain des phénomènes électromagnétiques, aurait pu répondre aux membres du comité invisible, comme il le déclarait à la revue New Scientist, il lui était très facile de fabriquer, avec du matériel acheté dans n'importe quel magasin électrique pour quelques centaines de $, une mini bombe à micro-ondes capable d’inactiver discrètement toute TV et ordinateurs dans un rayon de 100 mètres. Un engin assez petit pour tenir dans le coffre d'une voiture. Robert Gardner, de l'Union internationale des sciences de la radio, confirmait les propos de Radasky, et d'autres sources affirment – sans preuves véritables et vérifiables - que selon des rapports de Russie des e-bombes ont été utilisées lors de hold-up pour désactiver les systèmes de sécurité des banques et perturber les communications de la police. 

Des E-bombs peu coûteuses, techniquement maîtrisables, faciles à construire, à manipuler, discrètes, imparables, et ne faisant pas de victimes : les ingrédients d'un véritable cauchemar pour les gouvernements ; et une providence pour les guérilleros urbains des temps futurs ? 



EXTRAITS & SOURCES


Commandant Fourdrinier
Stratégie aérienne : emploi d’une arme « propre » de destruction massive.

Jean-Pierre Petit
Les Enfants du Diable
Editions Albin Michel | 1995


Carlo Kopp
Bombe électromagnétique :
une arme de destruction de masse électronique




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