艾未未 Ai Weiwei : Dissidence & Contradictions Architecturales

Stade olympique de Beijing : Herzog, de Meuron architectes / Ai Weiwei 


En guise d'avertissement, la base de ce texte a été écrit en 2008 à Beijing, durant les Jeux Olympiques et le martyr des plus pauvres habitants de Beijing, des innombrables jeunes ruraux devenus ouvriers du bâtiment pour bâtir la propagande architecturale du régime. Une tribune dont l'objet est de souligner les contradictions auxquelles sont confrontées les intellectuels chinois plus qu'une attaque contre le célèbre dissident chinois Ai Weiwei, quasi inconnu à l'époque. Il ne s'agit pas de le dénigrer mais d'apprécier son oeuvre, et notamment dans le domaine de l'architecture, à la juste mesure de son engagement – courageux – et de son implication dans des projets dont la moralité est plus que douteuse, en tout cas obscur à nos yeux.

艾未未,  Ai Weiwei, adulé par les médias mondiaux, élu personnalité de l'année 2011 par le quotidien Le Monde, le Times. Et pourtant, Ai Weiwei, avant d'être érigé en tant que symbole anti-totalitaire par le monde occidental, avant d'acquérir cette renommée internationale de dissident inflexible et intransigeant, était davantage considéré, en Chine, comme un artiste oeuvrant pour le capitalisme le plus cristallin, l'oligarchie et même pour les plus hautes autorités de l'Etat. La pensée critique de  Ai Weiwei comporte quelques zones ombrageuses, d'étonnantes contradictions qui ne s'inscrivent pas tout à fait dans la plus haute moralité intellectuelle qu'il exige et qu'il prône, et notamment dans le domaine de l'architecture ; activité qu'il exerce au sein de son agence Fake Design.


Sa participation en tant que conseiller artistique dans l'équipe de conception pour le stade olympique à Beijing laisse songeur, car dans le même temps, il appelait au boycott des Jeux Olympiques ; par contre, celle pour l'élaboration du nouveau quartier Ordos 100, sorte de gated community artistique pour milliardaires,  de la nouvelle ville-vide Kangbashi [nous avions consacré un article à ce propos], qui consista à concevoir le plan d'urbanisme et à organiser la coordination d'une pléiade de st-architectes internationaux pour la construction de 100 villas ultra-luxueuses destinées à l'oligarchie -1000 m² minimum et piscine intérieure obligatoire pour chacune- marque une certaine contradiction entre sa moralité et son exercice réel. Peut-on dénoncer avec véhémence les conditions de vie infra-humaines des ouvriers du bâtiment de Beijing, appeler au boycott des Jeux olympiques et s'engager dans la conception d'un édifice olympique symbolisant le massacre de de la capitale, l'exil forcé des plus pauvres hors du centre et une des vitrines de la Nouvelle Chine ultra-capitaliste ? Est-il possible de condamner sans appel l'immoralité des nouvelles classes bourgeoises et concevoir pour elles de luxueuses résidences de vacances  ?

En fait, l'évolution de la pensée critique de  Ai Weiwei prendra toute son ampleur, et sa vigueur, peu avant les Jeux Olympiques, et après l'abandon par le promoteur - magnat du yaourt et du charbon- du projet Ordos 100, également la même année. Le point de basculement d'une critique acerbe et sporadique à une dénonciation continue des dérives totalitaires et liberticides du pouvoir est survenu après le scandale des écoles effrondées -construites en dépit des règles de sécurité sismiques - suite au tremblement de terre du Sichuan en 2008. Des milliers d'enfants meurent ainsi sous les décombres de leurs trop fragiles écoles, bâties au nom du profit des entreprises et de la corruption des autorités locales. Ai Weiwei s'impliquera - et non l'inverse - dans la lutte des parents d'enfants qui exigeaient vérité et jusctice, tandis que le pouvoir central décidait d'étouffer ce scandale, après l'éviction des responsables et des personnalités les plus corrompues, en classant le dossier dans la catégorie des Affaires touchant à la sécurité de l'Etat. Les écoles écroulées sous le poids du profit capitaliste accèdaient au rang de Secret Défense.

Ce scandale fut en quelque sorte le détonateur pour  Ai Weiwei de son intrinsigeance morale qui l'engagea dans la voie de la dissidence ouverte. Mais pas seulement,  Ai Weiwei déclarait dans une interview dans le Times, que son activisme politique s'est progressivement épanoui lors de ces missions d'architecture : "Je me suis impliqué avec l'architecture. Travailler en architecture implique une immersion totale dans la société, la politique, avec les bureaucrates. C'est un processus très compliqué de faire de grands projets. Vous commencez à voir la société, comment elle fonctionne, comment elle travaille. Alors, vous avez beaucoup de critiques sur la façon dont elle fonctionne."

Ai Weiwei "regrettera" par la suite d'avoir été associé à la conception du stade olympique, estimant, à juste titre, qu'il s'agissait bien d'une architecture destinée à la "propagande du régime", selon ses propres termes. Par contre, il ne reniera pas son implication au sein de l'équipe de conception pour le projet Ordos 100, véritable oasis de luxe réservée aux seuls milliardaires [1].


Villa pour le quartier ORDOS 100


Bien plus, tout en critiquant ouvertement l'architecture spectaculaire qui sévit en Chine, tout du moins pour les programmes d'exception de grands équipements publics -musées, gares, bâtiments administratifs, etc.- et privés -tour de bureaux, sièges sociaux, centres commerciaux, etc.-,  Ai Weiwei s'engagea pour le projet Ordos 100, à choisir des architectes internationaux dont la pensée s'immerge complètement dans le système médiatique de la Starchitecture, ultra-libéralepolitiquement trop correcte, et ouvertement anti-sociale

L'architecture selon Ai Weiwei.
Quartier Caochangdi  : Ateliers d'artistes,  conception Ai Weiwei


Paradoxalement les propres projets et nombreuses réalisations architecturales de l'artiste -qui n'a pas de formation d'architecte-, au sein de l'agence Fake, dont le catalogue comporte des résidences pour l'intelligentsia culturel, des équipements publics culturels, des galeries d'art, expriment une architecture sobre, parfois snob mais toujours discrète, utilisant des matériaux traditionnels, notamment la brique ; à l'opposé du clinquant, du spectaculaire et du sculptural. Une architecture classique de qualité sans grande originalité et s'appuyant sur l'architecture urbaine traditionnelle des hutong : ruelles étroites et maisons fermées sur la rue. Il s'en explique dans une interview : J'ai grandi dans un camp en pleine campagne, dans des circonstances très difficiles. Pour survivre, nous devions tout faire nous-mêmes, de la construction de quartiers d'habitation aux travaux agricoles, à creuser l'argile pour les briques. Dès l'âge de dix ans, j'ai été habitué à ce type de travail. Pour moi, l'architecture est une question de survie. Il s'agit de faire des structures efficaces et rentables et non une belle création. Il s'agit de travailler avec un but. Puis de critiquer les architectes : Il ya trop de déchets, le language est souvent peu clair et souvent les efforts de l'architecte ne sont pas intelligents. L'architecture est une question morale et politique, et pas seulement une question technique. Le désir de construire est un instinct de base, une nécessité si l'on veut survivre dans la nature. Aujourd'hui l'architecture est devenue une profession enseignée dans les universités par des professeurs dont les cours sont consacrés à la fabrication d'une architecture folle. Tous ces étudiants veulent devenir des stars. Ils sont beaucoup moins intéressés à la façon de survivre. L'architecture intelligente peut être seulement quand elle est fidèle à sa nature fondamentale.


Le quartier Caochangdi à Beijing où se concentre plusieurs réalisations
 Quartier Caochangdi  : Courtyard 104,  conception Ai Weiwei
Quartier Caochangdi  : Ateliers d'artistes,  conception Ai Weiwei


Quartier Caochangdi  : Red Briks Galery,  conception Ai Weiwei

Les contradictions sont évidentes : condamner l'architecture folle et inviter des architectes internationaux à justement imaginer des villas où la fonction de l'architecture est réduite à une expression luxueuse et sculpturale devant, avant tout, flatter le snobisme pseudo-culturel de milliardaires en mal de reconnaissance, de nouveaux riches ayant bâti leur fortune sur l'esclavagisme, la barbarie et la corruption, tant dénoncés par Ai Weiwei.

De même pour le stade olympique imaginé avec les architectes suisses Herzog et de Meuron ; dont le prodigieux talent s'exerce exclusivement pour les grands de ce monde, les riches industriels, la bourgeoisie cultivée au sein des grandes administrations culturelles. Herzog et de Meuron, à la suite de Rem Koolhaas, ont simplement évacué le domaine social de l'architecture au profit d'une architecture de classe spectaculaire. Ici, bien plus grave, leur talentueux néo-libéralisme sera au service d'un régime totalitaire et devenu ultra-capitaliste. Mais selon la "tradition" le boycott ne s'applique pas [ou plus maintenant, pour être précis] aux intellectuels architectes, et ils seront félicités pour leur prodigieux monument ; peut-être pas par Amnesty International, qui lança avant les JO une campagne virulente. 

Les 2 dernières illustrations sont d'Amnesty International.

ORDOS 100 : la démesure capitaliste
La province de Mongolie intérieure était une région oubliée dans l’immense empire chinois, peuplée il y a peu encore de nomades vivant dans des yourtes. Mais dans les années 2000, les géologues y découvrent  une prodigieuse réserve souterraine de charbon estimée à 706 milliards de tonnes ainsi que du gaz,  ainsi que du pétrole. La région devient alors la " banque chinoise d'énergie du 21 e siècle", et possède aujourd'hui le revenu par habitant le plus élevé de Chine, après Shanghai. Les autorités régionales décident alors de la construction d'une ville nouvelle située à quelques kilomètres de Ordos, la vieille ville : Kangbashi la nouvelle, destinée à recevoir une population de 1 million d'habitants sort de terre rapidement. Parmi les objectifs annoncés, désengorger la « vieille » ville, contribuer à la croissance du PNB régional, et surtout, comme partout en Chine, organiser une économie basée sur l'immobilier. Activité lucrative conjuguée à la corruption, pour les fonctionnaires locaux, qui reçoivent les grasses enveloppes rouges inhérentes à tout projet immobilier d’envergure.
Des milliards de RMB plus tard la ville est quasiment achevée, mais les habitants ne sont pas venus. Trop loin, trop cher. La bibliothèque est ouverte, on plante des arbres autour de résidences, des écrans vidéos sans spectateurs vantent de nouveaux programmes immobiliers avec la ferme assurance qu’un jour ils viendront. Mais les prix de l'immobilier interdisent, pour l'instant, l'installation des classes populaires et moyennes qui préfèrent Ordos. La ville est donc habitée par les fonctionnaires et les ouvriers/esclaves qui la bâtissent. Kangbashi, monument à la prospérité chinoise, est devenu un symbole des ratés de la planification urbaine. Le sculpteur français Wilfrid Almendra [arrêté par la police], témoigne : "C'est un paysage étonnant, une cité moderne, onéreuse, plantée en pleine steppe. Mais elle est quasi vide : personne dans les rues ni sur les autoroutes, les hôtels de luxe sont vides. En même temps, c'est une ville-test pour la surveillance. Il n'y a que des policiers et des caméras, j'ai pu m'en rendre compte !"






Corruption généralisée, esclavagisme moderne, démesure capitaliste, fantasme urbain parfaitement inutile, initié pour l'enrichissement des politiques, des fonctionnaires, des spéculateurs et des industriels, urbanisme de la ségrégation, des gated community, urbanisme de la surveillance, etc. : c'est dans ce contexte qu'intervient Ai Weiwei, qui accepte bien volontiers de participer au projet d'une gated community artistique, Ordos 100.

Un quartier d'Art, ou un Zoo architectural
Cai Jian,  ami du président Hu Jintao, [ancien] ami de Ai Weiwei,  autoproclamé ” descendant direct de Gengis Khan “, fermier puis grand propriétaire foncier, devenu milliardaire grâce à l’industrie du yaourt, puis celle du charbon est à l’origine du projet Ordos 100, nouveau quartier de la nouvelle ville [1]. Collectionneur d’art Cai Jian est riche, prodigieusement riche et il décide de la construction d'un quartier consacré à l'art. Cai Jiang engage le ghotta du carnet mondain culturel naviguant dans les hautes sphères néo-capitalistes :  les architectes suisses Jacques Herzog et Pierre de Meuron ; qui invitent, à nouveau, Ai Weiwei à participer à l'élaboration du projet. A la demande de Cai Jiang, ils sélectionnent 100 architectes de renommée internationale qui devront concevoir les projets de 100 villas ultra-luxueuses, vendues 1.5 millions de dollars. 

Aucun architecte chinois  est retenu ; on ne sait pas si c'est la volonté de Cai Jian, des architectes Herzog et de Meuron ou du coordinateur Ai Weiwei. Le projet Ordos 100 est marqué par cette mécanique communicationnelle destinée à convaincre le chaland que la modernité du luxe ne peut être qu'occidentale. Qui fera l'objet de nombreuses et vives critiques - bien compréhensibles - de la part des architectes chinois et plus encore des plus jeunes talentueux [notons que les agences branchées de Beijing sont tout aussi insipides dans leurs discours et théories que celles d'Europe], de nombre d'intellectuels d'autres domaines. L'auréole de Ai Weiwei auprès de ces derniers pâlira, et les reproches - parfois teintés de chauvinisme exacerbé -  sont encore bien ancrées dans les consciences...
Ordos 100 : plan masse, le musée d'art est à droite, les villas en rouge
Ordos 100 : maquette du zoo architectural

Le journaliste Pouille [2] rapporte les propos de l'architecte Preston Scott Cohen invité pour la construction d'une villa, " L’objectif du projet de l’époque était de construire 100 villas pour nouveaux riches conçues par 100 architectes étrangers ! Nous avions carte blanche, sans aucune contrainte environnementale. Il leur fallait juste une grande piscine intérieure “ ; ” Je sais bien que c’est une ville fantôme, et je ne serai pas étonné si, là encore, le projet capote, mais c’est aussi cela, la Chine. L’important est de répondre aux exigences des officiels qui se livrent à une compétition féroce entre différentes provinces. Ils veulent de la grandeur, de la réussite, dans l’esprit des tours Rockefeller à New York ! ” ; En guise de conclusion le journaliste évoque : " Et dans le train couchettes qui ramène les hommes d’affaires chinois à Pékin, des contrats juteux plein les mallettes, chacun s’amuse des dernières folies des habitants d’Ordos. Comme ce jeune Chinois, concessionnaire de grosses berlines allemandes : ” Ma liste de clients s’allonge ; je n’ai pas assez de voitures pour tout le monde, mais certains sont prêts à ajouter 100 000 yuans [11.700 e] pour figurer en tête et conduire enfin leur voiture.
Après de longues recherches concernant les architectes invités, qui se révélèrent rapidement pénibles, on peut avancer l'idée que leur seule préoccupation - pour nombre trahie par des noms d'agence tel que encore heureux, freakArchitecte, etc.-, est de s'élever dans le carnet mondain, le Who's who de l'architecture ; des concepteurs dont la seule préoccupation est d'assouvir les caprices des plus riches, dont les discours slogantaires publiés par Elle Magazine, Le Figaro ou les médias branchés, révèlent une incompétence fabuleuse en matière sociale ; dont l'activité, pour certains, notamment Preston Scott Cohen, est de massacrer sans état d'âme quelques vieux quartiers de ville pour bâtir ici un luxueux centre commercial, là un musée. Bref, le nec plus ultra de l'architecture chic ultra-libérale, fière et soucieuse d'y appartenir, politiquement ultra correcte, spectaculaire à en devenir nauséabonde si tant d'objets de luxe se retrouvent concentrés dans un même lieu, tel un zoo inversé, séparant leurs propriétaires du monde des Sans, de la plèbe. 



En 2007 le musée d'art d'Ordos sera le premier bâtiment à sortir de terre, suivi par la réalisation d'ateliers d'artistes conçus par Ai Weiwei. A l'issue de la présentation faite par les architectes, le magnat les congratula de 100 enveloppes gonflées de 36.000 dollars en cash, puis ce fut la fin. Car, entre autre et entre-temps,  Ai Weiwei, coordinateur du projet, est devenu politiquement infréquentable pour tout homme d'affaires ou haut fonctionnaire chinois qui se respecte. Ai Weiwei reprendra par la suite les études faites, présentant en maquettes le projet architectural Ordos 100 qui sera exposé dans de nombreux musées autres que la Chine.


 Exposition Ordos 100 au Musée Kunsthaus de Bregenz


Un travail, pour ne pas dire une collaboration avec les plus riches promoteurs et industriels chinois qu'il ne reniera jamais, à notre connaissance ; ces nouveaux riches qui asservissent le petit peuple de Chine selon son expression. 


LES JEUX OLYMPIQUES DE BEIJING

Yang Chunlin, ancien ouvrier d'usine, aurait été enchaîné à un lit en fer, ses bras et jambes tellement étirés qu'il ne pouvait plus bouger. Il a été forcé à manger, boire et faire ses besoins dans cette position pendant six jours. Son seul « crime » : avoir recueilli des signatures pour une pétition intitulée « Nous ne voulons pas des Jeux olympiques, mais des droits humains ».

Ye Guozhu aurait été suspendu par les bras et frappé à coups de matraque électrique. Tout cela pour avoir demandé l'autorisation de manifester après avoir été expulsé de force de son domicile dans le cadre des travaux de construction liés aux Jeux olympiques. Des milliers d'autres personnes ont été torturées, harcelées, arrêtées et réduites au silence.

Amnesty International
Campagne Amnesty International JO Beijing 2008


Ai Weiwei sera associé en tant que conseiller artistique avec les architectes suisses Herzog et de Mouron pour la conception du stade olympique à Beijing : c'est à dire, ce qui est généralement considéré comme la pièce maîtresse dans l'échiquier des Jeux ; là où se déroulent les cérémonies d'ouverture et de clôture. Une architecture destinée autant aux activités sportives qu'à la communication ou à la propagande d'un gouvernement, démocratique ou totalitaire.   Ai Weiwei expose dans une interview datée de 2007 son point de vue à propos de ce monument.

Le Stade national est l'un des points forts des Jeux olympiques et la transformation urbaine de Beijing. Inévitablement le bâtiment a une forme. . .
A.W. : [rires] Le mot juste est «malheureusement».
La discussion se concentre sur sa valeur de symbole - comme une icône. Qu'est-ce que vous voyez quand vous regardez dans le stade ?
A.W. : Pour le moment, le peuple de la Chine est incapable de comprendre ce bâtiment, même ceux qui l'utilisent. C'est bien au-delà de leur compréhension, et ce n'est pas une remarque snob. Ce stade est plus qu'une vitrine. L'architecture est de qualité supérieure, et le stade peut continuer à être utilisé pour des grands évènements. Initialement, il s'est attiré des critiques du monde architectural. Un barrage d'experts s'est élevé contre le projet, prétextant des raisons de sécurité, l'occupation étrangère, le colonialisme. C'était un sujet très sensible. N'eût été le stade olympique, la structure n'aurait jamais été construite. Finalement, le budget a été réduit et le toit rétractable a été éliminé, mais le résultat est très satisfaisant. Nous voulions concevoir une forme démocratique. Si vous regardez le bâtiment sous des angles différents, vous voyez une uniformité dans laquelle pas une partie ne domine les autres. Depuis l'extérieur, il n'est pas aisé de deviner où se trouve l'entrée. Vous avez la liberté de «flotter» autour du bâtiment. A l'intérieur, l'espace n'est pas clairement structuré, mais plutôt chaotique. Il manque de points de référence évident. Dans le même temps, vous n'avez pas l'impression que vous êtes du mauvais côté ou dans une tribune avec une vision moins bonne. En maximisant la vue de tous, les architectes ont porté le gamewatching à son plus haut niveau. Quel dommage que personne ne mentionne ces qualités. Pour l'instant, l'image globale est tout ce qui compte.
Stade olympique de Beijing : Herzog, de Meuron architectes / Ai Weiwei conseiller artistique. 

En Chine, le stade olympique se matérialise par une réalisation exceptionnelle, un monument érigé en tant que vitrine de la Nouvelle Chine, un symbole de fierté pour les uns ; et d'humiliation pour d'autres, tant les conséquences des Jeux Olympiques sur le petit peuple de Beijing ont été cruelles, comme ce fut le cas pour d'autres villes. Comme à Rome en 1960, l'esprit olympique se matérialisa aussi pour les plus pauvres habitants, et notamment des hutong, à leur expulsion hors du centre ou bien à l'édification de mur les préservant de la vue des touristes. Selon Amnesty International quelque 1,25 million de personnes ont été déplacées à l'intérieur de Pékin en raison des projets de réaménagement de la ville, dont certains sont directement liés à des travaux de construction en prévision des JO. De nombreuses personnes auraient été expulsées de chez elles sans bénéficier des garanties prévues par la loi, et sans indemnisation en bonne et due forme. Pour « nettoyer » Beijing, les autorités municipales avaient même annoncé leur intention de placer les sans-abris et les mendiants dans des établissements de « rééducation par le travail», où l'on peut être maintenu jusqu'à quatre ans en détention sans inculpation ni jugement. Des militants des droits humains, des pétitionnaires et d'autres « indésirables » ont également été arrêtés à  Beijing et renvoyés de force dans leur province d'origine.
La construction des grandes infrastructures de transport -le gigantesque nouvel aéroport, les autoroutes, les rocades, les nouvelles lignes de métro, etc – du village olympique et des infrastructures sportives, nécessita la venue massive de ruraux, véritables esclaves surveillés, sous-payés vivant dans des conditions particulièrement difficiles. Le prix des places interdira à la plus grande partie de la population chinoise d'y participer et de fait, l'enthousiasme des masses sera restreint aux classes privilégiée et intermédiaires. Le paragraphe qui suit, extrait du rapport Fair Play for Housing Rights : Mega-Events, Olympic Games and Housing Rights, nous présente les conséquences de la venue des Jeux à Beijing.

Fierté nationale & répression

Intervenant devant le CIO durant la dernière phase de sélection, à Moscou en 2001, Liu Qi, maire de Beijing, déclarait que « 95 % de la population soutient la candidature car ils savent que les JO de 2008 aideront à élever leur niveau de vie. Les Chinois soutiendront tous nos projets sociaux et économiques et bénéficieront aussi du renforcement de notre engagement dans le domaine des droits humains ».
Les documents officiels diffusés au niveau national et municipal soulignent que l’un des buts de la Chine en organisant les JO en 2008 est de faire de ceux-ci les « meilleurs de tous les temps », faisant ainsi la démonstration que la Chine est un pays de premier rang capable de réussir de grands projets. Le succès de ces JO doit cimenter la confiance des investisseurs étrangers et provoquer en conséquence un afflux de capitaux. Le gouvernement déploie ces arguments ad nauseam pour que les citoyens appuient les efforts officiels pour les Jeux.
Cette stratégie de communication des « JO les meilleurs de tous les temps » met une énorme pression de l’opinion publique sur les habitants qui rechignent à quitter leur logement. Le message implicite est qu’à défaut que toute la ville et le pays soient unis derrière l’objectif des JO l’échec est possible, aboutissant à faire perdre la face à la Chine sur la scène internationale. De nombreux témoignages prouvent que les habitants sont totalement résignés à l’inéluctabilité de leur déplacement. Les moins susceptibles d’être victimes d’expulsions soutiennent que sacrifier le bien-être de 10 à 20 % de la population de la ville n’est pas un prix élevé à payer si les JO permettent de maintenir ou d’accélérer la croissance actuelle et ainsi empêcher que d’autres perdent leur emploi ou sombrent dans la pauvreté. De nombreux habitants nous ont déclaré soutenir les Jeux à la fois en raison des bénéfices futurs que la ville pourrait en tirer et de la fierté qu’ils ressentent d’être la première ville chinoise hôte des JO. Les plus privilégiés expriment souvent ouvertement le sentiment qu’« au final la nation en profitera, il est donc peut-être préférable que certains soient “sacrifiés” pour le bien de tous »…
La violence et la répression contre les militants du droit au logement et leurs avocats a été bien documentée par les ONG internationales et les médias. Citons quelques exemples :
en 2004, Zheng Enchong, un avocat représentant des centaines d’habitants de Shanghai réclamant la restitution de leurs biens spoliés dans le cadre d’un gigantesque scandale immobilier portant sur des milliards de yuans fut condamné à trois ans de prison pour avoir rendu public des documents prouvant la corruption de responsables de haut rang. Aujourd’hui en liberté après avoir purgé sa peine, M. Zheng est toujours assigné à résidence et interdit de rencontrer ses anciens clients  ;
un autre avocat, Xu Yonghai, fut condamné à la prison en 2004 pour avoir révélé des secrets d’État concernant des contrats immobiliers à Beijing  ;
en 2003, Ye Guozhu fut expulsé de son logement à Beijing dans le cadre des grands travaux olympiques. Après avoir organisé différentes manifestations, il fut arrêté le 27 août 2004, pour « troubles à l’ordre social » et condamné à quatre ans de prison en décembre 2004. Selon Amnesty International, il a été torturé en détention, suspendu notamment par les mains et battu avec des bâtons électriques ;
Qi Zhiyong a été obligé de fermer son magasin à plusieurs reprises en raison des travaux. En février 2006, suite à sa participation à une grève de la faim, les autorités lui retirent sa licence commerciale et le condamnent à 51 jours de détention.
Dans ce climat répressif, les avocats et les défenseurs du droit au logement ont été dissuadés de porter des cas d’expulsions devant la justice. La Cour suprême a ainsi ordonné aux tribunaux de première instance de ne plus accepter de plaintes des personnes expulsées et le gouvernement a réduit les possibilités pour les avocats de défendre collectivement des groupes d’expulsés. En mai 2006, l’association All China Lawyers a présenté son document Guiding Opinion on Lawyers Handling Mass Cases dans le même but. Celui-ci recommande aux avocats la plus « extrême circonspection » et leur impose, s’ils décidaient de s’engager dans de telles procédures, d’en référer à l’association pour obtenir « soutien, supervision et guidance ». En conséquence, de moins en moins d’avocats acceptent ces causes et leur indépendance est en péril.

La violence et la répression ne frappent pas seulement les dissidents. Les habitants courent les mêmes risques, et parfois leur vie, en résistant ou tentant d’éviter l’expulsion. Par exemple, en avril 2007, un blog chinois rapportait qu’une vieille femme avait menacé de se suicider en sautant par la fenêtre de son appartement (situé sur le site du futur siège de la télévision) après qu’il eut été vidé de tous ses biens par l’entreprise de démolition. Elle fut arrêtée pour trouble à l’ordre public en compagnie d’une autre personne lui ayant témoigné de la sympathie. « La perspective d’être expulsé peut être tellement terrifiante qu’il n’est pas rare que les gens risquent leur vie en tentant de résister ou, dans des cas extrêmes, se suicident lorsqu’il devient évident que l’expulsion ne peut être évitée. »
Dans d’autres cas, certains directement liés aux JO, Human Rights Watch rapporte qu’en août 2003 « un habitant de la ville de Nanjing revenant de sa pause déjeuner, découvrant sa maison démolie, a mis le feu au bâtiment du service municipal des démolitions et des expulsions. En septembre, Wang Baoguan s’est immolé par le feu lors de son expulsion à Beijing. Le 1er octobre, le jour de la fête nationale, Ye Guoqiang a tenté de se suicider en se jetant du pont Jinshui à Beijing après son expulsion dans le cadre des grands travaux pour les JO »

Article disponible en ligne sur le site : http://www.cohre.org

Via la revue Agone : http://revueagone.revues.org


Stade olympique de Beijing : Herzog, de Meuron architectes / Ai Weiwei conseiller artistique. Maquettes d'étude. 

Ai Weiwei, le stade, la dissidence

Le stade olympique : un symbole architectural qui a exigé le dur labeur pour un salaire de misère et dans des conditions très difficiles de 10.000 ouvriers, des ruraux pauvres pour la plus grande majorité. Participer ainsi à l'élaboration d'un monument de ce type, en Chine, revient à accepter, de fait, les conséquences sur la vie de milliers d'ouvriers d'un système corrompu, totalitaire et parfaitement injuste. L'implication de Ai Wei Wei le place ainsi dans la catégorie des collaborateurs, celle que dénonçait l'architecte italien Persico à propos des architectes ayant accepté de travailler pour le fascisme mussolinien. A titre de contre-exemple, il serait impossible ici de citer les intellectuels/architectes du monde entier et à différentes périodes de l'histoire qui ont préféré l'exil plutôt que de collaborer avec l'administration d'États totalitaires : parmi eux, fuyant l'Allemagne nazie figurent Mies Van der Rohe, Gropuis, Hilberseimmer, etc., et ceux anonymes exilés des dictatures de l'Amérique du Sud, Argentine, Chili, Pérou, etc., et le Brésil, pays natal de l'architecte Oscar Niemeyer, exilé lui aussi.
Appel au boycott du Mondial football 1978 en Argentine


Le réformisme de Ai Weiwei


Le dissident  Ai Weiwei  ne se place pas dans la catégorie des réformistes radicaux, même s'il prône une transition vers la Démocratie, même s'il plaide pour plus de justice sociale et s'il lutte contre la corruption ; le système qu'il souhaite pour son pays n'est rien autre qu'un capitalisme mesuré, contrôlé par les forces démocratiques, un capitalisme tel qu'il se pratique dans les démocraties européennes. Quelques décennies auparavant, en Russie communiste Alexandre Soljenitsyne en fit de même : l'histoire pourrait se répéter à nouveau d'un pays basculant d'un régime totalitaire liberticide à une société capitaliste parfaitement inhumaine, destructrice des liens sociaux comme de l'environnement, fabriquant plus de pauvreté que de richesse. Cela ne semble guère déranger nombre d'intellectuels progressistes et dissidents chinois qui espèrent encore d'une politique pouvant parvenir à ordonner le chaos inhérent au système capitaliste.
Politiquement correct, le réformisme de Ai Weiwei qui s'inscrit dans la plus pure tradition bourgeoise peut contenter les médias occidentaux, ainsi que l'intelligentsia cultivée bourgeoise, celle définie par le critique anglais Terry Eagleton : qui est le produit par la mondialisation d'une sorte d’uniformisation de la pensée et l’émergence d’une nouvelle « classe » intellectuelle transnationale. Le sociologue Alvin Gouldner analysait ce phénomène dès les premières années 1980, dans une perspective marxiste : il y voyait l’irruption d'une « bourgeoisie culturelle internationale » composée d'universitaires polyglottes issus de l'intelligentsia technique aussi bien que du champ intellectuel humaniste, alliée à la structure de pouvoir démocratique mais pour défendre ses propres intérêts, et formant une classe universelle viciée détentrice d'un véritable monopole mondial du savoir général et des discours critiques. Une intelligentsia bourgeoise architecturale menée par Rem Koolhaas, et ses amis Herzog et de Meuron, proches du dissident chinois.


Campagne pour la libération de Weiwei au Kunsthaus de Bregenz, Autriche 2011

Ai Weiwei et la contre-critique
Le monde artistique, comme le monde politique est cruel ; jalousie, hypocrisie et coup bas sont monnaie courante. Une mise en garde pour les propos qui suivent, émanant d'artistes chinois – tout aussi dissident que  Ai Weiwei  - qui évoquent, l'évolution de sa pensée critique politique, de sa dissidence, à celle de sa reconnaissance internationale ; une reconnaissance ancrée davantage pour son engagement pour les droits de l'Homme que pour ses oeuvres, malgré un talent indéniable ; une reconnaissance source d'immenses profits financiers qui suivent la courbe de sa popularité ; une reconnaissance qui fatalement a nourri le nihilisme de l'artiste [mais c'est sans doute propre à n'importe quel artiste] ; dont l'exemple caractéristique est son documentaire concernant les écoliers morts durant le tremblement de terre du Sichuan, le mettant en scène en permanence, à la manière critiquée et exaspérante du réalisateur Michael Moore. 


Nous l'avons évoqué plus haut, nombre d'architectes chinois lui tiennent encore rigueur à propos du projet Ordos 100. Plus grave, d'autres encore, estiment qu'il y a une forme d'indécence entre le combat de certains artistes pour les droits de l'Homme en Chine et le sens du spectacle commercialisé sur le marché de l'art contemporain.  Certains le jugent ainsi parfaitement indécent, à la recherche des couvertures et premières pages des magazines et quotidiens occidentaux, susceptibles de faire progresser son aura et le montant de ses oeuvres. Pourquoi pas après tout ! apprécient certains tandis que d'autres estiment que c'est malheureusement une dérive mais qui permet toutefois de médiatiser au plus haut niveau les aberrations d'un régime liberticide ; et que justement l'art est un des moyens de la contestation pouvant préserver des geôles, jusqu'à un certain point, son auteur. Mais il reste cette question d'une limite poreuse entre indécence et dissidence, bien difficile à cerner.
Installation de 9.000 cartables d'écolier en souvenir du tremblement de terre du Sichuan en 2008, Musée Haus der Kunst, Munich 2009.

Ai Weiwei et la Chine

Ainsi, les quotidiens occidentaux [3] soulignent la plus grande popularité de Ai Weiwei en Chine, affirmant qu'il représente sinon l'espoir du pays mais comme l'affirme pompeusement le quotidien Le Monde, « le visage de la dissidence ». C'est certain, photogéniquement,   Ai Weiwei  présente mieux la dissidence que le malheureux édenté Yang Chunlin, ancien ouvrier d'usine, torturé pour avoir osé critiqué l'Etat. Des propos  audacieux et réducteurs, selon nous, et il serait possible de mesurer cette popularité par le nombre de 30,000 personnes  [sur 1.400.000.000] ayant répondu à son appel pour l'aider à régler sa caution. Chiffre à prendre tel quel, avec maintes précautions, mais qui marque le faible degré d'impact du dissident. Il est certain qu'au sein de la bourgeoisie réformiste, dans les cercles intellectuels progressistes – que nous connaissons à Beijing et Shangai –  Ai Weiwei est considéré comme une grande figure de la dissidence ; de même pour les jeunes étudiants des milieux artistiques, ou pour les jeunes de la Bohême représente-t-il un modèle de résistance à suivre. Ce qui est peu.
Nombre de sociologues chinois estiment que les franges de la population traditionnellement la plus en mesure de constituer un puissant appareil subversif préfèrent la voie de la réussite sociale plutôt que celle de l'insurrection, dans une société qui, aujourd'hui encore, autorise une rapide ascension sociale. Les lois de l'héritage familial,  les mécaniques des réseaux professionnels et politiques qui agissent sur la destinée et la réussite sociale d'un individu sont puissantes en Chine mais n'atteignent pas encore le degré des vieilles sociétés capitalistes. De nombreux grands capitaines d'industries, d'entrepreneurs ayant fait fortune étaient il y a une vingtaine d'années de simples paysans, employés ou ouvriers, sans attache avec l'appareil politique du parti. En d'autres termes, il s'agit de s'enrichir – au mieux de faire sa place - maintenant car demain sera trop tard, les opportunités seront à l'évidence moindres, les réseaux constitués et bientôt fermés.
Un autre phénomène est à l'oeuvre en Chine – tout du moins dans les grandes villes - que l'on peut retrouver en Inde, voire au Brésil : le peu d'entrain des classes moyennes, disposant de salaires réguliers, plus ou moins assurées d'une stabilité professionnelle, à s'engager dans des actions sociales en faveur des plus pauvres qu'eux, et pas forcement miséreux. En Inde, les propos d'Arundhati Roy, ne font guère l'approbation des classes moyennes qui l'accusent d'extrémisme. En Chine, les liens sociaux entre les classes se fragilisent ; plus la classe moyenne s'enrichit, plus le traditionnel fossé se creuse. La recherche du profit mais aussi de la jouissance après des décennies de Rien, l'envie d'oublier les années de restriction et de privation se conjuguent pour former une sorte de rejet  d'une pauvreté dérangeante, rappelant des sombres souvenirs, entravant une jouissance de tous les instants. A cela, s'ajoute encore les années de la révolution culturelle qui a formaté les mentalités dont un des préceptes était de ne surtout pas s'occuper des affaires des autres. D'autre part, la langue joue -naturellement- une barrière étanche pour l'ouverture des jeunes intellectuels à la culture subversive occidentale ; renforcée par la surveillance très efficace d'Internet faite par la censure : pour preuve, ce blog est inaccessible en Chine, c'est dire...

Ai Weiwei 
Sans doute est-ce là que s'explique les contradiction du dissident  Ai Weiwei - et d'autres - qui s'adressent en particulier à cette frange de la population fortunée, cette classe cultivée, au contact de l'occident et acceptant l'occidentalisation de leur monde, prête à soutenir la résistance sinon active mais passive ; et celle plus nombreuse des jeunes étudiants ou non, à l'avenir aujourd'hui incertain,  prêts à agir plutôt qu'à subir. 
Ai Weiwei, à sa manière, sous la bannière des Arts, occupe ainsi le poste avancé de la dissidence de la bourgeoisie progressiste, du monde capitaliste démocratique dont nous connaissons les conséquences ; nous ne l'approuvons certainement pas, au contraire, mais force est de reconnaître son plus grand courage face à un État totalitaire prompt à enfermer la dissidence, y compris celle nobélisée de Liu Xiabo. Le plus grand mérite de  Ai Weiwei,  et d'autres artistes [que nous avons présenté su ce blog] est d'avoir justement permis aux plus audacieux de renouer des liens, de fabriquer de la solidarité, de placer le domaine des Arts dans celui de la politique, d'élargir la contestation vers d'autres horizons et d'autres défenseurs des Droits de l'Homme, qu'ils soient artistes, dissidents reconnus ou simples citoyens aux prises avec les autorités.




Sans aucun doute, revenir au communisme, ou à une autre forme de communisme semble improbable en Chine, même si certains mouvements bien constitués en appellent au marxisme pur. Les traces du passé sont trop vives, mais surtout, les possibilités d'enrichissement encore tenaces dans l'imaginaire des plus humbles. Mais si Ai Weiwei symbolise la lutte pour la transition vers une démocratie de type capitaliste d'autres envisagent ou tentent d'imaginer une autre construction sur le modèle, par exemple, du Vénézuela d'Hugo Chavez.  Car en effet, le peuple chinois peut pleinement apprécier les conséquences de la crise 2008 sur les peuples démocratisés capitalisés en Europe, aux Etats-Unis ou celles du capitalisme post-soviétique, efficacement relayés par les médias : misère, pauvreté, indigence, faillites, chômage ; et l'on peut observer une certaine fierté teintée de chauvinisme - y compris dans les cercles de nos connaissances pourtant peu enclin à ce genre d'appréciation - lorsque le gouvernement chinois se propose de se porter au secours du capitalisme européen. 
C'est évident, l'occident,  qui bénéficiait d'une certaine aura, d'un haut crédit moral et intellectuel,  n'est plus modèle unique, tant au sein du monde économique que celui opposé de la contestation. Parmi ses derniers, ils ont cette prodigieuse tâche d'inventer un futur qui ne soit ni le capitalisme ni le communisme ; qui nous rappelle cette phrase inoubliable de Flaubert : 
Les dieux n'étant plus, le Christ n'étant pas encore, il y a eu, entre Cicéron et Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été

Héroïque action d'un inconnu, place Tian anmen, printemps 1989
NOTES
[1] Ce n'est pas une première car il existait déjà un quartier résidentiel La Commune dans la vallée de Shuiguan près de la muraille de Chine, dont les 11 villas conçues par 11 agences chinoises les plus en vue sont louées à prix d'or pour des businessman le week-end.
[2] Plusieurs articles de ce journaliste freelance installé en Chine à propos d'Ordos et des JO :  http://www.jordanpouille.com/2010/07/31/chine-ordos/
[3] Il est toujours surprenant d'observer, depuis la Chine, le prodigieux décalage entre les articles des plus grands quotidiens occidentaux lui étant consacré et la réalité. Nous l'avons évoqué maintes fois, il est impossible, en Chine, d'établir un principe sur la base d'un fait, de généraliser un propos, une idée, une tendance survenu dans une ville ou une région, ou bien cela équivaudrait à établir un constat concernant 1 milliard 400 millions de citoyens ; en ayant à l'esprit la multitude de régions composant la Chine qui ont peu de choses en commun, sinon l'État : la mentalité, les préoccupations d'un habitant de la région tropicale de Hainan étant sensiblement différentes de celle d'un mongol des froides steppes, ou du Tibet, et plus encore d'un habitant de Bejing.

1 commentaire:

  1. Mouais

    En attendant Liu Xiaobo reste un pro colonialiste et pour la guerre en Irak, alors en tant que prix nobel de la paix, y a de quoi s'étonné.

    Je suis toujours étonné que l'on parle de ce pays sur des plans aussi négatif, et étonné aussi qu'il n y ait qu'une seule voie, celle du capitalisme et de l'occident. On ne vaut pas mieux que les chinois sur beaucoup de chose. Mais bon qu'importe, jetons des pierres à la Chine, c'est toujours mieux que de regarder l'horreur de notre propre passé.

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