L'on observe dans
plusieurs métropoles d'Europe, l'engouement des
citadins pour le vélocipède pliable ; à
Bruxelles, nul besoin de consulter les statistiques pour constater de
visu leur nombre augmenter. Snobisme écolo, effet de mode lié à
la conjoncture économique, ou phénomène plus structurel palliant
les difficultés de mobilité urbaine, et de l'habitat ?
A
Londres où le phénomène est le plus remarquable, un reportage de
CNN titrait : Folding
bikes revolutionize Communting (le
vélo pliable révolutionne les déplacements domicile-travail) et
pour ce type d'utilisation le folding
bike
prend le nom de commuting
bicycle.
Aux Pays-Bas, le parti politique Vert
GroenLinks appelle à promouvoir le principe du "Groen
Reizen"
(déplacements domicile-travail Verts) – le Bike
to Work
est lui à la mode en Europe - accordant un rôle-clé au
« système » vélo portable – transports public et
privé.
A
défaut
d'études sérieuses – l'urbanisme théorique en France et en
Belgique est muet sur ce sujet - nous avons consulté les forums
Internet dédiés au folding
biking, interrogé vendeurs spécialisés et
principaux intéressés : leurs usagers.
PLAISANCIERS
ET CARAVANIERS
Le
vélo pliable n'est pas une invention militaire, mais les ingénieurs
de l'armée dès la fin du 19e siècle s'appliqueront à
perfectionner l'engin. Dans le domaine civil, le
vélo pliable appartient historiquement à deux mondes, celui des
propriétaires de yachts, de bateaux de plaisance, et celui plus
populaire des caravaniers : le mini-vélo était, dans les
années 1960, parfaitement adapté au peu d'espace disponible de
leurs habitacles. Destinés à être transporté dans une caravane, un bateau ou une
péniche, une voiture, et non pas porté, les premiers modèles
privilégient le pliage, ou le démontage, le faible encombrement, et
le poids de l'engin n'était pas alors considéré comme un
inconvénient majeur. Pendant longtemps, le vélo pliable a été conçu pour un usage occasionnel, comme un objet de loisirs pour vacanciers, pour les randonneurs du week-end, etc. Les années 70 sont considérées comme le
"Golden Age of folding bikes", les catalogues des
industriels comportent plusieurs modèles de vélos pliables :
en Allemagne, « Les vélos pliants avaient une part de 35 %
du marché en 1975 », selon Carsten Schabacher du Vélo Club
Allemand, tandis que les années 1980 marquent leur mystérieux
déclin. Populaire, produit en série par les industriels, le vélo pliable va devenir progressivement en Europe, un objet luxueux, fabriqué artisanalement par quelques constructeurs ingénieux (ou non d'ailleurs).
CHEF-D'ŒUVRE
TECHNIQUE
Objet
gadget, de loisir, le mini-vélo pliable des années 1970, a évolué
pour devenir aujourd'hui une machine savante, un véritable
concentré d'ingéniosité, de haute technologie et d'alliages légers
(carbone, titane et kevlar), allégeant considérablement son poids ;
les vélo portables d'aujourd'hui ont peu en commun avec leurs
prédécesseurs. La Rolls-Royce du vélo portable, les folding
bikes "made in London" de la compagnie britannique
Brompton bicycles Ltd [1] pèsent pour les plus légers, 9 kilos,
l'inconfortable Strida, 6 kilos, contre 20 kilos pour un vélo de
ville classique. Pour les plus compacts, après un pliage rapide,
l'objet houssé ou non se transporte – assez - aisément partout : à
pied, dans le train, train régional, métropolitain, tramway,
ascenseur, la voiture, en taxi, etc. Selon un constructeur français,
le vélo portable est ainsi un « assistant de mobilité
individuelle ».
Ce
type spécifique de vélos urbains [2] a été pensé pour répondre
aux problèmes de déplacement dans les grandes villes, et de
commuting, et leur encombrement une fois plié, a été
déterminé par les lois en vigueur les autorisant à emprunter les
transports publics gratuitement. Le vélo portable voyage gratuitement en TGV, ce qui n'est pas le cas pour son cousin classique. De fait, comme l'évolution du
téléphone, ou de l'ordinateur, le vélo pliable, pour certains
modèles urbains, est devenu un « vélo-portable »,
transportable, et multifonctionnel.
Peu
confortable sur route (position, assise, rue pavée, pente raide,
etc.), l’utilisation du vélo portable est recommandée pour des
courtes distances – entre 5 et 10 kilomètres selon la corpulence
et la force de l'usager – et pour une utilisation en mode
multimodal, c’est-à-dire, associé à un ou plusieurs moyens de
transports. De même, une fois replié, le poids de l'objet peut être
une contrainte pour de longs trajets piétons, mais dans la plupart
des cas, sa position semi-pliée, des roulettes intégrées à la housse de transport –
voire une roue du vélo – évitent une trop grande pénibilité de
déplacement. C'est aussi un objet multifonctionnel qui peut se
transformer, grâce à des kits – en option – ingénieux, en
panier de course, poussette ou valise, et de la même manière, des
accessoires sont disponibles : sacoche pour ordinateur portable,
porte bagage, voire un « siège » pour enfant, une
remorque, etc... (dans ces cas, le vélo-portable devient de fait un
vélo de ville classique).
Une nouvelle génération de vélos pliables à
assistance électrique arrive sur le marché, mais pour les
« puristes » leur poids trop important les rendent
parfaitement intransportables, et anti-écologiques pour les
écolo-bikers.
ECOLO ?
Le
vélo portable dépasse largement le cadre des débats concernant l'
« écologie » urbaine, celui de la pratique de la
bicyclette en tant que mobilité propre – dans les deux sens du
terme - respectueuse de l'environnement, et autres considérations
« durables ». Dans son utilisation quotidienne,
sous-jacentes, ces préoccupations sont subordonnées à celle d'une
liberté de mobilité contre la tyrannie des transports en commun –
que ce soient les horaires, les dessertes, les fréquences ou le
temps de parcours -, que l'on peut élargir à celle des réseaux
privés de location de vélo en libre-service (Vélib, Velo'v, Villo,
etc.), et à celle d'un instrument de transport individuel pouvant se
transformer et emprunter – gratuitement – les transports en
commun, ou bien, se ranger dans le coffre d'une voiture. Même si les
constructeurs argumentent dans ce sens et évoquent une « mobilité
individuelle durable ».
Pour
les usagers l'utilisant quotidiennement pour leurs déplacements
domicile-travail, le gain de temps, et l'intermodalité sont les
principaux motifs d'achat, et l'idéologie dans l'air du temps, selon
Patrick Garde [A vélo citoyens !, 2009], d’utiliser le vélo
comme « outil d’agitation qui vise à promouvoir la pratique du
vélo comme alternative aux modes de transports polluants » ne
semble pas être la principale préoccupation : il s'agit
surtout d'adopter un « système » de moyens de transport
combinés pour aller plus vite d’un point à un autre, et combler
les lacunes de la mobilité publique. D'ailleurs de nombreux usagers interrogés l'utilisent avec leur voiture.
LE
VOL
Le vol : C'est,
pour les spécialistes de la mobilité, le principal frein au
développement de la pratique du vélo ; et ils constatent,
depuis quelques années, son formidable développement dans toutes
les grandes villes européennes. Sur le territoire de Bruxelles, le
vol de vélo – quel que soit son état – y est à ce point
développé – l'on parle de filières spécialisées – que les
associations de cyclistes exigèrent, il y a peu de temps, de la
police des mesures, un plan de lutte, pour arrêter l’hémorragie
[3].
Le
vélo portable constitue ainsi une bonne alternative au vol : on
l'emporte partout avec soi, et il peut être rangé à domicile, car
les vols s'effectuent autant sur l'espace public que dans les cours,
escaliers, couloirs et paliers des immeubles. Les vendeurs
spécialisés de folding bike avancent que c'est un argument de vente
essentiel pour ceux qui vivent dans des appartements de petite
taille, ou en étage sans ascenseur, stocké à l'abri, ils sont
ainsi débarrassés de la crainte d'un vol.
Cela
étant, les vélos les plus convoités par les voleurs sont, pour
leur valeur, les vélos portables (et les vélos électriques), et
l'on observe – à Bruxelles – peu de Brompton, de Bike Friday et
autres modèles moins luxueux stationnant sur l'espace public :
en d'autres termes, la convoitise des voleurs vous oblige à –
effectivement – devoir l'emporter partout avec vous... et à
vivre dans l'autre crainte, une sorte de paranoïa – le mot est
juste -, de ne pas pouvoir le laisser « dehors » sans
surveillance, même pour quelques instants.
LE
RACQUET
Le
vélo portable constitue un excellent moyen d'échapper à l'absence
parfois remarquable, dans les grandes villes dotées de réseau de
Vélo en libre-service, de dispositifs d'accrochage publics. Des
associations de cyclistes à Paris observent que le gestionnaire
JCDecaux a, en accord avec la Ville de Paris, littéralement
privatisé l'espace public, et la pratique du vélo, favorisant la
plus grande occupation des stations de locations - privées -, et
leur nombre, au détriment des arceaux d'accrochage publics, et
souvent, il n’est pas prévu de place ni de dispositifs pour ranger
son vélo dans l’espace public : conséquence, l'on est obligé
de l'attacher ailleurs, le long des barrières ou dans des endroits
jugés moins sûrs, propices au vol, là aussi où le vandale peut en
toute tranquillité « plier » une roue.
Un
bruxellois biker interrogé exposait sa pratique quotidienne du vélo
comme un acte politique de boycott contre JCDecaux, gestionnaire du
réseau de vélo en libre-service Villo, pour qui l'objectif
est de rentabiliser les espaces publicitaires des stations, et non de
favoriser la mobilité douce : « Je ne veux ni cautionner
cette multinationale qui sous-paye honteusement ses employés, ni
être la personne qui enrichira Decaux : il faut boycotter ce
service privé ! »
VELO
CHIC ? : UN INVESTISSEMENT !
Les
vélos portables – fiables - présentent l'inconvénient majeur
d'être très coûteux ; les prix atteignent des sommes
considérables au fur et à mesure que leur poids et leur
encombrement diminuent. Ainsi, les folding
bikes Brompton, plébiscités
par les utilisateurs du monde entier pour leurs faibles poids et
encombrement, sont fabriqués quasi-artisanalement en Angleterre ;
un savoir-faire et des matériaux employés, qui se répercutent sur
les prix de vente : 1200 euros pour le modèle bas de gamme,
2550 euros pour les hauts de gamme entièrement en titane, prix sans
les « options » et autres accessoires. Un modèle du
constructeur allemand Bernds affiche 3300 euros. En comparaison, le
prix d'un « vélo de ville » classique de bonne qualité
oscille entre 250 et 300 euros. Les possesseurs le reconnaissent
volontiers, les vélos portables Brompton, Bernds, et d'autres marques
aussi coûteuses, représentent un investissement : la qualité
quasi artisanale leur assure une longévité exceptionnelle, un
entretien quasi nul, une fiabilité légendaire, et les témoignages sont pléthores
d'utilisateurs heureux assurant le bon fonctionnement de leurs
folding bike depuis des années.
Ce
qui n'est pas le cas des modèles de série des industriels, qui
offrent des vélocipèdes pliables bon marché, mais qui se révèlent
à l'usage – souvent - parfaitement désastreux, du fait de
nombreuses imperfections (la tige de selle glisse vers le bas, les
freins fonctionnent à peine, les câbles s'enchevêtrent au pliage,
les charnières sont défectueuses, etc.) en plus d'un poids, d'un
encombrement bien plus importants. Le cas de l'industriel B'Twin
(marque cycle de Decathlon) donne l'exemple : ayant acheté des
copies sous licence du constructeur renommé américain Dahon (en
2010, le Hoptown,
copie du Dahon
Vitesse) la
fabrication souffre
cependant de - trop - nombreux sacrifices : un équipement, une
qualité de construction et de matériaux de moindre qualité, des
systèmes de verrouillage imparfaits, un poids plus généreux, mais
pour un prix de vente de moins de 300 euros... soit divisé par trois
par rapport au modèle original. D'autres modèles suivront mais les
défauts de fabrication se succèdent. Ainsi, peux-t-on lire dans les
forums Internet des communautés de folding bikers – de Tokyo ou de
Bruxelles -, car il existe de véritables défenseurs d’une marque
ou d’une autre, que le choix d'un vélo portable pour un usage
quotidien ou fréquent, doit exclusivement porter sur un modèle d'un
fabricant réputé, donc coûteux. Le prix à payer pour une longue
tranquillité assurée et un confort d'utilisation maximum... Sans
oublier une certaine dose de snobisme, ceci expliquant cela.
L'on
pourrait penser, à priori, que ces machines coûteuses sont
exclusivement réservées à une clientèle aisée, mais notre
enquête auprès de vendeurs spécialisés pondère ce propos :
d'une manière générale, ils reconnaissent volontiers
qu'historiquement les acheteurs se situent plutôt en haut de
l'échelle sociale, mais une nouvelle clientèle moins aisée
constitue à présent une part de marché tout aussi importante, y
compris pour les modèles Brompton, quitte à « casser la
tirelire », « rançonner » les parents, ou en
abandonnant sa voiture ou son scooter, ou bien, en France, profiter
des subventions offertes par les municipalités et Conseils
régionaux. Ils observent également, sans pouvoir toutefois établir
une loi générale, un marché de l'occasion vigoureux, notamment
grâce à Internet.
Il
n'y a pas de catégories spécifiques, ni de profil type
d'utilisateurs de vélo portable urbain, si ce n'est ceux qui le
considèrent comme un objet de luxe, un signe extérieur de richesse
– l'on achète un Brompton en titane -, ceux qui l'utilisent
occasionnellement pour les loisirs, et ceux qui l'utilisent
quotidiennement pour des trajets domicile-travail. Les vendeurs
interrogés différencient, avec humour, ceux qui ne les plieront
jamais de ceux qui les plieront quotidiennement. Mais les frontières
sont poreuses, aucune loi n'est ici exacte ; ainsi par exemple,
à Londres, nombre de jeunes golden boys de la City sont fanatiques
des luxueux modèles Brompton, surnommés Broomie, et n'hésitent pas
à les enfourcher et à les plier quotidiennement. À Bruxelles, les
Brompton bicycles connaissent depuis quelque temps un formidable
engouement, notamment auprès de la classe urbaine « créative »
fortunée, tandis que celle moins aisée se reporte sur un modèle
d'occasion ou son principal concurrent américain Dahon, plus lourd,
plus encombrant mais meilleur marché.
Interrogée, une
bruxelloise chevauchant un Broomie neuf, nous assure de son
peu de fortune personnelle (intermittente du spectacle) et explique
son achat (outre le poids plume) pour échapper aux contraintes des
transports publics peu adaptées à ses déplacements fréquents d'un
point à l'autre de la ville ; concernant le snobisme de
l'engin, la plupart des Brompton-bikers avancent plutôt la beauté
de la machine. Un folding biker utilisant à la fois son automobile jusqu'aux portes de la ville puis
son vélo portable pour se rendre plus rapidement à son lieu de
travail (ou le metro en cas d'intempérie) insistait sur le fait que
ce « système » de transport rendait plus responsable l'usage de la voiture : « Le vélo pliable
nous oblige à la réflexion. »
Cet autre folding biker (Bernds) en costume évoque le fait d'aller
à son bureau quotidiennement le matin avec son vélo portable mais
en métro, pour éviter de transpirer, profession oblige, et rentrer
en vélo pour profiter « de la ville plus souriante au-dessus
du métro », faire chemin faisant des emplettes, couper à
travers le Bois de la Cambre, etc. L'interrogé évacue toute idée
de snobisme ou d'effet de mode : « Qui à Bruxelles
connaît cette marque ?» et répond simplement que ses moyens
lui permettent d'être l'usager d'un modèle onéreux mais réputé
pour sa fiabilité. Folding biker depuis peu, il avoue « avoir
changer de style de vie, pas moins, libéré de la voiture, des
embouteillages et des transports en commun ».
D'autres
témoignages ajoutent encore d'autres motifs et qualités pour ce
système de transport, tous différents mais ayant comme point commun
une liberté de mouvement et une possibilité de choisir entre
différents moyens de transport et itinéraires. L'on peut évoquer
ici le sociologue Norbert Alter, pour qui « le développement d’une
innovation ne repose aucunement sur la qualité intrinsèque des
inventions, mais sur la capacité collective des acteurs à leur
donner sens et usage ».
L'AVENIR
BICYCLIQUE DES VILLES
Vendeurs
et utilisateurs quotidiens de vélo portables rencontrés, nous
assurent que cette forme de compromis entre vélo de ville et
trans-portabilité représente l'avenir de la mobilité urbaine pour
ce qui concerne la bicyclette. L'amélioration des modèles, leur
constante évolution, loin de reléguer le vélo au domaine des
antiquités, placent le folding bike urbain, tel que conçu
par les marques réputées, dans une sorte d'avant-gardisme
technologique. L'effet de mode « Brompton » s'appuie sur
un véritable chef-d'œuvre technique.
L'engouement
des citadins pour le vélo portable annonce la « démocratisation »
d'un produit coûteux : depuis peu, l'on observe l'intérêt des
municipalités qui s'emparent du phénomène, telle ville ou tel
conseil régional « subventionnent » (selon des critères
et sous certaines conditions) une partie du prix d'achat d'un vélo
portable (200 euros max. pour la région Pays de la Loire ou la
Communauté urbaine de Bordeaux, par exemples) ; Nantes
Métropole et
la Société d’économie mixte des transports en commun de
l’agglomération nantaise organisaient une expérimentation visant
à tester le prêt et l’utilisation de vélos pliants, le «
CycloTan », en parallèle de son système de
vélo en libre service « Bicloo ». Lille Métropole offre des
abonnements pour la location longue durée de vélo portable (60
euros pour un an). Les initiatives politiques se multiplient en
faveur du vélo-portable.
Les
industriels, après l'apogée et le déclin, l'ont longtemps ignoré
mais aujourd'hui l'on remarque la recrudescence de modèles portables
dans leur catalogue de vente. En Asie (après le Japon, la Chine),
la progression des dépôts de brevets ces dernières années en
matière de folding
bicycle
suggère un accroissement de l’offre dans les années à venir. De
même, les constructeurs automobiles (dont BMW, Mini, Volkswagen,
etc.) produisent des vélos pliables – et non portables -
s'intégrant parfaitement dans le coffre de leurs modèles
automobiles.
Les
expériences jusqu'à présent de fabrication industrielle de vélo
portable – dont celle évoquée de B Twin – destiné à un usage
intensif, sont peu convaincantes, voire désastreuses, mais comme le
note un membre d'une association de cyclistes, l'on peut avancer
l'idée que dans un proche avenir, les parts de marché à conquérir
[en France, selon le Conseil National des Professions du Cycle, les
vélos pliants ont vu leur volume de ventes en 2011 doubler par
rapport à 2010] les incitent à concevoir en série des modèles
sinon aussi perfectionnés que les Brompton bicycles, mais légers,
robustes et ergonomiques, et bien sûr et surtout, moins onéreux.
L'art et la technique du portable est donc un enjeu pour le
vélocipède urbain de demain.
Mais
est-ce donc pour autant l'avenir de l'Homo Urbanus européen de
pédaler en mode vélo-portable ?
Aucune
étude sérieuse ne nous renseigne. Le plus remarquable – et
intéressant - est qu'aucun urbaniste visionnaire, think tanker
prospectiviste, spécialiste des déplacements urbains, n'a envisagé
ou prévu un tel essor, ni même commenté cet engouement ; si ce
n'est Véronique Michaud du Club des villes et territoires
cyclables, qui entrevoit une solution d'avenir : « C'est un
atout pour l'intermodalité, on peut le glisser dans un wagon, le
monter dans son bureau ou chez soi pour éviter le vol.»
Si
l'urbaniste (ou sociologue) ne s'est guère penché sur le phénomène,
des rapports économiques concernant la branche industrielle de ce
domaine, faits par des instituts en Angleterre et aux Pays-Bas, indiquent que la part
de marché des folding bikes est en très nette augmentation, et
précisent succinctement qu'à Amsterdam comme à Londres, ce type de
produits intéresse, après les citadins aisés des centre-villes,
les péri-urbains pendulaires. Sans autres précisions, ces études
indiquent et confirment notre intuition que la vente des modèles de
folding bike luxueux se concentrent dans les centres anciens
bourgeois ou en voie de gentrification, tandis que les péri-urbains
s'offrent les modèles bas de gamme des marques concurrentes avec
cependant une part non négligeable de modèles de marques réputées.
D'autres
facteurs « psychologiques » intéressent Londres :
les magazines people alimentent régulièrement le snobisme de la
marque nationale Brompton en publiant des photographies de stars, de
lords, et autres VIP londoniens décontractés à cheval sur leur
monture ; des quotidiens argumentaient sur l'effet Jeux
Olympiques, qui a boosté la vente des vélos, et notamment des vélos
de ville, au détriment des VTT, réaction des londoniens face à la
crainte d'embouteillages féroces ? Enfin, ajoutons que le
Royaume-Uni est le pays de Brompton, de Raleigh, mais aussi d'autres
folding bicycle companies « locales ».
À
Amsterdam, capitale culturelle du vélo, l’embourgeoisement des
quartiers historiques et anciens et la venue d'une nouvelle
« creative class » aisée a coïncidé avec
l'augmentation des ventes du folding bike, renforcée par le fait que
le vol des vélos a considérablement augmenté (l'on estime le
nombre annuel entre 500.000 et 1 million), malgré la multiplication
des parkings surveillés ou sécurisés, tandis que les
infrastructures (voiries dédiées et parkings) sont, en
centre-ville, complètement saturées à certaines heures (490.000
personnes utilisent le vélo chaque jour dans la capitale), au même
titre que celles routières : le vélo portable couplé avec le
métro ou le train régional est alors une excellente alternative.
ALTERNATIVES ?
Cette
enquête interrogative sans prétention aucune, amène au-delà du phénomène, à une
critique des politiques urbaines des grandes métropoles, à leur
incapacité à répondre aux problèmes de mobilité et
d'accessibilité devenus complexes par l'éclatement des notions
d'espace et de temps, fondements de l'urbain. Une critique commune, à divers degrés, à l'ensemble des personnes interrogées.
Le
vélo portable utilisé quotidiennement en tant que système de
transport pallie la saturation des réseaux de transport public, la
mauvaise desserte des périphéries, tente de réduire au mieux les
temps de parcours, et de se soustraire à la médiocrité de
l'univers souterrain métropolitain, des trains de banlieue et des
gares aussi laides que commercialisées, mais également de sa cohue,
de ses foules anonymes et agressives. La désaffection croissante
pour les transports collectifs, lorsqu'ils deviennent quotidiennement
entre centre et périphérie, à ce point laborieux ou inhumains, a
favorisé le développement du vélo portable.
Malgré
cela, l'avenir « radieux » des capitales décidé par les
politiques, à Londres comme à Paris, propose encore, malgré les
« dysfonctionnements » historiques, un développement
exponentiel et infini, dans une sorte de concurrence, de rivalité
internationales, encadré par des législations complaisantes à
l'égard des mécanismes ultralibéraux de la spéculation – la
logique du marché – considérés comme une donnée, une
contingence, et non un obstacle à éliminer. La complexité
croissante de l'organisation spatiale des capitales et des grandes
agglomérations multiplie les mécaniques de la gestion des
transports et des mobilités, et elles cumulent deux handicaps
majeurs, que Paris porte à son habitude à son paroxysme :
. accoler une frange périurbaine de plus en plus étendue, à une forte demande de mobilité, à un tissu urbain continu ;
. présenter dans une large auréole périphérique des densités trop basses pour soutenir un véritable réseau maillé de transports, à fréquences élevées et horaire élargis.
Dans ce cadre, la théorie des pôles multinodaux péri-urbains plaide – ouvertement - en faveur de la spéculation. C'est le cas de Paris, de Londres et d'Amsterdam (malgré un maillage de transports publics assez dense), Bruxelles, et les villes de Belgique n'entrent pas – encore - dans cette configuration (et l'on observe peu d'utilisateurs de vélo portable dans la gare Bruxelles-Midi).
. accoler une frange périurbaine de plus en plus étendue, à une forte demande de mobilité, à un tissu urbain continu ;
. présenter dans une large auréole périphérique des densités trop basses pour soutenir un véritable réseau maillé de transports, à fréquences élevées et horaire élargis.
Dans ce cadre, la théorie des pôles multinodaux péri-urbains plaide – ouvertement - en faveur de la spéculation. C'est le cas de Paris, de Londres et d'Amsterdam (malgré un maillage de transports publics assez dense), Bruxelles, et les villes de Belgique n'entrent pas – encore - dans cette configuration (et l'on observe peu d'utilisateurs de vélo portable dans la gare Bruxelles-Midi).
Ainsi,
le modèle Brompton, produit de luxe destiné à l'origine à une
clientèle aisée voulant échapper pour d'autres raisons à la
promiscuité trop populaire du métro londonien, est en passe de
devenir peut-être une alternative « populaire ». Telle que leur brochure indique :
« Le
Brompton vous libère des contraintes des transports en vous rendant
votre liberté de déplacement. Que vous utilisiez les transports
publics, les transports privés ou aucun des deux, un Brompton vous
permet de repenser, diversifier et adapter vos déplacements à
l’envie. Un Brompton vous libère des contraintes imposées par
la vie moderne.
Nous
l’avons imaginé comme un moyen de transport personnel, un mode de
déplacement qui vous accompagne dans les trains, les avions et les
automobiles autant qu’il vous permet de vous déplacer d’un
endroit à un autre. Une fois à destination, votre Brompton tient
dans un placard, sous un bureau ou dans un vestiaire, à l’abri des
vols et des éléments, prêt pour votre prochain trajet. »
Bompton
Bicycle Ltd : Booklet 2013.
NOTES
[1]
La naissance du premier modèle Brompton en 1975 marque, pour les
spécialistes, une date importante, car le folding
bike
conçu par l’ingénieur présente tout à la fois un pliage
compact, des roues de 16 pouces, une solidité accrue, un poids moins
important et quelques nouveautés qui permettent à l'utilisateur de
ne pas se salir, d'être au contact des pièces mécaniques
graisseuses. La marque de vélos Raleigh refuse son prototype. Andrew
Ritchie
décide alors de le produire au début des années 1980, lorsque
prend fin la « mode » du folding bicycle. La Brompton
Bicycle Ltd végète, tandis que d'autres constructeurs-inventeurs de
génie se lancent dans l'aventure, tel Dahon en 1982. En 2002,
Brompton fabriquait 7000 vélos par an, 25.000 en 2009, 32.000 en
2012 avec pour horizon proche 50.000 unité par an.
Pour
une histoire complète (en anglais) :
[2]
Les principales marques sont présentées et jugées
sur
ce site en français :
et
ici en anglais :
Toutes
les marques sont répertoriées ici en anglais :
[3]
TOUS les vélos se volent à Bruxelles... dans l'indifférence
générale : la vidéo fait le buzz à Bruxelles :
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