AMSTERDAM en LUTTES


Photo : © Hans van den Bogaard

« Qu’est-ce que le néolibéralisme ?
Un programme de destruction des structures collectives capables de faire obstacle à la logique du marché pur.»
Pierre Bourdieu
L’essence du néolibéralisme
1998


Amsterdam, la belle capitale rebelle du royaume des Pays-Bas est devenue sage et soumise. 
L’on peut juger, sans paraître excessif, que l’héritage de quatre décennies de glorieuses luttes urbaine et écologique, pour le droit au logement et au squat – entre autres luttes -, ce précieux héritage a été balayé en une dizaine d’années...

...faute de résistance, les quartiers centraux d’Amsterdam, là où la résistance est née, encerclant le vieux centre historique, sont à présent embourgeoisés ou en passe de l’être totalement, les plus pittoresques sont à la merci et sous la pression d’un tourisme de masse tout aussi destructeur que pouvaient l’être jadis les bulldozers (avec ses conséquences sur la mutation du commerce, la pression hôtelière sur le logement, maisons de ville transformées en Bed & Breakfast, programmes d’hôtel des investisseurs, exacerbé par les offres d’Airbnb, saturation des espaces publics et nuisances dues à la surconsommation des lieux, etc.), tandis que les plus grands squats de jadis, dont les anciennes friches portuaires squattées, là où soufflait le vent libertaire, ont été évacués pour faire place, souvent, à des équipements ludico-touristiques, ou touristico-artistiques, aux côtés de nouveaux sièges sociaux de multinationales, objets spectaculaires tentant de capturer l'attention mondiale, symbolisant la nouvelle IAMsterdam. C'est-à-dire l'embourgeoisement de la ville et la grande pénurie de logement abordable, la destruction littérale du parc de logements sociaux mis en vente, la spéculation forcenée et la hausse véritablement vertigineuse de l’immobilier, les privatisations à outrance des services publics, les programmes d'éviction des indésirables, marginaux, délinquants et squatters, entre autres abominations urbaines ; tout ceci ne suscite aucune réaction d’opposition telle qu’elle s’exprimait jadis : la police, sans doute elle aussi nostalgique, n’a plus aucune tête subversive sur laquelle abattre sa matraque ; la contestation n’est même pas muselée, elle n’existe plus, sauf parfois, en réaction contre une nouvelle loi par trop libérale (notamment celle concernant l’université), à l’occasion d’un mouvement des mouvements, tel Occupy, mais sans lendemain sérieux, lutte inorganisée et inorganique. Certes, la pratique du squat perdure, tant bien que mal après la loi de 2010 l’interdisant et la pénalisant, mais comme la contestation, elle tient plus de l’anecdote marginale individualiste que du grand discours libertaire collectif, occupe illégalement l’espace artistique plutôt que l’espace social.

Si cette contradiction éclaire le malaise d’une jeunesse amorphe, par rapport aux décennies précédentes, et au-delà la démobilisation de « l’intelligentsia de masse », elle laisse dans l’obscurité le problème de savoir pourquoi la jeunesse révoltée formant des mouvements protestataires et rebelles est progressivement rentrée dans les rangs, alors que les contradictions fondamentales de la société néerlandaise, dans les domaines urbain et architectural, entre autres, s’aggravent. Ce fut d’ailleurs une question récurrente dans les débats contradictoires des intellectuels progressistes aux Pays-Bas : Pourquoi un tel spectaculaire et non moins rapide revirement ?

Amsterdam
30 april 1980 | émeute couronnement de la reine Beatrix
© Hans van Dijk


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Renseignements :
akorsyul@gmail.com





3 commentaires:

  1. Dingue ! Ca se passe à côté de chez nous (France) et personne n'en parle de la société de participation : Bravo & merci à vous...

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  2. Aïe Aïe : le modèle hollandais va donner des - mauvaises - idées à d'autres !

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