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1944-2014 | 70 années d'HABITAT Public en France




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1944 - 2014
70 années d’Habitat public

70 années de politique de l’habitat depuis le premier Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme créé en 1944, ont fabriqué un système de pénurie permanente, un processus de reproduction des inégalités et de relégation spatiales dont les conséquences en 2014 irradient maints autres domaines de la société : crise exceptionnelle du logement touchant 10 millions de français, reléguant 3,5 millions de français dans des conditions de pénibilité résidentielle, 700.000 sans abri et très mal-logés dans les «zones grises» du logement (ces chiffres proviennent du rapport mal-logement 2014 de la Fondation Abbé Pierre), saturation des Centres d’hébergement et d’urgence, réapparition sous diverses formes de l’habitat précaire et de micro-bidonvilles, précarité énergétique, crise latente des quartiers dits «sensibles» irrésolue depuis 1981, mobilité résidentielle plus restreinte et réduction des surfaces habitables dans les programmes neufs de logements HLM, et au contraire augmentation des loyers des charges, et des temps de déplacement, etc., faisant contraste saisissant avec l’embourgeoisement des quartiers populaires des centres-villes, et les gated communities périphériques des classes aisées. À cet inventaire non exhaustif, s’ajoute encore un «cadre de vie» dégradé, régulièrement dénoncé par la presse et l’édition : celui d’une «France moche» ou «défigurée».

Comment et Pourquoi, la France, grande puissance économique, est-elle parvenue à de tels exploits ? Les historiens de l’économie urbaine - libéraux, marxistes et néo-marxistes - isolent ainsi les grandes causes de la révolution urbaine française et de ses maux, initiée après la seconde guerre mondiale :

. La part du Produit Intérieur Brut accordée par l’Etat à l’habitat, le financement public étant considéré comme une donnée fondamentale ;
. Les droits inaliénables protégeant la propriété privée, notamment foncière, entravant l’action de l’Etat, et pour les plus radicaux, l’héritage, moteurs des mécanismes de reproduction de la pauvreté ;
. La marchandisation du logement social qui s’opère à partir des années 1960 par la mobilisation des banques dans ce secteur alors protégé, incitée par l’Etat par des mesures fiscales et juridiques ; impliquant un taux d’effort plus important pour les habitants pour se loger.
. La relégation des marginaux, des précaires, voire des travailleurs immigrés isolés, dans des structures d’hébergement gérées par des organisations caritatives. Moralement indéfendable et plus ou moins efficace, ce système sera mis à mal dès la première crise de 1973. En 2014, l’hébergement caritatif est désormais une marchandise, un secteur de l’économie post-moderne.

À ces causes structurelles sont associées selon l’époque et la couleur du gouvernement plusieurs effets conjoncturels, outre les fluctuations de l’économie qui n’expliquent pas tout, mais exacerbent les contingences :
. La dynamique et la logique propre des groupes sociaux contrariant les prévisions de l’Etat (pavillonnaire recherché, urbanisation excessive du littoral, ou son opposition en Corse, petite spéculation, gentrification, etc.). D’une certaine manière, les politiques urbaines accompagnent beaucoup plus qu’elles ne créent le développement urbain (le Ministère de l’environnement fut créé par l’opinion publique, le Ministère de la Ville, suite aux émeutes des cités d’habitat social, etc.).
. Les lois de décentralisation ayant délégué aux villes, mises en concurrence sur l’échiquier européen, l’urbanisme et l’habitat social.
. La forte démographie, l’exode rural, le retour des rapatriés des anciennes colonies de l’Asie et de l’Afrique, l’arrivée massive des immigrés du travail ont fait que la population urbaine a augmenté plus vite que le nombre de logements. De fait, la pénurie de logements sociaux, héritage de l’urbanisme haussmannien, a toujours été vive, même lorsque que prit fin la période des Trente Glorieuses, touchant plus particulièrement les populations immigrées. La «crise» du logement est ainsi structurelle, la pénurie permanente, et non conjoncturelle liée à des soubresauts économiques.
. Le désintérêt historique des groupes politiques et des syndicats pour le logement social, en tant que grande cause nationale ; et pendant des décennies, l’anesthésie généralisée de la presse et de l’édition à propos des questions du «cadre de vie» et du mal-logement, et en général à l’architecture.
. L’absence de pensée critique laissant à l’Etat une grande marge de manoeuvre dans la programmation des Plans nationaux et la communication-propagande, pour ce qui concerne l’aménagement du territoire, la ville et l’architecture.

Dans les domaines de l’architecture et de l’urbanisme, l’intellectuel, après avoir été universel, puis engagé, puis spécifique, devenu maintenant un spécialiste d’une chose, un technicien d’un secteur déterminé, un expert d’un point précis, s’est retranché derrière le masque d’une autonomie disciplinaire retrouvée, peu perméable aux autres domaines. Il en résulte une richesse informationnelle extraordinaire limitée par un morcellement de plus en plus prononcé, affligé d’un apolitisme assumé, ou justifiant l’idéologie dominante. 



Dès lors, l’univers artificiel de la précision technologique, de la science des statistiques, de l’expertise disciplinaire pose le problème du «rendement» humain non plus au centre des propos, mais à la marge : le programme «Objectif 500.000» (logements par an) du gouvernement représente parfaitement cette déshumanisation d’une grande cause par l’expertise purement comptable, quantifiable.
Ainsi, à contre-courant, la chronologie que nous présentons s’intéresse aux disciplines propres, extérieures et lointaines gravitant autour du domaine de l’habitat social, dans une synthèse relevant davantage du bric-à-brac, que de la perfection scientifique rigoureuse. Et ce labeur se place entre le travail purement idéologique et le travail intellectuel, déterminé par la question : ce travail a-t-il ou non un caractère politique ?




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1944 - 1969 

On ne peut débuter l’histoire de l’habitat social en France, sans évoquer Le Corbusier, pour qui le logement était au centre de ses théories et de ses préoccupations humanistes. En 1933, Le Corbusier jugeait ainsi :
« La violence des intérêts privés provoque une rupture d’équilibre désastreuse entre la poussée des forces économiques d’une part, la faiblesse du contrôle administratif et l’impuissance solidarité sociale d’autre part. [...] Les villes sont inhumaines et de la férocité de quelques intérêts privés est né le malheur d’innombrables personnes.»

Manfredo Tafuri écrivait à propos de son activité de l’après guerre : «Ne pas se laisser engloutir par les ondes du flux monétaire qui modèlent la métropole, mais lui opposer le projet de la domination de l’esprit, telle a été la tentative de Le Corbusier.»

1943 | VICHY
La loi de 1943 du gouvernement de Vichy, pendant l’occupation, instaure la Direction de l’urbanisme et de l’habitat qui confère au pouvoir central ou à ses représentants la décision dans la planification urbaine des plans locaux et communaux.

1944 | Bilan de la guerre en France
Des quartiers entiers de villes sont en partie rasés jusqu’aux fondations (Caen, Le Havre, Royan, Saint-Dié, etc.), 1851 villes sont meurtries, 420.000 bâtiments d’habitations sont totalement détruits, 1.900.000 partiellement endommagés  ; avec les bâtiments industriels et agricoles, plus de 6 millions de dossiers de réparation des préjudices et d’indemnisation sont déposés auprès des autorités administratives. À cela s’ajoute le retard accumulé depuis la première guerre mondiale, l’héritage des habitations insalubres, sans conforts : le recensement de 1954 indique que 11  % des logements disposaient d’une salle de bains, 17  % à Paris.


1944 |  MRU
Le 2 septembre 1944 marque le début officiel du gouvernement du général De Gaulle. Le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU), la Libération venue, reprend les grands principes de 1943, et J. Lojkine souligne la continuité, en ce domaine, entre la législation de Vichy et la politique suivie après la guerre. À l’exception de quelques limogeages, les mêmes équipes et personnalités qui ont œuvré sous le précédent régime, celui de la Révolution nationale de Pétain, sont reconduites dans leur fonction. Les grandes lignes générales sont esquissées  : les échecs partiels des tentatives de planification du municipalisme reportent sur le pouvoir central la charge principale de l’urbanisme, dans la continuité des lois de 1943. Les collectivités locales sont associées au système mais ne commandent pas. Cette centralisation s’exerce jusqu’au début des années 1980.
La priorité du gouvernement en matière de reconstruction est d'abord celui de l’appareil productif, de l’équipement industriel, des voies de communication et moyens de transport, ainsi que des bâtiments officiels  ; le logement devient véritablement la priorité nationale en 1954 après l’appel de l’abbé Pierre. En attendant, les architectes sont invités à contribuer à l’effort national, en imaginant des solutions d’urgence, au besoin des constructions provisoires, et ce, dans un contexte de forte pénurie de matériaux et de rationnement. De la Libération à l’automne 1948, 800.000 constructions provisoires de toute sorte étaient ainsi mises à disposition de la population, contre 50.000 logements neufs.




11 octobre 1945 | Réquisition
La fameuse ordonnance du 11 octobre 1945, promulguée par le gouvernement dUnité nationale, dirigé par de Gaulle, étend la réquisition, jusqu’alors limitée à des usages militaires, à des fins civiles. La Loi de réquisition permet au Préfet d’installer dans des logements vacants depuis plus de 6 mois, des personnes sans logis ou mal-logées, éligibles à une HLM. Une indemnité est versée au propriétaire des lieux. La réquisition est prise pour une durée d’un an, renouvelable 4 fois.

1945 | Squats
À partir de 1945 naissent des centaines d’associations, locales et nationales, venant en aide aux sans abri, sinistrés «de la guerre». S’y mêlent bourgeoisie sociale-chrétienne, ouvriers catholiques et militants communistes, et toutes bénéficient d’une large audience tenant en partie à la «mauvaise conscience» des possédants devant l’extraordinaire pénurie de logements. Une des plus importantes, l’Entente squatter, est placée sous l’égide des militants catholiques ouvriers du Mouvement populaire des familles (MPF).

1947 | La Madone des Squatters
Un jour de 1947, la Commission Familiale et Ouvrière du Logement du Mouvement populaire des familles de la bonne ville d’Angers, invite Antoinette Brisset, notable de la haute bourgeoisie angevine, alors journaliste bénévole, à assister à une opération de squat. Convaincue, elle organisa et mena personnellement trois cents occupations illégales entre 1947 et 1949, huit cent jusqu’en 1962, ce qui lui valut les surnoms de «Jeanne d’Arc des sans-logis», «Madone des squatters», une cinquantaine de passage au tribunal assorti de condamnations à des peines d’amendes, mais aussi de prison ferme, dont deux mois pour la 318e occupation. Elle fut également l’initiatrice et la grande organisatrice des Castors angevins.
Si rares étaient les notables d’Angers qui lui vinrent en aide, Antoinette, Self made woman riche mais d’origine modeste, fut davantage soutenue et défendue - lors de ses procès notamment - par les ministres et hauts responsables parisiens chargés de la Reconstruction.

1946 | PC et CNL
La Confédération nationale des locataires et des usagers de l’eau du gaz et de l’électricité (CNL), satellite du Parti communiste, est créée, héritière de l’Union confédérale des locataires fondée en 1916 pour lutter contre les expulsions et la hausse des loyers. Son objectif primordial est la défense des locataires contre les propriétaires. Privilégiant le monde ouvrier, la CNL s’occupera toutefois du sort des sans abri en organisant, comme d’autres, des opérations-commandos squats et distribuant généreusement diverses aides matérielles, avec l’aide des militants des cellules locales, et du Secours Populaire créé plus tôt en 1945.

13 avril 1946
Une loi interdit les maisons closes et instaure les Centres de reclassement féminin destinés à accueillir (et moraliser) les prostituées ayant renoncé à leur activité.

23 novembre 1946 | l’Indochine en guerre
Début officiel de la guerre d’Indochine par le bombardement du port d’Haiphong par la Marine française  ; les dépenses publiques conséquentes accordées aux militaires plombent le budget de l’Etat.

1947
Parution du livre «Paris et le désert français» de Jean-François Gravier dont l’écho est considérable.

1947 | les Castors
A partir de 1947 des collectifs d’auto-constructeurs font leur apparition simultanément dans plusieurs régions de France, qui ne tardent pas à se fédérer au sein de l’Union Nationale des Castors (UNC) en 1951. Le premier chantier « Castor » reconnu comme tel apparaît à Lyon en 1947. Mais l’histoire retient le plus emblématique chantier de Pessac, débuté en 1948, initié par un prêtre bordelais, Etienne Damoran, aidé de militants syndicalistes de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), regroupés dans un Comité Ouvrier du Logement (COL), qui pose les bases des modalités de l’action des autoconstructeurs, ne disposant d’aucun capital de départ, devenir propriétaire d’une maison individuelle  : «Pour vous loger, devenez auto-constructeurs».

3 septembre 1947
Une loi restructure le service public du logement.

10 septembre 1947 | les Coopératives
L’Etat à la recherche de toutes les bonnes volontés pour l’effort de reconstruction vote une loi qui encourage la création et encadre les entreprises coopératives :
« Les coopératives sont des sociétés dont les objets essentiels sont de réduire au bénéfice de leurs membres et par l’effort commun de ceux-ci le prix de revient et, le cas échéant, le prix de vente de certains produits ou de certains services, en assumant les fonctions des entrepreneurs ou des intermédiaires dont la rémunération grèverait le prix de revient.»
Cette loi est favorable à la création et au développement des Coopératives de construction, nombreuses dans l’entre deux guerre.

1er septembre 1948  | Contrôle des loyers
La loi sur la limitation des loyers réglemente les loyers des logements achevés avant sa promulgation. La loi crée également l’allocation logement. Elle entre en vigueur en janvier 1949. Un Fonds National, du Centre National d’Amélioration de l’Habitat (CNAH) est créé. D’une manière générale, les propriétaires affectés par la loi se détournent des dépenses d’entretien, ou liquident, encore plus volontiers, un patrimoine qui comporte trop de charges, lassés de ne pouvoir ni augmenter les loyers, ni exercer un droit de reprise.
Au final, les effets pervers de la Loi 48 agissent dans le sens du vieillissement démographique et immobilier, de la dégradation et du sous-équipement, analyse le rapport Nora en 1975  ; d’autres estiment que les loyers 48 ont largement contribué à protéger les locations des populations fragiles, dont notamment les retraités. Les premiers à être expulsés lorsque la loi sera modifiée.

1948 | Nanterre
A Nanterre, ville aux portes de Paris, s’érige en 1948, une cité Castor et les premières masures qui allaient constituer l’un des plus imposants bidonvilles de France.

1949
Loi sur les habitations qui fixe de nouvelles normes pour les logements sociaux et reconnaît ainsi un
droit au logement décent.

1950 | HLM
L’appellation Habitations à Loyer Modéré se substitue à Habitations à Bon Marché : ce changement de nom est révélateur, la politique d’habitat est orientée en faveur des classes moyennes, dont l’aisance n’est pas encore suffisante pour faire face au contexte de pénurie.

1950
La Propagande et Action Contre les Taudis (PACT) est créée dans la région lilloise par la fusion d’associations de bénévoles animés par l’esprit catholique-social, spécialisées dans la rénovation des immeubles et maisons insalubres, et leur gestion, puis dans la re-socialisation des ménages.

1951 | CEA
Création du Cercle d’études architecturales, fondé par le ministère de la Reconstruction, compte parmi ses membres les architectes académiques modernes bâtisseurs de monstruosités HLMiques, et des personnalités de l’Etat, dont Eugène Claudius Petit ; sont invités régulièrement à participer à des cycles de conférences ou de débats («les Lundis du CEA»), des universitaires, intellectuels, dont Michel Foucault dans les années 60 (Des espaces autres le 14 mars 1967). Le CEA récompensait chaque année un architecte.

12 août 1951| les Castors
Le principe de l’apport-travail, revendiqué et défendu par les autoconstructeurs Castor avait été acquis en 1949 par une décision interministérielle, officialisée le 12 août 1951 par une circulaire signée par Eugène Claudius-Petit, Ministre de la Reconstruction : l’État français reconnaît l’apport-travail comme mode de financement recevable, donnant droit à des aides publiques, à des prêts dans le cadre de la législation HLM, et à leur institutionnalisation en tant que société coopérative d’HLM agréée par l’État. Les opérations Castors bénéficient également (et obligatoirement dans certains cas) du bénévolat des architectes du ministère de la Reconstruction qui conçoivent les plans d’ensemble, les plans et façades des logements, s’occupent des démarches administratives (permis de construire, etc.) et suivent le chantier. De fait, les services administratifs imposent ainsi aux Castors leurs compétences et minimisent au possible leurs facultés de création, d’initiative et leur autonomie. D’autre part, nombre de coopératives d’autoconstruction bénéficient des aides parfois non négligeables (cessions de terrain, dons, bénévolat, soutien politique, etc.) de l’Eglise et de la famille bourgeoise sociale-chrétienne. En moyenne, ce processus de construction permet une économie de 30 à 40 % par rapport aux prix normaux. Le plus souvent – le mode de fonctionnement des coopératives Castors est très disparate -, une fois le prêt accordé, les Castors effectuent des versements mensuels à la société d’HLM , d’un montant équivalent à 1/6 du salaire du chef de famille durant toute la durée du chantier. Soit une somme supérieure aux loyers couramment pratiqués dans le logement social, même si elle n’est pas versée à fonds perdus puisque le produit de ces versements est déduit du montant total dû par le sociétaire à la signature du contrat d’attribution. Puis, une fois installés, les Castors paient un «loyer», et terminent ainsi de rembourser les prêts consentis par leur organisme logeur.



Opération plutôt rentable pour le ministère de la Reconstruction, et de même, Eugène Claudius-Petit ne prend même pas la mesure de l’effort accompli par les ouvriers-volontaires-castors, qui après une semaine de travail de plus de 40 heures, doivent travailler sur le chantier pendant leurs week-ends et congés, et ce pendant des années (3 à 4 années en moyenne). Des textes de l’époque évoquent des cas de fatigue chronique, des «désordres» au sein des ménages, et la moindre épaisseur de la solidarité de leur collectif, une fois l’oeuvre achevée : Chacun chez Soi !
Pour ces raisons, et au-delà, leur idéal proprio-individualiste jugé «petit-bourgeois», partis politiques de la gauche, dont le PCF et syndicats associés, se déclarent ouvertement contre le principe même de l’autoconstruction institutionnalisé : la CGT reconnaissait « à sa juste valeur l’effort méritoire entrepris par les Castors, [mais] elle condamne la carence gouvernementale qui est à la base de ce mouvement et regrette que les travailleurs en soient réduits à de tels palliatifs pour pouvoir se loger.» Revue CIL, février 1953.


Mai 1952
Des membres de l’Union Nationale des Castors fondent l’association Baticoop regroupant des sociétés coopératives non-HLM (car bénéficiant directement des financements accordés aux logements économiques et familiaux et de primes de l’État), limitées à des programmes immobiliers collectifs de grande ampleur en accession à la propriété.

14 octobre 1952  | Le Corbusier
Le Corbusier inaugure la Cité Radieuse à Marseille, et prépare celle de Rezé-les-Nantes. Mais il sait désormais que ses immeubles villas, ses cités radieuses, monuments à la gloire de l’habitat, ne seront pas des modèles d’architecture pour les responsables politiques chargés de la reconstruction. Désabusé, il abandonne l’habitat collectif, d’autant plus qu’apparaissent les premiers dinosaures gigantesques, les grands ensembles, conçus par des architectes peu scrupuleux (en contrepoint, Le Corbusier auteur du poème dessiné de l’angle droit, imaginera la Chapelle Ronchamps sans un seul angle droit).


1952 | l’Avenir Collectif
Le modèle de la ville idéale, pour les communistes est soviétique. L’Humanité, en 1952 faisait l’apologie des immeubles «  à l’allure de palais ou de cathédrales  » dont la réalisation est rendue possible par des «  méthodes [qui renouvellent complètement la technique, notamment par la construction en série  », celle-ci seule pouvant «  mettre fin à la pénurie de logements  ». Conservateurs, socialistes et communistes semblent pour un temps s’accorder sur la question et l’avenir du logement  : il sera collectif, sans pour autant évacuer totalement l’habitat individuel, malgré les critiques et réserves et en dépit de la préférence des Français pour la maison individuelle (qui s’explique en partie du fait d’un exode rural massif vers les villes).

1952
Naissance de la catégorie des Logements économiques normalisés. Généraliser sur la qualité architecturale des immeubles HLM de cette époque est difficile, mais l’on admet que nombre d’opérations réussissent à concilier une échelle urbaine humaine et certaines qualités ; la reconstruction de Royan est à ce titre un exemple que l’on cite volontiers. Puis le logement de masse a été considéré comme « la saloperie qu’on fait pour gagner sa croûte », selon Le Corbusier, à propos de ces confrères.

1953  | les Logeco
Le grand ensemble répond, à l’origine, à une idéologie de la modernité qui tente de gommer les distinctions sociales et prétend unifier les modes de vie et les attitudes : on pense à une communauté sociale renouvelée. La typologie sociale des grands ensembles, en principe, est pensée pluriclassiste, avec certes, une dominance des classes moyennes et ouvrières. Dans cet habitat à vocation sociale les groupes les plus défavorisés sont paradoxalement peu représentés, par le coût de la location et l’élimination des «familles à problèmes» lors du tri des dossiers de demande de logement, et enfin, par le clientélisme qui s’exerce sur les attributions.
Mais les mécanismes de l’économie libérale ne fonctionnent pas dans le domaine de l’habitat  : près de dix années après la guerre, les salaires se révèlent trop faibles pour les classes populaires pour prétendre à l’achat ou la location d’un bien immobilier, et la production de logement est, par rapport à la demande, quasi dérisoire  : 82.000 logements seulement ont été produits en 1952. Cela exige donc, une intervention de l’Etat. Le « plan Courant», du nom du ministre de la Reconstruction et du Logement, prévoit la construction de 240.000 logements par an pendant cinq ans. Dans cet objectif, sont créés les logements dits LOGECO standardisés qui constituent le bas de gamme de l’habitat social. 1 million de LOGECO seront construits de 1953 à 1963.
Les normes de surface de logement tendent à diminuer au cours des années 50-60, et restent en deçà des moyennes observées à l’étranger à la même époque. L’opération «Million» (1953) et le programme de LOPOFA (1954) ont ainsi pour objectif la construction de logements de 3 pièces, de 50m², pour un million de francs, soit moitié moins que le coût habituel d’un logement social  : la principale économie est effectuée en réduisant la qualité architecturale et la surface des logements et en sacrifiant l’emplacement.
Mais, pour beaucoup de planificateurs et de politiciens confiants en l’avenir, les opérations de HLM des plus basses catégories étaient considérées comme provisoires, d’une durée de vie n’excédant pas 20 ans. Ce qui effectivement s’avéra exact pour beaucoup de cités HLM mais leur démolition s’effectua dans d’autres circonstances que celles «prévues» par les planificateurs de l’Etat.




1953 | Expropriation
Le foncier, et donc la charge foncière des opérations immobilières, vont rapidement devenir le problème central (rareté, prix, parcellaires diffus, etc.)  : le décret loi du 6 août 1953 élargit le droit des pouvoirs publics en matière d’expropriation.

9 août 1953 |  1  %
Création du «  1% patronal  », contribution obligatoire des entreprises à l’effort de reconstruction  ; tout employeur d’au moins dix salariés doit investir dans la construction de logements au moins 1  % de la masse salariale, ou bien cotiser à l’un des 220 «comités interprofessionnels du logement». Selon les gouvernements le 1  % patronal peut être sensiblement diminué, pour atteindre 0,5  %. Tentative avortée est faite de modifier la loi 48 par un décret stipulant que les logements construits avant le 1er septembre 1948 et devenus libres et vacants après le 1er janvier 1958 pourraient être donnés en location dans des conditions librement débattues entre le bailleur et le preneur.

29 novembre 1953  | Catégorisation
Depuis la fin de la guerre, les pouvoirs publics distinguent l’action visant à l’amélioration des conditions de logement et la prise en charge de l’hébergement d’une pauvreté marginalisée et de populations particulières. Mais passé le chaos et la confusion de l’immédiat après-guerre, la restructuration des services administratifs, l’Etat est en mesure de distinguer et de catégoriser les populations précaires, d’évaluer le degré de sociabilité des familles et des personnes, et leur véritable nature. Ceux qui peuvent prétendre à un logement normal et ceux qui sont dirigés vers des centres d’hébergement à vocation temporaire. Ainsi, le décret du 29 novembre 1953 définit l’accès à l’aide sociale à l’hébergement à quatre catégories de ménages :
1. les personnes en situation ou en danger de prostitution ;
2. les personnes libérées de prison ;
3. les personnes sortant d’établissements hospitaliers ;
4. les personnes sans logement, sous certaines réserves de moralité. En 1959, un arrêté relatif à la définition des vagabonds pouvant bénéficier de l’aide sociale pour ceux estimée aptes après un reclassement  est ajouté à la liste.

1954
Défaite des militaires français à Dien Bien Phu, mettant un terme à la guerre d’Indochine, et début de la guerre d’Algérie : la France accorde une part importante de son budget pour l’effort de guerre. Nombreux sont les opposants à cette guerre à évoquer une relation entre insuffisance de la construction et le « coût » de la guerre, et de ses conséquences directes  : mal-logement des jeunes ménages dont le mari a été appelé sous les drapeaux, pour une solde modique.

1er février 1954  | l’abbé Pierre
L’Abbé Pierre lance un appel pour «l’insurrection de la bonté» sur Radio Luxembourg afin d’aider les sans-abri. Les dons affluent et rendent possible le financement de plusieurs organes, dont la Confédération Générale du Logement, créée pour organiser au mieux les moyens et l’activité quelque peu désordonnée des militants bénévoles ; une Fédération des syndicats d’usagers de l’accession la propriété, au nom sans équivoque pour le droit à la propriété. La masse colossale des dons rend possible l’édification de bidonvilles nommés cités d’urgence.



20 février 1954 | ExistenzMinimum
Sous la pression de l’opinion publique, le gouvernement lance un concours pour la conception-réalisation de Logements économiques de première nécessité (LEPN) : habitations spartiates au confort minimal. Des cités d’urgence sont édifiées partout en France : plus de 12 000 logements dans 220 villes, dans la foulée de la vague d’émotion soulevée par l’appel de l’Abbé Pierre. Le programme reprend le projet de cité d’urgences présenté par Emmaüs, adopté sous la forme réglementaire de LPN (Logements de Première Nécessité). Les modalités de la réalisation sont précisées dans le décret du 31 mars 1954.
Pour cela, création de la Société civile et immobilière de la Caisse des dépôts et consignation (SCIC), et de la Société centrale d’équipement du territoire (SCET), filiales de la Caisse des dépôts et consignation, inventeur de Sarcelles, qui va binetôt réaliser des milliers de cellules d’habitation dans toute la France, regroupés dans les Grands ensembles d’habitat social.





2 septembre 1954
Le décret du 2 septembre 1954 indique que le séjour en Centre d’hébergement a pour objet la «réadaptation sociale»  : pour la première fois cette notion apparaît dans les textes de loi.

23 octobre 1954
POTLATCH
Bulletin d’information du groupe français de l’Internationale lettriste.
N° 13 – 23 octobre 1954

FLIC ET CURÉ SANS RIDEAU DE FER
Chaplin, en qui nous dénoncions dès la sortie tapageuse de Limelight « l’escroc aux sentiments, le maître chanteur de la souffrance », continue ses bonnes oeuvres. On ne s’étonne pas de le voir tomber dans les bras du répugnant abbé Pierre pour lui transmettre l’argent « progressiste » du Prix de la Paix.
Pour tout ce monde le travail est le même : détourner ou endormir les plus pressantes revendications des masses.
La misère entretenue assure ainsi la publicité de toutes les marques : la Chaplin’s Metro-Paramount y gagne, et les Bons du Vatican.


20 décembre 1954 | Classification
Arrêté du 20 décembre 1954 (abrogé en 2013) fixant les conditions d’agrément des centres d’hébergement qui se répartissent en quatre catégories :
1. Les centres de reclassement féminin ;
2. Les centres d’hébergement pour indigents sans emploi sortant d’établissements hospitaliers ;
3. Les centres d’hébergement pour ex-détenus ;
4. Les centres d’hébergement pour vagabonds des deux sexes estimés aptes à un reclassement, accompagnés ou non de leur famille.




1954
Création de l’Epargne Construction et naissance de la première réglementation sur les attributions de logements sociaux.

1955
Le Corbusier inaugure la «Maison radieuse» à Rezé-les-Nantes, une réalisation de la coopérative d’HLM La Maison familiale de Nantes, selon la formule de la location-coopérative (chaque coopérateur devient propriétaire indivis de l’immeuble.)
A Fresnes, en 1955, l’Association locale des Castors de Fresnes (ALCF) débute la construction de pavillons, et des finitions d’un immeuble collectif plutôt imposant  : le gros œuvre était effectué par des entreprises sous la conduite d’un architecte, et les castors, futurs propriétaires, prenaient en charge plomberie, électricité, travaux de terrassement et fabrication des cloisons. Une idée qui refait aujourd’hui surface...


23 novembre 1955
Création des Logements populaires et familiaux (Lopofa) prioritairement attribués au relogement des occupants d’immeubles insalubres dangereux. Ils remplacent les LEPN instaurés en 1954 (tenus en marge de l’offre HLM classique) et présentent plusieurs améliorations en terme de confort.

1956 | la Sonacotral
La décision de créer la Société nationale de construction pour les travailleurs originaires d’Algérie, la Sonacotral, en 1956, faite sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur, peu après le début de la guerre d’Algérie (1954), est de doter la police d’un instrument aussi efficace que possible de défense du territoire pour le contrôle des Algériens et notamment pour la majorité invisible et incontrôlable, les habitants des bidonvilles, une population à risques soupçonnée ou susceptible d’aider les fellagha Algériens et de constituer ainsi un front de guérilla urbaine en France. La Sonacotral aura à charge la construction et la gérance des foyers-hôtels pour les travailleurs d’origine maghrébine exclusivement. À la fin de la guerre d’Algérie (1962), les foyers-hôtels et les cités de transit seront ouvert à l’ensemble des travailleurs immigrés, quelque soit leur nationalité.

1956 | Jean Prouvé
A la demande de l’abbé Pierre, l’ingénieur constructeur Jean Prouvé conçoit et réalise en six semaines la maison Les jours meilleurs, montée en quelques heures et exposée sur les quais de la Seine près de la place de la Concorde à Paris. Mais leur collaboration s’arrêta à cette seule maison.


Janvier 1956
La plus belle partie du square des Missions Étrangères (voir Potlatch, n° 16) abrite depuis cet hiver un certain nombre de roulottes-préfabriquées qui évoquent les mauvais coups de l’Abbé Pierre.
POTLATCH
Bulletin d’information de l’Internationale lettriste,

3 décembre 1956 | Trêve hivernale
Un nouveau mouvement de squatters s’était développé, après l’appel de 54  : les Comités d’aide aux sans-logis (CASL) agissaient sous la protection d’Emmaüs. Ces luttes, accompagnées de négociations avec les autorités et responsables politiques, conduiront à l’adoption d’une loi interdisant les expulsions pendant la période hivernale, instaurant ce que les tribunaux appellent la trêve hivernale, qui est célébrée comme une des premières victoires des mouvements de protestation en faveur du logement.


7 janvier 1957 | la Bataille d’Alger
Le général Jacques Massu lance la bataille d’Alger afin d’éliminer la guérilla urbaine algérienne : la torture des prisonniers et les exécutions sommaires (sans procès) sont instituées  : en neuf mois, 3024 suspects disparaissent. Après l’Indochine, les spécialistes et les théoriciens français de la contre-guérilla expérimentent ainsi de nouvelles «  techniques  », admirées, reprises et enseignées par les Etats-majors et les dictatures du monde entier (en Argentine, Afrique du Sud, etc.).

1956
En 1956, les présidents de 18 foyers créent la Fédération des centres d’hébergement pour Libérés, ancêtre de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réadaptation sociale (FNARS en 1977) qui regroupera organismes et associations caritatives (la Croix-rouge française, l’Armée du salut, Emmaüs, Secours Catholique, etc.) proposant aux personnes en situation de détresse sociale un accueil, un hébergement et une aide à la réadaptation sociale.



7 août 1957 | ZUP & Gigantismes
La loi cadre du 7 août 57 instaure la politique des Zones d’Urbanisation Prioritaire (ZUP). En trois ans, près d’une centaine sont créée, dont douze en région parisienne. Pour la première fois, on prévoit, parallèlement à la création de logements, la création d’équipements publics. Un programme quinquennal de construction de logements HLM est voté ayant pour objectif 300.000 cellules d’habitations neuves par an.

C’est à présent la période de la construction du chemin de grue selon le procédé de préfabrication Camus, appliqué industriellement pour la plupart des immeubles d’habitation sociale  : à Nancy, pour le quartier du haut-du-Lièvre, l’architecte Zerhfus réalise la barre la plus longue de France, 400 mètres interminables de cellules juxtaposées  ; à Vénissieux, l’architecte Beaudoin conçoit pour la cité des Minguettes 62 tours identiques de 22 étages chacune  ! La recherche d’optimisation appliquée est de cette simplicité qu’exprimait Charles Rambert  : «  L’habitat collectif doit répondre avant tout à des règles que nous pensons illustrer clairement par ces quelques mots  :
Architecture = Simplicité  ;
Construction = Economie  ;
Terrain = Espace vert ;
Orientation = Ensoleillement  ;
Equipement = Confort.  »

A cela, s’ajoute la «grille Dupont», du nom de Gabriel Dupont conseiller technique auprès d’une commission à la Construction et à l’Urbanisme qui établit scientifiquement 85 sortes d’équipements nécessaires à la vie des grands ensembles  catégorisés par « échelons » correspondant à l’échelle de l’opération.
1957
Guy DEBORD, “The Naked city” et “Guide Psychogéographique de Paris”.


Septembre 1957
Et pourtant, Sudreau, ministre de la construction, affirmait lors de l’installation de la commission de la vie dans les grands ensembles d’habitation en septembre 1957 : «  l’effort actuel de construction des grands ensembles d’habitation doit réussir pleinement sur le plan urbain. Il faut éviter l’extension d’une nouvelle banlieue, la création de cités dortoirs, les alignements de bâtiments sans caractère et de maisons mortes où les masses humaines ne peuvent pas s’épanouir. Il faut éviter qu’une réussite technique ne soit un échec de l’urbanisme.   » … ce qui, finalement, arriva.

21 septembre 1957
Le Haut-Conseil de aménagement du territoire est établi par un arrêté ministériel. Y siègent des représentants de L’Union nationale des fédérations organisme HLM. D’une manière générale, l’on constate à partir des années 1950 un mouvement de prolifération de commissions, comités, comités consultatifs, etc., dont le rôle est dédié à un problème particulier de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme ou de l’architecture, ou bien concernant une zone géographique
spécifique, ou bien encore, les deux, (Commissariat au logement de l’agglomération parisienne , par exemple).
1958
Le film Mon oncle du réalisateur Jacques Tati sort en salles.

12 avril 1958 | le Scandale des HLM
Un article de Gilbert Mathieu paru dans le quotidien Le Monde, évoque déjà le «scandale des HLM », et l’Union nationale des fédérations d’organisme HLM, en mentionnant la main mise «politique» du gouvernement à tous les échelons décisionnels, le détournement des objectifs initiaux , les salaires confortables des dirigeants, et surtout le contrôle sévère et le mode d’attribution clientéliste. Le Ministère du logement considère l’Union comme faisant partie de ces meubles. Une seule indication de sa puissance : la loi d’août 1957 fixait à 760 milliards le montant de la dotation du secteur HLM pour la période quinquennale 1957-1961 ; un montant pharaonique, s’accordant au monopole capitaliste d’Etat.

Avril 1958 | la Colonie Mourenx
La découverte d’un gisement de gaz en 1951 à Lacq entraîne la construction d’un complexe industriel (1955) et la construction de la première ville nouvelle moderne en 1956, Mourenx ; les premiers habitants emménagent dès 1958. Le philosophe Henri Lefebvre, originaire de la région, la qualifiera d’ «entreprise semi-coloniale prise en charge par le secteur public, dans un pays mal-développé.»






15 mai 1958
Est organisée la Journée nationale de revendication par la
Confédération Nationale des Locataires, concernant le problème crucial des expulsions de locataires et celui de la réquisition illégale.
Formulées à partir du problème du logement de nombreuses organisations ont tout au long des années 1950 incité leurs membres à agir en marge de la loi ou contre l’application de décisions prises dans les formes légales. Une lutte menée par une nuée d’associations et de comités de défense des expulsés, dont les méthodes d’action varient de la résistance ouverte au recours en justice. L’orchestration peut être spectaculaire  : la famille expulsée campe dans une tente sur la place publique ou bien ses meubles sont promenés sur un camion dans le quartier avec des panneaux de propagande et un appel à se joindre au squattage programmé d’un immeuble vacant... Cet exemple, pris parmi tant d’autres, indique que les comité de défense étaient à cette époque parfaitement bien organisés.

2 décembre 1958 | New BABYLON 4

Publication dans l’Internationale situationniste n°2, de la déclaration d’Amsterdam de Guy Debord et Constant. On peut lire à l’article 5  :
« L’urbanisme unitaire se définit dans l’activité complexe et permanente qui, consciemment, recrée l’environnement de l’homme selon les conceptions les
plus évoluées dans tous les domaines.»
Constant Nieuwenhuys, artiste néerlandais, rejoint en 1958 les Situationnistes et initie son projet de ville expérimentale : New Babylon. Son titre est attribué à Guy Debord et Constant indique son origine : « Les Gitans qui s’arrêtaient pour quelque temps dans la petite ville piémontaise d’Alba avaient pris l’habitude de dresser leur campement sous la toiture qui abrite le marché à bestiaux.  (…) C’est là que je conçus le plan d’un campement permanent pour les Gitans d’Alba et ce projet est à l’origine de la série de maquettes de New Babylon, un camp de nomades à l’échelle planétaire.»
Guy Debord s’associera pendant un temps à l’élaboration de New Babylon, avant finalement d’abandonner et d’exclure Constant de l’IS, qui continuera l’oeuvre jusqu’en 1974, qui aura influencé la vague des courants de l’architecture dite «radicale».




1958
En 1958, Baticoop avait mis en chantier 23.000 logements, participant ainsi de façon non négligeable à l’effort de reconstruction. Durant les années 1950 et 1960, Baticoop et ses 23 sociétés déléguées ont construit entre 5.000 et 10.000 logements par an, soit 20 % de la production LOGECO.

Décembre 1958 | la Rénovation Urbaine
Un décret de décembre 1958 prévoit la rénovation des zones anciennes du tissu urbain invitant les collectivités locales, des organismes publics ou privés à financer des opérations mais en protégeant – en principe - les intérêts des propriétaires immobiliers pouvant se constituer en associations syndicales de propriétaires.
Débute ainsi l’ «échec» français de la politique de rénovation urbaine, car sous les prétextes fallacieux d’améliorer le confort urbain et d’éradiquer l’habitat insalubre, vont s’engager de nombreuses opérations dont le résultat sera la déportation loin des quartiers historiques et anciens, des habitants, ceux appartenant à des classes populaires et peu favorisées, soit par des mesures d’expulsions sous le couvert d’expropriation, soit parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’acquitter les loyers augmentés des nouveaux logements, soit enfin parce que le coût important d’investissement, et de temps, des opérations de rénovation urbaine exige la programmation d’autres fonctions plus rentables (bureaux, commerces, logements HLM en accession à la propriété, etc.).






14 septembre 1959
Un décret stipule que l’aide sociale en centre d’hébergement est subsidiaire et limitée dans le temps, et doit concerner des personnes « ne pouvant attendre de secours immédiat d’aucune autre personne.»

1959 | Flagrantes erreurs architecturales
Visiblement la France s’enlaidit de constructions monumentales disgracieuses, comme l’évoque le ministre Sudreau : «  J’avoue avoir été profondément heurté, au cours de récents déplacements à travers la France, par de flagrantes erreurs architecturales. Je n’aurais jamais pu penser que dans un
pays comme le nôtre, réputé pendant des siècles pour son goût, son sens de la mesure et de l’harmonie, les paysages et les habitudes puissent être saccagés par le gigantisme excessif de certaines constructions. Certains grands ensembles, véritables murailles de béton, longs de plusieurs centaines de mètres, hauts de plus de 12 étages, annihilent le côté humain de la construction. On peut se demander si nous n’avons pas changé l’échelle de l’erreur en remplaçant la “ petite bicoque ” par la grande caserne. Pesante uniformité, la répétition n’implique pas forcément l’absence d’architecture. Lorsque les préoccupations techniques priment toutes les autres, lorsque la vie des hommes est conditionnée pendant plus d’un siècle par la longueur d’un chemin de grue, c’est qu’à l’origine il y a une technocratie malsaine. Une erreur légère plus de mille fois répétée peut engendrer des catastrophes. Les grands ensembles ne doivent pas devenir des machines à répétition d’erreurs ou d’horreurs.»


1960
Sortie du film Terrain vague de Marcel Carné dont l’histoire se déroule dans une ZUP de la banlieue sud de Paris, alors en pleine phase de déconstruction-reconstruction : les immeubles modernes disputent le territoire à des lambeaux de quartiers anciens, de masures, de ruines et de terrains vagues ; où se retrouvent les bandes d’adolescents, les voyous, et autres blousons Noirs (la Racaille de l’époque). Les premiers à souffrir de cet environnement d’une nouvelle modernité urbaine et
architecturale.







9 février 1960
Un arrêté instaure de nouvelles catégories de logement, les cités de transit, et les HLM de transition. Ces derniers sont en réalité des réhabilitations et au besoin des reconversions de locaux existants acquis par les Offices et sociétés anonymes HLM, afin de loger provisoirement et à moindre coût des familles expulsées par décision de justice, des occupants d’immeubles déclarés en péril, etc. A ce titre, ils bénéficient de toutes sortes de dérogations (surface et hauteur sous plafond réduits, confort minimum, etc.).

27 février 1960 | Bidonvilles à Lyon
En ce jour de février à Lyon, les policiers évacuent les derniers habitants du bidonville le plus important et ancien de la ville, celui de la Lône de Félizat dans le quartier de Gerland. La Sonacotral a pour cela multiplier les constructions de cités et de HLM économiques destinées au relogement, mais pour la plupart des bidonvilliens, leurs moyens sont trop faibles pour accéder au parc HLM ou Sonacotral. Ils se réfugient en nombre dans les taudis surpeuplés (y compris dans les caves) des quartiers populaires anciens, construisent un peu plus loin, des hameaux discrets de cabanes qui deviendront à leur tour, des bidonvilles. Les autres bidonvilles lyonnais et leurs populations connaissent le même sort et la proclamation faite par les autorités locales en 1964 de «  la fin des bidonvilles  » relève de l’effet d’annonce.

24 mai 1961| PSR & ILN
En mai 1961, les règles régissant les HLM locatives sont modifiées. Un arrêté instaure trois catégories pour le social locatif  :

Le Programme social de relogement (PSR) est instauré par une circulaire du Ministre Sudreau, pour les populations aux revenus modestes, déplacées des zones de rénovation ou d’habitat insalubre, des bidonvilles, etc. Les constructeurs sont invités à prévoir du matériel rustique, peu susceptible de subir les détériorations que l’on peut redouter de la part d’occupants «  dont la conception du mode d’habiter sera souvent sommaire.»
Les HLM ordinaires (HLM O), catégorie unique dans le secteur locatif.
Pour les habitants «  normaux  », le Programme Immeuble à loyer normal (ILN).


1961 | Toulouse
Concours pour la conception du quartier Toulouse-Le Mirail, nouvelle cité de 100.000 habitants dont la construction débute en 1965.

1962
Fin de la guerre d’Algérie et retour précipité en France des «pieds noirs» et des harkis indésirables : 1 million de personnes se retrouve, pour la plupart, sans domicile, les structures d’accueil étant largement insuffisantes. A cela s’ajoute une nouvelle vague d’immigration du travail, à la demande du secteur industriel, qui s’étend sur plusieurs années  : ce sera le rôle de la Sonacotra de les loger au mieux avec un minimum de ressources.

1962
L’architecte Paul Bossard inaugure la cité des Bleuets, opération HLM à Créteil  : 648 logements répartis en dix bâtiments d’une grande qualité, et un travail «artistique» effectué avec les ouvriers du chantier.




1962
Création des Zones d’Aménagement Différée (ZAD Elle n’engage pas les opérations d’urbanisme mais les préparent seulement. En période de très forte spéculation foncière, la ZAD impose un contrôle sur le marché des terrains, et une extension des droits de préemption de l’Etat. Mais l’Etat n’a pas les moyens de ses ambitions  : ces zones ont été peu nombreuses, de taille modeste et n’ont pas régulé la hausse des prix des terrains.

1962
Loi Malraux concernant la sauvegarde du patrimoine historique, qui donne lieu à quelques applications symboliques seulement. Mais le changement est d’importance, car l’échelle d’application de la protection passe du monument isolé à son tissu urbain proche, ou bien à un quartier dans sa totalité (le Marais à Paris).

1963 | Pertes et Profits
Carrefour ouvre son premier Supermarché et édifie avec d’autres, une nouvelle géographie du commerce dictée par l’usage de l’automobile, sans aucune directive particulière de l’Etat. Les conséquences de ce nouveau type de commerce inspiré de l’exemple américain sont tout simplement désastreuses  : les faillites des commerces traditionnels se multiplient – comme ce fut le cas avec les Grands magasins au 19e siècle -, entraînant, avec le développement exponentiel de l’usage de la voiture, l’effondrement des valeurs foncières dans les quartiers anciens de certaines villes.


1963 | Le grand capital financier
Le grand capital financier était encore absent de ce secteur de l’économie, l’immobilier, surtout occupé dans ceux plus porteurs de l’industrie. À partir de 1963-65, il va porter un intérêt croissant pour l’immobilier, et l’habitat public, appuyé par l’Etat qui adapte progressivement la législation et les modes de financement. L’urbaniste économiste François Ascher jugeait ainsi  :
«Pour cette fraction dominante du capitalisme, le logement n’est plus seulement une nécessité pour la reproduction de la force du travail dont il faut minorer le coût  ; il est aussi une source potentielle de profits et de sur-profits soit par le biais de la promotion immobilière, soit par celui du prêt bancaire (aux promoteurs et surtout aux accédants à la propriété), soit enfin par le biais des grandes entreprises du bâtiment qui se constituent et passent progressivement dans l’orbite monopoliste.»

Dès cette période, l’Etat amorce un désengagement progressif, ou plutôt instaure de nouvelles formes d’intervention propres à faciliter l’accumulation du capital monopoliste, à inciter l’épargne privée à prendre le relais des aides publiques par la création des comptes d’épargne, puis en 1965 des plans d’épargne logement, et à encourager le recours au crédit bancaire. Les banques entrent donc dans le financement du logement et le succès de l’épargne logement fait qu’elles en deviennent rapidement un acteur incontournable. La participation directe de l’Etat reste de l’ordre de 40 à 50  %, contre 80  % au lendemain de la guerre, et l’effort se concentre sur les populations précaires, au détriment des classes moyennes. Pour les analystes, ce retrait intervient trop tôt, et l’on s’interroge sur un marché de l’immobilier social pas encore délivré de la pénurie qui doit subir une thérapeutique jugée dangereuse.

La baisse des subventions accordées à l’habitat social correspond à un nouveau virage dans la politique de l’aménagement du territoire  : l’Etat, dans une logique libérale, se préoccupe désormais de l’amélioration des réseaux profitant au secteur industriel et aux entreprises  : les grandes infrastructures, la qualité des équipements et les pôles de développement doivent optimiser l’efficacité urbaine. Dans ce cadre, les ingénieurs des Ponts & Chaussées préparent et amplifient les grands chantiers de demain  : autoroutes et rocades urbaines, périphériques et voies rapides, trains rapides régionaux (RER en Île de France), création des marchés d’Intérêt régionaux (et démolition des anciennes Halles, comme à Paris), etc, et réveillent le mythe des métropoles d’équilibre  : les villes nouvelles.

7 novembre 1963
Le film italien Main Basse sur la ville (Le mani sulla città) du réalisateur Francesco Rosi illustre parfaitement l’arrivée du Grand capital dans le secteur de l’habitat populaire.

14 février 1963 | DATAR
La Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR) créée en 1963 a pour vocation d’étudier, de préparer les décisions en matière d’action régionale, de mettre en place les instruments d’une expansion économique équilibrée des diverses régions, et veiller au respect du Plan, régionalisé en 1962. Ses premières missions portent sur la décentralisation industrielle et la coordination de la planification des réseaux de communication et de transport, non sans difficultés dans la concurrence entre les ministères, et celle des régions.

1963| New BABYLON 4
Constant Nieuwenhuys affine New Babylon.




Décembre 1963 | la Spéculation
Les années 1960 sont qualifiées comme la période «sauvage», véritable Far West des promoteurs : il se développe une intense activité de spéculation foncière et immobilière. La raréfaction des terrains libres dans les quartiers susceptibles de recevoir une opération d’habitat, conduit à leur considérable augmentation : triplement de la valeur moyenne entre 1950 et 1958, puis à nouveau triplement entre 1958 et 1963. Le prix du foncier prend autant de poids dans le financement des opérations. L’Etat intervient énergiquement, en imposant lourdement les avantages tirés de la revente des parts, dans un délai de moins de cinq ans, qui brise la belle mécanique des gains de plus-value pour la petite spéculation. Ce que l’on vise dans un pays qui globalement s’enrichit, c’est un retour à la normale du secteur de la construction  : des taux d’intérêt moins avantageux, des apports et contributions plus élevés de la part des acquéreurs, le développement d’un marché libre des loyers.

24 décembre 1963
Les LOGECO sont supprimés.

1963
L’architecte François Spoerry dessine la cité lacustre de Port-Grimaud, près de Saint-Tropez, sur les bords de la Méditerranée. Qualifiée à l’époque par les architectes modernes et les technocrates comme étant un pastiche et un décor totalement artificiels et démagogiques.

1964 | La revanche des Proprio
En 1965, les propriétaires obtiennent le droit de fixer librement les loyers sous certaines conditions, moyennant l’établissement de baux de moyenne durée puis la mise aux normes du confort moderne du logement. Un nombre considérable d’appartements de ville sortent ainsi du cadre de la loi de 1948, notamment à l’occasion des changements d’occupants (55  % du parc locatif en 1955, 17  % en 1973).

1964
L’industrie du bâtiment organise le concours Habitat individuel.

14 décembre 1964
La loi dite loi Debré, autorise les communes à exproprier les terrains sur lesquels sont installés des bidonvilles. Elle sera modifiée par la loi du 12 juillet 1966 permettant d’accélérer la procédure d’expropriation. Se pose le crucial problème du relogement des habitants lié à celui de leur degré de sociabilité (et par là, de leur origine). Les technocrates procèdent alors, après une vingtaine d’années d’expériences, à une classification issue de modèles normatifs idéologiques combinés à quelques caractéristiques sociologiques, qui permet de définir cinq types d’habitat  :

le foyer-hôtel du type Sonacotra pour les travailleurs célibataires ayant une activité régulière salariée jugée normale (les chômeurs n’y sont pas admis) ;
les logements HLM bas de gamme attribués aux ménages sans «problème» autre que celui d’être victimes de la pénurie ;
les cités de transit ou dites de promotion familiale destinées à des familles dont l’accès au logement normal nécessite au préalable un encadrement socio-éducatif susceptible de les «resocialiser» dans un court délai ;
les cités d’accueil réservées aux familles «inadaptées» dont le délai de «resocialisation » exige plusieurs années et un effort socio-éducatif plus important ;
pour les familles considérées irrécupérables, les « familles-problèmes, a-sociales », il est préconisé la dispersion dans les petites villes accompagnée d’un suivi par des services sociaux spécialisés ; un rapatriement étant même envisageable pour les étrangères.
1965
Sortie du film Bande à part de Jean-Luc Godard , ayant pour toile de fond Paris et le bouleversement urbanistique de la banlieue.

1965
Sortie du film Alphaville de Jean-Luc Godard.

1965
Création des Groupes d’Action Municipales (GAM) composés le plus souvent de militants engagés dans l’entreprise et dans les luttes du «cadre de vie hors travail», d’obédience socialiste radicale, ou selon, socialiste : c’était le Club Jean Moulin descendu de son empyrée réformateur pour se confronter aux problèmes de robinets. Leur credo, passé l’orage 68, est la participation des habitants en privilégiant le dialogue avec les instances décisionnelles, en invoquant leur compétence pour l’opposer aux propositions de l’Etat ou des municipalités. Les GAM, présents dans de nombreuses villes (souvent en périphérie des grandes villes) deviendront des simples caisses de résonance du Parti socialiste, un maillon essentiel du clientélisme et les pépinières de nouveaux notables, qui préparent les élections, notamment les municipales de 1977.

1965 | Grenoble
Hubert Dubedout, leader des GAM devient maire de Grenoble en 1965, représentatif d’une nouvelle gauche non communiste. La nouvelle équipe municipale défend la défense de l’environnement, l’amélioration du cadre de vie et du logement social, la réalisation d’équipements publics, et bien sûr, l’active participation des habitants à l’activité municipale, regroupés dans des associations de quartiers. Intentions généreuses qui malheureusement se concrétisent notamment par la réalisation du quartier de l’Arlequin, première méga-structure habitable, monumentale inhumaine et hideuse.

10 juillet 1965 | Libéralisation
La loi n°  65-556 reconnaît aux locataires d’immeubles HLM la faculté d’acquérir leur logement.

Été 1965
Des étudiants inscrits à la section Architecture de l’Ecole des Beaux Arts de Paris, contre le traditionalisme et l’académisme et pour une réforme de l’enseignement, forment un nouvel atelier pédagogique (le groupe C), et s’installent sous les voûtes du Grand-Palais. L’agitation politique y sera vive tout au long des années 65-68 (grève des enseignants, colloques, etc.). De nombreux architectes aujourd’hui réputés y sont inscrits.

En 1965, l’université de Nanterre La Folie fut construite sur un terrain jouxtant les bidonvilles. La proximité de ces deux éléments constituait un mélange explosif. Plusieurs étudiants n’hésitèrent pas à tenter de faire entrer les enfants ou adolescents du bidonville au restaurant universitaire, obligeant la police à intervenir pour chasser ces jeunes venus manger gratuitement.

1965
Les autoroutes et rocades urbaines, imaginées par les ingénieurs des Ponts & Chaussées, éventrent et massacrent les villes de France, au nom de la fluidité automobile. En 1965, l’architecte américain Shadrach Woods s’exclamait  :
« Que les américains, qui n’avaient pas de civilisation urbaine, se contentent de leurs banlieues, cela se conçoit assez facilement. Mais que les européens, issus d’une culture urbaine, admettent que leurs villes soient mises à sac par les ingénieurs des routes, cela est ahurissant !»



Juin 1966 | Bidonvilles
En 1966, le vote de la loi Nungesser secrétaire d’Etat au logement, et la mise en place d’une Commission permanente interministérielle pour éradiquer l’habitat précaire, s’inscrivaient dans le cadre du Plan national de résorption des bidonvilles, en cinq ans. Une enquête officielle nationale, effectuée entre juin et septembre, tente d’évaluer l’importance des bidonvilles au niveau national. Les résultats permettent de dresser un tableau de la France des taudis au milieu des années soixante. Trois régions accueillaient alors 90 % des habitants des 255 bidonvilles repérés : Paris et sa banlieue (62 %) où 119 bidonvilles étaient recensés regroupant environ 4.100 familles et 47.000 personnes ; la Provence (19 %) et le Nord (8 %). Plus particulièrement, huit communes hébergeaient à elles seules les deux tiers de la population des bidonvilles : Champigny-sur-Marne (15.000) ; Nanterre (10.000) ; Saint-Denis (5.000) ; La Courneuve (2.500) ; Gennevilliers (2.500) ; Massy (1.000), pour la région parisienne ainsi que Marseille (8.000),  Lille (4.000) et Toulon (2.000). L’enquête estime que les bidonvilles rassemblent environ 75.000 personnes majoritairement mais non exclusivement de nationalité étrangère : 42 % de Maghrébins, 14, 21 % de Portugais, 6 % d’Espagnols et 20 % de Français parmi lesquels beaucoup habitent l’îlot de Noisy-le-grand (composé à 80 % de Français).








1966 | Villag’Expo
En 1966, les pouvoirs publics lancent Village Expo à Saint-Michel-sur-Orge qui expose 187 modèles de maisons individuelles économiques proposées par des équipes de constructeurs, architectes, ingénieurs... Une foire d’exposition très critiquée, l’habitat individuel étant considéré, notamment par la critique de gauche, comme une alternative qui ne pouvait en aucun cas répondre aux données d’une communauté urbaine, qui accentuait l’individualisme et exposait l’isolement social.


1967
Sortie du film documentaire-fiction 2 ou 3 choses que je sais d’elle du réalisateur alors maoïste Jean-Luc Godard : Elle n’est autre que la région parisienne en mutation. L’héroine, Marina Vladi habite à La Courneuve.








1967 | Alliance Etat – Capital immobilier
La ZUP est remplacée par la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC). Son principe consiste à imposer aux promoteurs et constructeurs de céder les terrains nécessaires aux infrastructures et de participer de manière sérieuse aux frais d’équipement. En échange, des compensations non négligeables sont offertes  : ces zones échappent à certaines taxes et en partie aux règlements d’urbanisme locaux (on autorise des dérogations en créant le Plan d’aménagement de la zone (PAZ), des densités urbaines plus importantes par les généreux dépassements de Coefficient d’Occupation des Sols, etc.). Apparaissent également les ZAC de rénovation privée qui ne bénéficient d’aucune subvention de l’Etat.
Planification et libéralisme se trouvent alors curieusement associés. Les critiques ne manquent et communistes et socialistes dénoncent l’alliance de l’Etat et du capital immobilier, lui-même concentré et animé par le capital bancaire.
Ainsi, une nouvelle période s’ouvre caractérisée par l’articulation plus accentuée entre pouvoirs publics et capital immobilier dont l’objectif est de répondre au problème central de la raréfaction du foncier qui «  bloque  » la production de la construction immobilière. Pour enrayer ce déclin, la gestion du ministre Albin Chalandon consiste alors à relancer la construction en simplifiant les formalités du permis de construire, et en assouplissant les règles d’urbanisme («  Tout terrain est constructible  »). Si l’on se rappelle du retrait de l’Etat pour le financement de l’habitat social, la période ouvre bien vers une autre économie de l’immobilier bien plus libérale, dédiée, comme évoqué précédemment, au grand capital financier.


1967 | Luttes urbaines citoyennes
Deux types de contestation vont surgir des chantiers de ZAC  : celui des riverains-voisins, pendant les procédures du permis de construire, et celui des résidents, une fois l’opération achevée.
Les multiples déréglementations qu’imposent les ZAC par les dérogations aux plans d’urbanisme municipaux susciteront, logiquement, la colère des proches riverains, et plus généralement, la préoccupation d’autres mouvements qui s’expriment par la création d’une multitude d’associations de défense de riverains, de protection du cadre bâti hérité, de la «  Nature  », bref, du «  cadre de vie hors travail  » selon la formule consacrée, et également d’organisations plus politisées de défense de l’habitat social (Comités de défense de locataires, d’expulsés, etc.).
Pour les nouveaux résidents, le problème est autre car les équipements théoriquement à la charge des promoteurs, seront dans la plupart des cas, oubliés, ou bien conçus avec une telle économie de moyens, qu’ils ne peuvent assurer pleinement leur rôle, ou bien encore, le cas le plus fréquent, les promoteurs se dégagent de leurs obligations en invoquant la responsabilité des municipalités, qui manquent de moyens pour y faire face. De même, pour les ZAC excentrés, les résidents se trouvent confrontés à l’absence de réseaux de transports en commun et de commerces. Là aussi, les habitants manifestent leur inquiétude en se groupant en collectifs exigeant équipements publics, commerces, lignes de bus, etc., et la reconnaissance de leurs droits. L’on estime que chaque ZAC a connu la formation d’une association d’habitants, voire plusieurs. Et si les municipalités ont une part de responsabilité, ces associations estiment que c’est bien la technocratie du service public qui est considérée comme responsable des désastres et des dysfonctionnements de l’urbanisme et, plus largement, de tout ce qui pèse sur la vie quotidienne des Français urbanisés. Ensemble, ces associations apprennent la politique du réel, par l’action (organisation, manifestation, pétition, tract, occupation de mairie, action en justice, crèche communautaire, voiture partagée, etc.), se politisent (l’on remarque la présence des militants du PCF, des GAM, les collectivités locales d’Union démocratique) et préparent le terreau de Mai 68.

1967
Le film Playtime du réalisateur Jacques Tati sort en salles.

1967 | ORTF
En mars 1967 est diffusée la série animée La maison de Toutou, dont la devise est «Je suis un bon gros Toutou serviable-courageux-travailleur...» sur fond de maison avec jardinet. L’ORTF sera une des principales cibles de la Gauche, considéré comme l’un des outils de l’aliénation et d’éducation à la soumission.

1967
Durant l’année 1967, la sociologie «critique» fait enfin son entrée dans les Ecoles d’Architecture, et la politique devient l’activité principale de nombreux étudiants inscrits en Architecture, à l’instar de ce qui se passe dans l’ensemble du monde Universitaire.

14 novembre 1967
Guy DEBORD publie «La société du spectacle» qui contient quelques paragraphes concernant l’urbanisme.

1968
Henri Lefebvre publie Le droit à la ville, mais l’auteur déserte mai 68.

4 mai 1968
L’architecte Chaneac lit son Manifeste de l’architecture insurrectionnelle pour la première fois en public,  à l’Académie Royale d’Architecture de Bruxelles. u



Mai 1968 | «Ho ! Ho ! Ho Chi Minh !»
Multiples actions de rue des étudiants en architecture, et selon les militant-e-s de la Nouvelle gauche anti-capitaliste et/ou anti-communiste  : « La critique radicale de la ville et de l’urbanisme fait partie d’une critique globale de la société.»
La section Architecture de Paris est l’un des principaux foyers de la contestation, en particulier par la production d’affiches sérigraphiées de l’ «Atelier populaire», et la construction de barricades. Certains d’entre eux tentent d’organiser la lutte dans les bidonvilles, notamment avec de jeunes militants maoïstes portugais.







1966 - 1980| UTOPIE
Le groupe Utopie créé en 1966 publie aux éditions Anthropos, la revue Utopie qui a rassemblé des sociologues (Jean Baudrillard, René Lourau, assistants d’Henri Lefebvre à Nanterre), urbanistes (Isabelle Auricoste, Catherine Cot, Hubert Tonka, assistant d’Henri Lefebvre et co-fondateur du département d’urbanisme de Vincennes) et architectes (Jean Aubert, Jean-Paul Jungmann, et Antoine Stincon, spécialistes de l’architecture gonflable.
Interdisciplinaire Utopie est l’occasion pour ses membres et invités, à selon Jean Baudrillard sortir «du détail de leur activité», où « chacun se retrouvait sur la base d’une liquidation de sa propre discipline.»



1968 | EM68
Parmi la multitude de groupes d’architectes (et pluridisciplinaires) proches des milieux de la Nouvelle gauche, le groupe militant Environnement M68 est représentatif. Animé par Pierre Riboulet, il marque son appartenance à un combat politique articulé autour des thèmes  : condamnation du mode de production capitaliste de l’architecture et de l’aliénation des habitants, et lutte pour l’avènement d’une véritable démocratie socialiste donnant aux hommes le «  droit à l’habitat  », compris dans le «  droit à la ville  » d’Henri Lefebvre. Actif jusqu’en 1972, EM68 conduit différentes actions, création de la revue Espaces et Sociétés, engagement politique au sein des Universités, et notamment, une exposition dénonçant, entre autres, la mainmise des politiques sur la ville, les bidonvilles ainsi que les formes fermées et stéréotypés des ensembles HLM.

29 mai 1968
En 1968, les PLR (Programmes à Loyer Réduit) apparaissent comme une solution pour les personnes qui ne peuvent pas se loger dans les HLM O (l’allocation logement n’existe pas encore), pour faire face, déjà, à de situations de solvabilité faible de plus en plus nombreuses  : le PLR est destiné à une population dont les revenus sont inférieurs de 25% à ceux des occupants des HLM ordinaires. En contrepartie les prestations en sont limitées. L’ensemble des conditions de production oblige le constructeur à en limiter la qualité et les prestations. Avec ces limites, le succès de la formule a légitimement suscité la crainte de voir se substituer au parc ordinaire ’normal’ un parc de bas de gamme.

Les ILM (Immeubles à Loyer Modéré) sont également créés, destinés à la clientèle «hors plafond» des jeunes cadres.


1er octobre 1968
Un arrêté impose aux organismes constructeurs de réserver 6,75 % de leurs nouveaux programmes à des familles en provenance d’habitations insalubres.

31 octobre 1968
Une circulaire instaure la politique des modèles dans le cadre de la production d’immeubles sociaux : « Il s’agit que des logements déjà réalisés, en utilisant un certain nombre de processus de fabrication ou des installations industrielles existantes, jugées très favorablement par des maîtres d’ouvrage, puissent être reproduits ailleurs dans des conditions de prix déterminés et sans qu’il soit fait appel à la concurrence.» Concrètement, il s’agit de reproduire à l’identique des modèles types d’immeubles, pour chaque catégorie de HLM (notamment les plus sociales), ayant reçu un agrément de l’Etat, ouvrant ainsi le droit aux subventions...

6 décembre 1968
Disparition de la section Architecture de l’Ecole des Beaux-Arts et apparition des «unités pédagogiques». L’UP 6, à Paris, devient le principal foyer d’accueil des jeunes enseignants «subversifs» du printemps 68. L’un de ses leaders, ayant connu les geôles républicaines, Jean-Pierre Le Dantec, sera nommé bien plus tard, directeur.

1968-69
Le Groupe de recherche et d’étude pour la construction et l’habitation (GRECOH) créé vers 1968-69.

1968 - 69
A partir de 68-69, sur le modèle américain, migration et installation communautaire (le plus souvent temporaire ou éphémère) anarcho-libertaire et/ou néo-hippie de jeunes citadins en milieu rural, notamment en Ardèche (qui devient une sorte de terre promise), ou à l’étranger (Ibiza, Goa, Bali, etc.). Des préludes au mouvement écologique politique, un retour à «  l’Eden  » mythique, très critiqué par l’extrême gauche, le considérant anti-révolutionnaire et petit-bourgeois.



1968 | INEGALITES et HABITAT
L’économie du secteur de l’habitat fait également l’objet d’études et d’analyses sérieuses conduites par de jeunes universitaires néo-marxiste, tel Christian Topalov. Il en ressort que la crise du logement ne se répartit pas de manière égalitaire entre les différentes catégories sociales. Et cette inégalité devant la crise du logement apparaît avec force sur un point particulièrement important du fait de l’extension du phénomène, mais aussi de lutte idéologique et politique qu’il représente : la propriété privée du logement.
Les ménages français, constatait François Ascher, sont propriétaires de leur logement dans une proportion croissante : 35,5 % des ménages en 1954, 41,6 % en 1962, 43,2 % en 1968. Une analyse plus précise montre une première inégalité dans la diffusion de la propriété : la plus forte proportion de propriétaires s’observe à la campagne mais aussi dans les catégories sociales non salariées, et des travailleurs indépendants. En 1968, les propriétaires sont les industriels (73,1%), les agriculteurs (71,5%), les artisans (60,5%), les professions libérales (60,4%), les gros commerçants (56,8%) et les petites commerçants (41,6%). Parmi les salariés, la proportion est plus forte chez les cadres : 40,1% des cadres supérieurs sont propriétaires, ce chiffre est de 37% pour les techniciens et ouvriers qualifiés, 32,7% pour les les ouvriers spécialisés, 31,8% pour les employés de bureau, 30,2% pour les manoeuvres et 26,9% pour les employés de commerce.
D’autres inégalités sont remarquées par les analystes, dont notamment les conditions de confort des propriétaires, généralement meilleures que celles des locataires ; les surfaces habitables par personne sont plus élevées dans les classes sociales aisées (54% des ménages ouvriers habitent dans un logement surpeuplé contre 17% pour les familles d’industriel); la résidence secondaire est réservée aux classes sociales aisées, etc. Une dernière inégalité est soumise à analyses : l’héritage. En 1970 François Ascher estimait que moins de 10% des propriétaires urbains ont reçu leur logement en héritage. La plupart des propriétaires ont donc acheté leur logement, qui signifie que la diffusion de la propriété, en particulier pour les ouvriers et les employés, a pour base principale la politique de crédit et dépend de l’évolution ce celle-ci. Ascher indique également que dans les classes moyennes qui regroupent 65% de la population, la proportion de propriétaires augmente avec le revenu et la proportion des ménages endettées aussi, et les classes sociales basses - 33% de la population - ne peuvent avoir accès à un crédit immobilier.
Ainsi, la diffusion de la propriété d’occupation est très sélective les conditions d’accès, et les charges liées au crédit, rendent cette accession très difficile pour les classes sociales basses, contraintes à la location.

1969  :
Présidence de Georges Pompidou


21 JUILLET 1969
On a marché sur la Lune, événement historique.




1969 - 1974 | Le CADRE DE VIE
Entre 1968 et 1974, des milliers d’associations se créent pour la préservation des quartiers anciens et de leurs habitants, de l’environnement, de la «nature», pour la défense des populations les plus fragiles (précaires, bidonvilliens, expulsés, immigrés, etc.), de leur cadre de vie contre généralement la construction de ZAC ou de grandes infrastructures (autoroutes, rocades urbaines), plus nombreuses sont les ’associations de riverains d’ensembles d’habitat exigeant des équipements publics de quartier, ou l’amélioration des transports en commun, etc. Cet ensemble protéiforme, hétérogène, s’inscrivant dans les «nouveaux mouvements sociaux» est assez conséquent pour perturber les mécanismes de l’administration, notamment par le recours d’actions en justice.

1969
Pierre Riboulet, malgré les positions politiques du groupe EM68, se voit confier en 1969 par le premier ministre Jacques Chaban Delmas, une mission au sein du Groupe de travail interministériel pour les équipements intégrés, qui a pour vocation d’étudier et promouvoir des opérations expérimentales d’équipements polyvalents.
D’autres architectes néo-marxistes, des sociologues pourtant réputés pour leur position radicale seront invités à participer, à intégrer des structures de ce type (ou le Centre d’études architecturales par exemple), provisoirement ou sur de longues périodes. Edmond Préteceille expliquait dans un entretien, cette complicité intellectuelle  :
«  L’Etat a été très secoué par les événements de 68. Beaucoup de gens qui travaillaient dans l’administration ont ressenti cette crise comme une interrogation personnelle forte, comme une remise en question de leur action. Ceci a généré toute une série de groupes de fonctionnaires demandeurs de recherche sur un mode différent de la demande technocratique, faisant une place aux inquiétudes sur les contradictions du social, et de ce fait dans un certain rapport de complicité intellectuelle avec les chercheurs.  »




1969 - 1972 | Les bidonvilles en Rébellion
Après la tempête 68, les habitants des bidonvilles s’émancipent de leur passivité, s’opposent aux destructions arbitraires et exigent leur relogement. Ils sont soutenus, entre autres, par la Fédération des Associations de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés (FASTI), crée en 1962 par un groupe d’habitants de Châtenay-Malabry à la suite de l’incendie d’un bidonville ; la plupart des militants sont issus des rangs de la gauche chrétienne. Relayés aux abords de 1968, par les étudiants en sciences sociales, et en architecture qui avaient pris comme terrain d’études puis de lutte les bidonvilles, à Marseille comme à Paris. Puis les militants de la Gauche Prolétarienne tentèrent quelques opérations commandos sans pour autant savoir mobiliser, politiser ce type de population, toujours en situation de survie quotidienne. Leurs proches camarades maoïstes des Comités Palestine, et notamment le Comité Palestine de Nanterre, ne connurent pas davantage de succès. Ce travail de rencontres, parfois doublé de recherches et d’analyses universitaires, devait pour les révolutionnaires parvenir à la politisation des populations, et selon d’anciens militants, l’on observe à partir de cette époque leur plus grande détermination à résister aux décisions des autorités, jugées injustes. Monique Hervo, auteure d’un ouvrage de référence – BIDONVILLES aux éditions Maspéro en 1971 -, évoque des prises de contact et une conscientalisation.








1969 | Les HLM Horizontaux
Le ministre de l’Equipement et du Logement, Albin Chalandon lance le Concours International de la Maison Individuelle, qui marque l’intervention directe et centralisée de l’État dans la production de masse de maisons individuelles à bas prix, à travers la construction de près de 70.000 unités connues sous le nom de «chalandonnettes». Ces HLM horizontaux sont des maisons individuelles économiques en accession sociale à la propriété. Plusieurs raisons expliquent cet ajustement  : encadrer le développement spontané et anarchique de l’habitat pavillonnaire, les français préférant ce type d’habitat aux grands ensembles d’habitat - social ou non -, et contribuer au propriétarisme populaire grâce au marché de la maison à bas prix bas de gamme, un secteur qui intéresse à présent le grand capital immobilier, et éviter la trop concentration populaire dans les grands ensembles d’habitat social. L’accession paraît un sacrifice raisonnable pour l’élite ouvrière, car le loyer apparaissait aux ouvriers comme de l’argent perdu, qu’il valait mieux transformer en emprunt. Plusieurs scandales éclateront tout au long de la décennie 70, concernant notamment l’implantation de chalandonnettes en zones inconstructible ou inondable, etc., le non respect des normes, et de multiples mal-façons  : les recours en justice seront innombrables.

1969 | Les Nouveaux Villages
Le parc de maisons individuelles prend de l’importance, il passe de 37,9% des résidences principales en 1962 à 39% en 1968 et 43,7% en 1975. Mais l’Etat et les collectivités locales veillent à réglementer l’implantation des lotissements eux-mêmes sujets à un cahier des charges (style architectural, matériaux, etc.)souvent contraignant pour les promoteurs constructeurs. C’est ainsi qu’une nouvelle formule apparaît, les Nouveaux villages, terme générique désignant un habitat individuel dense entre l’habitat pavillonnaire classique et l’habitat collectif : pavillons en bande, maisons jumelées, maisons de villes, etc., exprimant le fantasme du village d’antan (que l’on nomme aussi, «hameaux», «clos», «parc»).
1969
L’architecte Jacques Bardet inaugure La Nérac, à Boussy-Saint-Antoine (Essonne), un ensemble de petits bâtiments d’habitations combinés, offrant une grande variation de formes et de grandes terrasses extérieures à chaque logement. Cet ensemble de grande qualité est le précurseur de l’habitat dit intermédiaire.

1969
Antti Lovag et les architectes Chaneac, Pascal Haüsermann et Jacques Couëlle, sont en France, les précurseurs de l’architecture organique. L’«  habitologue  » Lovag dessine les plans de la Maison-bulle Gaudet à Tourettes-sur-Loup (le chantier prend fin en 1989). Quatre autres palais-bulle suivront, seulement, pour de riches mécènes.




1969
Les municipalités communistes, pour certaines, sont encore des laboratoires d’expérimentations pour les architectes anti-conformistes. Ainsi, en 1969, Jean Renaudie, à l’invitation d’Ivry-sur-Seine la Rouge, conçoit un ensemble de «bâtiments» en forme de triangles, une nappe étoilée où s’imbriquent les circulations, les activités, les équipements et les logements disposant de grande terrasse plantée.


1969
Les architectes Arsène-Henry et leur associé Bernard Schoeller sont mandatés par l’office d’HLM de Montereau pour construire un immeuble expérimental réalisé, dans le cadre des prix plafonds ILN, dans la ZUP de Montereau-Surville. Les cellules sont aménagées selon la volonté des locataires. Dans chaque appartement, seules l’entrée et la gaine technique ont été implantées, charge aux locataires de concevoir le plan avec l’aide des architectes, lors de séances de travail. Au dernier étage, sur la terrasse accessible, a été installé un local collectif, lieu très prisé par les résidents qui organisent souvent des fêtes improvisées...
Plusieurs autres HLM à vocation participationniste et modulaire seront construites en France, mais ce modèle est jugé trop coûteux et peu convaincant (notamment lorsqu’un locataire remplace un autre) par les Offices et ne sera pas généralisé.




1969 | Alma-gare
Roubaix, la municipalité socialiste décide d’ «  effacer le lourd héritage du passé  » et de construire «  un nouveau quartier au lieu et place des taudis construits par les capitalistes du 19e siècle  », les fameuses courées ouvrières. Les habitants du quartier Alma-gare effrayés par une précédente opération urbaine de tabula rasa totale faite à un quartier voisin, avaient déjà en 1967 interpellé la municipalité contre la rénovation de leur quartier, c’est-à-dire sa démolition-reconstruction, par une banderole : Urbanisation oui, mais quand et pour qui  ?  À l’initiative de militants de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) et de sa branche l’Association Populaire des Familles (APF qui se transforme en 1975 en Confédération syndicale du cadre de vie [CSCV]), le mouvement de contestation enfle et la résistance s’organise. Leur demande à l’origine plutôt favorable à la construction de logements modernes, porte principalement sur la réhabilitation et le droit à la population de participer à la conception du nouveau quartier. Propositions refusées catégoriquement par le conseil municipal. La campagne de 69 emploie les traditionnels instruments dédiés à ce type de lutte, organisations de réunions populaires, manifestations, délégation auprès des ministères, et recherche de soutien médiatique.

1970
Les militants étudiants-architectes de Vive La Révolution aident des travailleurs portugais pour la construction d’une Maison du Peuple à Villeneuve-la-Garenne en 1970.

1970
Les centres d’hébergement deviennent des Centres d’hébergement et de Réadaptation sociale (CHRS).
L’Etat a de fait délégué ce type d’aide sociale aux plus démunis à des organismes privés, pouvant être subventionnés. Des enquêtes établissent un taux de croissance de 75  % du nombre d’associations entre 1971 et 1980, souvent constituées de bénévoles n’ayant aucune connaissance particulière dans ce domaine. Jusqu’à la fin des années 1970, ces centres s’apparentent, d’une manière générale, à de véritables prisons, excepté le fait que les cellules sont des dortoirs communs, l’entrée y est filtrée, les sorties surveillées, les individus ne respectant pas le strict cadre du règlement ou bien des horaires, peuvent être interdits de séjour ad vita eternam, etc. Qui explique en partie pourquoi bon nombre de sans-abri préfèrent les éviter dans la mesure du possible, en cas de dernier recours notamment lorsque le froid peut être mortel.
8 mai 1970
Des militants de la Gauche Prolétarienne fauchent l’épicerie de luxe Fauchon à Paris et redistribue ses illégales appropriations alimentaires aux habitants du bidonville de Nanterre. Opération symbolique médiatique qui mérite toutefois sa place ici.

26 mai 1970
Le comité interministériel d’aménagement du territoire entérine la fondation des villes nouvelles.

10 juillet 1970
Loi concernant les foyers qui, en dehors des foyers pour personnes âgées, distinguent trois types de foyers: les logements-foyers primes et prêts offrant des prestations de qualité (foyers de ’luxe’), les foyers pour personnes seules de facture classique (type Sonacotra) et enfin les foyers d’accueil à normes réduites destinés à certaines catégories particulièrement modestes de la population étrangère.
Novembre 1970 | Espaces & Sociétés
Anatole Kopp et Henri Lefebvre créent la revue Espaces & Sociétés, principal support pour la critique politique de l’architecture et de l’urbanisme. Elle cesse de l’être le 10 mai 1981, exactement, pour consacrer l’expertise universitaire et l’autonomie disciplinaire.
1970 | rapport Consigny
«La France, il est vrai, n’est pas sortie de la crise du logement. Ces lieux inhabitables où s’entassaient les familles étrangères ou françaises, aux portes de nos villes, en sont la trace la plus criante. Mais le surpeuplement de nos logements, la longue attente des jeunes ménages, la situation dramatique de beaucoup de personnes âgées, la multiplication des meublés et des garnis, en sont des manifestations encore trop nombreuses, que notre pays n’est pas parvenu à résorber. Telle est la face tristre présente encore aujourd’hui, du logement des français.»

Consigny reconnaissait également que les données de l’ONU font apparaître que le rapport du nombre de logements annuellement construits à l’accroissement démographique annuel moyen a été plus faible en France que dans la plupart des pays européens. 75.000 personnes vivent en bidonville ; 400.000 dans un meublé ; 2.700.000 ménages logent dans des habitations précaires sans eau courante ; 4.900.000 ménages vivent dans des logements surpeuplés.
Les conclusions du rapport Consigny de la commission habitation sont très critiques et impose de stopper une intervention étatique dans le logement jugée trop coûteuse et injustifiée. Il préconise de transférer sur le système bancaire et sur les ressources d’épargne personnelle la charge principale du financement des constructions neuves comme des réhabilitations. Le manque d’efficacité nécessite que les interventions de l’Etat soient repensées et que leur caractère social soit amplifié. À long terme, l’Etat doit se concentrer sur des aides ciblées en faveur uniquement des couches sociales défavorisées. Il préconise déjà l’élargissement de l’aide à la personne et la personnalisation de l’aide à la pierre. Les deux mesures visent à couvrir plus de besoins et à réduire ou annuler l’aide lorsqu’elle n’est pas justifiée. Le rapport préconise la construction de 700.000 logements sociaux par an, objectif qui ne sera pas retenu par le gouvernement pour le VIe Plan, qui prévoit la construction de 500.000 logements par an.

1970-71
Suite à la loi de 1970 sur la Résorption de l’Habitat Insalubre (loi Vivien, secrétaire d’Etat au logement du 10 juillet 1970), le Plan national de résorption des bidonvilles de 1966 est réajusté. Le Premier ministre, Jacques Chaban Delmas ordonne alors une campagne nationale de résorption des bidonvilles. Les « résorbés » migrent alors dans les taudis verticaux des quartiers populaires, les cités de transition, etc. En 1971, Jacques Chaban-Delmas se rendit dans un bidonville à Nanterre-La Garenne accompagné de son secrétaire d’Etat au logement, du maire communiste et du préfet des Hauts-de-Seine pour y observer la destruction de baraques qu’il commenta par la suite:
« J’ai assisté à la destruction d’un bidonville à coup de bulldozer et à quelques mètres de là au départ des autocars emportant femmes et enfants vers une cité de relogement. C’est un spectacle émouvant que de voir en un quart d’heure s’opérer le changement d’existence de ces familles.»

1971 | ANAH
La réhabilitation du bâti ancien dégradé devient donc une priorité, et à ce titre l’Agence Nationale d’Amélioration de l’Habitat (ANAH) est créée.
12 avril 1971
Première manifestation en France contre le nucléaire civil  : 1500 «pré»-écolo manifestent à Fessenheim.
10 Juillet 1971
Marche puis manifestation pacifique «écolo» devant la centrale nucléaire du Bugey  : 20.000 personnes y participent. Les journalistes sur place cherchent les leaders  : il n’y en a pas (encore).

1971 | Ministère de l’Ecologie
La croissance urbaine suscite des mouvements de protection des terres cultivées, des espaces verts ou, plus généralement, de la nature. L’écologie politique se développe ainsi dans l’élan des nouveaux mouvements sociaux. Reconnaissance officielle par l’Etat qui crée le ministère de la Protection de la nature et de l’environnement, dans un souci évident de récupérer par un discours d’ordre rationnel, les réactions de la sensibilité – critique – du moment.

1971
En 1971, le gouvernement décide la création des OPAC (Offices Public d’Aménagement et de Construction), rivaux des offices HLM, ayant intégré l’efficacité du «privé».

16 juillet 1971
est créée l’Allocation Logement à caractère Social (ALS) et l’Allocation de Logement Familial (ALF), puis est étendue aux jeunes ménages et aux ménages avec des enfants à charge avec la loi du 3 janvier 1972.
28 octobre 1971 | Le LARZAC
Michel Debré, ministre de la Défense nationale, décide d’agrandir le camp militaire du Larzac (de 30 à 170 km²) : «nous choisissons le Larzac, c’est un pays déshérité.» Entre 1971 et 1981, les luttes s’engagent, non violentes, organisées par les paysans aidés de nombreux militants (ce fut l’occasion là de la rencontre difficile entre autochtones, militants maoïstes et néo-hippies), contre la militarisation-expropriation des terres et pour un projet alternatif, prémisse du mouvement altermondialiste français. Jean-Paul Sartre apporta son soutien :
« Je vous salue paysans du Larzac et je salue votre lutte pour la justice, la liberté et pour la paix, la plus belle lutte de notre vingtième siècle.»


1971 | la Ville Bidon
Jacques Baratier tourne pour le téléfilm La ville Bidon (= La décharge). Un maire veut bâtir une ville nouvelle à l’emplacement d’un bidonville : critique virulente contre les mécanismes de la spéculation immobilières, un pamphlet contre l’urbanisme moderne, censuré par l’ORTF, sorti en salles en 1976.

1971
Les premiers incidents sont évoqués par la presse dans une cité à Vaulx-en-Velin.

1971
Le film Trafic du réalisateur Jacques Tati sort en salles.

1971
Uderzo et Gosciny publient Le domaine des dieux, 17e album des aventures d’Asterix où il est question d’HLM antiques et d’écologie (Idefix, premier toutou-écolo). Cet album coïncide avec la campagne de publicité faite pour la promotion de l’opération Parly II (habitat + centre commercial) qui a inspiré les auteurs. A la même époque, sur un autre registre, le jeune auteur Reiser contribue également à alimenter la satyre urbaine et architecturale par de nombreuses planches leur étant dédiée.


24 avril 1971
Le film Le chat du réalisateur Pierre Granier Deferre sort en salles. Un couple de retraité se déchire tandis que les bulldozers attaquent les pavillons de Courbevoie pour y bâtir La Défense.

1971 | Changer le Cadre de Vie
Les élections municipales de 1971 seront l’occasion d’un nouveau paysage politique  : les partis de la gauche se sont unis sur un programme commun de gouvernement, dont le mot d’ordre central était «Nationalisation, Planification, Autogestion». Ils promettaient de «changer la vie» par une autre voie que celle de la grève générale et des manifestations monstres : la voie de la conquête électorale du pouvoir qui permettait à la génération de 68 de poursuivre son combat par d’autres moyens. Ainsi au syndicalisme de l’habitat, s’ajoute la notion de syndicalisme du cadre de vie, qui correspond aux résistances citoyennes s’opposant aux pouvoirs politiques et administratifs.



Les « mouvements sociaux urbains » des années 70 des «luttes pour le cadre de vie» organisées par les militants des Commissions du cadre de vie hors usine apparaissent ainsi dans les partis politiques de gauche. Celle du PSU, dès 1971, fait suite à la campagne du même titre lancée par le parti à la fin des années 60. Le passage de l’appellation «Notre ville livrée au capitalisme» à celle de «Notre cadre de vie livrée au capitalisme» en 1969 est à cet égard significatif, tout comme l’est le glissement de la Commission urbanisme, logement et équipement et de la Commission d’action locale, municipale et régionale vers la Commission nationale cadre de vie en 1971.
De son côté, la Confédération Nationale des Associations Populaires Familiales, revendique l’apolitisme, mais sera très active dans le mouvement des luttes urbaines : occupation de logement, création d’équipements collectifs, etc. Son secrétaire général déclarait ainsi  :
«Un syndicalisme du cadre de Vie organisé, structuré, pose dans ses luttes et ses options, la nécessité de rendre offensive la lutte contre la domination de la classe dirigeante qui, sur ce terrain, passe par la manipulation de la demande, par la détérioration des conditions de vie, par l’accaparement des ressources de la capacité de décision. Cette lutte de classe, cette contestation, porte sur sa propre capacité de contrôler, puis de gérer les changements  ; cette contestation ne peut prendre d’autre forme qu’un appel à l’auto-gestion
C’est le cas également, dès 1972, de l’élaboration du programme Changer la vie pour le PS, mal en point après la défaite conséquente de Gaston Defferre aux élections de 1969.

1971
Le gouvernement suit le mouvement général, le ministre de l’Equipement Galley affirmait qu’il n’y avait plus de problèmes de quantité mais de qualité. Il doit s’agir, à présent, d’améliorer voire de transformer à la fois la qualité morale et matérielle de la vie. Le bonheur, l’unité et la justice sociale seront atteints grâce à la qualité architecturale, à l’animation urbaine et au confort acoustique (principal défaut des HLM). En somme Changez la Ville pour changer la vie, est le fond du discours sur la qualité du logement et par extension de la ville.



1971 | Fin de l’Avant-garde...
Pour ces raisons, le gouvernement se dote d’un nouvel instrument : le Plan Construction (PC), créé le 19 mai, est un organisme interministériel en charge de soutenir la recherche en matière de techniques innovantes, de participation des «usagers» et de mise au point de nouvelles formes d’habitat. Sous le slogan  «Rendre possible», le Plan Construction devait selon Chaban-Delmas «Stimuler l’innovation ainsi qu’une recherche coordonnée, dans toutes les phases et tous les aspects de la construction des logements  : conception, réalisation, coût, qualité, environnement et, plus généralement, cadre de vie.»
L’organisme va donc lancer plusieurs initiatives, dont notamment, la réalisation d’opérations expérimentales (REX) dans le cadre d’une collaboration interdisciplinaire entre architecte, bureaux d’études techniques, entreprises du bâtiment, industriels, sociologues, etc. Entre 1971 et 1974, plus de 5000 logements expérimentaux sont ainsi réalisés répartis entre une vingtaine d’opérations.
D’autre part, le PC lance la création du concours des Modèles-innovations, prolongement des programmes REX.

1972 | ...et Arrière-garde
Le Plan Construction organise le premier concours d’architecture Programme Architecture Nouvelle. Son objectif doit aider à mettre en valeur des projets novateurs et permettre à de jeunes architectes d’accéder à la commande  : le Plan Construction s’engage à trouver des promoteurs pour construire les projets des lauréats. Les architectes des différents courants de l’avant-garde post-68, le plus souvent enseignants dans les nouvelles Unités Pédagogiques, lassés d’attendre le Grand Soir, s’engouffrent dans cette brèche  : c’est la fin de l’architecte «  social  » et leur institutionnalisation.

1972 | Bologne La Rouge
Dans la même veine, est créé le Comité de la recherche et du développement en architecture, par les pouvoirs publics afin de financer des programmes de recherche concernant un urbanisme respectueux des tissus urbains hérités même dégradés, associé à la typologie et la morphologie urbaine. Instruments inventés par les architectes de la Tendenza et des services techniques de Bologne (communiste), en Italie, qui devient un lieu de pèlerinage. La notion d’ «architecture urbaine» s’invite partout où l’on parle des qualités de vie de la Ville héritée, parfait opposé des thèses modernistes.
1972
Par contre, le centre-ville historique de Vitry-sur-Seine, commune Rouge de la ceinture de Paris, est massacré, les vieilles bâtisses vénérables qui l’occupaient ont disparu. Pour faire place à un urbanisme sur dalle et une haute tour trapue aussi inhumains qu’hideux.

Mars 1972
Une directive d’Olivier Guichard, en charge alors du ministère de l’Aménagement du territoire, de l’Équipement, du Logement et des Transports, recommandait qu’«une proportion de 20 % des logements sociaux (soient) réservés à des catégories particulières».

17 Mars 1972
Circulaire ministérielle de Albin Chalandon, dite circulaire «anti-dérogation ». En effet, les promoteurs privés ont à ce point abusé des dérogations possibles accordées au ZAC, que l’on parle d’ «urbanisme de la dérogation», souvent associé à des opérations de financement occultes, de scandales immobiliers et de corruptions.
1972 | Secours Rouge
« Occuper les maisons vides c’est normal »
Le Secours rouge, créé sous l’égide de Jean-Paul Sartre, lance en février 72 sa campagne nationale pour l’occupation illégale de maisons vides  ; plusieurs centaines de logements vides sont réquisitionnés grâce aux comités locaux, constitués le plus souvent d’anciens militants maoïstes de la Gauche prolétarienne.



23 juin 1972
Une circulaire ministérielle définit les nouvelles conditions d’agrément des modèles d’immeubles et de logements HLM (définis en octobre 1968) aux niveaux régional et national, pour favoriser qualité architecturale et technique.

1972 | Barbapapa
La maison de la célèbre famille Barbapapa (1970) est inventée, reprenant le style Antti Lovag : critique humoristique contre les HLM. L’ère ORTF de la Maison de Toutou est définitivement résolue.

1973 | Atelier Populaire d’Urbanisme
Dans le cadre de la lutte du quartier Alma-gare à Roubaix, est créé à la suite de l’Organisme régional pour la suppression des courées de la métropole Nord (Orsucomn), l’Atelier Populaire d’Urbanisme (APU), un collectif regroupant habitants du quartier (56  % de français, 26  % d’origine algérienne ou marocaine, 18  % d’Italiens, Espagnols et Portugais) et militants dynamiques et omniprésentes de la JOC-APF. Son slogan est clair  : «  L’APU ne représente pas les habitants, il est les habitants  ». Il est ouvert à Tous, la seule condition est d’ «  habiter le quartier et vouloir se battre pour y rester.  » Pour autant, l’expérience d’Alma a attiré de nombreux participants extérieurs, notamment des étudiants accompagnés de leurs enseignants  : ils y voyaient là une résistance concrète et quotidienne à la logique capitaliste du marché du logement et les bases prometteuses d’une organisation alternative de l’espace politique.
Des réunions ont lieu chaque mercredi. Ils décident collectivement et des actions à mener, organisent le blocage des loyers, ré-occupent des courées vides, luttent contre le pillage des maisons inoccupées destinées à être démolies, tentent d’empêcher l’oeuvre des bulldozers, construisent des aires de jeux pour les enfants, etc.

1973 | Manfredo Tafuri
Parution de Progetto e Utopia, Architettura e Sviluppo capitalistico, de l’architecte, critique et historien de l’architecture italien M. Tafuri. Ouvrage majeur de l’urbanisme politique, il est traduit et publié en France en 1979 seulement.


21 mars 1973 | Fin des grands ensembles
est une date historique dans l’histoire de France. La circulaire du 21 mars 1973 émanant du ministre Olivier Guichard signe la fin des grands ensembles d’habitat social, le «hard french» :
« Après les efforts considérables accomplis pour augmenter la production massive de logements neufs, il est aujourd’hui indispensable de répondre plus efficacement aux aspirations à une meilleure qualité de l’habitat et de l’urbanisme, et de lutter contre le développement de la ségrégation sociale par l’habitat. La présente directive définit quelques règles simples en matière d’urbanisme et d’attribution des aides au logement; ces règles doivent contribuer: A empêcher la réalisation des formes d’urbanisation désignées généralement sous le nom de «grands ensembles», peu conformes aux aspirations des habitants et sans justification économique sérieuse; A lutter contre les tendances à la ségrégation qu’entraine la répartition des diverses catégories de logements entre les communes des agglomérations urbaines. L’homogénéité des types et des catégories de logements réalisés, la monotonie des formes et de l’architecture, la perte de la mesure humaine dans l’échelle des constructions ou des ensembles eux-mêmes, l’intervention d’un maître d’ouvrage, d’un architecte ou d’un organisme gestionnaire sur de trop grands ensembles ne favorisent pas une bonne intégration des quartiers nouveaux dans le site urbain, ni celle des habitants nouveaux au sein de la commune qui les accueille.»
Plusieurs choses se dissimulent entre les lignes de cette circulaire. Les propos du ministre peuvent être interprétés comme la justification du net ralentissement de la production de HLM locatives, qui s’est amorcé dès 1969 si l’on excepte l’année 1973  : le nombre de mise en chantier recule. Propos qui couvrent donc le retrait de l’Etat pour ce type de programme social, et la volonté du gouvernement d’encourager le propriétarisme populaire pavillonnaire.
1973
Dans ce cadre, le Plan Construction apporte sa contribution, en organisant une série de recherches théoriques et pratiques concernant l’habitat individuel populaire groupé. Entre le cauchemar pavillonnaire des grands lotissements et l’univers concentrationnaire des grands ensembles, se développent l’idéal de l’habitat intermédiaire, c’est-à-dire, un habitat collectif de faible densité et combinatoire, offrant de larges terrasses prolongeant l’intérieur des appartements. En 1973 le concours Modèle-Innovation récompense ainsi un projet nommé les «Maisons-Gradins-Jardins», modèle pour l’affreuse future pyramide habitable d’Evry.
Juin 1973
Création du groupe de réflexion Habitat et vie sociale (HVS), composé de hauts fonctionnaires de l’équipement, de l’action sociale et du secrétariat à la jeunesse, dont la mission est d’étudier les moyens d’améliorer les relations sociales dans les grands ensembles collectifs.
1973 | elle COURT
Le film Elle court elle court la banlieue sort en salles, narrant les difficultés de transport des franciliens, autant les automobilistes que les usagers des transports en commun ; et la vie en HLM de banlieue.


1973 |La société du spectacle
Le film de Guy Debord, La société du spectacle sort en salles.

1973 | AMC
La revue Architecture Mouvement Continuité, créée en 1969, prend le chemin de la critique et de la polémique, et selon l’un des nouveaux rédacteurs, Jacques Lucan, se fait «le porte-parole d’une génération d’architectes qui viennent d’être diplômé.»

17 octobre 1973
Les représentants des pays arabes pétroliers décident une réduction mensuelle de 5  % de la production pétrolière, et le 20 octobre l’Arabie Saoudite décide d’un embargo total sur les livraisons destinées aux États-Unis, puis aux Pays-bas. Le prix du baril passe de 3 à 18 dollars en quelques semaines. La crise du pétrole  : ses conséquences sur l’économie mondiale seront dévastatrices.
En France, dans le domaine de l’habitat, ses répercussions atteignent la quasi totalité du parc immobilier social et privé, dont la conception ignorait jusqu’à présent les normes d’isolation thermique, et se chauffait avec insouciance au fioul bon marché, ou bien à l’électricité des centrales thermiques alimentées à l’hydrocarbure. «La France n’a pas de pétrole, mais des idées»... (sous-entendu de centrales nucléaires EDF)  : tel sera le slogan du prochain gouvernement invitant les français à régler leur thermostats sur 19 ° et à se munir d’un pull-over.

1973
est l’année où le nombre de constructions neuves atteint le chiffre record de 556.000 unités (toutes catégories – sociale, privée - et types d’habitat – tour, immeuble, maison, intermédiaire, etc.). Les classes moyennes désertent progressivement les grands ensembles d’habitat, initiant de la sorte leur progressive et lente ghettorisation.


Fin 1973 | Surpeuplement & vacance
Le rapport 1973 sur les comptes de la nation confirme l’analyse du rapport Consigny : les investissements en logements ont augmenté beaucoup moins vite que les investissements productifs. Une enquête réalisée pendant le dernier trimestre 1973, par l’INSEE indiquait pour la région parisienne que 30 % du patrimoine immobilier, soit 1.083.000 appartements, étaient en situation de surpeuplement. Cette même enquête révélait la progression du nombre des logements vacants : 78.000 en 1962, 165.000 en 1968, 240.000 fin 1973, dont 25.000 logements neufs. Le pourcentage de logements inoccupés (6%) est supérieur à celui des résidences secondaires (4%) en nombre relativement peu important dans la région parisienne (155.000).

21 février 1974 | La crise, quelle crise ?
Dans un article publié par le quotidien Le monde, le secrétaire d’Etat au logement, Christian Bonnet considérait que le débat sur le nombre de logements était dépassé.

Mars 1974
Le film Les Valseuses (sous-entendu les parties génitales de l’homme) de Bertrand Blier sort en salles.

Mai 1974  :
Présidence de Valéry Giscard d’Estaing

Valéry Giscard d’Estaing n’aime pas l’architecture moderne, ni Beaubourg ni les nouilles colorées de l’architecte Emile Aillaud. Peu après son élection, le président interdit les grands ensembles  :

On a construit ou laissé construire des ensembles d’inspiration collectiviste, monotones et démesurés, qui ont sécrété la violence et la solitude. Rétablir la communication sociale interrompue par le gigantisme et l’anonymat sera une tâche majeure de notre société.

La tendance déjà bien engagée vers l’habitat individuel ne fera que s’amplifier, le nouveau président souligne  :

«de nouvelle formes urbaines se créent actuellement en France, en réaction contre les grands ensembles et les lotissements  : ce sont les nouveaux villages où se mêlent des maisons individuelles et des petits collectifs.»

Mai 1974 | AA  !
L’architecte Bernard Huet est nommé rédacteur en chef de la revue L’Architecture d’aujourd’hui (AA), dont les éditoriaux seront, pendant trois ans, de véritables charges contre la politique de l’Etat, les institutions, l’Ordre des architectes, Bouygues et consorts, etc. Dans le numéro 174, Huet souligne  :
«  Nous avons tenté […] de montrer comment les industriels de la construction procèdent à une miraculeuse reconversion, comment l’Etat organise la production monopoliste du logement et enfin comment les architectes, ces bouffons du régime, font prendre aux braves gens des vessies pour des lanternes.  » Suit un article d’Edith Girard peu élogieux envers certains architectes réputés... Le ton est donné, les ennemis, dont les bouffons du régime, seront très nombreux.

juin 1974 | Contre l’habitat social
Le gouvernement procède, selon les critiques de la Gauche, à une attaque en régle contre les offices HLM en faveur du propriétarisme individuel. Lors du 35e Congrès HLM (10-13 juin 1974), l’Union des HLM et son président Albert Denvers s’alarment de la dégradation du
logement social :
«Nous n’avons probablement jamais connu une situation aussi critique depuis la relance du secteur HLM, il y a 25 ans.»
Pour autant, le gouvernement tout en reconnaissant que les prix-plafonds fixés fin 1973 ne correspondaient plus à l’évolution des coûts de la construction, proposait de ne relever que de 10 % à compter du 1er octobre 1974 ces prix-limites que les organismes HLM sont tenus de ne pas dépasser lorsqu’ils négocient un marché avec une entreprise. L’union des HLM réclamait au minimum 15 %.
Les conséquences sont pour le moins dramatiques : des opérations de HLM programmées ne sont pas mises en chantier, les organismes HLM procèdent à une vague de licenciements, tandis que se multiplient les faillites d’entreprises du bâtiment, et crise oblige, les banques se montrent réticentes à accorder des emprunts aux ménages désireuses d’accèder à la propriété sociale.

19 novembre 1974 | Pauvreté & ONG
La loi du 19 novembre 1974 modifie en profondeur l’arrêté de 1954 concernant la limitation de l’aide à quatre catégories de personnes  : «  Peut bénéficier de l’aide sociale à l’hébergement toute personne dont les ressources sont insuffisantes et qui éprouvent des difficultés pour reprendre ou mener une vie normale, notamment en raison du manque ou de conditions défectueuses de logement, et qui ont besoin d’un soutien matériel et psychologique et, le échéant, d’une action éducative temporaire.  »
Cette loi accorde davantage d’importance au rôle des Centres d’hébergement et de réadaptation sociale, considérées comme étant en «  première ligne  » du front et les ultimes filets de protection pour les personnes en danger social. La puissance publique privilégie ainsi les actions préventives et promotionnelles plutôt que l’action curative, et se déleste ainsi au passage de certaines prérogatives, laissées au «  caritatif  », qui de par leur extrême discrétion bénéficient de l’approbation générale du spectre politique.

Les livres de Michel Foucault, Surveiller et Punir, et Histoire de la Folie, puis Le travail social de Verdès-Leroux paru en 1978, relanceront la polémique à propos de ces institutions dont l’histoire est entachée de maltraitance, de relégation volontaire, de surveillance et de normalisation forcée, dans leur traitement de la marginalité. De même, écrivait Castel en 1978, la philanthropie a eu historiquement une fonction très précise  : affirmer la nécessité du secours en déniant le droit au secours.

1974 | Retour au Passé
La ville de Paris organise un concours pour l’aménagement urbain du site de la prison de la Roquette, démolie. Les différents courants de l’avant-garde post-68 y sont représentés et leurs propositions, pour la plupart, renouent avec un historicisme urbano-architectural, aussi mièvre que navrant, une nostalgie rétrograde où les formes anciennes traditionnelles semblent devoir «  rassurer  » un avenir incertain, celui du «  No Futur  » de la culture Punk qui s’installe. La notion d’ «architecture urbaine» devient hégémonique et va s’infiltrer dans les corporations encore réticentes des technocrates planificateurs.




1974 | Grève des Loyers des Foyers
En fin d’année débute dans quelques foyers-hôtels Sonacotra une grève des loyers spontanée et non coordonnée qui progressivement, face à l’entêtement de son président Eugène Claudius Petit, va se développer en un mouvement national structuré par une Coordination regroupant à son apogée 130 foyers solidaires. Les grévistes exigent de meilleurs conditions de vie, une baisse des loyers jugés disproportionnés par rapport aux surfaces des chambres louées (souvent moins de 5 m²) et entre autres, l’abrogation des règlements intérieurs de type militaire. La lutte, soutenue par de grandes personnalités (Sartre, Beauvoir, Foucault, etc.,), et une myriade d’associations, prend fin en 1980. François Mitterrand visitera à deux reprises des foyers en grève (peu avant les élections présidentielles de 1981), apportant symboliquement sinon un soutien mais une reconnaissance de leurs peines. Promesse est faite d’accorder aux immigrés de longue date, le droit de vote...


1974 | Concentration
«Votre argent m’intéresse», disait une publicité bancaire vers 1970 : l’immobilier en est certainement l’une des justifications, fondée sur la politique même de désengagement de l’aide, et les différentes formes de l’épargne logement. Les banques renforcent leurs activités de promotion et entrent dans un processus de concentration, que la multiplicité de leurs filiales cache parfois.
En 1970, 13 % des promoteurs privés mettaient en chantier plus de la moitié des nouveaux logements ; en 1972, 4 % des promoteurs auraient réalisé 33 % du chiffre d’affaires de la promotion et 47 % des logements ; en 1974, les mêmes 4 % auraient porté leurs parts à 46 % du chiffre d’affaires et à 51,5 % des logements [Chiffres de Denis Duclos, 1977].


1975
Le bon marché coûte cher : telle était la conclusion d’un rapport du Conseil économique et social en 1975 qui préconisait :
« Pour ménager l’avenir, et permettre des évolutions futures, il faut, au contraire viser ‘’la pointure au- dessus’’, car la qualité ne se retrouve plus lorsqu’on l’a sous-estimée au départ.»

22 janvier 1975
La Commission nationale sur la réforme du logement est officiellement créée par le conseil des ministres, à peu près en même temps qu’est annoncée la publication d’un Livre blanc HLM, en cours d’élaboration.
1975
Au printemps, formation du groupe Place par des «professionnels impliqués dans la production de l’espace», impliqués ou attentifs aux «luttes populaires» en faveur de «tous ceux qui ne se satisfont pas de voir leur vie cassée pour que soit rentabilisé la terre qu’ils habitent, tous ceux qui isolément ou collectivement entendent opposer à l’oppression quotidienne la force de leur présence.» Un dessin graphique représentant la chute de la colonne Vendôme (Commune de Paris en 1871) illustre son premier manifeste.

31 décembre 1975 | ZIF
Une loi étend les droits de préemption, dans le temps et l’espace, grâce à la création de Zones d’intervention foncières (ZIF). Sa principale caractéristique est une plus grande générosité en terme de compensation financière à l’égard des propriétaires préemptés.

1976
Les premiers rodéos et voitures incendiées sont signalés par la presse dès 1976 à Villeurbanne dans la banlieue de Lyon.

1976 | Alma
Les habitants d’Alma à Roubaix résistent encore, et en 1976, coup de théâtre  ; le Ministère de l’Équipement (conservateur, donc) par le biais du Plan Construction, apporte à l’APU les moyens pour lutter d’égal à égal avec la municipalité. Contre la municipalité socialiste, le Plan Construction signe un contrat avec l’APU qui lui assurait le financement d’une assistance technique, premier du genre en France qui offrait à une organisation de quartier non seulement accès à des informations confidentielles mais aussi les moyens de l’utiliser à ses propres fins. Le contrat stipulait que l’assistance technique devait être assurée par une équipe parisienne, l’ABAC, composée de trois architectes, d’un sociologue et d’un juriste. Grâce à cette incroyable et surprenante aide de l’Etat, l’ABAC a transformé l’APU en un véritable contre-pouvoir élaborant des contre-propositions sur la base d’analyses détaillées et précises, de contre-expertises aussi bien dans les champs urbano-architectural que juridique, faisant obstacles aux arguments idéologiques de la municipalité socialiste. On croît rêver  !

1976 | Bidonville
Le dernier grand bidonville de plus de 2000 habitants, «  La digue des Français  » à Nice, est rasé en 1976. Officiellement, plus aucun bidonville n’existe en France à cette date, sinon des poches résiduelles. Mais l’éradication des bidonvilles, à Nice, Marseille comme ailleurs, déplace simplement le problème  : les expulsés investissent les taudis verticaux des vieux quartiers populaires, s’entassent dans les immeubles tenus par des marchands de sommeil peu scrupuleux et l’on constate un degré élevé de sur-population dans l’habitat indigne, les foyers de travailleurs immigrés et les cités de transit, pour la plupart déjà très dégradées, qui prennent le relais des bidonvilles.

15 juin 1976
La circulaire du 15 juin vient élargir l’aide sociale au-delà de l’hébergement d’urgence et de réadaptation, et prévoit le financement d’actions socio-éducatives auprès des familles dans le parc locatif social. Cette loi restera sans effets, les associations préférant les résidents de leurs propres «internats.»


1976 - 77
Enki Bilal, auteur de bandes dessinées, publie en 1976 Le Vaisseau de Pierre, puis en 1977 La Ville qui n’existait pas.

1977 | Qualité architecturale
Une loi sur l’architecture est adoptée instituant le recours obligatoire à l’architecte pour la plupart des travaux soumis à une autorisation de construire (hors maisons individuelles de tailles modestes)  ; les Conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE) sont créés dans chaque département dans la foulée  ; de même que la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP). La notion de «  beauté  » architecturale est ainsi re-mise à l’honneur.

1977 | Habitat et Vie Sociale
L’urbanisme et l’architecture des tours et des barres montre ses limites sociales et techniques  : le processus de dégradation est à ce point rapide et élevé que les autorités évoquent déjà «d’enrayer le processus de dégradation physique et de marginalisation de la population dans les grands ensembles». En 1977 est créé le comité interministériel Habitat et Vie Sociale (HVS), sous la tutelle du secrétariat d’Etat au Logement, les financements sont assurés dans le cadre du Fonds d’aménagement urbain (FAU). C’est une démarche contractuelle État-communes-HLM, instituant la participation des principaux intéressés, les habitants, expérimentée dans une cinquantaine de grandes cités HLM dégradées. Tel le travail maladroit d’un apprenti sorcier, les mesures «d’accompagnement social» sont balbutiantes, et la participation des habitants assez peu effective. Les opérations HVS sont considérées comme les vénérables ancêtres de la «politique de la ville», qui contiennent déjà les «ingrédients» constitutifs: la globalité d’action qui implique un travail transversal et interministériel et le partenariat.

3 janvier 1977 | Propriétarisme
La loi n° 77-1 réformant le financement du logement a pour objet de
faciliter l’accession à la propriété, de promouvoir la qualité de l’habitat, d’améliorer l’habitat existant et d’adapter les dépenses de logement à la situation de famille et aux ressources des occupants, tout en laissant subsister un effort de leur part. La loi crée les prêts d’accession à la propriété (PAP), les prêts locatifs aidés (PLA), les prêts conventionnés et l’aide personnalisée au logement (APL).

La réforme dite «Barre» signe donc la fin de la construction de masse des ensembles de logements sociaux, et est considérée comme un des instruments de la marchandisation de l’habitat public, correspondant à la libéralisation du système d’intervention de l’État dans les politiques du logement, et le début de son désengagement total dans le secteur du logement social. La logique de l’Etat est bien plus complexe  : le retrait de ce secteur de l’économie est l’occasion de libérer un «capital dévalorisé», c’est-à-dire des taux à faible intérêt, pour le placer dans des marchés plus rémunérateurs. Économie devant permettre à l’État la responsabilité de la solvabilisation des ménages, aux acteurs privés celle de la production d’une offre locative, régulée au besoin.



Pour le gouvernement, la crise du logement a été résolue  : des situations de retard persistent, notamment pour les populations immigrées et précaires, mais les grands bidonvilles ont été résorbés, globalement, les classes moyennes peuvent se loger sans trop de grandes difficultés dans des appartements décents dotés du confort moderne, y compris dans les quartiers anciens des grandes villes, ou bien investir dans une «Maison de maçon» bas de gamme Bouygues dans les grands lotissements pavillonnaires de leur périphérie, tandis que les mécanismes de la spéculation foncière et immobilière, favorables à la petite et haute bourgeoisie entretiennent ou alimentent, selon, leur enrichissement et les invitent à investir. Ainsi, les nouveaux mécanismes recherchés tendent encore davantage à relever du marché et moins de l’intervention de l’Etat  : épargne et crédits bancaires sont mobilisés pour être substitués partiellement à l’aide publique. Concrètement, l’idée souvent avancée pour justifier ce changement est celle du parcours résidentiel  : l’offre de logements pour les couches aisées amènerait logiquement à libérer des logements pour les classes inférieures : un logement «de standing» neuf sera occupé par une famille aisée, qui libérera ainsi son ancien logement, qui sera alors occupé par une famille aux revenus moyens, qui libérera un logement vétuste ou étriqué, qui pourra alors être occupé par une famille en attente de logement., etc.

28 avril 1977 | l’ABAC à Alma
La municipalité socialiste de Roubaix confrontée aux travaux de l’ABAC du ministère de l’Equipement, aidant les habitants en lutte d’Alma-gare contre la rénovation destruction de leur quartier, propose à l’APU de participer à un groupe de réflexion, censé aplanir les divergences et définir l’horizon d’un consensus général. Après le refus de l’APU qui avait élaboré une contre-proposition concertée avec les habitants, la municipalité finit par capituler et accepte l’idée de reconsidérer son projet à la lumière des exigences exprimées par les habitants des courées.

Pour autant, la lutte n’est pas terminée, car la région Nord va être particulièrement affectée par la désindustrialiation et ses conséquences, mais la progressive notabilisation des principaux acteurs de l’APU éteint l’étincelle de la solidarité populaire qui avait animé le mouvement.

Juin 1977 |OPAH
La lutte Alma-gare, l’expérience de Bologna, influencent les politiques  : les Opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) sont créées dans l’objectif de renforcer la nouvelle politique amorcée vers le milieu des années 1970 de préserver le patrimoine, et en principe, de maintenir autant que possible la composition sociale et la vie collective dans les tissus anciens.

Nouvelle et surprenante vocation du gouvernement  ? Sans aucun doute au nom de la «mixité sociale» et du cadre de vie, mais c’est aussi une faveur accordée à l’intérêt grandissant des investisseurs privés pour les quartiers anciens et encore populaires des centres-villes, alléchés par le formidable marché de la réhabilitation-gentrification, des aides de l’État, du retour amorcé des classes aisées périphériques, et des mécanismes des financements. Celui d’une réhabilitation est bien moindre par rapport aux lourdes et longues opérations de démolition-reconstruction : la rotation du capital investi dans les opérations de réhabilitation est bien plus rapide, et surtout, les pressions des associations de défense de riverains, de quartier, etc., dont les recours en justice peuvent bloquer pour un temps une opération (et immobiliser le capital), sont quasi inexistantes. Bien sûr, au nom de la sacro-sainte préoccupation de mixité sociale, l’Etat valide et entérine l’embourgeoisement des quartiers populaires de centre-ville.


1977 – 78 - 79 | CAZA
Caza, auteur de bandes dessinées, publie en 1977 ces magistrales Scènes de la vie de banlieue, suivies en 1978 de Accroche-toi au balai, j’enlève le plafond et en 1979 L’Hachélème que j’aime.

1976 - 1977 | No Future For You
La culture Punk débarque en France sous l’impulsion notamment des Sex Pistols. À Paris, les squats de la mouvance anarcho-punk se multiplient et de nouvelles communautés s’y installent, très éloignées idéologiquement de celles Peace & Love des néo-hippies. Leur vision très négative du monde et de l’avenir va contaminer la pensée architecturale  : No Future  !

1978
Le film de Guy Debord, In girum imus nocte et consumimur igni, sort en salles  :
« Paris alors, dans la limite de ses vingt arrondissements, ne dormait jamais tout entier, et permettait à la débauche de changer trois fois de quartier dans chaque nuit. On n’en avait pas encore chassé et dispersé les habitants. Il y restait un peuple, qui avait dix fois barricadé ses rues et mis en fuite ses rois. C’était un peuple qui ne se payait pas d’images.»

1978 | KROLL ALors
L’architecte Lucien Kroll entame la réhabilitation de la ZUP Perseigne à Alençon, réalisée entre 1963 et 1969 comprenant au total 2300 cellules d’habitation. Les façades sont rhabillées, plutôt que réhabilitées, selon les propres exigences et les «  goûts  » de chaque habitant, qui retrouvent ainsi une liberté d’une «démocratie directe», «il s’agit d’une décolonisation», selon l’architecte. Des maisonnettes sont implantées de façon irrégulière, au pied des barres bariolées, formant ainsi une sorte de tissu de village traditionnel. Le Kitsch populaire est ainsi mis à l’honneur, mais pas plus, car fondamentalement, rien ne change, si ce n’est le decorum, tentant d’égayer plutôt que de «changer».

1978
Concours organisé par la ville nouvelle de Cergy Pontoise pour la conception d’«Immeubles de ville» du nouveau quartier des Puiseux. Comme pour le concours de la prison de la Roquette, les réponses des concepteurs sont d’une étonnante régression et d’une surprenante médiocrité, faisant l’apologie d’un passé illusoire et anachronique.

1979
Des incidents se multiplient à Villeurbanne, notamment à la cité Olivier-de-Serres  : le maire socialiste C. Hernu annonce alors vouloir raser ce «vivier à délinquance». La première «émeute urbaine» reconnue comme telle se déroule dans le quartier de la Grappinière à Vaulx-en-Velin, des habitants affrontent les forces de police et incendient des véhicules.


1979 | les Expulsés
Exposition In situ à Paris par l’artiste Ernest Pignon-Ernest Les Expulsés :
« A l’origine, il y a deux choses : d’une part mes parents, qui habitaient nice, avaient été expulsés de leur logement. Ils avaient dû quitté le quartier où ils avaient pratiquement toujours vécu et où j’avais moi-même passé mon enfance. J’en avais ressenti la douleur que l’on éprouve à être chassé des lieux de son histoire. D’autre part, durant cette période de 1975 à 1980, il y a eu beaucoup de rénovations dans Paris. Je trouvais saississant, bouleversant, ces immeubles éventrés, cette mise à nu, cette projection aux yeux de tous des traces de l’intimité de la vie des gens





Mai 1979
Deuxième choc pétrolier s’étalant jusqu’en 1980 avec la guerre Iran Irak, suivi d’une crise monétaire aux USA, ayant des répercussions mondiales. En France, les dommages collatéraux invalident les prévisions optimistes de l’Etat.
En France, l’Etat privilégie à présent les mesures contre le chômage, dont la courbe montante inquiète les politiques. Dans ce cadre, l’investissement urbain, et plus particulièrement l’investissement immobilier paraissent exercer une trop grande concurrence à l’égard de l’industrie, qui en pleine «  mutation  » forcée, manque de capitaux. Il faut donc détourner le capital immobilier vers le secteur productif. À l’échelle de l’aménagement municipal, la petite zone industrielle revient à la mode, les municipalités (communistes en particulier) refusent d’autoriser la ré-affectation des friches industrielles, des usines, à d’autres usages, dont l’habitat ou le tertiaire, etc.

Par contre, les hypermarchés et centres commerciaux – ces usines de distribution - sont jugés par les maires de France comme une excellente alternative (Auchan n’avait-il pas installé son premier hypermarché dans une ancienne filature désaffectée proche d’une cité HLM ?). Les nouveaux maîtres de l’urbanisme commercial, car créateurs d’emplois inespérés et imposants imposables édictent leurs propres règles, protégés en cela, par les pouvoirs publics.

10 septembre 1979 | Arbeit
La plupart des Centres d’hébergement et de réadaptation sociale proposaient ou imposaient aux «résidents» un travail occupationnel (rempaillage de chaises, jardinage, récupération, travaux forestiers, etc.) contre l’inactivité forcée, devant stimuler leur ardeur et surtout «prouver» leur volonté de se «réhabiliter», et d’autre part, à maintenir une certaine paix sociale au sein des foyers. Un type d’occupation salariale en-dehors des réglementations du Code du travail  ; ainsi, la circulaire 44 du 10 septembre 1979, afin de le légaliser invente les Centres d’Adaptation à la Vie active hors du statut de salarié.

Juin 1979 | l’Attaque de la Sonacotra
En mars 1979, la Sonacotra et les autres gestionnaires obtiendront de la justice française des centaines d’arrêtés d’expulsion et de saisies sur salaires. À partir d’Avril, les premières expulsion des foyers sont exécutées  : le 11 avril, 150 résidents expulsés à Strasbourg, Sartrouville et Saint-Germain  ; le 30 mai, 11 expulsions à Nanterre  ; le 6 juin, 29 expulsions à Romainville le 12 juin  ; 77 expulsions à Dijon, 15 à Vitry-sur-Seine.
Le 27 juin 1979, le foyer de Garges-lès-Gonesse fait l’objet d’une opération d’expulsions quasi militaire, préparée trois semaines à l’avance par le préfet, son état-major et un commandant de CRS, ayant engagé quatres compagnies de CRS. Les expulsés décident avec la Coordination d’installer un campement au pied de la tour. Des militants des associations anti-racistes, pour le droit au logement, les habitants Du quartier les soutiennent et leur apportent une aide matérielle. Jacques Vergès débute sa carrière d’avocat en proposant ses services à la Coordination. François Mitterrand vient visiter le campement.



Février Avril 1980
Entre février et avril 1980, Action Directe prend pour cible à Paris, les bureaux de grandes sociétés immobilières liées à des opérations urbaines de rénovation, ayant entraînées des expulsions forcées.

Septembre 1979
En septembre 1979, des membres du groupe révolutionnaire Action Directe s’attaquent au siège social de la Sonacotra, en représailles.

Octobre - décembre 1979 | Fin de Lutte
En octobre 1979, nouvelle expulsion plus massive encore, de deux tours Sonaco à Nanterre  : 1000 résidents signent sous la menace un traité de Paix et acceptent toutes les conditions de la société. Les coups portés sont trop rudes pour les grévistes, la démobilisation s’accroît dans les foyers et les accords locaux se multiplient. La Coordination, ou ce qu’il en reste, des débris, acculée accepte le principe d’une négociation « foyer par foyer » en novembre 1979. Des militants espèrent encore faire perdurer la Coordination en lui assignant un rôle de défense et d’organisation politique de l’immigration. C’est la fin de cette longue lutte initiée en 1974.

1979 – 1980 | Contre-Concours
Organisation en 1979, par le Syndicat de l’architecture (et Henri Ciriani et Jean Nouvel, entre autres), d’une Consultation internationale pour l’aménagement des Halles à Paris, en réaction contre le projet officiel  : 600 contre-propositions sont jugées en 1980 par un jury composé de grandes personnalités, dont Henri Lefebvre qui déclara être très déçu par les propositions, tant il vrai qu’elles n’étaient guère convaincantes. Mais la procédure, un contre-concours parfaitement organisé, est particulièrement intéressante.
Avril 1980
Création d’un Groupe interministériel pour l’aménagement des banlieues (GIAB).

1980
Le maire communiste de Vitry-sur-Seine, ville dortoir de la banlieue sud de Paris, accompagné de ses adjoints musclés, de quelques pontes du Parti et d’un bulldozer, sous la bénédiction des instances nationales du Parti, endommagent gravement un foyer fraîchement réhabilité occupé par des travailleurs immigrés maliens, déménagés la veille d’un foyer de la ville bourgeoise de Saint-Maur, qui n’en veut pas. Le tsunami national de protestations marque le début de la déchéance du parti communiste français qui profite au candidat présidentiel Mitterrand.

1980 | Nandy la Solaire
Suite au second choc pétrolier, le Plan Construction organise le concours d’architecture ingéniérie 5.000 maisons solaires. Les lauréats les construisent dans le «villages solaire» foire d’exposition de Nandy, en Seine-et-Marne.


Mai 1981  :
Présidence de François Mitterrand


Premier gouvernement socialiste depuis l’après guerre, il est confronté à un très lourd héritage urbano-architecural «  social  ». Pour autant, le désintérêt socialiste est grand que résume le critique et historien Jacques Lucan :

«  La grande affaire du premier septennat de François Mitterrand n’aura donc pas été la «  reconquête  » des banlieues. Celle-ci, de toute évidence a été éclipsée par ce que l’on nomme les «  grands projets  », qui sont d’abord architecturaux et relatifs à des programmes publics et culturels. Mitterrand entend en effet marquer son septennat par la réalisation de plusieurs opérations de grande ampleur, avec, comme horizon la célébration du bicentenaire de la Révolution française de 1789.  »

Juillet 1981 | Welcome
En guise de bienvenue, des incidents éclatent dans la cité HLM Les Minguettes à Vénissieux et à Rillieux-la-Pape dans la banlieue lyonnaise. La télévision film les rodéos puis les voitures incendiées au pied des tours : les habitants et les élus sont hébétés.

1981
Le gouvernement commande alors une série de rapports qui constitueront la base de l’édification conceptuelle et opérationnelle du Développement Social des Quartiers (DSQ). Bertrand Schwartz, professeur à Dauphine, se penche sur l’insertion des jeunes, Hubert Dubedout, maire de Grenoble, sur les quartiers en difficulté, et Gilbert Bonnemaison, maire d’Epinay-sur-Seine, sur les causes et les remèdes de la délinquance. Ces rapports conduisent à un référentiel d’action publique reposant sur le trio “  partenariat, transversalité, territorialisation  ” et à la création de nouvelles structures  : la Délégation Interministérielle à l’Insertion professionnelle des Jeunes en difficulté (DIIJ), le Conseil National de Prévention de la Délinquance (CNPD), la Commission Nationale pour le Développement Social des Quartiers (CNDSQ).




Ainsi, en octobre 1981, au lendemain des Assises pour l’avenir des cités d’habitat social, est créée la CNDSQ, placée sous l’autorité du Premier ministre, dirigée par Hubert Dubedout, organisme chargé de développer une politique contractuelle avec les communes porteuses de projets pour leurs quartiers. Les programmes de Développement Social des Quartiers (DSQ), qui se substituent aux expérimentations HVS, sont lancés. 22 premiers quartiers font l’objet d’une procédure DSQ. Des «Zones d’Education Prioritaires» (ZEP) sont créées en 1981 par le ministère de l’Education nationale et complètent le système.

27 septembre 1981 | Les gares Marchandises
Les passagers du premier TGV Paris Lyon montent à bord. D’une manière générale, le réaménagement des gares – en centre commercial - et de leur voisinage immédiat, est l’occasion de grandes opérations urbaines de «nettoyage» (Marseille Saint-Charles, Lille, Gare de Lyon à Paris, etc.).
1981
Des membres d’Action Directe en période d’existence légale, organisent plusieurs squats dans le quartier Barbès à Paris, avec l’aide de militants maoïstes turcs. C’est à la Noël 1981 que les attentats reprennent, avec sept attentats contre des magasins de luxe, mettant fin à la trêve.

1981-1982
Le Plan Construction engage de nouvelles réflexions pour de vieilles recettes en organisant le concours d’architecture «Habitat 88», dont le programme est de «construire moins cher pour construire plus et mieux». Il s’agit de relancer la commande de logements neufs et de soutenir l’activité du bâtiment. Plus de 500 équipes (plus de la moitié sont conduites par des entreprises) font des propositions : une centaine d’entre-elles sont retenues et se concrétisent par la construction de près de 10 000 logements sociaux neufs, expérimentaux. Des voix dissidentes apprécient l’enjeu du programme mais estiment plutôt nécessaire de s’attaquer à la réforme du financement du logement, et à la question des prix du foncier.

Mars 1982 | Comment rater une décentralisation  ?
Lois de
décentralisation : les communes sont désormais responsables de la planification urbaine et du logement social. Les conséquences seront désastreuses car les grandes villes, libérées de certaines contraintes, se mettent en concurrence, et pour certaines, en position financière très délicate. L’on parle ainsi du «  ratage  » de la décentralisation et de la période faste des grands concours d’architecture spectaculaire et de «  projets urbains  » tout aussi ambitieux et coûteux, conçus dans la hâte, afin de façonner l’image de marque d’une ville et la placer au mieux dans l’échiquier du marché européen. L’urbaniste Guy Henry résumait ainsi ces années de profonds bouleversements :
« Il est certes indéniable qu’avec la décentralisation ces années 80 ont connu un regain d’activité, un évident bouillonnement (pour ne pas dire brouillonnement). Le nombre des concours s’est accru, des architectes de renommée internationale ont été sollicité, et un nombre respectable de projets de prestige ont été édifiés. Mais pour ce qui concerne le projet urbain que la ville attend – complexe, cohérent, ancré dans l’Histoire comme dans la société civile -, il apparaît qu’en regard des années 70 on ait assisté à une relative régression. Ainsi nombre de projets urbains s’échafaudent sans véritable analyse préalable et se satisfont de pseudo-concpets habillés de représentations graphiques séduisantes – ceci expliquant cela -, alors qu’entre urbanisme et architecture nombre d’auteurs pratiquent la confusion des genres, peu de projets urbains parviennent à exprimer une «idée de ville», une philosophie qui transcende les contingences immédiates et parvienne à énoncer un propos dans lequel, aux centres des villes comme en leurs banlieues, une majorité de citoyens puissent se sentir concernés. Sans doute, parmi les raisons qui expliquent ce que l’on peut considérer comme le «ratage» de la décentralisation française en matière de politique urbaine, la vague du néo-libéralisme qui a recouvert en quelques années le paysage idéologique et politique français occupe-t-elle le premier rang. Les manifestations en sont multiples, qu’il s’agisse de l’abandon d’une vision à long terme du développement urbain ou du procédé qui consiste à accorder à la promotion privée (au «marché») le verdict ultime de la validité d’un projet, ou encore la médiatisation qui, exacerbant la concurrence entre les métropoles, petites ou grandes, se fixe ouvertement pour objectif de «vendre la ville», ainsi qu’il est dit, le plus souvent sans aucune gêne, dans le langage politique courant.»

D’autre part, selon un rapport officiel établi en 1996, «La décentralisation (et) l’accentuation des inégalités spatiales du fait des mouvements de restructuration économique [...] ont d’un côté réduit les recettes et accentué les difficultés sociales dans certaines communes, et accru les recettes de nombreuses communes prospères de l’autre.»

21 juin 1982 | Faites de la musique
La fête de la musique inventée par le ministre de la Culture Jack Lang autorise et encourage les citoyens à faire du bruit musical jusqu’à une heure tardive le jour le plus long de l’année. Mais le bruit  intempestif, au fur et à mesure de l’embourgeoisement des quartiers populaires, fera l’objet d’interdictions les plus restrictives faisant bientôt de Paris une ville morte passée 22 heures.

22 juin 1982 | La Revanche du Locataire
La loi Quilliot définit les droits et devoirs des locataires et des bailleurs. Dans son article 1er, elle énonce, pour la première fois, le «  droit fondamental à l’habitat  ». C’est un renversement de situation, car en effet, la pente générale depuis 1960 conduisait au libéralisme et à l’affirmation des droits du propriétaire  : la loi Quilliot interrompt ce mouvement en accroissant les garanties offertes au locataire. Mais les effets pervers ne tardent pas à atténuer cette loi, qui s’expriment par la réaction des propriétaires à la rétention, plutôt qu’à la location. D’où une crise de rareté de la location dans les plus grandes villes, malgré la dépression.

20 juillet 1982
La circulaire n° 82-70 invite à mettre en place des dispositifs d’aide aux familles en difficultés temporaires pour faire face à leurs dépenses de logement.

1982 | Eté pas-Chaud
Création des Opérations Préventions Eté (OPE), plus connues sous le nom d’opérations anti-été chaud, avec la collaboration de Gilbert Trigano, président directeur général du Club Med. Il s’agit d’éviter un Minguette bis.

1982 - 1983 | Bidochon
Les Bidochon en habitation à loyer modéré est le troisième tome de la série du couple Bidochon, créé par Chrisitan Binet. Maison, sucrée maison est le suivant en 1983, relatant les tribulations de la construction de leur maison préfabriquée-boulonnée. Fictions, caricatures  ? L’auteur affirme s’être inspiré de personnages réel.




1982
Le film Blade Runner de Ridley Scott fascine le monde de l’architecture, les décors ultra réalistes de la ville du futur ne sont peut-être pas du domaine de la fiction, mais du possible.

7 janvier 1983
Virage libéral socialiste. Dans le domaine de l’urbanisme, la loi du 7 janvier concernant les Schémas directeurs introduit, la flexibilité des Plans, et la prise en compte de démarches partenariales, intégrées dès la phase de programmation.

26 janvier 1983
Le Conseil des ministres adopte des nouvelles mesures de solidarité contre la pauvreté et la précarité. Il s’agit d’améliorer l’accueil des personnes en situation difficile, d’éviter les ruptures de prestations et de veiller au risque de pauvreté de groupes sociaux particulièrement exposés (chômeurs de longue durée).

Juin1983 | Politique de la Ville
Le rapport Dubedout “Ensemble refaire la ville” est le document fondateur de la «politique de la ville». Trois grandes lignes essentielles, l’insertion, la prévention, la réhabilitation, prennent place sur la scène administrative. La prévention des risques occupe une place prépondérante, et à ce titre le Conseil National de Prévention de la Délinquance (CNPD), relayé par des comités départementaux (CDPD) et communaux (CCPD), est créé en juin 1983.

Eté 1983
Durant l’été, des affrontements opposent jeunes habitants des cités et policiers dans la banlieue lyonnaise et notamment aux Minguettes.

Novembre 1983
Un travail prospectif sur la ville est confié à la mission Banlieue 89, créée en novembre 1983, sous l’autorité des architectes Roland Castro et Michel Cantal-Dupart.

Juin 1984
Création de la Délégation Interministérielle à la ville (DIV), organe exécutif de la politique de la ville  ; et remplacement du Fonds d’aménagement urbain (FAU) par un Fonds social urbain (FSU)  ; création du Conseil National des Villes et du développement social urbain (CNV), qui reprend les attributions du CNDSQ et du CNPD, présidé par le Premier Ministre Pierre Mauroy ; et du Comité Interministériel des Villes et du développement social urbain (CIV) dont l’ambition est directement liée au transfert des compétences en matière d’urbanisme. L’État n’est légitime à intervenir en cette matière que de manière exceptionnelle. Le FSU est destiné à financer des opérations relevant de la solidarité nationale à l’égard des quartiers affectés par de graves déséquilibres sociaux.

Juillet 1984
Lancement du programme DEFA (Diplôme d’Etat relatif aux fonctions d’animation) solidarité destiné à former 300 jeunes de quartiers non diplômés au métier d’éducateur.

Hiver 1984
Trente années après l’appel de l’abbé Pierre, la pauvreté résidentielle reste encore plus que jamais un problème majeur ; durant le rude hiver 84-85, le Plan «pauvreté précarité» du gouvernement mobilise de nouveaux financements pour l’hébergement d’urgence, notamment en nuitées d’hôtels.

1985
Terry Gilliam réalise le film Brazil, dont quelques scènes ont été tournées dans les dédales kafkaïens d’un ensemble d’habitat collectif conçu par l’architecte Ricardo Boffil à Marne La Vallée. Cela ne suffit pas à perturber la carrière du Taller, ni à entamer sa réputation, bien au contraire  : surprenant.

1985
Mise en place des Contrats d’action de prévention pour la sécurité dans la ville (CAPS) dans le cadre des conseils de prévention de la délinquance.

30 octobre 1985
Présentation du programme d’actions de lutte contre la pauvreté et la précarité prévues pour l’hiver 1985-1986 concernant le logement des familles en difficulté, la réinsertion sociale des personnes les plus défavorisées, la distribution de produits alimentaires et l’accueil d’urgence.


21 décembre 1985 | J’emmerde la Droite jusqu’à la Gauche
La pauvreté s’installe durablement  ; le premier Resto du Coeur, fondé par Coluche, offre gratuitement ses premiers repas le 21 décembre 1985 à Noeux-les-Mines. Par la suite, les Restos du Coeur, devenue association reconnue d’utilité publique en 1992, se diversifie vers l’aide au logement (ouverture de centres d’hébergement d’urgence, résidences sociales, péniche du Cœur amarré à Paris, etc.). La première année 1985-86 se conclut par la distribution de 8,5 millions de repas par 5000 bénévoles  ; pour la saison 2012-13, 130 millions de repas ont été offerts par 66.000 bénévoles.

Mars 1986 – mai 1988  :
Cohabitation, J. Chirac premier ministre


26 avril 1986
Le réacteur n°4 de la centrale nucléaire Lenine à Tchernobyl, explose : les européens apprennent que les nuages radioactifs se déplacent au gré des vents, qui survolent la France.

1987 | l’année sociale de Jean Nouvel
En 1987, centenaire de la naissance de Le Corbusier, l’architecte Jean Nouvel inaugure deux opérations d’habitat social à caractère expérimentale conçues sous la formule  : «Un beau logement, est un grand logement.»



L’opération REX de Saint-Ouen, la moins médiatisée, est la plus radicale dans la qualité architecturale et l’innovation, Nouvel architecturise des appartements d’une surface supérieure de 50 % à celle des HLM, à un prix quasi-identique (outre les subventions), mais en sacrifiant de nombreuses prestations  : pas d’ascenseurs, pas de caves, pas de vide-ordures, béton brut faisant faiblesse de la qualité d’isolation acoustique, utilisation de matériaux industriels, etc.. Une œuvre remarquable qui renouvelle, avec d’autres opérations d’architectes, la vision archaïque des HLM et casse les archétypes du logement. Un sociologue affirmait que rares sont les locataires sociaux à vouloir quitter cette débauche d’espace, et nombreux sont ceux qui adhèrent à la démarche de l’architecte. Le principal défaut évoqué par les résidents est le défilé permanent et énervant de curieux venus du monde entier admirer l’ouvrage, critique partagée par les résidents de Nemausus.
C’est le même esprit qui préside pour la réalisation de l’opération de logements sociaux Nemausus à Nîmes, qui se dénote cependant par un maniérisme architectural flirtant avec le spectaculaire, et l’attrait trop heurté pour la geste esthétique. La pauvreté-simplicté sans artefacts inutiles de Saint-Ouen faisait songer à de l’Arte povera, ce n’est plus le cas à Nîmes.
Mais pour un coût identique – selon l’architecte – la surface «  esthétisée  » des néo-lofts-logements augmente en moyenne de 40  % par rapport aux tristes appartements d’HLM traditionnelles.
Le caractère exemplaire de Nemausus et de Saint-Ouen, malgré de nombreux défauts (est-ce là la limite de l’expérimentation en architecture?), ne fera pas modèle, comme l’explique Nouvel :
«  Nemausus a été une opération très mal perçue dans le milieu
du logement social, tout simplement parce qu’elle apporte la preuve que, pour un coût donné, il est possible de construire des appartements plus grands, tout aussi agréables, et disposant de généreux espaces extérieurs. Ma conviction était qu’il était impératif de sortir des normes sociales de l’époque, un T3 ne correspondant pas systématiquement à un 63 m². Il était indispensable d’essayer de raisonner autrement, mais pour ce faire il fallait également dompter les prix.»





1987
Le film Les Ailes du Désir de Wim Wenders, inspire les partisans et admirateurs de la ville post-moderne «  déglinguée  » (dont J. Nouvel), avant Jusqu’au bout du Monde (1990).

8 juin 1987
Affrontements entre jeunes et policiers dans la banlieue de Lyon.

1987 | CML
Le Comité des mal-logés (CML), organisation radicale est créée en 1987 par un petit groupe de militants issus pour la plupart du groupe Prolétaires pour le Communisme (PPLC) et de la mouvance « autonome ». Le CML déclare dans sa première charte vouloir « créer l’unité des gens qui souffrent des problèmes du logement» et « faire valoir les droits légitimes des travailleurs, des chômeurs et de leurs familles à habiter dans un logement décent, c’est-à-dire : spacieux, proche du travail, dont le loyer n’excède pas 20% du salaire ».


Mai 1988  :
2e Présidence de François Mitterrand

Le premier septennat avait été celui des grands travaux présidentiels consacrant les très grands équipements publics et la mise valeur de la capitale du Monde, Paris ; le second se préoccupe davantage de la Ville, et en particulier de ses quartiers dits «  sensibles  » (à quoi, nul ne le sait), c’est-à-dire plus prompt et enclin à déclencher des émeutes à effet «  domino  », c’est-à-dire ayant cette faculté solidaire et spontanée de propagation nationale.
Pour autant, le socialisme sait que les émeutes dans ces zones où se concentre le Lumpenproletariat post-moderne ne sont en aucun cas une menace sérieuse pour l’ordre établi  : l’action curative sera donc circoncise au strict minimum, justifiée par la «crise», et l’ampleur de la «tâche». Jacques Lucan donne ce jugement  :
« Reste l’impression tenace que les rendez-vous des deux septennats de F. Mitterrand avec la ville furent des occasions manquées, pour lesquelles il est impossible de dresser une liste d’importantes d’opérations exemplaires menées avec constance et détermination, le symptôme de cette impossibilité étant que 20 ans après, la transformation du quartier Saint-Saëns dans la ZUP de Montreynaud à Saint-Etienne, est encore mise en avant comme modèle et commentée.»


1988
La Caisse des dépôts et consignations (CDC) lance son premier programme en direction des quartiers «sensibles». Ce programme prendra le nom plus tard de «Programme développement solidarité».
Mai 1988
Le CML organise la résistance à l’expulsion d’un hôtel meublé, rue de la Réunion à Paris. Réquisition populaire de huit appartements dans un HLM rue de Volga à Paris.

Octobre 1988 | Du Quartier à la Ville
En octobre 1988 sont créés le Conseil National des Villes et du développement social urbain (CNV), organe consultatif composé de parlementaires et d’experts, doté d’un double rôle de proposition et d’évaluation, le Comité Interministériel des Villes et du développement social urbain (CIV), qui a pour rôle de définir et coordonner l’action gouvernementale en matière de politique de la ville, et la Délégation Interministérielle à la Ville et au développement social urbain (DIV) chargée d’animer la politique de la ville. Ces institutions suppriment ou intègrent celles mises en place précédemment. Changement d’échelle  : on passe du quartier à la ville. Il ne s’agit plus de traiter uniquement le quartier, mais son rapport à la ville, sinon à l’agglomération.

1er décembre1988
Activation du Revenu Minimum d’Insertion (RMI) le 1er décembre 1988.

1989
Année du bicentenaire de la Révolution française de 1789 et chute du Mur de Berlin, fin du bloc soviétique, tandis que la Chine, le Vietnam accélèrent leur transition à l’économie de marché  : tout l’Est de l’Europe se libéralise  : de nouveaux marchés à conquérir estiment les économistes enthousiastes  !
Janvier 1989
Le Comité des Mal-Logés organise l’occupation spectaculaire d’un immeuble HLM entier à Paris, rue de la Fontaine.

22 mai 1989
Circulaire du Premier ministre (dite circulaire Rocard) qui définit ce que sera la politique de la ville pour le Xe Plan. Elle fixe deux principes : pluralité des niveaux d’intervention (quartier, commune, agglomération) et d’actions (économie, social, culture, éducation, sports, loisirs). Treize contrats de ville sont signés à titre expérimental en mai.
De 1989 à 1994, dans le cadre du Xe Plan, 400 “sites difficiles, cumulant de lourds handicaps économiques, sociaux, culturels, urbains” sont classés en DSQ. Toutes les régions, sauf une, sont parties prenantes. 14 ministères sont impliqués. D’autres procédures contractuelles voient le jour  : les conventions de quartier (CQ), les contrats d’agglomération, les conventions ville-habitat. Cette profusion d’outils permet de s’adapter aux particularités locales, mais la nécessité d’un cadre de référence plus précis se fait sentir. Ce sera le contrat de ville qui devra synthétiser les engagements réciproques des villes et de l’État en matière de politique de la ville.

6 juillet 1989
La loi Mermaz introduit le droit de disposer d’une habitation conforme à la dignité humaine, et affirme que «le droit au logement est un droit fondamental» qui «s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent» précisant que «l’exercice de ce droit implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation grâce au maintien et au développement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales».

14 juillet 1989
Fête nationale-parisienne du bicentenaire de la Révolution de 1789  : mise en scène spectaculaire d’un défilé-à-la-mode sans réjouissances populaires d’une consternante stupidité, selon l’avis général.

8 novembre 1989
Présentation en Conseil des ministres d’un projet de loi visant la mise en oeuvre du droit au logement  : notamment l’établissement dans chaque département d’un plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées.

1990
Le début de l’an 1990 est marqué par des émeutes urbaines dans la banlieue lyonnaise (Vaulx-en-Velin), dans les quartiers Nord de Marseille, au Val Fourré, à Sartrouville, et à Mantes-la-Jolie, en Île-de-France.

1990 | Que DAL
Le Droit Au Logement (DAL) est créé en 1990 suite d’une dissidence au sein du CML, sur une tendance plus modérée. Le DAL se donne pour objectifs d’aider les sans-logis et mal-logés à s’organiser, et de réclamer l’application des dispositions réglementaires relatives aux réquisitions de logements. Il organise le premier campement public, place de la Réunion à Paris.

Janvier 1990
Création du label «Banlieues 89» parisien, 91 projets en bénéficient.
Mai 1990
Expulsion le 2 mai d’un immeuble squatté par les militants du Comité des Mal-Logés et des familles, puis occupation jusqu’en septembre 1990 du square de la Réunion à Paris  ; une manifestation est organisée le 10 mai,  : 2000 manifestants en majorité mal-logés y participent.

31 Mai 1990 | PDALPD
La loi n°90-449 sur le Droit au logement, portée par Louis Besson, ministre du Logement du gouvernement de Michel Rocard, tente de mettre en oeuvre le droit au logement  :
«  Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation  » et «  toute personne éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les conditions de la présente loi, pour accéder à un logement décent et indépendant ou s’y maintenir.  »
Les «plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées» (PDALPD) ont pour rôle d’analyser les besoins locaux afin de dégager les priorités et fixer les objectifs à atteindre pour le logement des personnes démunies. Des Fonds de solidarité pour le logement, cofinancé par l’Etat et les départements, peuvent accorder des aides financières aux personnes et familles en difficulté par  :

l’accès au logement par des aides accordées sous forme de garanties ou d’aides financières ;
la résorption des impayés de loyer en vue du maintien des ménages dans leur logement par le biais d’aides financières aux impayés de loyer ;
l’accompagnement social lié au logement par le financement d’organismes agrées chargés d’apporter un appui spécifique et individualisé aux familles en difficulté.

Cette loi prévoit également le renforcement du rôle des associations pour l’élargissement de leur action dans le cadre des Plans Départementaux d’Action, et officialise les Programmes sociaux thématiques (PST) de l’ANAH (Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat) et les «Protocoles d’Occupation du Patrimoine Social» (POPS) qui formalisent la concertation locale sur les attributions de logements sociaux en relation avec le Plan Départemental d’Action.
Les articles L 613-1 et suivants du Code de la Construction et de l’Habitation et l’article 26 de la loi du 31 mai 1990 ont prolongé la période interdisant les expulsions, donné au juge la possibilité d’accorder des délais sans procédure complémentaire, élargi les possibilités de versement direct aux bailleurs des allocations de logement d’un locataire mauvais payeur, retenu les personnes et les familles menacées d’expulsion parmi celles relevant les plans départementaux d’action. Mais selon René Ballain : «Alors que l’on pensait avoir à résorber un stock de situations difficiles, il a fallu traiter des flux se reconstituant et enflant en même temps que la précarité se développait.»
[Regard sur la politique du logement en faveur des défavorisés, Dossier Villes et logement, revue Recherches et prévisions, CNAF n° 62, décembre 2000.]

31 Août 1990
Publication du décret n°90-779 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière  ; du décret n°90-780 tendant à améliorer les supports locatifs  ; du décret n°90-781 relatif à la fixation des loyers  ; du décret n 90-782 relatif aux normes minimales des logements  ; du décret n°  90-783 visant à la mise en oeuvre du droit au logement.

Les pouvoirs publics décident de la création d’une nouvelle catégorie de logement très social  : les PLA d’Insertion (PLAI), caractérisés par des plafonds de ressources et des plafonds de loyers inférieurs à ceux de la production HLM ordinaire, réalisée en PLA (aujourd’hui PLUS).

Octobre 1990
Émeutes violentes à Vaulx-en-Velin  : affrontements habitants policiers, voitures incendiées, dégradations de bâtiments publics et, fait nouveau, pillage d’un centre commercial.





4 et 5 décembre 1990
Assises de Banlieues 89» à Bron, discours de F. Mitterrand soulignant l’importance de la politique de la ville et promet de «changer la ville en cinq ans ».
7 et 8 décembre 1990
Séminaire gouvernemental sur la politique de la ville.
21 décembre 1990
Michel Delebarre est nommé ministre d’État chargé de la Ville et de l’Aménagement du Territoire. La ville est désormais dans le nom d’un ministère, M. Delebarre est le premier titulaire de cette fonction.

1991 | Post-Haussmannisme
Le Conseil de Paris approuve le plan d’aménagement de la ZAC Seine Rive Gauche, nouveau quartier parisien dédié à l’urbanisme affairiste du capitalisme post-haussmannien  : un zoo architectural sans âme, qui au fil du temps, accumule des objets spectaculaires dessinés par les architectes les plus réputés du moment.

Janvier 1991
Nomination des treize premiers sous-préfets chargés de mission pour la politique de la ville. Ils seront quinze en 1992, trente en 1993.

Mars 1991
Création du Comité d’évaluation de la politique de la ville. Plusieurs rapports sont commandés sous l’égide de ce comité à des universitaires.
16 mars 1991
Réquisition de cinq logements d’un HLM par le Comité des mal-Logés à Bagnolet.

13 mai 1991
La loi du 13 mai 1991 relative à la solidarité financière entre les communes institue une contribution des communes les plus riches afin d’aider les communes les plus pauvres. Cette loi, portant réforme de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) crée la Dotation de Solidarité Urbaine (DSU) pour les communes urbaines les plus défavorisées. L’article 1er stipule «  Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour accéder à un logement décent et s’y maintenir.  »
La prudence du texte – la collectivité  ? - évoque de nouvelles problématiques  : la carence de l’offre locative et les difficultés de la solvabilité des ménages.

13 juillet 1991 | LOV
La loi d’orientation pour la ville (LOV) s’inscrivait dans une perspective consacrant la notion de «droit à la ville», rappelant le titre de l’ouvrage majeur de Lefebvre. C’est la consécration législative pour la politique de la ville.
Afin de favoriser la construction de logements sociaux, la LOV a pour objectif d’inciter les communes déficitaires en logements sociaux à rattraper leur retard ou, solidarité communale oblige, à payer une amende. Les communes riches préféreront souvent s’acquitter de l’amende dont le montant est peu dissuasif plutôt que de risquer de perdre des voix d’électeurs en construisant du logement social ; quelques mois plus tard, la nouvelle majorité gouvernementale prendra un amendement limitant encore la portée de cette loi.

Juillet 1991 | Les GPU
Le comité interministériel des villes (CIV) désigne les quatre premiers grands projets urbains (GPU). Les GPU mettent en œuvre sur les sites retenus un ensemble d’actions tendant à démontrer qu’avec un effort exceptionnel de l’État, il est possible d’inventer des solutions qui permettent à des quartiers en très grande difficulté de retrouver un nouvel élan aussi bien social qu’économique culturel et urbain. Le programme a été conçu initialement pour répondre à des dynamiques de déclin que les instruments traditionnels de la politique de la ville ne permettaient pas d’enrayer. Il concernait une quinzaine de sites «dégradés» ou «en difficulté», en termes d’espace urbanisé, mais aussi en ce qui concerne l’économie, le social et l’image. L’objectif des GPU était alors de réinsérer le quartier dans son agglomération, de les «transformer en profondeur» par des opérations urbaines lourdes et inscrites dans la durée.
Juillet 1991
Le DAL organise un campement de 11O familles quai de la Gare à Paris jusqu’en décembre 1991.

31 décembre 1991
Le ministère des Affaires sociales institue «l’Aide au logement temporaire». Cette aide a deux finalités  :
. elle est créée pour se substituer exceptionnellement aux aides à la personne -aide personnalisée au logement (APL) et allocation logement (AL)- quand le versement de ces aides n’est pas possible, notamment du fait d’une durée d’hébergement trop brève pour ouvrir des droits à allocation  ;
. elle doit également permettre aux associations qui accueillent des personnes défavorisées de se doter d’un parc de logements plus important.

1992
Le sommet de la Terre de Rio de Janeiro de 1992 inaugure l’usage de l’expression « développement durable » : l’opportunité est belle pour lancer des programmes environnementaux. Ce sera «HQE» (haute qualité environnementale) et Chantiers verts.

1992
Lancement du programme «50 quartiers» par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et l’Union nationale des organismes d’HLM (UNFOHLM). L’État s’y associera plus tardivement.

Mars 1992
Annonce par le gouvernement de quatre mesures en faveur du logement  : utilisation des ressources des livrets A et des livrets d’épargne populaire (LEP) pour un «important programme de logements locatifs sociaux»  ; création d’un fonds de garantie des prêts accordés aux ménages les plus modestes  ; renforcement de l’épargne logement par l’augmentation du plafond des prêts et la réduction de la durée des plans  ; mise à l’étude de «diverses mesures - notamment fiscales - destinées à favoriser la réhabilitation et l’entretien du parc de logements existants.

Avril 1992 | Éphémère Tapie
Bernard Tapie, est nommé ministre de la Ville, chargé en particulier des quartiers difficiles. Louangé par le président, nombre de hautes personnalités du Parti socialiste n’admettent pas sa nomination. Atteint par un procès, il démissionne en mai de la même année.

Mai 1992 | les Maliens de Vincennes
Le DAL organise un campement de 300 familles à l’orée du bois de Vincennes qui perdure avec difficultés jusqu’en octobre. Des solutions de relogement avaient été faite ou promise lors des deux premiers campements, mais pour ce troisième campement, les pouvoirs publics le jugèrent comme une sorte de filière dérogatoire pour l’accession plus rapide à un logement social ou d’urgence, au détriment d’autres demandeurs silencieux. Cela étant, Marie-Noëlle Lienemann, ministre socialiste du Logement annonça le 15 juillet l992 la réquisition de quatre immeubles parisiens pour participer à la résorption du problème du campement des «  Maliens de Vincennes  ». Les associations militantes abandonnèrent ainsi ce type d’action.

Juillet 1992 | Modestie des grands
Conventions avec des grands groupes industriels : Bouygues, SOGEA, Lyonnaise des Eaux, en vue de favoriser l’insertion et la formation professionnelles. Les effets en sont restés plus que modestes.

Juillet 1992
Un protocole instituant le Service National Ville (SNV) pour la mise en place d’appelés du contingent dans les quartiers est signé entre les ministères de la Ville, de l’Éducation Nationale, de l’Intérieur et de la Défense  : 400 appelés en 1992, 12.500 en 1997.
Octobre 1992
Trois jours d’émeutes urbaines à Vaulx-en-Velin  : coups de feu sur un commissariat, 33 véhicules incendiés ou endommagés.

Hiver 92
Le froid hivernal tue encore une cohorte de sans-abri, les médias les couvrent d’articles émouvants. La circulaire du 23 novembre 1992 est une demande aux préfets «de réunir avant l’hiver le comité départemental de l’habitat pour y débattre des mesures à prendre en matière d’hébergement d’urgence.»

22 décembre 1992
Création du
Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées par le décret n°  92-1339. «  Il a pour mission de faire toute proposition utile sur l’ensemble des questions relatives au logement des personnes défavorisées. Il donne son avis sur toute question dont le Gouvernement le saisit. Il élabore chaque année un rapport qu’il remet au Président de la République et au Premier ministre

Janvier 1993 | l’Impératif de la Régulation
Publication du rapport de François Geindre, maire PS d’Hérouville-Saint-Clair au premier ministre Bérégovoy. Ce rapport intitulé « 
Le logement  : donner l’envie d’y rester et la possibilité d’en changer  » met en évidence les catégories «d’exclus de l’accès au logement social»  : les titulaires du RMI, les familles monoparentales titulaires de l’Allocation de parent isolé (API), les salariés précaires et les étrangers. Le rapport préconise notamment la création de programmes départementaux d’accueil et d’un fonds départemental unique «logement-solidarité». Parmi les nombreuses grandes lignes proposées, celle-ci est particulièrement remarquée :

«L’impératif de régulation dans le cadre de l’économie de marché ne signifie pas qu’il y aurait deux secteurs  : un secteur ‘’libre’’ ou l’Etat s’exonérerait de toute responsabilité pour laisser fonctionner le seul marché et un secteur social administré qui serait totalement soustrait à l’influence du marché. La régulation doit s’étendre au secteur privé, l’influence du marché agit quant à elle sur certains aspects du secteur social.»

8 janvier 1993 | le Paysage
Promulgation de la loi «Paysage» accordant une importance à la préservation et la mise en valeur du «  paysage  » naturel et urbain, notion non définie mais qui a envahie le débat public. La loi consacre le paysagisme, comme pratique professionnelle, devenu une composante importante de l’urbanisme et de l’aménagement urbain. En 1993, le critique et architecte Jacques Lucan s’interrogeait sur «L’irrésistible ascension des paysagistes», de la présence de plus en plus forte des paysagistes sur la scène urbaine et territoriale, et l’expliquait par la virginité des nouveaux venus – au contraire des architectes du mouvement moderne- et par leur apolitisme assumé. Il exprimait l’idée que les paysagistes n’étaient peut-être pas tant porteurs d’une vision alternative qu’ils ne bénéficiaient du discrédit où ont pu tomber les acteurs et les doctrines du passé urbanistique récent. Dans «l’ère du vide» où nous sommes entrés, où l’autosatisfaction s’appelle modestie et où les politiques rivalisent dans l’art de «rien promettre», l’innocence des paysagistes leur tiendrait lieu de discours.


Mars 1993 – mai 1995  :
2e Cohabitation, E. Balladur, premier ministre

Mars 1993
Le DAL organise une réquisition avec une vingtaine de familles qui investissent un bâtiment appartenant à la mairie de Paris, avenue René Coty. Elles seront expulsées en août par la police, malgré le soutien de l’abbé Pierre.
Juillet 1993
Plan de relance pour les banlieues et mise en place de 214 contrats de ville (1.300 quartiers). Ils ont pour but d’accroître l’efficacité des interventions publiques en instituant une démarche unique et globale.
1993
Le film L’argent fait le bonheur, fable sociale de Guédiguian, se déroule dans une cité de Marseille, ayant pour thème : Ne soyons pas mendiants. Soyons voleurs !







Septembre 1993
Le douloureux souvenir de l’hiver 92 incite le gouvernement à soumettre par une circulaire aux préfets une demande afin d’examiner « sans tarder si les capacités d’hébergement sont suffisantes pour l’accueil des sans abri par grand froid et de prendre les mesures permettant de la adapter si nécessaire
30 octobre 1993
Affrontements entre habitants et policiers à Saint-Fons, à nouveau dans la banlieue lyonnaise.

3 Novembre 1993
Présentation par Simone Veil, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, d’un «plan d’urgence pour l’hiver», destiné à assurer l’hébergement de nuit, entre le 15 novembre et le 15 mars, applicable dans chaque département sous la responsabilité des préfets.

1993 | Balises Urbaines SDF
Un concours d’architecture est lancé pour la création de “balises de survie”, initié par Paul Virilio, philosophe urbaniste, enseignant à l’Ecole Spéciale d’Architecture à Paris, membre du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, et par Childéric de Boiscuillé, professeur d’architecture. L’objet de ce concours était de concevoir des petits équipements urbains d’urgence, comprenant une consigne, une boîte à lettres, un accueil, des douches, une lingerie, un chenil, etc., et un système informatique pour les recherches d’emploi. Cette compétition était destinée à réveiller les imaginations pour répondre à une partie des besoins des homeless, sans prétendre pour autant résoudre le problème de la misère.
Ce concours souleva, fort heureusement, un tollé général, un tsunami de critiques acerbes contre ce type de programme d’architecture institutionnalisant la misère urbaine.




22 novembre 1993
Cela n’empêche guère le décès d’une dizaine de sans-abri pour le seul mois de novembre  ; la ministre appelle à la mobilisation générale, le 22 sur l’Europe 1, demandant aux Français de signaler les sans-abri ainsi que les logements vides.

Novembre 1993
Création du
Samu social de Paris, par Xavier Emmanuelli. Suivi en décembre de la création du 1er centre d’hébergement d’urgence avec Soins infirmiers (CHUSI), homologué en 2006 sous l’appellation Lits Halte Soins Santé (LHSS).
1993
L’architecte Bernard Paurd inaugure son immeuble villas à Vitry-sur-Seine.



1994
C’est la période du XIe  Plan ; le contrat de ville, outil principal de la politique de la ville, succède aux procédures de DSQ. Les moyens financiers spécifiques de la politique de la ville s’étoffent et se simplifient.

1994 | EuraLille
Inauguration de la gare TGV et du quartier Euralille à Lille conceptualisé par l’architecte Rem Koolhaas  : un centre tertiaire commercial se pose à proximité de la Grande Place. La post-modernité du programme, du plan d’ensemble et des hideux objets architecturaux a accouché d’une monstruosité urbano-architecturale inhumaine. Comme Le Corbusier, Koolhaas prouve qu’un architecte de génie ne dispose pas forcément des mêmes qualités en urbanisme. La confusion des genres est encore d’actualité aujourd’hui, et plus que jamais.

27 janvier 1994
Les jeunes du quartier des Sapins à Rouen, suite à la mort de Ibrahim Sy tué par un gendarme alors qu’il se trouvait à bord d’une voiture volée, débutent les hostilités contre la police. Les scènes de violence filmées servent au générique du film (caricatural) La Haine du réalisateur M. Kassovitz.

Février 1994
Création d’un fonds interministériel d’intervention pour la politique de la ville (FIV). Il a pour objet de limiter le nombre des opérations cofinancées par plusieurs ministères et d’accroître ainsi la lisibilité et l’efficacité de la politique de la ville.

Février 1994 | un Domicile pour les SDF
Lancement de la consultation nationale d’architecture du Plan Construction du ministère de l’Equipement ayant pour thème «Un domicile pour les sans abri». Il s’agit pour les concepteurs de réduire au possible le coût de la construction au besoin en dérogeant aux normes.

14 avril 1994
Une semaine de violentes émeutes à Vaulx-en-Velin, Bron et Rillieux-la-Pape, suite à la mort de deux jeunes tués dans l’accident d’une voiture volée  : deux gymnases incendiés, tentative d’incendie contre un collège, poste de police de Bron attaqué avec une voiture bélier, une pharmacie attaquée, etc.

27 avril 1994
Charte «  Partenaire pour la ville  » qui marque le lancement de divers appels à projet.

14 juin 1994
Présentation de deux rapports de la Cour des comptes, consacrés l’un aux aides au logement dans le budget de l’Etat (1980-1993), l’autre aux HLM.  La Cour relève des incohérences dans la politique du logement et suggère plusieurs réformes pour y remédier, en matière notamment d’aides financières publiques (allocations logement, aides à la pierre et à la personne).

21 juillet 1994
Promulgation de la loi n°  94-624 relative à l’habitat qui vise notamment à faciliter l’acquisition des logements à loyer modéré par leurs occupants et à permettre l’hébergement d’urgence des personnes sans abri.

Octobre 1994
Edouard Balladur, Premier ministre, annonce une série de mesures de «lutte contre les exclusions» en matière d’emploi, de santé et de logement. Un effort particulier doit être fourni pour le logement d’urgence. Le 19, à l’occasion de la «Journée de la solidarité» organisée par le Gouvernement, Simone Veil présente le plan d’urgence pour l’hiver 1994-1995 en faveur des sans-abri  : d’un montant de 140 millions de francs (triplement par rapport à 1993), le plan prévoit notamment une extension des capacités d’hébergement d’urgence (+ 20  % par rapport à 1993).

Novembre 1994
Mise en place du dispositif ATC (assistant technique au commerce). Il s’agit de soutenir et animer le commerce dans les quartiers sensibles.
1994
En 1994, Le Comité des Mal-Logés s’autodissout.

18 décembre 1994 | Rue du DRAGON
Le 18 décembre 1994 le DAL et le CDSL investissent-réquisitionnent un immeuble appartenant à la Cogedim, rue du Dragon à Paris. L’abbé Pierre soutient cette occupation, par sa présence, malgré son âge, attirant de facto les projecteurs des médias. Cette occupation emblématique durera jusqu’en janvier 1996 avec le relogement des 53 familles, après de longues négociations entre les pouvoirs publics et le propriétaire.

1995 | €uroméditerranée
Après Euralille, l’opération Euroméditerranée à Marseille est lancée par le maire socialiste Robert Vigouroux. Les premiers plans d’aménagement de principe pour la grande friche urbaine de l’arrière port, dessinent un urbanisme traditionnel, classique, cependant la programmation arrêtée exprime une forte vocation sociale (grand parc central, logements sociaux, faible densité, etc.). Son successeur, Jean-Claude Gaudin impulsera un tout autre urbanisme, celui de l’affairisme, de la relégation et ségrégation spatiales. L’architecte homme d’affaires Yves Lyon en est chargé, approuvant ainsi les propos du maire qui déclarait sans état d’âme en 2003 au quotidien Le Figaro : 

«On a besoin de gens qui créent de la richesse. Il faut nous débarrasser de la moitié des habitants de la ville. Le cœur de la ville mérite autre chose.»

Concurrence oblige, il exigera pour la cité phocéenne une série d’objets architecturaux spectaculaires devant capter l’attention des investisseurs mondiaux.

1995
Plan National d’Intégration Urbaine (PNIU), emploi priorité absolu (création proposée de 100.000 emplois d’utilité sociale).

Janvier 1995
Loi relative à la diversité de l’habitat.

Février 1995 | Zone Urbaine Sensible
Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du ministre C. Pasqua, qui institue les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et de redynamisation rurale (ZRR) bénéficiant d’exonérations fiscales. Les Zones Urbaines Sensibles sont créées ainsi que les Zones Franches Urbaines.

8 avril 1995
Les associations engagées dans la lutte contre l’exclusion organisent une manifestation unitaire le 8 avril 1995 à Paris et dans plusieurs villes de province. Cette manifestation autour de la lutte contre les exclusions et la précarité a rassemblé à Paris, des milliers d’exclus, en force et en fanfare, pendant les derniers moments de la campagne présidentielle.

27 avril 1995
Un article de Béatrice Saccardi paraît dans le journal Les Échos, sous le titre « Le logement, une très bonne affaire pour l’État », concluant, chiffres à l’appui pour la période 1990-94, que, aide à la pierre et aide à la personne confondues, l’Etat reçoit plus qu’il ne donne. L ’« effort pour le logement » n’existe pas et un rééquilibrage du système s’impose. Scandale  !



Mai 1995  :
Présidence de Jacques Chirac


Août 1995 | REQUISITIONS
Sous l’autorité pressée du président J. Chirac, une campagne de réquisitions (au total 1.011 logements) sera menée entre août 1995 et mars 1997 dans le cadre du plan gouvernemental de 10.000 logements d’urgence pour les sans-abri. «Incompatible avec la dignité humaine », « cette société malade où cohabitent des mal logés et des immeubles vides » fustigeait le ministre du logement, Pierre-André Périssol lors d’une conférence de presse à propos de la décision – du président - pour y parvenir «  de réquisitionner 500 logements en Ile-de-France auprès des investisseurs institutionnels. Ce sera la plus vaste opération de ce type depuis l’après-guerre.» Au rang des plus gros réquisitionnés la RATP et la SNCF, les compagnies d’assurances (le GAN, l’UAP ou les AGF), les principales banques (BNP, le Crédit Lyonnais, Société générale) et la mairie de Paris, toujours hostile aux handicapés sociaux mais forcée, offre 350 logements sur son propre parc. Soit au total treize immeubles confisqués du coquet XVIIe ou dans le populaire XXe arrondissement.

15 septembre 1995
Dans le même veine, et sans doute avec l’appui de J. Chirac, la Cour d’appel de Paris autorise les 180 occupants du DAL de l’immeuble de la rue du Dragon à rester dans les lieux jusqu’au printemps 1996, mentionnant que «Le droit au logement est considéré comme un droit fondamental et un objectif de valeur constitutionnelle». Le DAL apprécie.

Automne 1995 | Paris Ecolo
Le 10 octobre, grève massive dans la fonction publique et les services publics, suivie de la mobilisation des étudiants. Le 15 novembre le «  plan Juppé  » est annoncé qui déclenche un mouvement massif de grèves dont à la SNCF puis à la RAPT qui paralysent pendant près de trois semaines les transports en Ile-de-France  : les franciliens découvrent les moyens «  alternatifs  »  : marche à pied, vélo, co-voiturage, auto-stop, camping-car, co-habitation temporaire, etc., dans une ambiance bon enfant et solidaire...

1er octobre 1995
Une émeute démarre à Vaulx-en-Velin qui s’étend au reste de la banlieue lyonnaise  : Givors, Vénissieux, Bron, Saint-Priest, Villeurbanne, Meyzieu.

31 octobre 1995
Présentation en Conseil des ministres d’un projet de loi relatif au supplément de loyer de solidarité (surloyer).


Novembre 1995
Désormais les sans-abris ont la possibilité de téléphoner gratuitement pour un hébergement au 05 306 306, ancêtre du 115.

Novembre  1995
Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, est nommé ministre de l’aménagement du territoire, de la ville et de l’intégration ( ! malgré ses propos, voir note plus haut).

Décembre 1995
Création de la catégorie «résidence sociale» par une série de trois décrets en décembre 1994. La première circulaire d’application, signée le 15 avril 1995, précisait qu’il s’agissait d’ouvrir la possibilité d’accès à un logement-foyer, pour une période limitée dans le temps, pour répondre à des situations autres que celles jusqu’alors prévues par la réglementation, et
qui se limitaient aux personnes âgées, aux personnes handicapées, aux travailleurs migrants et aux jeunes travailleurs. La circulaire définissait la résidence sociale comme un logement temporaire, dans lequel le résidant pouvait trouver également une aide à l’insertion vers le logement et, éventuellement, l’accès à des services collectifs et des prestations annexes. Elle distinguait la résidence sociale du centre d’hébergement à la fois par le statut du résidant et par le fait que l’accompagnement est assuré à travers une collaboration avec les intervenants locaux. La résidence sociale était également clairement distinguée du logement locatif ordinaire. La circulaire liait la résidence sociale à l’existence d’un projet social et d’un agrément du préfet. Elle la positionnait comme une réponse à des besoins devant être repérés et pris en compte dans les politiques locales de l’habitat et dans les PDALPD.

Janvier 1996 | REQUISITIONS n°2
Une nouvelle campagne de réquisition est amorcée sous l’impulsion du président Jacques Chirac. Le quotidien Libération, amusé, publiait  : « A sa demande, 700 appartements vides de Paris et de la proche banlieue vont être réquisitionnés dans les prochaines semaines, pour être mis à la disposition de sans-logis et de familles mal logées. Après la première vague de 500 réquisitions, lancée le 28 août 1995, le ministre du Logement, Pierre-André Périssol, poursuit donc cette politique spectaculaire, et qui avait été alors présentée comme exceptionnelle. ‘’La persistance de locaux vacants à côté de gens mal logés’’ pousse le gouvernement à ces nouvelles mesures, a expliqué hier le ministre: ‘’Face à l’urgence de certaines situations d’exclusion (...), il est nécessaire et légitime de recourir à une certaine forme de contrainte’’. Comme la dernière fois, seules les banques ou les grandes compagnies d’assurances seront mises à contribution, le souci du gouvernement étant de ne pas effrayer le petit propriétaire privé. Les réquisitions de 1996 touchent exclusivement le patrimoine laissé vacant par le CDR (Crédit Lyonnais), AGF, Suez, AXA, GAN, UAP, BRED et la Banque de France. ‘’On a fait un panel représentatif des grands investisseurs institutionnels’’, s’amuse-t-on au ministère. Où l’on a pas, non plus, choisi les adresses au hasard. La majorité des immeubles réquisitionnés est située dans la capitale, au sein des arrondissements centraux des Ier, IIème, IIIème et IVème, comme dans les quartiers privilégiés du VIIIème et du XVIème. Les adresses de la banlieue sont, elles-aussi, triées sur le volet: les mal logés habiteront Versailles, le «bon» Sèvres et Neuilly. […] En réveillant l’ordonnance de 1945 qui réglemente l’acte de réquisition, le ministère s’était aperçu des limites de ce texte. Il avait notamment découvert le prix élevé de cette politique, dans la mesure où l’appartement, retapé avec l’argent public, doit être restitué à son propriétaire cinq ans après. Périssol a annoncé hier une réforme de cette ordonnance, qui aboutira à un projet de loi. Le texte ainsi modernisé pourra figurer dans la liste des outils classiques de la politique du logement, à l’instar des autres instruments, construction de HLM ou réhabilitation. Pour les militants de l’association Droit au Logement, ce sera une consécration. Eux qui, l’hiver dernier avaient lancé dans un immeuble de la Cogedim, rue du Dragon, la première réquisition. Sans autorisation législative, et sous les sarcasmes des élus parisiens du RPR.»
Un article daté du 17 janvier 1996 signé Brigitte Vidal Durand.

1996 | LQCM
Le Plan Construction devenu PCA, est chargé en 1996 d’établir un programme de recherche concernant la sempiternelle équation qualité/économie. C’est ainsi que le programme « Logements à qualité et coûts maîtrisés » (LQCM) est organisé, focalisé cette fois autour de la question inédite de l’augmentation substantielle de la population précarisée et de celui des coûts de la construction (foncier, matériaux, etc.). Une extension de la consultation « Un domicile pour les sans-abri », qui est le cadre de référence explicite du programme LQCM  : le moment était venu de faire la preuve qu’avec des financements classiques PLA il était possible de construire moins cher, en réduisant au besoin les surfaces habitables. Les réalisations expérimentales des lauréats sont construites en 1999.
Et les critiques ne manquèrent pas pour dénoncer ce programme, et les réalisations, ces « habitats cul-de-sac » pour Rmistes . Lors d’un colloque organisé par le PCA en 1999, réunissant les principaux acteurs des opérations du programme LQCM, Béatrice Dollé sera plus que critique face à ce type d’habitat low cost, qualifié de 2 CV du logement social :

« Je me fais le porte-parole des architectes-conseils du Ministère de l’Equipement auxquels j’appartiens. [...] Lors d’un séminaire récent à Marseille, ils ont condamné et critiqué la procédure, la démarche, voire les résultats des opérations LQCM. Cette critique peut paraître brutale, mais elle n’est pas nouvelle. Elle vise la course sans fins aux réductions de prix dans la construction ; elle condamne les implantations mal maîtrisées et les réductions excessives de surface qui nous ramènent aux années 50 et à l’abandon de normes et de standards représentant de véritables acquis.»

4 mars 1996
Promulgation de la loi no 96-162 relative au supplément de loyer de solidarité.

14 Novembre 1996
Le Pacte de Relance pour la Ville (PRV) est instauré. Il comprend plusieurs dispositifs concernant la paix publique, la mixité sociale, le désenclavement des quartiers, la participation des habitants, le soutien aux associations. Le Pacte de relance pour la ville redéfinit la géographie prioritaire, et introduit de façon plus marquée la dimension du développement économique par la création de zones (Zones Urbaines Sensibles, Zones de Redynamisation Urbaine, Zones Franches Urbaines) dans lesquelles l’activité doit être relancée par des avantages fiscaux  ; et la création des emplois de ville réservés aux jeunes des quartiers en difficulté.
Avril 1997
Occupation du château de Versailles pour protester contre
le projet de loi de cohésion sociale accusé d’institutionnaliser la pauvreté, les associations militantes déploient une banderole sur un des balcons du château : «Pour les pauvres, c’est pas la vie de château».

Juin 1997 – mai 2002  :
Cohabitation, L. Jospin, premier ministre


Septembre 1997
Les SDF téléphonent à présent au 115 pour connaître les possibilités d’accueil en hébergement d’urgence.

16 Octobre 1997
Loi relative au développement d’activités pour l’emploi des jeunes (les «emplois jeunes»). Les quartiers de la politique de la ville peuvent constituer des lieux privilégiés de nouveaux services pour les habitants.
Décembre 1997
Violente émeute dans le quartier de La Duchère à Lyon.
Une semaine de violence à Dammarie-lès-Lys, dans la banlieue de Melun.

Janvier 1998
Émeutes dans le centre commercial de la Part-Dieu à Lyon  : 300 à 400 jeunes des cités affrontent la police.

1998
A la demande de la FNARS, les Centres d’Hébergement et de Réadaptation Sociale changent de nom et deviennent les Centres d’hébergement et de Réinsertion Sociale.

30 janvier 1998
Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, en charge de la Ville, peut lire le rapport «Demain, la ville» commandité à Jean-Pierre Sueur, maire d’Orléans, devant proposer les voies et les moyens permettant de définir «une nouvelle politique de la ville» : «Au delà de la ‘reconquête’ des centres-villes ou de la rénovation d’un certain nombre de quartiers, la question qui est posée est celle de la forme qu’auront nos villes au XXIème siècle.» Rapport très critique et sans concessions sur les politiques menées depuis 20 ans, le rapporteur estime que les financements sont restés limités et insuffisants par rapport aux objectifs.

4 mars 1998
Communication en Conseil des ministres sur le programme de prévention et de lutte contre les exclusions, présenté par Martine Aubry. Dans le domaine du logement, le programme prévoit la mise en place d’une taxe sur la vacance de logement, d’un dispositif de prévention des expulsions et réforme de l’attribution des logements sociaux.

5 juin 1998
Louis Besson, secrétaire d’Etat au logement, rencontre nationale du logement, 5 juin 1998.
« Nous assistons à une érosion continue du parc de logements à bas loyers tant privés que sociaux, qui se traduit par des difficultés croissantes d’accès au logement pour les ménages les plus démunis. Dans une société globalement riche, force est de constater que le droit au logement n’est pas encore une réalité pour tous».

29 juillet 1998
La Loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions intervient dans plusieurs domaines particuliers, visant à renforcer certains aspects de la loi Besson, notamment :
l’incitation à la location des logements vacants (instauration de la taxe d’inhabitation).
la modernisation de la procédure de réquisition, codifiée à l’article L 642 du Code de la Construction et de l’Habitation, mais dans les faits, des lacunes la rende difficilement applicable et contournable par les propriétaires «  réquisitionnables  ».
l’amélioration du versement des aides au logement et leur augmentation.
la prévention des expulsions, le maintien d’un confort minimum (eau, électricité, téléphone).

La loi renforcent également la base légale des ateliers occupationnels des centres d’hébergement, les Centres d’Adaptation à la Vie Active créés en 1979 deviennent des activités d’Adaptation à la Vie Active.

D’une manière générale, les associations liées à la FNARS se diversifient et gèrent des entreprises et chantiers d’insertion, des chantiers écoles, d’apprentissage, de formation et bien d’autres activités, suscitées en partie par les directives des gouvernements. De même, afin d’insérer au mieux l’handicapé social, la majorité des associations de la FNARS gèrent des antennes médicales et tissent des liens avec divers services de psychologie et psychiatrie.

12 octobre 1998
La loi dite « Paysage » consacre, après celle de 1993, une place importante au volet paysager des opérations urbaines et au-delà, la profession de paysagiste.
13 décembre 1998
Jusqu’au 22 décembre, violentes émeutes à Toulouse, suite à une bavure policière ayant causé la mort de Habib Ould Mohammed  : une centaine de voitures incendiées et un commissariat dévasté.

1999 - 2014... | Embourgeoisement
Les quartiers anciens et populaires des villes s’embourgeoisent, Paris notamment.


Septembre 1999
Le prêt locatif à usage social (PLUS), nouveau nom du logement locatif social subventionné par l’Etat, remplace le prêt locatif aidé (PLA) dont les caractéristiques financières sont devenues peu intéressantes. L’objectif est de favoriser la mixité sociale en permettant à diverses catégories de ménages d’accéder à ce type de logement
: il présente l’avantage d’intégrer dans toute opération HLM la nécessité de diversifier les loyers : 30 % des logements de chaque opération doivent avoir des loyers inférieurs et être attribués à des ménages ne dépassant pas 60% des plafonds de ressources ordinaires. Le PLUS finance la création des logements sociaux classiques. Le loyer est plafonné, ainsi que les ressources des locataires.

22 octobre 1999
Publication du décret n°99-897 relatif aux plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées et au fonds de solidarité pour le logement.

14 Décembre 1999
Dans le cadre du plan gouvernemental de rénovation urbaine et de solidarité, le CIV décide en décembre 1999 d’un programme de renouvellement urbain centré autour des Grands Projets de Ville, qui tout comme un Grand Projet Urbain, visent à réinsérer les quartiers «en difficulté» dans l’agglomération, par des opérations lourdes de requalification urbaine. Il s’en distingue car le GPV est un projet global de développement social et urbain, intégré au contrat de ville. Le contrat de ville constitue désormais un cadre dans lequel les différents partenaires s’engagent à mettre en œuvre, de façon concertée, des politiques territorialisées de développement solidaire et de renouvellement urbain. Il a pour objectif le développement équilibré de la ville permettant l’intégration harmonieuse de toutes ses composantes. Le programme GPV apporte, dans ce cadre, pour les quartiers concernés, un changement de dimension et d’intensité de l’action publique, notamment par la perspective d’une stratégie de cohésion sociale et territoriale. Il s’agit d’améliorer les conditions de vie des habitants, de promouvoir l’égalité des chances et de marquer en profondeur et de manière durable, la transformation d’image et de perception des quartiers.

1999 | BOUYGUES
L’activité de promotion est l’une des plus anciennes du groupe, la société Stim, première diversification de l’Entreprise Francis Bouygues, dans le secteur de l’habitat a été créé en 1956. En 1973 est créée France Construction, dont l’activité, centrée sur la banlieue parisienne, est focalisée sur la construction et la vente de maisons individuelles groupées en villages. En 1979, est rachetée la société Bâtir, spécialisée dans la construction de maisons individuelles. Dès 1985, elles vont être regroupées pour former la holding Bouygues Immobilier. Le 1er janvier 1999, l’ensemble est désormais développé sous la seule marque Bouygues Immobilier. Le groupe Bouygues Immobilier, groupe de promotion – gestion - investissement -immobilier, n’externalise pas ses activités à des filiales (hormis dans les autres pays européens), mais fonctionne avec des « directions régionales». En 2001, François Bertière est nommé PDG de Bouygues Immobilier. X-Ponts et architecte de formation, il a commencé sa carrière en 1974 au ministère de l’Équipement...
27 janvier 2000
Manifestation militante devant la boutique Dior à Paris. Après un défilé d’une collection de haute couture inspirée par le thème SDF, en plein mois d’hiver, des militants du Comité des sans-logis (CDSL) protestent au siège de la maison de luxe.

13 décembre 2000 | SRU
Promulgation de la loi n°  2000-1208 relative à la solidarité et au renouvellement urbains («Loi SRU») dont les maîtres mots sont mixité urbaine et offre d’habitat diversifiée. La loi réaffirme le rôle du logement locatif social et des organismes HLM dans la mise en oeuvre du droit au logement et de la mixité. Le texte réforme les procédures de lutte contre l’insalubrité et le péril, instaure le droit à un logement décent, renforce les capacités d’intervention dans les copropriétés dégradées et unifie les modes d’interventions publiques en faveur de l’habitat privé.
Reprenant la loi LOV, à compter du 1er janvier 2002, les communes qui n’atteignent pas le seuil de 20% de logements locatifs sociaux doivent à la fois payer une contribution et s’engager dans un plan de rattrapage pour tendre vers l’objectif de mixité sociale.

2001 | Leader GP, puis Directeur d’UP
En 1970, Jean-Pierre Le Dantec, en tant que directeur de la publication du journal maoïste La Cause du Peuple, est arrêté et placé en détention provisoire ; en mai, il est condamné à un an de prison pour « délits de provocation aux crimes contre la sûreté de l’État et apologie du meurtre, du vol, du pillage et de l’incendie.» En 2001, il est nommé directeur de la plus grande Ecole d’architecture de France à Paris, UP 6.
2001
Les Black Blocs, nés en Allemagne plusieurs années auparavant, apparaissent médiatiquement à l’occasion des manifestations – retransmises en direct – du sommet du G8 à Gênes où un militant est tué lors de très violents affrontements avec les forces de l’ordre. Leurs principes, organisations (et non-organisation), et méthodes seront repris mondialement. Les policiers anti-émeute-urbaine adaptent leur équipement en conséquence pour devenir des Robocops.

14 juin 2001 | REQUISITIONS Socialistes

La nouvelle secrétaire d’Etat au Logement, Marie-Noëlle Lienemann annonçait le lancement de son plan de réquisitions de logements concernant 308 logements, dont 146 dans Paris intra-muros  : «  Ce plan doit permettre de reloger en priorité des familles vivant actuellement dans des logements insalubres et en particulier exposés au risque du saturnisme ; fléau contre lequel le Premier Ministre a demandé que soit engagé des mesures de relogement d’urgence.  »


C’est moins bien en nombre que les réquisitions chiraquiennes mais selon le ministère, il n’a pas été facile de trouver des logements vacants, en raison de la reprise du marché de l’immobilier, et sans doute, des effets positifs de l’institution de la taxe aux logements vacants.


3 juillet 2001
Le décret 2001-576 relatif aux conditions de fonctionnement et de financement des Centres d’hébergement et de réinsertion sociale énonçait notamment que «la décision de refus d’accueil, prononcée par le responsable du Centre d’hébergement et de réinsertion sociale, est notifiée à l’intéressé sous la forme la plus appropriée. Cette décision doit être expressément motivée» (Art. 4 al. 4), et que «le Centre d’hébergement et de réinsertion sociale fournit sans délai son appui aux personnes accueillies pour l’établissement de leurs droits sociaux, en particulier en matière de ressources et de couverture médicale.

21 septembre 2001
Explosion à Toulouse de l’usine chimique AZF, entourée de quartiers d’habitations  : 31 morts, 2500 blessés, des dégâts considérables et une Ville traumatisée.

1er octobre 2001
Le premier ministre annonce comme priorité la démolition d’immeubles sociaux hérités de la Hard French période, dans les grandes cités de banlieue, alors que la pénurie locative sociale est immense.

2 janvier 2002
La loi 2002-2 rénove et redéfinit l’action sociale et médico-sociale qui tend à promouvoir, dans un cadre interministériel, l’autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets. Les CHRS s’inscrivent donc dans une palette de structures et de services au service de l’usager. Ainsi, dans la catégorie des établissements CHRS, on distingue les établissements spécialisés pour un type de public (femmes enceintes, personnes sortant de prison,…), et les établissements de droit commun dit «  tout public  » (jeunes errants, grands exclus, etc.).


Mai 2002  :
2e Présidence de Jacques Chirac

18 Octobre 2002
Des émeutes d’une extrême violence éclatent à Strasbourg secouée une semaine entière.

1er août 2003
Promulgation de la loi 2003-710 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. La loi instaure un Programme Nationale de Rénovation Urbaine (PNRU) de construction de 200.000 logements locatifs sociaux, 200.000 réhabilitations ou reconstructions lourdes, 150 à 200.000 démolitions de logements vétustes  ; la création d’un Observatoire nationale des Zones urbaines Sensibles et d’un nouvel établissement L’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), placée sous la tutelle du ministre chargé de la politique de la Ville, Jean-Louis Borloo.

Les opérations de démolition d’immeubles HLM, voire de quartiers entiers considérés comme trop sensibles, souvent réclamées par les bailleurs et les collectivités locales, sont au contraire jugées inefficaces (on déplace le problème), injustifiées et certains critiques évoquent une véritable provocation vis-à-vis de la crise du logement. Souvent, les habitants se déclarent émus après le dynamitage de leur immeuble où ils ont vécu leur enfance.

Janvier 2004
Un rapport d’Etat recense 780 Centres d’Hébergement en France pour une capacité totale d’environ 30 500 places.

1er février 2004
Commémorant son appel contre l’exclusion du 1er février 1954, l’abbé Pierre, fondateur des compagnons d’Emmaüs, lance un nouvel appel pour «éviter que l’inaction ne devienne un crime contre l’humanité.»


Octobre 2005 | La Racaille et le Kärcher
N. Sarkozy, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire en visite à La Courneuve, déclarait  : «les voyous vont disparaître. Je mettrai les effectifs qu’il faut, mais on nettoiera la Cité des 4000.» Une dizaine de jours plus tard, toujours à La Courneuve, il déclarait vouloir «  nettoyer au kärcher  » la cité. En septembre 2005, le ministre prône la tolérance zéro contre ceux qui menacent la France «  en premier lieu les gens du voyage, les jeunes des banlieues, les immigrés illégaux.  » Le 25 octobre, à Argenteuil, le ministre insulté par des jeunes en colère les gratifient du sobriquet de «bande de racailles ». J. Chirac, président, n’apprécie pas.

25 octobre 2005 | les Borloonettes
Le ministre du Logement Jean-Louis Borloo, annonce la production annuelle de 20.000 à 30.000 «Maisons à 100.000 euros». En 2008, quatre maisons étaient seulement construites  ; Le Figaro jugea d’un «  flop  ». En décembre 2010, 600 maisons étaient construites, mais pour un coût final bien plus élevé (30 à 50%).


26 octobre 2005
Présentation en Conseil des ministres d’un projet de loi portant engagement national pour le logement  : TVA réduite à 5,5  % pour les opérations d’accession à la propriété d’un logement neuf dans les quartiers faisant l’objet d’une convention de rénovation urbaine  ; facilitation des procédures de reconstruction (transfert de la délivrance du permis de construire au préfet, et non au maire)  ; accroissement du pouvoir des communes pour imposer la construction de logements locatifs sociaux  ; fusion des offices publics HLM et des OPAC dans un statut unique d’Office public de l’habitat (OPH)  ; instauration d’un supplément de loyer de solidarité (SLS)  ; sursis aux coupures d’eau, d’électricité et de gaz en hiver pour les personnes de bonne foi entre le 1er novembre et le 15 mars.

27 octobre 2005 - décembre 2005| le Temps de la Révolte
Deux adolescents fuyant la police trouvent la mort dans un poste de transformation EDF  : des émeutes éclatent à Clichy-sous-Bois, puis en banlieue parisienne puis en province et perdurent pour certaines pendant 21 jours. L’Etat d’urgence est déclaré le 8 novembre 2005, puis prolongé pour une durée de trois semaines. Au total, on dénombre 10.000 voitures incendiées, des équipements publics incendiés, des écoles vandalisées, des Maisons de quartier ou associatives pillées, etc, 300 bâtiments au total détruits ou endommagés. L’on constate également, mais ce n’était pas inédit, des attaques contre les sapeurs-pompiers pris pour cibles, et la présence importante d’adultes, avec les habituels «jeunes des banlieues», dans les échauffourées. Ces émeutes sont les plus importantes constatées depuis mai 68, de par l’ampleur – toute la France -, la durée et le nombre de personnes ayant pris part aux incidents. Elles sont sans équivalent en Europe  : aucun autre pays n’a connu d’événements d’une telle durée, d’une telle intensité, concernant simultanément un grand nombre de quartiers.




Pour N. Sarkozy, ces émeutes sont le fait de «bandes organisées», «véritables mafias», en aucun cas le fruit d’une révolte populaire et spontanée. Plus sérieusement, un rapport de la Direction centrale des Renseignements généraux (DCRG) daté du 23 novembre analysait ainsi :
«La France a connu une forme d’insurrection non organisée avec l’émergence dans le temps et l’espace d’une révolte populaire des cités, sans leader et sans proposition de programme». «Aucune solidarité n’a été observée entre les cités», les jeunes s’identifiant «par leur appartenance à leur quartier d’origine et ne se reconnaiss(ant) pas dans ceux d’autres communes».

Dès les feux éteints de la révolte, une frénésie tout aussi furieuse embrasa la corporation des sociologues, afin de “mettre des mots sur les maux”, évitant consciencieusement les racines du mal. De cette multitude de colloques, d’analyses, d’études et d’éditions insipides, le livre de M. Belhaj Kacem s’en démarque et l’ouvrage de A. Dell’Umbria C’est de la racaille ? Eh bien j’en suis ! (paru en 2010 aux éditions Agone) replace avec insolence la Lutte des classes au centre des débats, adresse une critique énergique aux conservateurs et n’épargne pas la gauche institutionnelle.

Les incendies des banlieues ne posent pas la question des droits mais celle de la lutte sociale. Parce que les jeunes chômeurs-à-vie qui grandissent dans ces zones de relégation sont le produit du fonctionnement d’un pays capitaliste avancé. Vingt ans après la première vague de contestation dans les banlieues pauvres, l’exclusion s’est faite plus radicale et la misère culturelle et politique sans limites. Dans cet espace sans appartenance où ils grandissent, certains tentent de s’en construire une au niveau de la bande : nés dans un monde hostile, ils se montrent hostiles à tout le monde.”


2 novembre 2005
Catherine Vautrin, ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité, annonce la mobilisation de plus de 9 000 places d’hébergement au titre du «plan hiver 2005-2006» pour renforcer le dispositif permanent d’hébergement destiné aux sans-abri.

30 novembre 2005
Jacques Chirac, président de la République, demande à C. Vautrin et aux préfets d’aider au mieux les associations qui interviennent dans l’hébergement d’urgence.

Juin 2005 | La Cité Manifeste
Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, inaugurait le 20 juin 2005 la «Cité Manifeste», ensemble de logements individuels locatifs sociaux réalisé à Mulhouse par quatre équipes d’architectes sous l’autorité de Jean Nouvel, et il soulignait le caractère exemplaire de l’opération : « On nous disait que le logement social devait répondre à un modèle, très codifié, et bien la preuve que non. Un logement social, ça peut être aussi beau que n’importe quel logement ». 

Frédéric Edelmann, célèbre critique du quotidien Le Monde, n’aima pas la sur-médiatisation de cette opération qu’il jugeait selon le titre de son article  : « A Mulhouse, une opération d’urbanisme décevante  :
Cité manifeste à Mulhouse, fort sympathique dans
ses débuts est en train de tourner à la caricature, noyée sous un déluge de communication qui frise la propagande

Les critiques saluent toutefois les performances architecturales de l’opération conduite par Jean Nouvel, à nouveau, et plus encore, celle des architectes Lacaton & Vassal, malgré de graves défauts de conception thermiques.








2006
La loi ENL (Engagement National pour le Logement) prévoit de financer 120.000 logements supplémentaires par an d’ici 2009.

2006
Un bilan d’évaluation constate le développement quantitatif insuffisant des résidences sociales eu égard à l’importance des besoins : « Si le nombre de logements produits annuellement en résidences sociales n’est pas négligeable : 5000 répertoriés chaque année en moyenne, la part d’offre nouvelle issue des résidences créées ex nihilo n’est que d’environ 1300 logements, ce qui reste très insuffisant au regard des besoins diagnostiqués.» La nouvelle circulaire rappelle à la fois la nécessité de développer une offre entièrement nouvelle et de transformer les Foyers de Travailleurs Migrants (ex. Sonacotra) en résidences sociales « concomitamment à leur réhabilitation et à leur desserrement quand les chambres sont d’une surface très faibles.»
2006
Création du collectif Jeudi noir.

Mai 2006
Émeutes à Montfermeil et à Villiers-le-Bel.

Août 2006 | Humain, trop humain
N. Sarkozy ordonne l’évacuation du plus grand squat social  de France à Cachan, sans relogement. Par décision du maire Jean-Yves Le Bouillonnec, 300 familles sont accueillies provisoirement dans un gymnase, dans des conditions sanitaires épouvantables, faute de mieux.

8 septembre 2006 | Arrêté municipal de réquisition
D’une manière générale, le pouvoir de police a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique (article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales). Et c’est au titre de son pouvoir de police générale qu’un maire de France dispose d’un pouvoir de réquisition sur le territoire de sa commune, droit entouré d’un flou juridique (selon les tribunaux) quant à son activation (sinon en cas de tempête tropicale ou d’inondation grave, etc.), celui-ci ne fait l’objet d’aucun texte spécifique, même si le jugement administratif a progressivement précisé les conditions auxquelles est subordonné le pouvoir de réquisition du maire.
Suite à l’expulsion du squat de Cachan, le maire (DVG) de Limeil-Brévannes, Joseph Rossignol, prend la décision d’un arrêté de réquisition de locaux appartenant au ministère de la Défense, à Limeil-Brévannes, pour y loger provisoirement nombre d’expulsés-hébergés du gymnase, mais à la demande du préfet Bernard Tomasini, les forces de police empêchèrent la réquisition légale municipale. S’ensuit un imbroglio juridique, le tribunal administratif se déclarant incompétent, face aux arguments du maire déclarant que le préfet ne pouvait «en aucun cas se substituer à l’autorité administrative pour s’opposer à l’arrêté» et qu’il avait ainsi violé une liberté fondamentale, celle de la «libre administration des communes», et du préfet qui, au contraire estimait que Rossignol s’était «arrogé un droit dévolu au préfet» en réquisitionnant ce bâtiment... En conséquence, le maire assigne le 13 septembre en référé d’heure à heure le préfet, pour voie de fait, et jugeait que tant que son arrêté de réquisition, «n’a pas été déclaré illégal» par la justice administrative, il est exécutoire. Etc.
Ce n’est pas le premier cas de réquisition municipale, mais celui-ci s’opposant directement à N. Sarkozy (très critiqué par l’opposition pour cette expulsion sans relogement), il prit une forte dimension symbolique, et surtout, porta à connaissance le fait qu’un maire de France disposait du pouvoir – de police – de décider d’une réquisition. Depuis, à de rares reprises, des maires de France ont utilisé cette procédure, soutenus par les associations pour le droit au logement, quasi-systématiquement annulée par les tribunaux.

Décembre 2006 | Don Quichotte à Paris
L’association Les Enfants de Don Quichotte installent 200 tentes le long du canal Saint-Martin à Paris, où elle invite les « bien logés» à dormir en solidarité avec les SDF. L’association remet à C. Vautrin une charte qui appelle à ouvrir les structures d’hébergement tout au long de l’année, à oeuvrer pour une «solution stable» pour les SDF, à créer des logements temporaires et des logements sociaux, et à réquisitionner les logements vides.

N. Sarkozy confie à l’avocat Arno Klarsfeld «une mission d’analyse, de concertation et de proposition sur la mise en oeuvre du droit à l’hébergement.»




2006 | Les Vainqueurs sont
1. Nexity
SA de promotion immobilière, n°1 en France en 2006
Actionnaires : dirigeants et cadres supérieurs (16,6%), salariés (3,8%), Caisse des dépôts et consignations
Chiffre d’affaires 2006 : 1.855 millions €;
Décomposition du chiffre d’affaires 2006 :
Logement 77%

2. Bouygues Immobilier
SA de promotion immobilière, n°2 en France en 2006
Chiffre d’affaires 2006 : 1.600 millions € (estimation);
Décomposition du chiffre d’affaires 2006 :
logement 67%

3. Kaufman et Broad
Chiffres d’affaires 2006 : Plus d’1 milliard d’€uros.

31 décembre 2006
Lors de ses voeux, Jacques Chirac se prononce pour « un véritable droit au logement opposable» et demande au gouvernement d’avancer sur ce point « dans les toutes prochaines semaines.»


8 janvier 2007
Jean-Louis Borloo, ministre de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, et Catherine Vautrin annoncent un « plan d’action renforcé » pour le logement en 2007 : 27 100 places pour héberger de façon «pérenne» et «adaptée» toute personne accueillie dans un centre d’hébergement d’urgence. Le programme d’actions renforcé pour les sans abri (PARSA) modifie sensiblement le volet «  hébergement  » du traitement de l’urgence sociale  : extension des horaires d’ouverture des centres d’hébergement, création de 9000 places en maisons-relais. L’association Les Enfants de Don Quichotte annonce sa décision de mettre fin aux campements.





5 mars 2007 | DALO
Promulgation de la loi n° 2007-290 instituant le droit au logement opposable (« Loi DALO ») et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.


Mai 2007  :
Présidence de Nicolas Sarkozy


13 juillet 2007
Nouvelle et énième promulgation de loi portant sur l’engagement national pour le logement.

17 septembre 2007 | Grand Paris
N. Sarkozy annonce son intention de lancer une consultation architecturale internationale pour «travailler sur un diagnostic prospectif, urbanistique et paysager sur le ‘’Grand Paris’’ à l’horizon de vingt, trente voire quarante ans.» Ce sera le Grand chantier de la présidence.

25 novembre 2007
Les émeutes à Villiers-le-Bel, en banlieue parisienne, débutent et vont durer deux journées. Les jeunes attaquent les forces de l’ordre, et incendient commerces et équipements publics.

11 décembre 2007
A Vandoeuvre-lès-Nancy, le président de la République annonce une modification des règles d’attribution des HLM pour en faire profiter en priorité les ménages les plus modestes  : réévaluation des revenus des locataires de HLM tous les 3 ans et paiement d’un loyer supplémentaire en cas de dépassement du plafond autorisé.

18 décembre 2007
Michel Delebarre, président de l’Union sociale pour l’habitat, et Christine Boutin, ministre du Logement et de la Ville, signent un accord portant sur la vente de logements sociaux à leurs locataires  : le mouvement HLM s’engage à augmenter le nombre de logements mis en vente en échange de constructions neuves dans les mêmes communes.

2008
Troisième choc pétrolier. L’augmentation des cours du pétrole atteint son apogée en juillet. Le président de l’agence internationale de l’énergie déclarait en juin 2008 que le monde traversait une troisième crise énergétique et incitait les Etats consommateurs à une «  révolution énergétique  » pour réduire la demande. L’incidence est grande en France où de nouvelles normes sont instituées concernant l’isolation thermique des constructions neuves et des mesures en faveur de la rénovation thermique des constructions anciennes, notamment les grands ensembles d’habitat social. La notion de précarité énergétique prend autant d’ampleur  : une part de plus en plus importante de la population peine à régler les factures de gaz et d’électricité, et réduisent au possible l’utilisation de leur véhicule.

22 janvier 2008
Le plan Espoir Banlieue – Une dynamique pour la France préparé par la secrétaire d’Etat Fadela Amara est présenté par N. Sarkozy à Vaulx-en-Velin. Parmi les propositions  : généralisation des «  écoles de la 2e chance  », la création d’«internats d’excellence», le busing pour favoriser la mixité sociale, les «Contrats d’autonomie» pour l’emploi de 100.000 jeunes, et entre autres, des opérations urbaines pour désenclaver certains quartiers dits «sensibles». Ce plan souvent appelé le «Plan Marshall» pour les banlieues n’a finalement pas obtenu les financements de l’Etat. Dans une interview accordée au Figaro, un an après le lancement du programme, F. Amara le notait d’un 11/20, et constatait son «semi-échec».

29 janvier 2008
François Fillon, Premier ministre, déclare l’hébergement d’urgence et l’accès au logement «grand chantier national prioritaire 2008-2012».

Janvier 2008 | Déréglementations libérales libertaires.
Remise du rapport de la Commission  pour la libération de la croissance française, établit sous l’autorité de Jacques Attali, commandité par le président Nicolas Sarkozy, qui recommandait 300 décisions ultra-libérales dont certaines concernent la déréglementation appliquée dans les domaines de l’urbanisme et de l’architecture. Le quotidien Le Figaro pourtant toujours favorable à ce genre d’orientation concédait :  «Le rapport suscite la polémique, tant il veut aller loin dans la déréglementation». Il inspira cependant le président N. Sarkozy, qui inscrit les principes de la déréglementation dans ses principales préoccupations  ; François Hollande les approuvent.

21 février 2008
Nomination d’Alain Régnier, préfet délégué général à la coordination de l’hébergement et de l’accès au logement des SDF et des mal-logés.

5 juin 2008
Deux décisions du Conseil de l’Europe jugent que la France viole la Charte des droits sociaux en matière de logement en raison de l’»insuffisance manifeste» de l’offre de logements sociaux.

Juin 2008
Dix équipes internationales multidisciplinaires sont choisies pour le projet d’exception «Grand Paris»  représentant les différents courants de l’architecture urbaine, entièrement dévouées au post-capitalisme. Les franciliens, voire les maires, ne sont pas invités à y participer.

28 juillet 2008 | les Boutinettes
Christine Boutin présente en Conseil des ministres, le projet de Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Parmi les résolutions, et malgré le «  flop  » des borloonettes, elle annonce à son tour le dispositif de la «maison à 15 euros par jour» et 30.000 unités construites pour la fin 2010. Un dispositif accordant subventions, baisse de la TVA, aide financière, associant les constructeurs, les maires, etc., qui devait inciter le Peuple à les consommer sans modération. Au final, sera constitué un casse-tête de «paperasse» administratif tel, que les boutinettes seront peu nombreuses à sortir de terre, outre le prix du foncier et la réticence des banques à accorder des emprunts  : re- «flop». La crise immobilière de 2008 achève la démarche.


Août 2008
Le bidonville de Saint-Ouen, présenté comme le “plus grand bidonville de France” par les médias (entre 600 et 800 personnes pour la plupart venant de Roumanie), est évacué par la police.

20 octobre 2008
Lors de l’examen du projet de loi de mobilisation pour le logement, le Sénat rejette les dispositions visant à assouplir la loi SRU qui impose 20% de logements sociaux dans plus de 700 communes (le projet de loi initial prévoyait d’assimiler à du logement social certaines habitations vendues à des familles modestes).

24 novembre 2008
L’association Droit au logement (DAL) et les Enfants de Don Quichotte sont condamnés par le tribunal de police de Paris pour avoir installé des tentes dans la capitale. Le DAL doit payer une amende de 12000 euros pour avoir organisé le campement de 374 familles rue de la Banque, dans le IIème arrondissement de Paris, en 2007.

26-27 novembre 2008 | Totalitarisme
Après une vague de décès de sans-abri, Nicolas Sarkozy, président de la République, intervient lors du Conseil des ministres du 26 pour proposer de contraindre les sans-abri à rejoindre les foyers d’hébergement d’urgence lors des nuits de grand froid. Christine Boutin, ministre de la Ville et du Logement, reprend cette proposition et envisage un hébergement obligatoire en dessous de - 6°C. Les associations réagissent très négativement en mettant en avant le respect de la volonté des personnes  ; elles contestent également la faisabilité d’une telle mesure sauf à transformer les lieux d’hébergement en lieux de détention. Le 27, François Fillon déclare qu’il n’est pas question d’obliger les SDF à rejoindre les hébergements d’urgence tout en soulignant que les pouvoirs publics ont un «devoir d’assistance à personne en danger».

1er décembre 2008
Fin du Rmi et naissance du Revenu de Solidarité Active (RSA) ; ce qui ne change fondamentalement pas les choses...

3 décembre 2008
Nicolas Sarkozy prononce un discours sur la grande pauvreté dans lequel il annonce 160 millions d’euros supplémentaires pour l’amélioration des centres d’hébergement et la création de 1000 nouvelles places d’accueil. Le même jour, Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives, publie une tribune dans «Le Monde» dans laquelle il énonce dix orientations pour réduire le nombre de sans domicile  : renforcer l’effort vers les zones où les sans abri se cachent, mieux prendre en compte les problématiques spécifiques aux jeunes et proposer aux sans abri des activités rémunérées pour les aider à se réinsérer.
2008
Arrestation du groupe dit « de Tarnac » auteur de plusieurs ouvrages (dont L’insurrection qui vient) signés d’un «  Comité invisible  », très inspiré par Guy Debord.

Février 2009 | Arrêté municipal de réquisition
Le maire communiste de St Denis disposa de son droit d’imposer un arrêté municipal de réquisition pour s’emparer de huit logements d’un immeuble vacant propriété de la Poste (situé face au commissariat...), et y loger des familles sans abri. La Poste, encouragée par le préfet, engagea immédiatement une action devant le tribunal qui rejeta sa demande de suspension de l’arrêté, le jugement établissant le bien fondé de la réquisition fut repoussé à plusieurs mois.

27 mars 2009
Promulgation de loi Mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. La loi réforme le 1% logement en lui attribuant deux nouvelles missions  : la rénovation urbaine et l’amélioration de l’habitat. En outre, pour favoriser la mobilité dans les HLM, elle tend à autoriser les bailleurs sociaux à faire partir les locataires dont les revenus sont devenus deux fois plus élevés que le seuil fixé pour avoir droit à un logement social. De même, elle prévoit que les ménages en sous-occupation doivent être relogés dans des logements plus petits.

30 avril 2009 | PARIS d’abord
Une exposition est organisée pour présenter les propositions des équipes réfléchissant au futur Grand Paris. Chaque équipe était questionné à propos du logement en région parisienne : le futur de l’habitat grand parisien sera, selon leurs solutions, écologique pour les plus aisés, vertical pour les moins aisés et réduit pour les plus pauvres. Des propositions politiquement trop correctes en total décalage avec la réalité quotidienne des franciliens dans leur plus grande majorité, qui seront condamnés et à s’agglomérer dans les nouveaux éco-quartiers autour des futurs gares RER-centres commerciaux-parkings, les «hubs» des nouvelles lignes, prévus dans le plan. La déréglementation généralisée est préconisée, du permis de construire jusqu’aux plans locaux d’urbanisme, afin de laisser toute liberté de «flexibilité» aux planificateurs, de ne pas entraver la créativité des concepteurs, et d’ouvrir, à nouveau, une voie royale aux promoteurs. Le mot d’ordre de mai 68 est recyclé et adapté au libéralisme le plus prédateur : «Il est interdit d’interdire».





10 novembre 2009 | Logement d’abord
Le Secrétaire d’Etat chargé du logement, Benoist Apparu, engage une refondation du dispositif d’hébergement et d’accès au logement, selon le principe du «logement d’abord», expression issue de l’anglicisme affordable housing.
2008 Novembre 2009 | Jeudi noir
Les militants du collectif Jeudi Noir squattent l’hôtel particulier dit de la Marquise de Sévigné, abandonné depuis 44 ans, place des Vosges à Paris.
2010
Le programme « Habiter mieux » est lancé.

Février 2010 | la France moche
L’hebdomadaire Télérama publie l’article intitulé Comment la France est devenue moche, et accuse le résultat de choix politiques et économiques...



Octobre 2010
En Ile-de-France, des élus locaux s’inquiètent des conséquences du droit au logement opposable sur la mixité sociale. La répartition des logements sociaux étant inégale, la loi tend à concentrer les populations les plus pauvres dans les quartiers les plus sensibles.

21 décembre 2010 | LOPPSI 2
Promulgation de la Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2).

28 décembre 2010
Le secrétaire d’Etat au logement, Benoist Apparu, rend public le montant des amendes infligées en 2010 aux communes qui ne respectent pas le quota de 20% de logements sociaux  : 426 communes ont été sanctionnées et le total des sanctions s’élève à 31 millions d’euros.

Février 2011
Le Comité interministériel des Villes (CIV) de février 2011 défini les champs de l’action publique dans les quartiers prioritaires et valorise l’action des acteurs de terrain des associations, la reconnaissance des métiers de la médiation sociale, les délégués du préfet, les centres de ressource et les gardiens d’immeubles.

Mai 2011
Le 10 mai, naissance du blog LaboratoireUrbanismeInsurrectionnel.
:)

Juin 2011
Exposition à Paris de la Ville Fertile, Vers une nature urbaine : la contradiction est trop grande pour accorder crédit à ce genre d’élucubrations qui pour autant s’incruste, à force de propagande dans les esprits. Le Comité Invisible dénonçait déjà en 2007 :

«La situation est la suivante: on a employé nos pères à détruire ce monde, on voudrait maintenant nous faire travailler à sa reconstruction et que celle-ci soit, pour comble, rentable. L’excitation morbide qui anime désormais journalistes et publicitaires à chaque nouvelle preuve du réchauffement climatique dévoile le sourire d’acier du nouveau capitalisme vert, celui qui s’annonçait depuis les années 1970, que l’on attendait au tournant et qui ne venait pas. Eh bien, le voilà ! L’écologie, c’est lui ! Les solutions alternatives, c’est encore lui ! Le salut de la planète, c’est toujours lui ! Plus aucun doute : le fond de l’air est vert ; l’environnement sera le pivot de l’économie politique du XXIe siècle. À chaque poussée de catastrophisme correspond désormais une volée de solutions industrielles ».




Mai 2012  :
Présidence de François Hollande

Les politiques municipales des grandes villes socialistes (Paris, Lyon, Lille, Nantes, etc.) ne laissaient guère présager de changements majeurs dans les domaines de l’urbanisme et de l’habitat sociaux, en cas de victoire présidentielle de François Hollande. Ses prévisions étaient fausses, car en guise de changements majeurs, le gouvernement s’appliqua à reconduire les grands projets de loi, urbains et architecturaux enclenchés par le précédent Président (approbation des déréglementations des normes concernant l’habitat et actualisation de l’«urbanisme de la dérogation», poursuite du programme Grand Paris avec les mêmes équipes, reconduite des Partenariats Public Privé pour la construction du ministère de la Défense et du Palais de Justice à Paris, décision accordée de la construction du gigantesque et controversé centre commercial Europa City aux portes de Paris, etc., etc., etc. Tandis que la ministre du Logement Duflot menait en bateau les associations pour le droit au Logement, concernant une «possible» réquisition d’une cinquantaine de logements...

Les nuances dans ces domaines entre les deux présidences sont donc intimes, la principale rupture est affirmée dans l’habitat par la fin du tout propriétarisme exigé par le président Sarkozy, et des efforts accrus pour la production de logements sociaux, pour la porter à 150 000 logements par an. Objectif très nettement insuffisant pour les associations caritatives. À nouveau, les plus précaires et ceux en voie de l’être sont invités à se diriger vers les structures caritatives, celles faisant de l’existenzminimum un garde-fou contre une possible insurrection sociale qui ne sera certainement pas celle de la bonté.

L’idéologie socialiste de l’ “équilibre” consiste pour l’Etat, par tradition, à formuler des pactes qui sollicitent l’adhésion commune de tous les acteurs d’une profession, dans le cas de l’habitat, afin d’inciter la construction sociale de logements pour répondre à une demande sociale grandissante. Mais crise oblige, héritage trop lourd à porter et part trop restreinte du PIB accordée à ce secteur, le gouvernement socialiste emprunte une seconde arme théorisée par la Nouvelle gauche européenne dans les années 1960 : l’autonomie, l’autonomie des personnes faisant d’elles des acteurs responsables capables d’intégrer des solutions dites alternatives : de la co-location assumée jusqu’à l’auto-construction communautaire. Une rhétorique à l’oirgine au caractère alternatif-subversif mais depuis reformulée par la logique libérale libertaire fondée sur la responsabilisation de l’individu, sous l’égide d’une “solidarité face à la crise”, légitimant le désengagement de l’Etat, le surpeuplement des colocations et les efforts des auto-constructeurs à assumer une tâche qui incombe à l’Etat : le sacrifice de leur inconfort sur l’autel de la solidarité républicaine a d’ailleurs été légiféré par la ministre du Logement, Cécile Duflot.

Pour cela, la ministre peut compter sur le soutien remarquable de l’arrière-garde architecturale européenne regroupant les architectes-urbanistes et paysagistes les plus rétrogrades et les plus réputés du moment, dont les propos[itions] politiquement correctes s’approprient les recettes du néo-libéralisme le plus débridé : de la flexibilité à la déréglementation généralisée des Plans, et à la réduction des surfaces habitables, au besoin, pour les plus nécessiteux. Au sein de cette assemblée dont plusieurs sont issus de mai 68, l’architecte affairiste Yves Lion est certainement le personnage central, omniprésent déjà sous la présidence Sarkozy, et reconduit dans ces fonctions par le gouvernement socialiste. Ces liaisons intimes avec le numéro 1 de l’immobilier, Nexity, parfois dénoncées par ses confrères, la médiocrité de ces réalisations “sociales”, de ses tentatives théoriques sur l’urbanisme, illustrées à Marseille (urbaniste du quartier Arenc des futurs tours massacrant la silhouette de la cité phocéenne), et par ses propositions grand-parisiennes, l’inconsistance mondialement remarquée de l’exposition du pavillon français qu’il dirigea pour la biennale de l’Architecture à Venise, ne l’empêchent pas d’être à la tête ou dans plusieurs instances décisionnelles, dont celle concernant “Objectif 500.000”.

Cette remarquable absence de pensée critique dans ses domaines est, nous l’évoquions en introduction, considérée comme un des plus graves dangers, qui souligne David Harvey “a donc laissé en friche la question d’une autorité valide et légitime, ou plus exactement il a laissé cette question aux mains des moralismes conservateurs, celles des néolibéraux et/ou du discours religieux. Il a laissé le concept d’utopie à l’état de pur signifiant, dépourvu de tout référent matériel dans le monde réel. Et pour bien des penseurs contemporains, c’est exactement à cela que ce concept peut et doit se limiter  : un pur signifiant d’une espérance destinée à rester éternellement privée de référent matériel. Ce qu’il convient donc de rappeler, c’est que sans une vision de l’Utopie, il n’y a aucun moyen de définir la destination vers laquelle nous souhaitons embarquer.”



1er Août 2012
Le gouvernement adopte un décret (reconduit en 2013) limitant les hausses de loyer dans le parc privé de certaines agglomérations. Cette possibilité, inscrite dans la loi du 6 juillet 1989 régulant les rapports locatifs, n’était jusque-là mise en œuvre que dans l’agglomération parisienne (39 agglomérations sont désormais concernées, en Métropole et Outre-mer) et ne visait pas les relocations. Plus symbolique qu’efficient, après la hausse considérable des loyers observée ces dix dernières années, le dispositif mis en place est modeste et ne devrait pas provoquer de baisse généralisée.

26 août 2012
De nouveaux bidonvilles ont resurgi en France depuis plusieurs années, habités par des sans abri et pour les plus imposants par des Roms venus pour la plupart de Roumanie et de Bulgarie dans des conditions de grande précarité. Une circulaire interministérielle propose un cadre de référence pour « évacuer les campements illicites », avec la prise en compte avant l’évacuation des besoins des personnes présentes dans le bidonville par l’instauration de diagnostics individuels, via les collectifs et associations humanitaires. Dans les faits, les associations notent que ces dispositions ne sont guère pratiquées.

Hiver 2012-13
Le numéro d’urgence 115 est saturé.

25 décembre 2012
Les enfants sans-logis, avec le DAL, remettent un pied de biche en or au ministre Cécile Duflot, pour qu’elle accélère les procédures permettant des réquisitions, et mobilise les biens vacants de l’Etat et des HLM.

1er janvier 2013
Dans la grande tradition de ces prédécesseurs, la ministre Duflot donne son nom à un dispositif d’incitation fiscale en faveur de l’investissement locatif.


7 janvier 2013
Inauguration de la réquisition citoyenne soutenue par le DAL et Jeudi noir, au 2 rue Valenciennes à Paris.
A partir de cette date, les réquisitions citoyennes se multiplient dans toute la France par les comités pour le droit au logement et des associations de solidarité. Les occupants de certains immeubles sont expulsés en plein hiver, des militants sont poursuivis en justice, ou malmenés par les forces de police (Jean-Baptiste Eyraud, leader du DAL a été brutalisé à Paris le 19 octobre dernier, place de la République). Selon une missive du DAL  : « La répression est aussi au rendez vous des politiques du logement

18 janvier 2013
La promesse de campagne du Président de la République de porter l’obligation de construction de logements sociaux dans les « communes SRU » de 20 % à 25 % a été tenue et officialisée par la loi du 18 janvier 2013. Celle-ci ouvre également la possibilité de quintupler le montant du prélèvement sur les communes en carence, tout en ajoutant des contraintes de production de PLS et de PLAI.
La loi du 18 janvier 2013 prévoit la «mise à disposition» de terrains publics, vendus aux collectivités locales avec une décote pour favoriser la construction de logements sociaux, comprises pour les première démarches, entre 25 % et 75 % du prix des terrains, selon le nombre de logements sociaux proposé dans le projet global d’aménagement de la collectivité.

18 janvier 2013 | Super PLAI
La création du «super-PLAI» avait été annoncé dès 2012, et fait l’objet d’une traduction législative à l’article 19 de la loi du 18 janvier 2013. Elle a également été répercutée dans le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale du 21 janvier 2013 sous la forme d’un «programme à bas niveau de loyer dans le secteur diffus».

La création de «PLAI adaptés» a été opérationnalisée par le lancement d’un appel à projets interministériel. Le cahier des charges de cet appel préconisait aux concourants  :

«  … d’agir sur les surfaces – et donc sur le loyer du logement puisque le loyer est calculé en € par m²- sans modifier la typologie. Une diminution de la surface permet une baisse du loyer du logement et donc une meilleure accessibilité financière pour les ménages. Un logement plus ajusté (surface habitable réduite) est préférable pour pouvoir obtenir un loyer de sortie inférieur au loyer plafond APL (synonyme de minimisation du reste à charge pour le(s) locataire(s)). Cette meilleure adéquation entre surface, typologie et composition du ménage peut se faire grâce à des logements à surface réduite, mais maximisant la qualité d’usage (meilleure conception des logements et réduction des surfaces annexes).»

Une «réduction» des surfaces habitables déjà proposée par l’ancien ministre sarkozyste Benoist Apparu, prioritaire dans les zones denses des villes, «relevant du bon sens et répondant à l’évolution de notre société.» Tel est le point de vue de l’architecte, Yves Lion  :

« Afin de sortir certaines familles des logements insalubres il faut construire des produits moins coûteux, peut être plus petits que nécessaires mais qui peuvent être construits rapidement pour répondre aux situations d’indigence de certains ménages.»

L’on songe alors aux propos de Debord :
«Comme toute l’organisation de la distribution des biens est liée à celle de la production et de l’État, on rogne sans gêne sur toute leur ration, de nourriture comme  d’espace, en quantité et en qualité.»

In girum imus nocte et consumimur igni  |1978


12 mars 2013
Le Comité interministériel des villes présidé par Jean-Marc Ayrault prend 27 décisions pour le rétablissement de l’égalité républicaine dans les quartiers  :
«Je voudrais m’adresser aux habitants des quartiers populaires, et leur dire que l’Etat est de retour dans les quartiers (...) Leur dire aussi que le gouvernement ne vous abandonnera pas, parce que vous aussi vous êtes l’avenir de la France.»

16 mars 2013 | l’Attaque du RER
Le RER D en gare de Grigny, est l’objet d’une attaque en règle par une vingtaine de jeunes dissimulés derrière des écharpes ou des capuches, rançonnant les passagers. Stupeur nationale.

21 mars 2013
Le bilan de la ministre est, pour ainsi dire, catastrophique  : les ventes de logements neufs, en 2012, ont chuté de 18% (vs 2011) et les mises en chantier de -20% sur la même période  ; la FFB estime à 40.000 la perte d’emplois dans le secteur de la construction en 2013. C’est dans ce contexte que le Président de la République présente son Plan Logement, et annonce vingt mesures pour répondre immédiatement à l’urgence en matière de logement, réparties en cinq dispositions principales :
raccourcir les délais de procédure pour débloquer les projets ;
construire là où sont les besoins ;
conclure un pacte avec le monde HLM, dont le retour à une TVA réduite à 5% pour la production de logements sociaux  ;
simplifier les normes ;
rénover massivement les logements.

Et pour mener à bien ce Plan, le Gouvernement agira par voie d’ordonnances, et déposera au Parlement, d’ici à fin avril, un projet de loi d’habilitation. Ces mesures d’importance inégale n’ont pas toutes convaincu, mais certaines, très attendues, ont été particulièrement appréciées. Il s’agit par exemple de l’annonce d’un moratoire de deux ans sur les normes nouvelles, de l’accélération des procédures concernant les contentieux des permis de construire, de la baisse de la TVA pour le logement social, de la création d’un statut du logement intermédiaire destiné à permettre l’investissement dans des logements se plaçant entre le secteur privé à loyers libres et le logement social.

8 juillet 2013
Le Pacte d’objectifs et de moyens, signé le 8 juillet 2013 entre l’État et l’Union sociale pour l’habitat, prévoit d’atteindre les objectifs de construction et de rénovation en 2015 et de développer les missions sociales des organismes Hlm (développement d’une offre adaptée et de logements accompagnés, coopérations entre bailleurs et associations...).

Juillet 2013
Des violences sans suites éclatent à Trappes, en banlieue parisienne: la presse déçue espérait mieux.
25 septembre 2013 | Désindexation
«La Fondation Abbé Pierre a été extrêmement surprise voire choquée d’apprendre, lors de la présentation de la loi de finances le 25 septembre 2013, la désindexation des allocations logement sur l’indice de référence des loyers, ce qui revenait à ne pas les actualiser en 2014. L’USH, les associations de locataires comme celles qui œuvrent dans le domaine de la solidarité ont également fait part de leur mécontentement. Le seul compromis trouvé à ce jour pour le Gouvernement a été de reporter cette indexation au 1er octobre 2014 (soit une indexation portant sur seulement 3 mois au lieu de 12). Une décision profondément injuste dont la Fondation ne peut en aucun cas se suffire.»

24 novembre 2013 | la France moche
Un numéro spécial de la revue Le Point est consacré à la laideur architecturale et invite ses internautes à poster les images commentées des horreurs architecturales se trouvant près de chez eux.

Novembre 2013 |Bidonville «ROM»
Evacuation d’un bidonville “Rom” à Saint-Ouen où habitaient 800 personnes. L’association La voix Des Roms dénonçait “une opération d’une très grande brutalité”, mettant “au trottoir à l’entrée de l’hiver plusieurs centaines de personnes”, dont des enfants.

Novembre 2013 | OBJECTIF 500.000
La ministre convoque les acteurs de la construction, pour lancer son programme Objectif 500.000, une démarche de concertations devant organiser et concrétiser la construction et la rénovation d’un million de logements d’ici à 2017. Quatre groupes sont chargés de proposer de nouveaux instruments de :
simplifier la réglementation et l’élaboration des normes de construction et de rénovation
mobiliser le foncier privé des secteurs urbanisés,
développer des matériaux innovants et d’inventer de nouvelles façons de construire et rénover,
proposer un logement adapté à chaque situation de vie.

Un comité stratégique sera chargé d’émettre un avis sur les propositions des groupes de travail, composé des présidents des fédérations professionnelles, et présidé par l’architecte d’affaires Yves Lion.

Janvier 2014 | Les Présidentes
Catherine Jacquot, Présidente du Conseil National de l’Ordre des Architectes, dans deux discours prononcés en ce début d’année 2014, s’alarme de ce retour à ces méthodes et évoque d’autres problèmes :

« Les architectes s’opposent fermement à une vision à la fois dépassée et hasardeuse du logement qui prône un retour à une politique des modèles qui a montré largement ses limites par le passé et conduirait, si elle était mise en œuvre, à une multiplication de produits banalisés et répétitifs, réduisant l’intervention architecturale à son strict minimum.
Le logement social est le premier levier d’une politique dynamique de mobilisation pour l’ensemble du secteur du logement. Répondre à la demande et à la cherté des prix ne peut passer par des solutions préfabriquées « lowcost » qui ne feront qu’exclure davantage les mal logés. Redonnons à l’habitat social les qualités d’innovation, de diversité et de valeur exemplaire qu’il mérite ! 
»

Marie-Françoise Manière, présidente de l’Unsfa (Union nationale des syndicats français d’architectes), prévenait de même de propositions qui n’ont rien de novatrices et ont pour principale motivation  :

« de s’affranchir d’une saine concurrence, d’augmenter les marges bénéficiaires et de suppléer à une maîtrise d’ouvrage qui a abandonné toute ambition culturelle et sociale […] Certains participants aux groupes de travail ressortent de vieilles recettes, comme l’approche productiviste des chemins de grue, les économies d’échelle ou les modèles. Nous connaissons l’issue de cette politique : des milliers de logements voués à la démolition, le mal-être dans les cités et la fragmentation de l’espace bâti.»



Février 2014 | Rapport mal-logement en France
Fondation Abbé Pierre :
Insuffisance de la production et de la mobilisation du parc existant, absence de maîtrise des prix, affaiblissement du pouvoir solvabilisateur des aides personnelles... sont autant d’indicateurs d’une faiblesse chronique des politiques du logement depuis de nombreuses années. Cette faiblesse est plus manifeste encore quand elle se traduit par un désengagement financier de l’État dans le domaine du logement ou par la trop faible application des lois (loi SRU, loi Dalo...). Des carences inadmissibles au regard des souffrances
que suscite la crise du logement dans notre pays et de l’ampleur du mal-logement qui touche 3,5 millions de nos concitoyens.

Janvier 2014
430 bidonvilles sont répertoriés en France dont la moitié en région parisienne, où vivent plus de 19.000 personnes.




20 février 2014 | ALUR
La loi Alur est définitivement adoptée par le Parlement. Six mesures phares le distingue.

1/ENCADREMENT DES LOYERS
- Dans les zones «tendues», les préfets fixeront chaque année par décret un 
loyer médian de référence  majoré de 20%, au-delà duquel le propriétaire ne pourra pas aller, mais aussi un loyer plancher (inférieur de 30% au loyer médian) en deçà duquel il pourra demander une hausse.
- Un  «complément de loyer exceptionnel»  pourra s’ajouter au loyer de base pour des logements particulièrement bien situés ou confortables, mais le locataire pourra le contester auprès de la commission départementale de conciliation.

2/GARANTIE UNIVERSELLE
- Une
  Garantie universelle des loyers (GUL), gratuite et publique, sur l’ensemble du parc privé, protègera, d’ici au 1er janvier 2016, les propriétaires des impayés, pendant une durée de 18 mois dans la limite d’un loyer médian local. Mais les propriétaires auront le droit de préférer le recours à la caution.
- Coût estimé par la ministre: 420 millions d’euros en année pleine, financé par des économies sur des dépenses actuelles de l’Etat, des organismes HLM et des collectivités territoriales.

3/RELATIONS LOCATAIRES-PROPRIETAIRES
-  Modèles types  d’état des lieux et de bail, définis par décret, avec mention du loyer médian de référence et du loyer appliqué au locataire précédent.
-  Délai de préavis  pour quitter son logement ramené à un mois dans les zones tendues.
- Le  dépôt de garantie  sera rendu dans un délai d’un mois, au lieu de deux, s’il n’y a pas de réserves dans l’état des lieux. Sa rétention abusive par le bailleur sera sanctionnée par une pénalité, par mois de retard, de 10% du dépôt.
- Les  marchands de listes  ne devront proposer que des logements dont ils ont l’exclusivité.
- Encadrement accru des  ventes à la découpe, avec notamment une protection des locataires âgés.
- Encadrement de la location de  meublés de tourisme.
- Création de  commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, alertées systématiquement sur des situations d’expulsion.
- Statut de la  colocation, avec encadrement des contrats multiples (entre le propriétaire et chacun des colocataires).
- Les  frais d’agence  seront à la charge du propriétaire sauf ceux pour la rédaction du bail, l’état des lieux, la visite du logement et la constitution du dossier du locataire, qui seront partagés avec ce dernier.

4/REFORME DES COPROPRIETES ET DES PROFESSIONS DE L’IMMOBILIER
- En dehors du forfait annuel pour la gestion courante, les syndics ne pourront facturer des frais supplémentaires que pour certaines prestations, définies par un décret.
- Les syndics devront ouvrir un  compte bancaire séparé  pour chaque copropriété qu’ils ont en charge.
- Possibilité de réaliser un  diagnostic technique global  dans chaque copropriété, permettant le cas échéant d’élaborer un plan pluriannuel de travaux financé par un fonds de prévoyance.
- Encadrement des  résidences à temps partagé  (multipropriété).
- Reconnaissance des  habitats participatifs  (sous forme de sociétés ou de coopératives) permettant à des particuliers de concevoir ensemble un projet de construction ou d’acquisition d’un immeuble où ils logeront.
- Contrôle du respect de la  déontologie des professionnels  de l’immobilier.

5/HABITAT INDIGNE ET LOGEMENT  SOCIAL
- Délai de grâce maximal pour quitter les lieux après une décision d’expulsion porté à trois ans pour tenir compte d’un  «recours Dalo».
- Les  marchands de sommeil  déjà condamnés pour habitats indignes seront interdits d’achats de biens immobiliers destinés à la location pendant 5 ans.
- Le propriétaire d’un  logement indécent  qui, à compter de la promulgation de la loi, refusera d’engager des travaux malgré les injonctions des pouvoirs publics devra payer une astreinte de 1.000 euros par jour de retard.
- Le demandeur de  logement social  n’aura qu’un dossier unique à remplir, même s’il fait des demandes dans plusieurs départements.
- Maintien du dispositif spécifique de domiciliation des  demandeurs d’asile.

6/REGLES D’URBANISME
- Elaboration des 
plans locaux d’urbanisme à l’échelle de l’intercommunalité  et non plus de la commune. Mais ce transfert ne pourra intervenir si un quart des communes représentant au moins 20% de la population s’y oppose.
- Suppression des  coefficients d’occupation des sols (COS)  et de la taille minimale des terrains constructibles.
- La construction dans d’anciennes zones industrielles  devra être précédée d’une étude sur leur état de pollution.



ANNEXE

Les principales catégories du logement soical en France divisée en deux groupes  : Hébergement et Logement, qui se décomposent en multiples sous-catégories.

HEBERGEMENT

L’accueil en hébergement est destiné aux personnes sans domicile ou contraintes de le quitter en urgence, en situation de précarité et connaissant de graves difficultés sociales. L’hébergement est provisoire dans l’attente d’une solution de logement durable et adaptée. Il ne donne pas lieu à l’établissement d’un bail ou d’un titre d’occupation ni au versement d’un loyer, ce qui n’exclut pas une participation financière des familles ou personnes accueillies.

Centre d’hébergement et de réinsertion sociale
37 220 places au 31 décembre 2007.

Centre d’hébergement d’urgence
Hébergement temporaire de personnes ou familles sans-abri. Le CHU peut varier du dortoir à la chambre individuelle, voire au logement banalisé dans le diffus. Des efforts d’humanisation visent à améliorer les conditions de sécurité, de confort et de respect de la vie privée (suppression des dortoirs notamment).
10 267 places au 31 décembre 2007.

Hébergement de stabilisation
Même public que dans les CHU, mais ayant un passé plus ou moins long à la rue. Le bâti doit permettre un hébergement de quelques jours à quelques mois dans des conditions dignes favorisant l’autonomisation des personnes.
7 051 places au 31 décembre 2007 .

Nuitées d’hôtel
Accueil de personnes (et de familles) en situation de détresse, souvent orientées par le 115, dans des hôtels, à défaut de places disponibles dans les centres d’hébergement d’urgence.
9 802 places (1 place = 365 nuitées/an) au 31 décembre 2007.

Logements et chambres conventionnés à l’ALT (aide au logement temporaire)
Pour les personnes en grande difficulté qui ne peuvent pas bénéficier des CHRS, offres en logements ou chambres dans un parc très diversifié (parc privé, parc social, résidences sociales, hébergement d’urgence, hôtel...).
Bénéficient de l’ALT environ 24 700 logements indépendants en 2007.

Résidence hôtelière à vocation sociale
L’Hôtel « social » meublé, agréé par l’Etat, entre l’hôtellerie et le logement locatif, a pour vocation d’offrir temporairement une chambre.
63 places en service au 31 décembre 2007.

Centre provisoire d’hébergement
Centres d’hébergement et de réinsertion sociale destinés spécifiquement aux réfugiés statutaires particulièrement vulnérables.
1 083 places au 31 décembre 2007.


Centre maternel
Destiné aux femmes enceintes et mères isolées avec enfants de moins de trois ans qui ont besoin d’un soutien matériel et psychologique, en chambre individuelle ou appartement, et disposant d’une crèche, pouponnière, halte garderie...

Lit halte soins santé
Les LHSS offrent une prise en charge médico-sociale temporaire à des personnes sans domicile qui ont besoin de soins ne nécessitant pas d’hospitalisation.
471 lits au 31 décembre 2007.


LOGEMENT

Seconde catégorie, le logement social stipule que les locataires versent une redevance ou un loyer et ont un statut d’occupation (bail ou titre d’occupation temporaire ou long) avec garanties de maintien dans les lieux et bénéfice des aides au logement.

Les Logements-foyers
Une première sous-catégorie concerne le logement-foyer, des immeubles collectifs comportant à la fois des locaux privatifs meublés ou non et des locaux communs affectés à la vie collective. Il accueille notamment des personnes âgées, des personnes handicapées, des jeunes travailleurs, des étudiants, des travailleurs migrants ou des personnes défavorisées.

Résidence sociale
La résidence sociale est destinée aux personnes ou familles éprouvant des difficultés particulières pour accéder ou se maintenir dans un logement décent ou indépendant. Associant des micro-logements meublés privatifs et espaces collectifs, temporaire et peut être créée « ex nihilo » ou par transformation de FJT (foyers de jeunes travailleurs) ou FTM (foyer de travailleurs migrants de type Sonacotra).
61 791 logements répartis dans 904 résidences sociales au 1er janvier 2007 .

Pension de famille ou Maison-relais
Structure de taille réduite comportant entre 20 et 25 logements, alliant logements privatifs et espaces collectifs, gérés par un «  hôte  » ayant une qualification ou une expérience dans le domaine social et/ou de l’insertion.
4 619 places au 31 décembre 2007.

Résidence accueil
La résidence accueil est une pension de famille dédiée aux personnes ayant un handicap psychique.
217 places ouvertes au 31 décembre 2007 .

Foyer de jeunes travailleurs
Anciens foyers réservés à des jeunes entre 16 et 26 ans, en «  réinsertion  » sociale, ils doivent à terme être transformé en résidences sociales.
23 500 places environ au 1er janvier 2007.

Foyer de travailleurs migrants
Anciens foyers (de type Sonacotra), ils ont pour vocation à terme d’être transformés en résidences sociales.
440 FTM non encore transformés en résidence sociale, soit 62 500 places au 31 décembre 2005.

Etablissement pour personnes âgées
650 000 places d’hébergement en 2008

Logement-foyer pour personnes handicapées
110.000 places d’hébergement en 2008
Logement en sous-location
Logements des parcs privés et publics mobilisés par les organismes qui louent des logements en vue de les sous-louer à des ménages défavorisés. Ces logements correspondent à la définition du logement de transition de la loi DALO.

Gestion locative adaptée (avec intermédiation locative)
Gérer des logements appartenant à des propriétaires privés et les louer à des ménages ayant des difficultés financières et sociales, via les Agences immobilières spécialisées à vocation sociale constituées sous la forme d’associations ou d’unions d’économie sociale (UES).

Logement conventionné - Parc public
La deuxième sous catégorie englobe les logements bénéficiant de prêts aidés de l’État et qui font donc l’objet d’une convention entre le bailleur et l’État.

PLAI adapté (en cours de procédure)

PLAI : Prêt Locatif Aidé d’Intégration
Les PLAI sont destinés aux personnes en difficulté. Ils accueillent des ménages disposant de ressources inférieures de 55 à 60 % au plafond de ressources exigé à l’entrée dans un logement PLUS. Historiquement, les pouvoirs publics décident en 1990 de la création d’une nouvelle catégorie de logement très social  : les PLA d’Insertion (PLAI), caractérisés par des plafonds de ressources et des plafonds de loyers inférieurs à ceux de la production HLM ordinaire, réalisée en PLA (aujourd’hui PLUS).

En 1994 le PLAI est remplacé par les PLA très sociaux (PLATS), puis en 1997 par des PLA à loyer minoré (PLALM). Ces deux produits sont comparables au PLAI en termes de loyer et de plafonds de ressources mais l’appellation, plus neutre, ne fait plus référence à l’insertion. En 1999, un nouveau PLAI est mis en place  : le «I» signifie désormais «intégration». L’usage de ces PLAI de 2e génération est davantage ciblé que par le passé. Les logements sont destinés à des ménages qui cumulent la faiblesse des ressources avec d’autres difficultés sociales et la mise en place d’un accompagnement social est désormais la règle. Cependant ces logements sont toujours, a priori, des logements durables. Il faut néanmoins noter que les financements PLAI de 1ère comme de 2e génération («insertion» et «intégration») ont été très souvent utilisés pour financer des opérations de logements temporaires du fait du recours, soit à la location / sous-location, soit au statut de résidence sociale.

PLUS : Prêt Locatif à Usage Social
En 1999, le PLUS remplace le PLA : il présente l’avantage d’intégrer dans toute opération HLM la nécessité de diversifier les loyers : 30 % des logements de chaque opé ration doivent avoir des loyers inférieurs et être attribués à des ménages ne dépassant pas 60% des plafonds de ressources ordinaires. Le PLUS finance la création des logements sociaux classiques. Il est distribué par la Caisse des dépôts. Le loyer est plafonné, ainsi que les ressources des locataires.

PLS : Prêt Locatif Social
Le PLS a remplacé le PLI, logement dit intermédiaire. Il n’est donc pas à proprement un logement social. Ce type de logement est destiné aux classes moyennes. Le plafond de ressources exigé du locataire est supérieur de 30 % au plafond demandé pour un logement social classique.

Logement conventionné - Parc privé

Tous les logements conventionnés avec l’ANAH (Agence Nationale de l’Habitat) peuvent se voir imposer des loyers plafonnés pour des personnes à faibles ressources. Néanmoins, le programme social thématique (PST) est particulièrement ciblé sur les publics les plus en difficulté et permet à l’État de proposer à un propriétaire privé de les loger, sur la base de négociation avec les propriétaires privés : en contrepartie d’une subvention majorée de l’ANAH pour les travaux et d’un certain nombre de services (assistance technique aux bailleurs, garantie de loyer, accompagnement social des locataires, ...), le propriétaire s’engage à respecter un loyer conventionné très social pendant 9 ans et à loger des personnes en difficulté qui lui sont proposées.
27 112 logements conventionnés subventionnés par l’ANAH pour les années 1998 à 2006.



1 commentaire:

  1. Superbe revue. Un gros merci du Québec. Plus ça change plus c'est pareil...

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