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De la misère en milieu hippie

Architectes : Superstudio [Italie] : Supersurface

L’urbanisme hip - essayant toujours de créer un espace confortable où pourrait fleurir sa pseudo-communauté - n’a jamais manqué de créer pour lui-même des réserves où les indigènes se regardent entre eux d’un air ébahi parce qu’ils en sont également les touristes.

groupe Contradiction
On the Poverty of Hip Life,
avril 1972

Les valeurs qui ont anciennement soutenu l’organisation des apparences ont perdu leur puissance ; la morale, la famille, le patriotisme et tout le reste sont tombés comme autant de poids morts. Les anciens rôles et les anciennes mystifications ne peuvent plus dédommager le sacrifice d’expérience authentique qu’ils demandent. Homme d’affaire, professeur, honnête travailleur, play-boy, femme de ménage - qui peut encore les prendre au sérieux ? Les idoles et les héros dominants deviennent risibles. Toute falsification est en crise.

Cette désintégration des valeurs ouvre un vide positif qui rend possible une libre expérimentation. Mais si cette expérimentation ne s’oppose pas sciemment à tous les mécanismes du pouvoir, alors, au moment critique où toutes les valeurs sont aspirées dans le tourbillon, de nouvelles illusions viennent combler le vide ; le pouvoir a horreur du vide.

CHYPRE, Varosha Ville Interdite

Varosha : Ville morte depuis 1974


En 1960, Chypre devient une république indépendante, membre de l’ONU et du Commonwealth. Le Royaume-Uni, la Turquie et la Grèce deviennent les États garants de l'équilibre constitutionnel. Le traité de garantie accorde, en particulier, un droit d'intervention militaire, sous certaines conditions, aux trois puissances garantes, pour rétablir l'ordre constitutionnel si celui-ci venait à être modifié.

Murs et Checkpoint

Bansky

Evelyne Ritaine

La barrière et le checkpoint : mise en
politique de l’asymétrie
Evelyne Ritaine, directrice de recherche FNSP


L’ancien Big Brother était préoccupé par l’inclusion – l’intégration, mettre les gens en rang et les y maintenir. Ce qui intéresse le nouveau Big Brother, c’est l’exclusion – c’est chercher les gens qui ne conviennent pas au lieu où ils sont ; les bannir de ce lieu et les déporter “là où est leur place” ; ou, mieux encore, ne jamais les autoriser, pour commencer, à se rapprocher de ce lieu. Le nouveau Big Brother fournit aux officiers de l’immigration les listes de gens qu’ils ne devraient pas laisser entrer, et aux banquiers la liste de ceux qu’ils ne devraient pas admettre dans la compagnie de ceux qui sont dignes de crédit. Il donne aux gardes des instructions concernant ceux qu’ils devraient arrêter devant les grilles et ne pas laisser pénétrer dans la communauté de l’autre côté des grilles. Il insuffle aux surveillants du voisinage l’idée d’épier et de chasser les prétendus rôdeurs ou ceux qui ont des intentions louches – étrangers qui ne sont pas à leur place. Il offre aux propriétaires des circuits de télévision fermés, pour empêcher les indésirables de s’approcher. Il est le saint patron de tous les videurs, que ce soit au service d’une boîte de nuit ou d’un ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur.

Zygmunt Bauman 1

Mike DAVIS : La voiture piégée : la force aérienne du Pauvre


La plus grande majorité des organisations communistes révolutionnaires pratiqueront la propagande par le fait dirigée contre des cibles précises et elles ne feront guère usage de la violence aveugle dans le but intentionnel de tuer le plus grand nombre de civils innocents. Peu ont recours à la voiture piégée, instrument de mort et de destruction massive. Mike Davis nous raconte l'histoire de la voiture piégée, aussi bien utilisée par la CIA que par les groupes terroristes dont la logique est la terreur aveugle, le but,  d’indicibles carnages. Une forme de fascisme. 

Mike DAVIS
Les forces aériennes du Pauvre
Article publié par TomDispatch.com en 2006
Prélude au livre Petite histoire de la voiture piégée

Présentation de Jean BATOU

Le texte que nous présentons aujourd’hui s’intitule «Les forces aériennes du pauvre». Il y ébauche une histoire des attentats à la voiture piégée. Pour Davis, il s’agit d’une «arme semi-stratégique, comparable par sa puissance (…) à l’aviation, du fait de sa capacité de détruire des localités urbaines et des quartiers généraux». Peu coûteuse, elle est à la portée des plus démunis, en particulier des mouvements populaires des pays dominés, acculés à des guerres asymétriques (Palestiniens, IRA, Tigres tamouls, résistance irakienne, etc.). 

Vietnam : Offensive Révolutionnaire contre les Villes

Saigon, 1968, jeune réfugié et notable : richesse et pauvreté


Après une vingtaine d'années de guerre révolutionnaire [1946/1968],  dont la stratégie politico-militaire s'appuyait sur la guérilla rurale, les révolutionnaires vietnamiens, en janvier 1968, lancent une vaste offensive sur les villes ennemies du Sud-Vietnam. L’offensive du Têt, attaque frontale contre les forces armées sud-vietnamienne et américaine dans les villes, jusqu'au coeur de Saigon, dans l'enceinte même de la sacro-sainte ambassade américaine, est surprenante : s'attaquer aussi massivement contre les troupes ennemies des villes et villages allait contre toute logique. S'agissait-il de profiter d'un effet de surprise, d'impulser un soulèvement urbain généralisé destiné à accélérer la fin du conflit, ou bien de médiatiser au plus haut niveau, cette guerre interminable, en portant symboliquement et spectaculairement le conflit dans les villes ?

L’offensive du Têt, une bataille décisive de la guerre du Vietnam

LIFE , 9 février 1968
Phil Hearse 
L’offensive du Têt, une bataille décisive de la guerre du Vietnam

Menée en janvier et février 1968, l’offensive du Têt a scellé la défaite états-unienne dans la guerre du Vietnam. Paradoxalement les armées insurgées — l’Armée populaire du Vietnam (APL) et le Front national de libération (FLN) — n’ont atteint que peu de leurs principaux objectifs politiques et militaires et ont subi des lourdes pertes. Mais l’ampleur dramatique de l’offensive et les images des luttes urbaines visibles sur les écrans des télévisions du monde entier ont convaincu les opinions publiques mondiale et américaine que cette guerre ne pouvait pas être gagnée par les États-Unis. 

Vietnam : Cu Chi, une Ville Rebelle souterraine

Maquette de principe du complexe souterrain de Cu Chi.

« Personne n'a démontré plus d'habileté à cacher ses installations que le Viêt-công, une organisation de taupes humaines ».


Dans la bouche du général William Westmoreland, commandant en chef de l'armée américaine au Viêt Nam, il s'agit bien d'un compliment. Il n'est pas immérité : les vietnamiens ont creusé - de la guerre contre la France à la fin des années 1940 jusqu'à la victoire finale en 1975 - l'immense réseau souterrain de Cu Chi, qui devait permettre aux combattants vietnamiens de ravitailler depuis la piste Ho-Chi-Minh et d'implanter une zone de combat sans massif forestier -après les bombardements-  proche de Saïgon.

Mike DAVIS : Bombsville au Vietnam

 Da Nang, arrestation d'une Viet Cong en octobre 1972

En d’autres termes, la voiture piégée était tout d’un coup devenue une arme semi-stratégique comparable sous certains aspects à l’aviation dans sa capacité de détruire objectifs militaires centraux et cibles urbaines critiques, ainsi que de terroriser la population de villes entières.
Mike Davis

Dès les premiers temps de la guerre, les révolutionnaires vietnamiens pratiqueront la propagande par le fait, en multipliant les assassinats et les attentats, qu'ils avaient déjà pratiqué contre l'armée d'occupation japonaise. Reprenant ainsi, les actions des résistants français durant la second guerre mondiale contre les occupants nazis et leurs collaborateurs. La réponse de l'armée française et de la police franco-vietnamienne, puis par la suite sud-vietnamienne, sera  la torture et les assassinats. La violence est dans les deux camps, jusqu'à la fin du conflit.
Plan d'attaque Vietcong contre un club militaire coréen à Saigon

MAYOTTE : Esclavagisme moderne et Bidonvilles

Tant qu'un homme pourra mourir de faim 
à la porte d'un palais où tout regorge, 
il n'y aura rien de stable dans les institutions humaines.

Eugène Varlin

Mercredi 19 octobre 2011 : Trois semaines de rassemblements et de manifestations à Mayotte, en France. Au cours d'une manifestation, Ali El Anziz est décédé suite à un tir de grenade lacrymogène de la police. Le  préfet, évoque un malaise cardiaque... [!] Mayotte, département français d'Outre Mer où s'érige, comme en Guyane, à Nouméa, les plus grands bidonvilles de France. 

Mike Davis les émeutes de Los Angeles 1992

Los Angeles riot, 1992

Rodney King ? Merde ! Tous les jours mes potes sont frappés comme des chiens par les flics. Cette émeute, c’est pour tous les copains assassinés par les flics, pour notre petite sœur tuée par les Coréens, pour les vingt-sept ans d’oppression... L’affaire Rodney King n’a été qu’un détonateur.
Un Blood d’Inglewood
Mike Davis
Los Angeles n’était qu’un début
Le bûcher des illusions

Los Angeles : un transport de troupes blindé occupe le coin de la rue — un gran sapo feo, un gros crapaud moche, comme dit Emerio, un gamin de neuf ans. Ses parents évoquent avec anxiété, presque en murmurant, les desaparecidos : Raul, de Tepic, ou le grand Mario, la fille des Flores ou le cousin d’Ahuachapan. Comme tous les Salvadoriens, ils savent, d’expérience, à quoi s’en tenir sur les “disparitions” ; ils se souviennent de la guerre, au pays, des corps sans tête et de l’homme dont la langue avait été passée par le trou ouvert dans sa gorge, lui faisant comme une sorte de cravate.

Manhattan : l'urbanisme extrême du capitalisme

Hugh Ferriss, illustrateur, étude impact loi 1916 sur les buildings, New York


Dans tout cela, pas de manifeste, pas de débat architectural, pas de doctrines urbaines, pas d'idéologie, pas de théorie, une seule réalité : le gratte-ciel.
 Rem Koolhaas
New York Délire

Au début du 20e siècle, les quartiers d'affaires des grandes villes américaines -Manhattan à New York, le Loop à Chicago- représentent l'expression de l’idéologie capitaliste post-industrielle dans l'espace réel de la ville. On peut ici avancer l’idée d’idéologie réalisée. Ils se distinguent, en tout premier lieu, par les buildings puis les sky-scrappers. Ce type d'architecture et l'urbanité qu'il induit n'est le produit d'aucun modèle intellectuel, de mouvement idéologique ou utopique. L'architecture et indirectement le modèle urbain des quartiers gratte-ciel se sont constitués sans pensée théorique préalable :  les premiers grands trusts capitalistes utilisant à profit et au mieux les prodigieuses avancées technologiques ont ainsi produit un modèle sans véritable théorie, sous l'égide des politiques,  souvent associés aux grands financiers. L’architecte Rem Koolhaas, dans son ouvrage « New York Délire » affirme à ce propos : Dans tout cela, pas de manifeste, pas de débat architectural, pas de doctrines urbaines, pas d'idéologie, pas de théorie, une seule réalité : le gratte-ciel.

François Ascher : Droit à la Mobilité

Il sorpasso [Le fanfaron] film de Dino Risi, 1962. 

François Ascher [1]
Le mouvement dans les sociétés hypermodernes
Conférence à l’Université de tous les savoirs,  4 janvier 2006

La question du mouvement est intimement liée à celle du changement et elle est au cœur des interrogations sur la modernité. Je voudrais donc vous proposer quelques définitions du mouvement, de la mobilité et de la modernité, à partir du Littré, du Petit Robert et de quelques ajouts personnels.