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ITALIE | Urbanisme Sécuritaire





La revue italienne San Rocco, consacrée à l'architecture, publiait en décembre 2010, ces images contre les propositions du ministre de l'Intérieur de restreindre et de contrôler les accès des grandes places lors des manifestations ; grande idée suggérée à la suite des turbulentes manifestations étudiantesLe maire de Rome soutenait le projet, ainsi que nombre de personnalités politiques.

En illustrations ironiques San Rocco
reprend les dispositifs sécuritaires DASPO  [un acronyme pour Divieto di accedere alle Manifestazioni sportive] que l'on trouve aux abords des stades, ces barrières de sécurité équipées de tourniquets et autres dispositifs pour réglementer et hyper-contrôler leur accès. L'on songe aux propos du philosophe italien Giorgio Agamben qui écrivait après les émeutes survenues à Gênes en 2001 contre la grande réunion G8 :


" À Gênes, on a vu comment on peut élever des grilles et des portails, et transformer le tissu urbain vivant en un espace mort qui rappelle celui des villes pestiférées et des camps de concentration. " Voilà la ville, voilà le monde dans lequel nous allons vous faire vivre, dans lequel, même si vous ne vous en êtes pas encore rendus compte, vous vivez déjà " : c'est celui-là, le message qu'à Gênes, le pouvoir a lancé à l'humanité. C'est à l'humanité de l'entendre, ce message, c'est à nous de réussir à penser les réponses à lui apporter. Nous devons réagir à ce qui est peut-être, après le projet nazi d'un nouvel ordre mondial, le plan le plus invivable et fou qu'un pouvoir ait jamais imaginé pour ses sujets."
Giorgio Agamben
Genova e la peste [Gênes et la peste] 
Il Manifesto


GUERIN | FASCISME & GRAND CAPITAL




« Le pays ne sera sauvé que provisoirement par les seules frontières armées : il ne peut l'être définitivement que par la race française, et nous sommes pleinement d'accord avec Hitler pour proclamer qu'une politique n'atteint sa forme supérieure que si elle est raciale, car c'était aussi la pensée de Colbert et de Richelieu.»

Jean Giraudoux
Pleins pouvoirs | 1939



« D'autre part, le fascisme préfère susciter la foi plutôt que s'adresser à l'intelligence. Un parti soutenu par les subsides du grand capital et dont le but secret est de défendre les privilèges des possédants n'a pas intérêt à faire appel à l'intelligence de ses recrues... »

« Le fascisme n'hésite pas à séduire les masses au moyen d'une démagogie passe-partout. Il promet la lune à chaque catégorie sociale, sans se soucier d'accumuler les contradictions dans son programme.»

« Le fascisme, de quelque nom qu'on l'appelle, risque de demeurer l'arme de réserve du capitalisme dépérissant.»

Daniel Guérin
Fascisme et grand capital
1936, complété en 1945


L'ouvrage Fascisme et Grand Capital, de Daniel Guérin, est le récit de la montée du fascisme en Europe, le fruit pourri d'une crise économique longue et destructrice, et l'expression de la décadence de l'économie capitaliste ; il n'est pas le produit du grand capital en tant que tel, mais il le devient à partir du moment où son hégémonie sur les masses - sincèrement convaincues ou réprimées et rendues muettes par la force - prend de l'amplitude.

La percée des partis politiques nationalistes en ce début de 21e siècle se différencie ainsi de leurs ancêtres : pas de milices armées agissant en toute impunité, pas de programme politique radical appelant à une révolution totale, c'est-à-dire, utopique {1}, ni d'homme providentiel capable de soulever, réveiller l'enthousiasme d'immenses foules et guider leurs instincts les plus pervers, dont guerrier et xénophobe. En France, nul ne pouvait prétendre incarner cet homme providentiel - l'on tenta sans succès de faire accéder à ce statut de demi-dieu Léon Blum, puis Pétain.


GARNIER | ESPACE INDÉFENDABLE




Jonathan Olley
Irlande
1999

Jean-Pierre Garnier

UN ESPACE INDÉFENDABLE

L’aménagement urbain à l’heure sécuritaire



“ La forme suit la frousse et vice-versa ”
Nan Ellin

L’image de la ville, “refuge des libertés ” et “havre de paix ”, image encore proposée par des auteurs complaisants qui refusent de considérer ces désordres et ces drames de la guerre civile, est sans doute l’une des plus flagrantes impostures de l’histoire de nos sociétés d’Occident.” En faisant la part des choses, cette appréciation de l’historien Jacques Heers, en conclusion de sa magistrale étude sur la ville médiévale (Heers J, 1990), semble pouvoir être transposée aux discours, doctes ou communs, que l’on entend ici et là aujourd’hui, célébrant ce “ lieu par excellence du vivre-ensemble ” que serait la “ ville de l’âge démocratique ”, alors qu’une guerre sociale rampante est en train d’en démentir l’avènement.