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Slumming INDIA




Gita dewan Verma est une architecte urbaniste Indienne, auteure d'un livre magistral intitulé Slumming India, paru en 2003, faisant encore aujourd'hui référence (réédité en 2012) et toujours pas disponible en français (il n'est hélas pas le seul dans le domaine de l'urbanisme politique). Ce pamphlet politique, dans la veine des textes d'Arundhati Roy, est une tribune salutaire, une critique dévastatrice contre la "nouvelle classe" dirigeante mais aussi contre le programme urbain-politique de la World bank, et des ONG associées, qui entérine l'existence même du bidonville comme une réalité éternelle, et met un terme à une quelconque politique plus ambitieuse, plus humaine. Le vrai problème considère Gita, n'est pas la misère urbaine omniprésente qui nous choque, mais bien la faillite morale et intellectuelle qui la fabrique....

Urbanisme Colonial à Pointe-à-Pitre | 1848 – 1967





Denise Colomb | Guadeloupe | 1958

« Elle a germé, la ville, d’un magma de misère et d’un maigre cadastre, d’une eau trouble, d’une aurore cassée. Ce n’était qu’un comptoir, qu’une maison de passe, qu’un enclos, qu’un caillot, qu’une dissidence, qu’une blessure ouverte de l’histoire. »
Ernest Pépin | 2007


L'urbanisme colonial, après l'abolition de l'esclavage en 1848 en France, adopte bien des configurations en fonction des particularités économiques du pays colonisé, de la nature « bonne » ou « méchante » des colonisés, du climat et des caprices des éléments naturels, de la géographie, de l'héritage urbain et architectural, autochtone pré-colonial ou importé, et de la vocation de la ville – militaire, commerçante, industrieuse, administrative, agricole - assignée par l'administration.

Mais la colonisation est par définition une domination spatiale, qui se décline en plusieurs échelles, du grand territoire à l'espace urbain des villes que le pouvoir colonial organise, réglemente et contrôle, selon deux grands principes : un principe discriminatoire, et social et racial, associé au principe répressif, principes atténués mais aussi fonctionnels dans les villes post-coloniales de l'Union française de l'après seconde guerre mondiale. Aimé Césaire, longtemps maire de Fort-de-France en Martinique déclarait ainsi : « Nous avons reçu les premiers CRS avant de voir la première application de la Sécurité Sociale.»

Pointe-à-Pitre | Mé 67




Mai 67 à Pointe-à-Pitre : des gendarmes mobiles ouvrent le feu sur un rassemblement d'ouvriers du bâtiment en grève, puis, pendant trois jours la ville connaît une guérilla urbaine faisant entre 10 et 100 victimes civiles, incroyablement leur nombre reste inconnu, ou détenu dans les archives de la police. Pour évoquer cette tragédie, nous publions un très beau texte romancé du poète Ernest Pépin, Manman lagrev baré mwen Mai 67 raconté aux jeunes, suivi d'un entretien de Jean-Pierre Sainton, jeune témoin alors des événements.

Manman lagrev baré mwen
Mai 67 raconté aux jeunes

Ernest Pépin | 2007
via Potomitan

Jeune homme! Viens m’aider à mettre de l’ordre dans mes papiers!
La voix de mon grand-père sonna comme un coup de clairon. Je ne pus m’empêcher de réprimer un mouvement de mauvaise humeur. J’avais mes affaires à faire et je sentais que cette voix là n’aurait toléré aucune discussion ni aucune dérobade. Il me fallait m’exécuter. Depuis qu’il est à la retraite, grand-père n’arrête pas de remuer de vieux papiers, des souvenirs, comme si, pour lui, l’heure était venue de passer en revue les grands moments de sa vie. Rien d’extraordinaire à mes yeux. C’était un Guadeloupéen comme les autres. Il portait bien ses 70 ans avec le corps de quelqu’un qui n’avait jamais couru devant le travail et qui savait ce qu’il voulait sur cette terre où nous ne faisons que passer. On pouvait lire sur son visage une certaine fierté d’avoir honoré son contrat avec sa famille, son pays et lui-même. N’avait-il pas, né au plus bas de la misère, réussi à élever dignement ses deux enfants, à construire une belle villa entourée d’un superbe verger, à aimer sa femme Anadine d’un amour solide qui se passait de grandes démonstrations mais qui coulait en eux comme l’eau d’une rivière. Parfois, je le voyais s’envoler dans de longues méditations ponctuées de gros soupirs. Je devinais alors qu’il revivait un mauvais moment, une passe difficile dans laquelle certains hommes se perdent.