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Claude DITYVON


Bidonville de la Courneuve | 1966 - 67



Mai 68


CLAUDE DITYVON 
[1941 - 2008 ]


« J'avais envie d'évasion, de terrains d'aventure : le bidonville de la Courneuve me permit de rencontrer un montreur d'ours et sa famille. Autour des pneus abandonnés qui flambaient, des gosses hirsutes, sauvages ricanaient de moi. Au delà des baraquements construits à la va-vite se dessinaient de longues chaînes d'immeubles HLM. En échange de quelques vêtements, je fus admis sur leur territoire. Mes premières images furent intenses, sans misérabilisme. Cette expérience m'apprit beaucoup. Sans le savoir je traçais déjà et définissais une écriture visuelle. Je m'inventais un regard. »



SONACOTRA | l'APARTHEID en France



Carte postale propagande Sonacotra | 1970s

SONACOTRA 
l'APARTHEID en France
LUTTE des FOYERS [1974 - 1980]


Prétendre qu'il existe des populations aux caractéristiques telles qu'il est nécessaire de construire pour elles des logements spécifiques c'est poser que ces caractéristiques sont données et qu'elles isolent et distinguent définitivement ces catégories du reste de la population. […]
Ainsi le thème d'une « nature » particulière supposée rejoint les thèmes principaux de l'idéologie raciste.
Mireille GINESY-GALANO | 1984


Banalisée par le temps, acceptée de fait par les partis politiques, les syndicats et la société française, un quasi consensus normait  la mise à l'écart du prolétariat immigré célibataire – une spécificité française, le foyer d'immigrés-isolés n'existe dans aucun pays européen proche de la France [1]. Il était normal que les immigrés vivent là. La longue lutte des résidents des foyers-hôtels Sonacotra débute en 1974 pour se terminer en 1980. Au plus fort de la lutte, 130 foyers se déclarent en « grève », soit 30.000 résidents immigrés exigeant des conditions de vie plus décentes et plus dignes humainement.

La première grande lutte d'ampleur en France de grève des loyers – et la dernière -, d'une étonnante longévité, ayant réussi le double pari improbable de solidariser 27 nationalités qui auparavant au mieux s'ignoraient, au pire s'opposaient, et dans le même mouvement, de fédérer nombre de foyers-hôtels. Monique HERVO considérait que cette lutte était à l'avant-garde, « très en avant par rapport aux luttes urbaines françaises. » Mais cette lutte fut aussi celle des associations citoyennes, pour la défense des immigrés, souvent créées depuis peu, interpellées et réactives : un élan de générosité, de dévouement de leurs militants anonymes qui soutenaient solidairement et bénévolement les grévistes en leur offrant leur temps et  leurs compétences (avocats, juristes, magistrats, médecins, cinéastes, artistes et architectes). Elle fût celle des organisations politiques de l'extrême gauche, qui ont initiées le mouvement et apportées un soutien sans faille. Il s'agit de la première grande mobilisation politique anti-raciste franco-immigrée.


Une lutte qui a au final été une défaite, mais qui a remis en question le programme résidentiel néo-colonialiste, ségrégatif dit-on aujourd'hui, de la Sonacotra, de l'Etat, l'institutionnalisation de la séparation forcée, la mise à l'écart de la vie sociale des travailleurs immigrés célibataires.


Abdelmalek SAYAD | Le foyer des sans-famille





Photo | Claude DITYVON

Abdelmalek SAYAD
Le foyer des sans-famille*
Actes de la recherche en sciences sociales.
1980


S'il est vrai que la raison essentielle de l'émigration réside dans la recherche du travail et que c'est aussi le travail qui peut, seul, justifier la présence de l'immigré, ce dernier se trouve dans une situation différente de celle de l'ouvrier indigène. Alors que celui qui est né dans le pays, est censé y avoir une résidence, l'immigré, venu d'un autre pays, demande à être logé immédiatement, dès son arrivée ou tout du moins dès son embauche.

Travail et logement, liés dans une relation de mutuelle dépendance, constituent, pourrait-on dire, les deux éléments qui définissent le statut de l'immigré : l'immigré n'a d'«existence» (officielle) que dans la mesure où il a un logement et un employeur ; pour pouvoir se loger et, plus largement, séjourner en France, il faut travailler et pour pouvoir travailler, il faut être logé (c'est-à-dire autorisé à séjourner en France) (1). 

FRANCE | BIDONVILLES






Le passage de la “brigade Z” variait selon les périodes. Les équipes, composées de trois à huit policiers munis de masses ou d’arrache-clous parcouraient toute la journée les ruelles en quête d’une construction à détruire. Face à ces abus de pouvoir, les habitants ne pouvaient rien opposer. Les sanctions étaient d’une sévérité graduelle : menaces ou démolition, vieilles planches, vieux volets, tôles confisqués, sacs de ciments éventrés, embryons de jardin saccagés.

En 1965, l’université de Nanterre fut construite sur un terrain jouxtant les bidonvilles. La proximité de ces deux éléments constituait un mélange explosif. Plusieurs étudiants n’hésitèrent pas à tenter de faire entrer les enfants ou adolescents du bidonville au restaurant universitaire, obligeant la police à intervenir pour chasser ces jeunes venus manger gratuitement.


Yvan GASTAUT
Les bidonvilles, lieux d’exclusion et de marginalité en France durant les trente glorieuses
Cahiers de la Méditerranée, 69 | 2004
Nota Bene : hors illustrations

La marginalité dans les villes méditerranéennes au vingtième siècle s’est développée dans des lieux spécifiques : en matière de logement, les bidonvilles en ont été la forme la plus répandue. Fléau constaté dans le Maghreb colonial autant qu’en métropole, ce phénomène a mis en scène une exclusion sociale et parfois ethnique qui offre à l’historien un bon terrain d’étude des processus de discrimination. Les déséquilibres engendrés par une urbanisation mal contrôlée ont provoqué ces excroissances, véritables poches de marginalité que les pouvoirs publics ont bien mal maîtrisé.

FRANCE | Le Logement des Travailleurs Immigrés


ESPACES & SOCIÉTÉS
Revue critique internationale de l'aménagement de l'architecture et de l'urbanisation
n° 4 | 1971