Quand de Bonnes Bombes Tombent sur des Méchants


Quand de Bonnes Bombes Tombent sur des Méchants

« Les deux chapitres qui suivent : Quand de bonnes bombes tombent sur des
méchants et Plus de femmes, plus d’enfants, plus vite, traitent de l’utilisation
de la force aérienne conventionnelle à l’encontre des populations civiles.
Coïncidence : alors que je terminais ces pages, dans le golfe Persique, des
pilotes se préparaient à des missions qui devaient assombrir encore la
malheureuse histoire des non-combattants victimes d’attaques aériennes.  »

Joe Sacco *
Initialement parue dans le recueil Journal d’un défaitiste – 2004
Via : Esprit 68.org


« Quand le chef d’état-major des armées, Michael J. Dugan fut viré en septembre 1990, en raison de son excessive sincérité concernant le ciblage de Saddam Hussein, de sa famille et de ses maîtresses, il avança des hypothèses qui n’échappèrent pas aux principaux observateurs. Les cibles
militaires, disait Dugan, ne suffisent pas ... « Qu’est-ce qui a vraiment de l’importance pour la culture irakienne ? Qu’est-ce qui aura le plus gros impact sur la population et le régime » (Los Angeles Times, 16 sept 1990). On espère que ces remarques lui étaient personnelles et ne relevaient pas d’un éventuel débat officiel à la Maison Blanche, mais peut-on se permettre ce genre de d’illusions ? On peut n’avoir aujourd’hui aucun grief contre un peuple, et le bombarde demain pour le faire plier, pour tuer le plus grand nombre possible de ses représentants.

Les exemples historiques parlent d’eux-mêmes, er dans Quand de bonnes bombes tombent sur des méchants, je les laisse s’exprimer, à travers la parole et la plume des militaires, politiciens, scientifiques, bureaucrates et médias grand public des Etats-Unis. Je dresse les portrais des attaques sur nos ennemis d’hier et d’aujourd’hui : Allemagne, Japon et Libye, sans chercher à les replacer dans le contexte des atrocités allemandes ou japonaises, incluant les bombardements de Varsovie, Rotterdam, Londres, Chungking et autres. Je laisse de côté les affirmations américaines
concernant la Libye et le terrorisme. Je n’ajoute rien au débat actuel sur la possibilité pour des forces aériennes de gagner une guerre.

Je m’intéresse en clair à ceux qui formalise l’emploi de l’arme aérienne, à leur ton, leur détachement, leur tendance à l’intensification. Mon approche, sans narration pour les différents épisodes entre eux, laisse des vides historiques, qui sont dans une certaines mesure répertoriés, page 129 et dans les brèves introductions qui suivent :

Bombardements anglais sur l’Allemagne, 1940-1945. Pendant presque toute la guerre, les offensives des bombardiers de la RAF furent pour l’Angleterre le principal moyen de combattre l’Allemagne. Pour éviter les pertes, les Anglais bombardaient de nuit, et une très grande partie des bombes tombaient à distance de leur cible. L’idée de bombardement massif fit son chemin : si des centaines de bombardiers pouvaient être envoyés au dessus d’une ville en un temps record, là où des bombes auraient peu d’impact, l’effet d’accumulation devenait dévastateur. Avec les bombardements, les Anglais coulaient tuer, déloger, autrement dit perturber les travailleurs de l’industrie allemande. La cible était le moral des civils allemands – (A L’inverse, dans la guerre européenne, les Etats-Unis visaient avec précision des sites stratégiques, de jour, et la terreur ne fut utilisée que ponctuellement sur des alliés balkaniques des Allemands et sur Dresde, par exemple.)

Bombardement américain sur le Japon, 1944-45. Des raids à haute altitude de B-29 ne produisirent pas l’effet souhaité sur l’industrie japonaise, surtout constituée d’ateliers à domicile. Les maisons de bois et la densité de la population faisaient des villes japonaises des cibles extrêmement vulnérables. En mars 1945, le général Curtis Le May (le candidat de George Wallace à la vice-présidence en 1968) perfectionna les raids incendiaires à basses altitude qui embrassaient des quartiers entiers des villes. Tokyo ne fut que le premier et le plus dramatique exemple de cette campagne. Le bombardement atomique éclipsa l’ampleur des raids incendiaires qui dans certains cas, firent beaucoup plus de morts et détruisirent plus complètement des villes. (La dimension raciale de la guerre du Pacifique est bien décrite dans War Without Mercy de John Dower.)

Bombardements américain de la Libye, 14 avril 1986. Le 5 avril 1986, une bombe détruisit une discothèque d’Allemagne de l’Ouest, tuant deux appelés américains et une femme turque, et faisant beaucoup d’autres blessés. L’administration américaine accusa Kadhafi et lança des attaques aériennes sur Tripoli et Benghazi (tuant quelque 37 Libyens), officiellement pour prévenir le terrorisme libyen. « L’irréfutable » procès fait à la Libye a, depuis, été contesté.  »










* A propos de Joe Sacco et de cette bande dessinée .

Joe Sacco est un auteur de bandes dessinées d'origine maltaise, né en 1960 et travaillant aux États-Unis. Il s’est notamment fait connaître par ses deux albums Palestine : Une nation occupée et Palestine : Dans la bande de Gaza, qu’il réalise après un voyage de plusieurs mois en Palestine et Israël en 1992. Ces deux œuvres le désigneront comme l’un des principaux représentants du BD-journalisme, genre dans lequel il continuera d’exceller. De ses voyages en Bosnie entre 1995 et 1996, il tire Gorazde, la guerre en Bosnie orientale,
Derniers jours de guerre et The fixer, une histoire de Sarajevo. Il retourne à Gaza en 2001 et en 2003 pour réaliser le très impressionnant Gaza 1956, en marge de l'histoire. Il se rend également en Inde, en Irak, dans le Caucase et à Malte pour réaliser Reportages, paru en 2011. En 2012 il publie avec le journaliste américain Chris Hedges Jours de destruction Jours de révolte qui décrit les zones des Etats-Unis surexploitées et dévastés par le système capitaliste.

Quand les bonnes bombes tombent sur les méchants, fait partie d’un recueil de Jo Sacco paru en France en 2004 aux éditions Rackham sous le titre Journal d’un défaitiste.

Via : Esprit 68.org

Réédition en septembre 2014






Jours de destruction, jours de révolte
Textes de Chris Hedges. Récit et dessins de Joe Sacco
Editions FUTUROPOLIS
Première parution : 02/11/2012
195 x 265 mm
320 pages
Prix de vente : 27 €
Code Sodis : 790272
ISBN : 9782754808767

Joe Sacco et Chris Hedges ont entrepris d’examiner les zones sinistrées des USA, ces régions qui ont été sciemment exploitées au nom du profit, du progrès et de l’avancée technologique. Ils ont voulu montrer à quoi ressemblait la vie des populations dans ces endroits où les lois du marché régnaient en maître, où les êtres humains et la nature furent exploités avant d’être ensuite abandonnés afin d’en tirer un maximum de profits. Ils ont voulu voir ce que l’idéologie du capitalisme décomplexé signifie pour les familles, les villes, les travailleurs et l’écosystème. De la réserve indienne de Pine Ridge dans le Dakota aux militants d’Occupy Wall Street, les auteurs dressent un constat peu optimiste sur l’Amérique contemporaine, celle dont le taux de pauvreté est le plus élevé des pays industrialisés.




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