VELO PORTABLE








L'on observe dans plusieurs métropoles d'Europe, l'engouement des citadins pour le vélocipède pliable ; à Bruxelles, nul besoin de consulter les statistiques pour constater de visu leur nombre augmenter. Snobisme écolo, effet de mode lié à la conjoncture économique, ou phénomène plus structurel palliant les difficultés de mobilité urbaine, et de l'habitat ?

A Londres où le phénomène est le plus remarquable, un reportage de CNN titrait : Folding bikes revolutionize Communting (le vélo pliable révolutionne les déplacements domicile-travail) et pour ce type d'utilisation le folding bike prend le nom de commuting bicycle. Aux Pays-Bas, le parti politique Vert GroenLinks appelle à promouvoir le principe du "Groen Reizen" (déplacements domicile-travail Verts) – le Bike to Work est lui à la mode en Europe - accordant un rôle-clé au « système » vélo portable – transports public et privé.

A défaut d'études sérieuses – l'urbanisme théorique en France et en Belgique est muet sur ce sujet - nous avons consulté les forums Internet dédiés au folding biking, interrogé vendeurs spécialisés et principaux intéressés : leurs usagers. 



PLAISANCIERS ET CARAVANIERS

Le vélo pliable n'est pas une invention militaire, mais les ingénieurs de l'armée dès la fin du 19e siècle s'appliqueront à perfectionner l'engin. Dans le domaine civil, le vélo pliable appartient historiquement à deux mondes, celui des propriétaires de yachts, de bateaux de plaisance, et celui plus populaire des caravaniers : le mini-vélo était, dans les années 1960, parfaitement adapté au peu d'espace disponible de leurs habitacles. Destinés à être transporté dans une caravane, un bateau ou une péniche, une voiture, et non pas porté, les premiers modèles privilégient le pliage, ou le démontage, le faible encombrement, et le poids de l'engin n'était pas alors considéré comme un inconvénient majeur. Pendant longtemps, le vélo pliable a été conçu pour un usage occasionnel, comme un objet de loisirs pour vacanciers, pour les randonneurs du week-end, etc. Les années 70 sont considérées comme le "Golden Age of folding bikes", les catalogues des industriels comportent plusieurs modèles de vélos pliables : en Allemagne, « Les vélos pliants avaient une part de 35 % du marché en 1975 », selon Carsten Schabacher du Vélo Club Allemand, tandis que les années 1980 marquent leur mystérieux déclin. Populaire, produit en série par les industriels, le vélo pliable va devenir progressivement en Europe, un objet luxueux, fabriqué artisanalement par quelques constructeurs ingénieux (ou non d'ailleurs).




CHEF-D'ŒUVRE TECHNIQUE

Objet gadget, de loisir, le mini-vélo pliable des années 1970, a évolué pour devenir aujourd'hui une machine savante, un véritable concentré d'ingéniosité, de haute technologie et d'alliages légers (carbone, titane et kevlar), allégeant considérablement son poids ; les vélo portables d'aujourd'hui ont peu en commun avec leurs prédécesseurs. La Rolls-Royce du vélo portable, les folding bikes "made in London" de la compagnie britannique Brompton bicycles Ltd [1] pèsent pour les plus légers, 9 kilos, l'inconfortable Strida, 6 kilos, contre 20 kilos pour un vélo de ville classique. Pour les plus compacts, après un pliage rapide, l'objet houssé ou non se transporte – assez - aisément partout : à pied, dans le train, train régional, métropolitain, tramway, ascenseur, la voiture, en taxi, etc. Selon un constructeur français, le vélo portable est ainsi un « assistant de mobilité individuelle ».

Ce type spécifique de vélos urbains [2] a été pensé pour répondre aux problèmes de déplacement dans les grandes villes, et de commuting, et leur encombrement une fois plié, a été déterminé par les lois en vigueur les autorisant à emprunter les transports publics gratuitement. Le vélo portable voyage gratuitement en TGV, ce qui n'est pas le cas pour son cousin classique.  De fait, comme l'évolution du téléphone, ou de l'ordinateur, le vélo pliable, pour certains modèles urbains, est devenu un « vélo-portable », transportable, et multifonctionnel.




Peu confortable sur route (position, assise, rue pavée, pente raide, etc.), l’utilisation du vélo portable est recommandée pour des courtes distances – entre 5 et 10 kilomètres selon la corpulence et la force de l'usager – et pour une utilisation en mode multimodal, c’est-à-dire, associé à un ou plusieurs moyens de transports. De même, une fois replié, le poids de l'objet peut être une contrainte pour de longs trajets piétons, mais dans la plupart des cas, sa position semi-pliée, des roulettes intégrées à la housse de transport – voire une roue du vélo – évitent une trop grande pénibilité de déplacement. C'est aussi un objet multifonctionnel qui peut se transformer, grâce à des kits – en option – ingénieux, en panier de course, poussette ou valise, et de la même manière, des accessoires sont disponibles : sacoche pour ordinateur portable, porte bagage, voire un « siège » pour enfant, une remorque, etc... (dans ces cas, le vélo-portable devient de fait un vélo de ville classique). Une nouvelle génération de vélos pliables à assistance électrique arrive sur le marché, mais pour les « puristes » leur poids trop important les rendent parfaitement intransportables, et anti-écologiques pour les écolo-bikers.

ECOLO ?

Le vélo portable dépasse largement le cadre des débats concernant l' « écologie » urbaine, celui de la pratique de la bicyclette en tant que mobilité propre – dans les deux sens du terme - respectueuse de l'environnement, et autres considérations « durables ». Dans son utilisation quotidienne, sous-jacentes, ces préoccupations sont subordonnées à celle d'une liberté de mobilité contre la tyrannie des transports en commun – que ce soient les horaires, les dessertes, les fréquences ou le temps de parcours -, que l'on peut élargir à celle des réseaux privés de location de vélo en libre-service (Vélib, Velo'v, Villo, etc.), et à celle d'un instrument de transport individuel pouvant se transformer et emprunter – gratuitement – les transports en commun, ou bien, se ranger dans le coffre d'une voiture. Même si les constructeurs argumentent dans ce sens et évoquent une « mobilité individuelle durable ».

Pour les usagers l'utilisant quotidiennement pour leurs déplacements domicile-travail, le gain de temps, et l'intermodalité sont les principaux motifs d'achat, et l'idéologie dans l'air du temps, selon Patrick Garde [A vélo citoyens !, 2009], d’utiliser le vélo comme « outil d’agitation qui vise à promouvoir la pratique du vélo comme alternative aux modes de transports polluants » ne semble pas être la principale préoccupation : il s'agit surtout d'adopter un « système » de moyens de transport combinés pour aller plus vite d’un point à un autre, et combler les lacunes de la mobilité publique. D'ailleurs de nombreux usagers interrogés l'utilisent avec leur voiture.


LE VOL

Le vol : C'est, pour les spécialistes de la mobilité, le principal frein au développement de la pratique du vélo ; et ils constatent, depuis quelques années, son formidable développement dans toutes les grandes villes européennes. Sur le territoire de Bruxelles, le vol de vélo – quel que soit son état – y est à ce point développé – l'on parle de filières spécialisées – que les associations de cyclistes exigèrent, il y a peu de temps, de la police des mesures, un plan de lutte, pour arrêter l’hémorragie [3].

Le vélo portable constitue ainsi une bonne alternative au vol : on l'emporte partout avec soi, et il peut être rangé à domicile, car les vols s'effectuent autant sur l'espace public que dans les cours, escaliers, couloirs et paliers des immeubles. Les vendeurs spécialisés de folding bike avancent que c'est un argument de vente essentiel pour ceux qui vivent dans des appartements de petite taille, ou en étage sans ascenseur, stocké à l'abri, ils sont ainsi débarrassés de la crainte d'un vol.

Cela étant, les vélos les plus convoités par les voleurs sont, pour leur valeur, les vélos portables (et les vélos électriques), et l'on observe – à Bruxelles – peu de Brompton, de Bike Friday et autres modèles moins luxueux stationnant sur l'espace public : en d'autres termes, la convoitise des voleurs vous oblige à – effectivement – devoir l'emporter partout avec vous... et à vivre dans l'autre crainte, une sorte de paranoïa – le mot est juste -, de ne pas pouvoir le laisser « dehors » sans surveillance, même pour quelques instants.

LE RACQUET

Le vélo portable constitue un excellent moyen d'échapper à l'absence parfois remarquable, dans les grandes villes dotées de réseau de Vélo en libre-service, de dispositifs d'accrochage publics. Des associations de cyclistes à Paris observent que le gestionnaire JCDecaux a, en accord avec la Ville de Paris, littéralement privatisé l'espace public, et la pratique du vélo, favorisant la plus grande occupation des stations de locations - privées -, et leur nombre, au détriment des arceaux d'accrochage publics, et souvent, il n’est pas prévu de place ni de dispositifs pour ranger son vélo dans l’espace public : conséquence, l'on est obligé de l'attacher ailleurs, le long des barrières ou dans des endroits jugés moins sûrs, propices au vol, là aussi où le vandale peut en toute tranquillité « plier » une roue.

Un bruxellois biker interrogé exposait sa pratique quotidienne du vélo comme un acte politique de boycott contre JCDecaux, gestionnaire du réseau de vélo en libre-service Villo, pour qui l'objectif est de rentabiliser les espaces publicitaires des stations, et non de favoriser la mobilité douce : « Je ne veux ni cautionner cette multinationale qui sous-paye honteusement ses employés, ni être la personne qui enrichira Decaux : il faut boycotter ce service privé ! »


VELO CHIC ? : UN INVESTISSEMENT !

Les vélos portables – fiables - présentent l'inconvénient majeur d'être très coûteux ; les prix atteignent des sommes considérables au fur et à mesure que leur poids et leur encombrement diminuent. Ainsi, les folding bikes Brompton, plébiscités par les utilisateurs du monde entier pour leurs faibles poids et encombrement, sont fabriqués quasi-artisanalement en Angleterre ; un savoir-faire et des matériaux employés, qui se répercutent sur les prix de vente : 1200 euros pour le modèle bas de gamme, 2550 euros pour les hauts de gamme entièrement en titane, prix sans les « options » et autres accessoires. Un modèle du constructeur allemand Bernds affiche 3300 euros. En comparaison, le prix d'un « vélo de ville » classique de bonne qualité oscille entre 250 et 300 euros. Les possesseurs le reconnaissent volontiers, les vélos portables Brompton, Bernds, et d'autres marques aussi coûteuses, représentent un investissement : la qualité quasi artisanale leur assure une longévité exceptionnelle, un entretien quasi nul, une fiabilité légendaire, et les témoignages sont pléthores d'utilisateurs heureux assurant le bon fonctionnement de leurs folding bike depuis des années.

Ce qui n'est pas le cas des modèles de série des industriels, qui offrent des vélocipèdes pliables bon marché, mais qui se révèlent à l'usage – souvent - parfaitement désastreux, du fait de nombreuses imperfections (la tige de selle glisse vers le bas, les freins fonctionnent à peine, les câbles s'enchevêtrent au pliage, les charnières sont défectueuses, etc.) en plus d'un poids, d'un encombrement bien plus importants. Le cas de l'industriel B'Twin (marque cycle de Decathlon) donne l'exemple : ayant acheté des copies sous licence du constructeur renommé américain Dahon (en 2010, le Hoptown, copie du Dahon Vitesse) la fabrication souffre cependant de - trop - nombreux sacrifices : un équipement, une qualité de construction et de matériaux de moindre qualité, des systèmes de verrouillage imparfaits, un poids plus généreux, mais pour un prix de vente de moins de 300 euros... soit divisé par trois par rapport au modèle original. D'autres modèles suivront mais les défauts de fabrication se succèdent. Ainsi, peux-t-on lire dans les forums Internet des communautés de folding bikers – de Tokyo ou de Bruxelles -, car il existe de véritables défenseurs d’une marque ou d’une autre, que le choix d'un vélo portable pour un usage quotidien ou fréquent, doit exclusivement porter sur un modèle d'un fabricant réputé, donc coûteux. Le prix à payer pour une longue tranquillité assurée et un confort d'utilisation maximum... Sans oublier une certaine dose de snobisme, ceci expliquant cela.

L'on pourrait penser, à priori, que ces machines coûteuses sont exclusivement réservées à une clientèle aisée, mais notre enquête auprès de vendeurs spécialisés pondère ce propos : d'une manière générale, ils reconnaissent volontiers qu'historiquement les acheteurs se situent plutôt en haut de l'échelle sociale, mais une nouvelle clientèle moins aisée constitue à présent une part de marché tout aussi importante, y compris pour les modèles Brompton, quitte à « casser la tirelire », « rançonner » les parents, ou en abandonnant sa voiture ou son scooter, ou bien, en France, profiter des subventions offertes par les municipalités et Conseils régionaux. Ils observent également, sans pouvoir toutefois établir une loi générale, un marché de l'occasion vigoureux, notamment grâce à Internet. 

Il n'y a pas de catégories spécifiques, ni de profil type d'utilisateurs de vélo portable urbain, si ce n'est ceux qui le considèrent comme un objet de luxe, un signe extérieur de richesse – l'on achète un Brompton en titane -, ceux qui l'utilisent occasionnellement pour les loisirs, et ceux qui l'utilisent quotidiennement pour des trajets domicile-travail. Les vendeurs interrogés différencient, avec humour, ceux qui ne les plieront jamais de ceux qui les plieront quotidiennement. Mais les frontières sont poreuses, aucune loi n'est ici exacte ; ainsi par exemple, à Londres, nombre de jeunes golden boys de la City sont fanatiques des luxueux modèles Brompton, surnommés Broomie, et n'hésitent pas à les enfourcher et à les plier quotidiennement. À Bruxelles, les Brompton bicycles connaissent depuis quelque temps un formidable engouement, notamment auprès de la classe urbaine « créative » fortunée, tandis que celle moins aisée se reporte sur un modèle d'occasion ou son principal concurrent américain Dahon, plus lourd, plus encombrant mais meilleur marché.



Interrogée, une bruxelloise chevauchant un Broomie neuf, nous assure de son peu de fortune personnelle (intermittente du spectacle) et explique son achat (outre le poids plume) pour échapper aux contraintes des transports publics peu adaptées à ses déplacements fréquents d'un point à l'autre de la ville ; concernant le snobisme de l'engin, la plupart des Brompton-bikers avancent plutôt la beauté de la machine. Un folding biker utilisant à la fois son automobile jusqu'aux portes de la ville puis son vélo portable pour se rendre plus rapidement à son lieu de travail (ou le metro en cas d'intempérie) insistait sur le fait que ce « système » de transport rendait plus responsable l'usage de la voiture : « Le vélo pliable nous oblige à la réflexion. » Cet autre folding biker (Bernds) en costume évoque le fait d'aller à son bureau quotidiennement le matin avec son vélo portable mais en métro, pour éviter de transpirer, profession oblige, et rentrer en vélo pour profiter « de la ville plus souriante au-dessus du métro », faire chemin faisant des emplettes, couper à travers le Bois de la Cambre, etc. L'interrogé évacue toute idée de snobisme ou d'effet de mode : « Qui à Bruxelles connaît cette marque ?» et répond simplement que ses moyens lui permettent d'être l'usager d'un modèle onéreux mais réputé pour sa fiabilité. Folding biker depuis peu, il avoue « avoir changer de style de vie, pas moins, libéré de la voiture, des embouteillages et des transports en commun ».

D'autres témoignages ajoutent encore d'autres motifs et qualités pour ce système de transport, tous différents mais ayant comme point commun une liberté de mouvement et une possibilité de choisir entre différents moyens de transport et itinéraires. L'on peut évoquer ici le sociologue Norbert Alter, pour qui « le développement d’une innovation ne repose aucunement sur la qualité intrinsèque des inventions, mais sur la capacité collective des acteurs à leur donner sens et usage ».

L'AVENIR BICYCLIQUE DES VILLES

Vendeurs et utilisateurs quotidiens de vélo portables rencontrés, nous assurent que cette forme de compromis entre vélo de ville et trans-portabilité représente l'avenir de la mobilité urbaine pour ce qui concerne la bicyclette. L'amélioration des modèles, leur constante évolution, loin de reléguer le vélo au domaine des antiquités, placent le folding bike urbain, tel que conçu par les marques réputées, dans une sorte d'avant-gardisme technologique. L'effet de mode « Brompton » s'appuie sur un véritable chef-d'œuvre technique.

L'engouement des citadins pour le vélo portable annonce la « démocratisation » d'un produit coûteux : depuis peu, l'on observe l'intérêt des municipalités qui s'emparent du phénomène, telle ville ou tel conseil régional « subventionnent » (selon des critères et sous certaines conditions) une partie du prix d'achat d'un vélo portable (200 euros max. pour la région Pays de la Loire ou la Communauté urbaine de Bordeaux, par exemples) ; Nantes Métropole et la Société d’économie mixte des transports en commun de l’agglomération nantaise organisaient une expérimentation visant à tester le prêt et l’utilisation de vélos pliants, le « CycloTan », en parallèle de son système de vélo en libre service « Bicloo ». Lille Métropole offre des abonnements pour la location longue durée de vélo portable (60 euros pour un an). Les initiatives politiques se multiplient en faveur du vélo-portable.




Les industriels, après l'apogée et le déclin, l'ont longtemps ignoré mais aujourd'hui l'on remarque la recrudescence de modèles portables dans leur catalogue de vente. En Asie (après le Japon, la Chine), la progression des dépôts de brevets ces dernières années en matière de folding bicycle suggère un accroissement de l’offre dans les années à venir. De même, les constructeurs automobiles (dont BMW, Mini, Volkswagen, etc.) produisent des vélos pliables – et non portables - s'intégrant parfaitement dans le coffre de leurs modèles automobiles.

Les expériences jusqu'à présent de fabrication industrielle de vélo portable – dont celle évoquée de B Twin – destiné à un usage intensif, sont peu convaincantes, voire désastreuses, mais comme le note un membre d'une association de cyclistes, l'on peut avancer l'idée que dans un proche avenir, les parts de marché à conquérir [en France, selon le Conseil National des Professions du Cycle, les vélos pliants ont vu leur volume de ventes en 2011 doubler par rapport à 2010] les incitent à concevoir en série des modèles sinon aussi perfectionnés que les Brompton bicycles, mais légers, robustes et ergonomiques, et bien sûr et surtout, moins onéreux. L'art et la technique du portable est donc un enjeu pour le vélocipède urbain de demain.

Mais est-ce donc pour autant l'avenir de l'Homo Urbanus européen de pédaler en mode vélo-portable ?

Aucune étude sérieuse ne nous renseigne. Le plus remarquable – et intéressant - est qu'aucun urbaniste visionnaire, think tanker prospectiviste, spécialiste des déplacements urbains, n'a envisagé ou prévu un tel essor, ni même commenté cet engouement ; si ce n'est Véronique Michaud du Club des villes et territoires cyclables, qui entrevoit une solution d'avenir : « C'est un atout pour l'intermodalité, on peut le glisser dans un wagon, le monter dans son bureau ou chez soi pour éviter le vol.»

Si l'urbaniste (ou sociologue) ne s'est guère penché sur le phénomène, des rapports économiques concernant la branche industrielle de ce domaine, faits par des instituts en Angleterre et aux Pays-Bas, indiquent que la part de marché des folding bikes est en très nette augmentation, et précisent succinctement qu'à Amsterdam comme à Londres, ce type de produits intéresse, après les citadins aisés des centre-villes, les péri-urbains pendulaires. Sans autres précisions, ces études indiquent et confirment notre intuition que la vente des modèles de folding bike luxueux se concentrent dans les centres anciens bourgeois ou en voie de gentrification, tandis que les péri-urbains s'offrent les modèles bas de gamme des marques concurrentes avec cependant une part non négligeable de modèles de marques réputées.

D'autres facteurs « psychologiques » intéressent Londres : les magazines people alimentent régulièrement le snobisme de la marque nationale Brompton en publiant des photographies de stars, de lords, et autres VIP londoniens décontractés à cheval sur leur monture ; des quotidiens argumentaient sur l'effet Jeux Olympiques, qui a boosté la vente des vélos, et notamment des vélos de ville, au détriment des VTT, réaction des londoniens face à la crainte d'embouteillages féroces ? Enfin, ajoutons que le Royaume-Uni est le pays de Brompton, de Raleigh, mais aussi d'autres folding bicycle companies « locales ».

À Amsterdam, capitale culturelle du vélo, l’embourgeoisement des quartiers historiques et anciens et la venue d'une nouvelle « creative class » aisée a coïncidé avec l'augmentation des ventes du folding bike, renforcée par le fait que le vol des vélos a considérablement augmenté (l'on estime le nombre annuel entre 500.000 et 1 million), malgré la multiplication des parkings surveillés ou sécurisés, tandis que les infrastructures (voiries dédiées et parkings) sont, en centre-ville, complètement saturées à certaines heures (490.000 personnes utilisent le vélo chaque jour dans la capitale), au même titre que celles routières : le vélo portable couplé avec le métro ou le train régional est alors une excellente alternative.




ALTERNATIVES ?

Cette enquête interrogative sans prétention aucune, amène au-delà du phénomène, à une critique des politiques urbaines des grandes métropoles, à leur incapacité à répondre aux problèmes de mobilité et d'accessibilité devenus complexes par l'éclatement des notions d'espace et de temps, fondements de l'urbain. Une critique commune, à divers degrés, à l'ensemble des personnes interrogées. 

Le vélo portable utilisé quotidiennement en tant que système de transport pallie la saturation des réseaux de transport public, la mauvaise desserte des périphéries, tente de réduire au mieux les temps de parcours, et de se soustraire à la médiocrité de l'univers souterrain métropolitain, des trains de banlieue et des gares aussi laides que commercialisées, mais également de sa cohue, de ses foules anonymes et agressives. La désaffection croissante pour les transports collectifs, lorsqu'ils deviennent quotidiennement entre centre et périphérie, à ce point laborieux ou inhumains, a favorisé le développement du vélo portable.

Malgré cela, l'avenir « radieux » des capitales décidé  par les politiques, à Londres comme à Paris, propose encore, malgré les « dysfonctionnements » historiques, un développement exponentiel et infini, dans une sorte de concurrence, de rivalité internationales, encadré par des législations complaisantes à l'égard des mécanismes ultralibéraux de la spéculation – la logique du marché – considérés comme une donnée, une contingence, et non un obstacle à éliminer. La complexité croissante de l'organisation spatiale des capitales et des grandes agglomérations multiplie les mécaniques de la gestion des transports et des mobilités, et elles cumulent deux handicaps majeurs, que Paris porte à son habitude à son paroxysme : 
. accoler une frange périurbaine de plus en plus étendue, à une forte demande de mobilité, à un tissu urbain continu ; 
. présenter dans une large auréole périphérique des densités trop basses pour soutenir un véritable réseau maillé de transports, à fréquences élevées et horaire élargis. 

Dans ce cadre, la théorie des pôles multinodaux péri-urbains plaide – ouvertement - en faveur de la spéculation. C'est le cas de Paris, de Londres et d'Amsterdam (malgré un maillage de transports publics assez dense), Bruxelles, et les villes de Belgique n'entrent pas – encore - dans cette configuration (et l'on observe peu d'utilisateurs de vélo portable dans la gare Bruxelles-Midi).




Ainsi, le modèle Brompton, produit de luxe destiné à l'origine à une clientèle aisée voulant échapper pour d'autres raisons à la promiscuité trop populaire du métro londonien, est en passe de devenir peut-être une alternative « populaire ». Telle que leur brochure indique :

« Le Brompton vous libère des contraintes des transports en vous rendant votre liberté de déplacement. Que vous utilisiez les transports publics, les transports privés ou aucun des deux, un Brompton vous permet de repenser, diversifier et adapter vos déplacements à l’envie. Un Brompton vous libère des contraintes imposées par la vie moderne.

Nous l’avons imaginé comme un moyen de transport personnel, un mode de déplacement qui vous accompagne dans les trains, les avions et les automobiles autant qu’il vous permet de vous déplacer d’un endroit à un autre. Une fois à destination, votre Brompton tient dans un placard, sous un bureau ou dans un vestiaire, à l’abri des vols et des éléments, prêt pour votre prochain trajet. »

Bompton Bicycle Ltd : Booklet 2013.


NOTES

[1] La naissance du premier modèle Brompton en 1975 marque, pour les spécialistes, une date importante, car le folding bike conçu par l’ingénieur présente tout à la fois un pliage compact, des roues de 16 pouces, une solidité accrue, un poids moins important et quelques nouveautés qui permettent à l'utilisateur de ne pas se salir, d'être au contact des pièces mécaniques graisseuses. La marque de vélos Raleigh refuse son prototype. Andrew Ritchie décide alors de le produire au début des années 1980, lorsque prend fin la « mode » du folding bicycle. La Brompton Bicycle Ltd végète, tandis que d'autres constructeurs-inventeurs de génie se lancent dans l'aventure, tel Dahon en 1982. En 2002, Brompton fabriquait 7000 vélos par an, 25.000 en 2009, 32.000 en 2012 avec pour horizon proche 50.000 unité par an.



Pour une histoire complète (en anglais) :

[2] Les principales marques sont présentées et jugées
sur ce site en français :
et ici en anglais :

Toutes les marques sont répertoriées ici en anglais :

[3] TOUS les vélos se volent à Bruxelles... dans l'indifférence générale : la vidéo fait le buzz à Bruxelles :




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