Le degré BOUYGUES de l'Architecture



On a voulu industrialiser la ville. Les conséquences sont l’ennui, le désespoir et la révolte. Ce ne sont pas quelques parcs devant quelques barres qui peuvent rompre la terrible monotonie de la ségrégation. Il faut casser partout le mécanisme de l’exclusion. Faute de quoi, il n’y aura, pas d’identité, pas de dignité, pas de citoyenneté...

François Mitterrand, à Bron
décembre 1990



La Cité de l'architecture et du patrimoine à Paris a inauguré récemment une nouvelle exposition : Mix(cité), Villes en partage, présentant un « panorama analytique et prospectif sur la mixité urbaine, sous toutes ses formes. » Elle est l’aboutissement des travaux d’analyse et de réflexion menés par l’Observatoire de la Ville, organisme fondé par le groupe Bouygues.

Une exposition indécente et injurieuse car Bouygues depuis sa création en 1952 est justement l'un des principaux acteurs du séparatisme urbain, de la non-mixité sociale ; une entreprise de maçons dont le rôle est prédominant pour le développement de la construction économique et l'architecture inhumaine des grands ensembles d'habitat social ;  mais c'est aussi dès 1956 une grande entreprise de promotion immobilière - la STIM (Société de Technique Immobilière) - dont l'histoire est souillée de scandales financiers, d'affairisme, d'opérations de spéculation, autant que d'immeubles de standing et de vastes lotissements de « maisons de maçons » qui défigurent encore aujourd'hui les paysages des périphéries des villes.


Mais plus que cela, Bouygues s'est toujours distingué de ces concurrents par l'emploi massif d'ouvriers non qualifiés d'origine immigrée, hier d'Afrique du Nord, aujourd'hui de l'Europe de l'Est, une masse sous-payée placée sous le racisme assumé du fondateur Francis Bouygues, qui imagina de les "encadrer" sérieusement par des "kapos", sorte d'aristocratie ouvrière privilégiée pompeusement appelée « l’Ordre des compagnons du Minorange », bénéficiant de nombreux avantages, devant assurer l'ordre, la surveillance et la pression psychologique, structure officieuse de mouchards selon un ancien ouvrier ; nul ne sait le nombre d'infractions à la réglementation du travail, notamment du recrutement d'intérimaires et d'illégaux, de travail dissimulé et d'emploi de main-d’œuvre étrangère sans autorisation de travail au sein de sociétés sous-traitantes, d'infractions à la réglementation de la sécurité sur les chantiers et de délits d'obstacle aux missions de l'inspection du travail. La mixité sociale n'a jamais existé sur les chantiers où flotte le drapeau Bouygues, le racisme y est organisé et institué volontairement.   
Tel est le tableau rapidement esquissé des méthodes de Francis Bouygues, qui appartient à cette race d'industriels du « nouveau » patronat de la France des trente Glorieuses, capable de convertir les élites politiques aux « mérites » de l'exemple américain des grands consortiums : l'ère de la multitude des petites entreprises familiales, propre au patronat patrimonial traditionnel qui prévalait jusqu'alors ne peut affronter un monde en mutation s'ouvrant déjà à l'ère de la mondialisation. Le point commun de cette nouvelle génération tient sans doute à ce que les transformations qu'elle introduit portent moins sur des innovations techniques que sur des innovations organisationnelles, commerciales, et financières. Et les méthodes employées pour assurer leur croissance seront souvent décriées parce qu'elles rompent, par leur brutalité, avec les règles de l'establishment, et qu'elles franchissent allègrement la frontière jadis plus ou moins respectée, de l'illégalité. Bouygues sera vilipendé, dès ses premiers succès « commerciaux », par les médias de gauche ou admiré par ceux de droite, honni ou porté aux nues.


Les principales attaques seront portées par le jeune Parti Socialiste ; Alain Savary – co-fondateur du Parti Socialiste Unifié -, lors d'une émission de télévision en 1971, déclarait dans un reportage que :
« Sauvegarder les espaces verts, construire pour ceux qui en ont besoin, rapprocher le lieu de travail de l'habitation, ce n'est pas le souci des promoteurs, la réglementation établie par le gouvernement [de Gaulle - Pompidou] lui-même, est ignorée, tournée par les sociétés de promotion immobilière, dont l'unique objectif est le profit. »
Le mécanisme de ces dérogations est mystérieux, Gilles Martinet [co-fondateur du PSU] en a déterminé les rouages :
« J'ai pris l'exemple de ce bois qui est situé au sud-est de Paris, c'est-à-dire les bois de Notre-Dame, les bois de la Grange, la forêt d'Armainvilliers, et de Gros-bois. En 1965 ces terrains boisés qui constituent des espaces verts très importants, les poumons de l'agglomération parisienne, étaient considérés comme terrains inconstructibles, on n'avait pas le droit de construire. Or cette même année 1965, les principaux groupes de promoteurs parisiens, notamment le groupe Bouygues et le groupe Balkany, décident d'acheter ses bois. Balkany achète Gros-bois, Bouygues achète le bois de la Grange. Alors pourquoi achètent-ils ces terrains, puisque eux leur métier c'est de construire ? D'abord parce qu'ils sont moins chers : dans cette région un terrain agricole qui se vend 1,5 million d'anciens francs l'hectare, lorsqu'il est inconstructible, se vend lorsqu'il y a la possibilité d'élever des immeubles, 100 millions de francs l'hectare. Vous voyez la différence. Il y a donc cette première raison ; mais encore faut-il obtenir l'autorisation d'élever ces immeubles. Alors les promoteurs sont persuadés dès le départ, qu'ils vont obtenir des autorités, du gouvernement les dérogations nécessaires. Les premières négociations s'engagent, les résultats ne sont pas brillants, mais enfin tout de même, dans les bois de la Grange, le groupe Bouygues obtient l'autorisation de la construction de 2000 logements, ce qui n'est pas négligeable, mais il veut plus ; alors il déclenche une campagne de presse qui se développe dans les milieux politiques et qui aboutit en 1967 au vote d'une loi nationale, permettant de construire sur 1/10e des surfaces boisées, alors que jusqu'à présent il était complètement interdit de construire. Bouygues a 400 hectares ici, ce qui veut dire qu'il pourra construire sur 40 hectares. Nouvelles négociations, et l'on accorde à Bouygues la construction de 6400 logements. Alors comment on-t-il obtenu cela ? A mon avis pour deux raisons. D'abord parce qu'ils ne sont pas seuls ces promoteurs, ils agissent avec les banques. Les bois de la Grange, cela a couté 4 milliards d'anciens francs, Bouygues n'en met que 200 millions, et le reste est versé par la banque de Paribas, de Suez, le Crédit Lyonnais et un certain nombre de compagnies d'assurance ; et ces banques qui ne tiennent pas à immobiliser éternellement leur argent, font pression sur les pouvoirs publics pour obtenir des dérogations. Et puis il y aussi les hommes politiques : l'homme qui a négocié les bois de la Grange, s'appelle Granet, député de l'UDR, et il a été un moment directeur d'une des entreprises Bouygues, et au sein du conseil d'administration du groupe Bouygues siège un autre député de l'UDR, Monsieur Morizet. […].
Francis Bouygues interviewé se justifia ainsi :
« Je suis très heureux de faire une mise au point. Mon entreprise emploie 7000 salariés, 1200 techniciens, 250 ingénieurs diplômes des Grandes Écoles, et nos chantiers sont à la pointe des techniques, certains reçoivent des visiteurs du monde entier. A ce jour, nous avons construit 60.000 logements sociaux, quant à la promotion immobilière elle-même, elle représente moins de 8 % de notre activité. Deuxièmement, je ne veux pas entrer dans une polémique, je suis un technicien de la construction et de l'équipement, un point c'est tout. Troisièmement, je réponds simplement pour ce qui concerne le domaine de la Grange, il a été acheté en 1964 et non en 1965 comme il a été dit, par un groupe de 35 sociétés françaises, et notre participation est inférieure à 10 %. Ce domaine comprend 400 hectares de bois, comme il a été dit, mais on a oublié de mentionner 300 hectares de plaines. Je considère personnellement en tant que technicien, qu'il constitue un site remarquable pour la construction, et que cependant à ce jour, il n'a donné lieu à aucune autorisation de construire de quelque nature que ce soit. C'est à l'évidence, la démonstration exacte, de ce que prétend prouver Monsieur Martinet. Avant de terminer, je suis heureux de l'occasion qui m'est donné ce soir, pour déclarer que nous sommes essentiellement des bâtisseurs au service de l'Etat et des français pour réaliser des logements, des équipements. Voilà. »


Aujourd'hui encore, le groupe Bouygues, concernant la construction et la promotion immobilière, fait l'objet de multiples scandales et de procédures judiciaires. Ainsi, deux juges d'instruction enquêtent sur d'éventuels faits de corruption et trafic d'influence en marge de l'attribution du chantier du futur ministère de la Défense, le projet du "Pentagone français" remporté en mai par Bouygues. De même certains députés s'étonnaient du financement du contrat décroché par Bouygues, un contrat de Partenariat public privé (PPP) d'une ampleur inédite pour une administration. L'Etat ne commencera à payer qu'en 2014, lorsque les nouveaux bâtiments seront livrés. Pendant 27 ans, il devra alors débourser une redevance annuelle comprise entre 100 millions et 150 millions d'euros soit 4 milliards d'euros pour la fourchette haute (redevance à 150 millions). Le parquet de Cherbourg a ouvert une enquête préliminaire contre Bouygues sur le chantier de l'EPR à Flamanville, soupçonné d'avoir employé illégalement des intérimaires, tandis que les syndicats dénonçent les épouvantables conditions de travail et le racisme latent. D'autres sont en cours, et de même, des scandales éclatent régulièrement contre les filiales de Bouygues à l'étranger.

Cette réussite est parfois comparée à celle de Silvio Berlusconi, qui bâti sa fortune et son empire par la promotion immobilière, et la corruption généralisée. Certains soulignent le fait que l'extraordinaire et fulgurante ascension de la petite entreprise de maçonnerie créée par Bouygues en 1952, devenue 35 années plus tard en 1987, le numéro 1 mondial du BTP, s'est effectuée à la frontière de l'illégalité, protégée par le monde politique gaulliste, une oeuvre – et une fortune - reposant sur les bases d'un esclavagime moderne. 

Voici brièvement décrites les principales accusations portées contre ce fleuron de l'industrie française qui concernent les domaines de l'habitat, pour la période des années fastes du capitalisme urbain : celles de la reconstruction du pays, de l'industrialisation de l'urbain et du nouveau patronat européen. 


La promotion immobilière


1952, l'heure est à la reconstruction de l'appareil productif. Francis Bouygues jeune entrepreneur cherche à se faire une place sur le marché du bâtiment industriel : le premier chantier est la rénovation de la papeterie Darblay, puis la construction des garages Luchard, de l'usine Doiteau, de la fabrique Guinard constituent ses premières affaires. Dès la fin de 1952, l'entreprise employait dix compagnons à temps complet. Au cours de l'année suivante, ses relations permet à cette petite entreprise le premier gros contrat : celui de la construction des bureaux d'IBM-France.

Au regard de ses ambitions, le choix de ce secteur de l'industrie s'avère très judicieux : le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme dans le cadre du Plan de Modernisation et d’Equipement, élaboré sous la direction de Jean Monnet pour les années 1947-1951, qui fixait les orientations et choix budgétaires pour l’ensemble des pouvoirs publics, donnait la priorité à la reconstruction des infrastructures de transport, et des moyens de production et non au logement, conformément aux obligations qui conditionnaient l’obtention de subventions américaines dans le cadre du Plan Marshall. Après la Seconde Guerre mondiale, le temps est à la reconstruction et la priorité n'est pas donnée à l'habitat. D'autre part, ce secteur particulier de la construction est facilement accessible car constitué par une multitude d'artisans, de petites et moyennes entreprises, mal organisées, à l'inverse des travaux publics où dominent de grandes sociétés.


Mais bien vite, Francis Bouygues se tourne vers la promotion immobilière. C'est en 1956 qu'il crée sa filiale de promotion immobilière, la STIM (Société de Technique Immobilière) et qu'il s'engagea dans des opérations immobilières de haut standing : ce fut le cas avec celle du 52, avenue Foch, à Paris. A cette occasion, il testa la méthode employée très souvent par la suite :
1) acquérir un terrain bien situé ;
2) emprunter aux banques ;
3) faire payer les acquéreurs avant même d'avoir construit les fondations. 

Cette première opération ayant été fructueuse, Bouygues bénéficia désormais du soutien constant du Crédit lyonnais qui, à cette occasion, lui avait avancé de fortes sommes. Avec son appui, Bouygues s'affirma peu à peu comme l'un des grands promoteurs parisiens. L'activité immobilière s'amplifia à partir de 1964, c'est-à-dire à l'arrivée de Paul Granet, énarque et ancien chargé de mission du ministère de l'Intérieur. Au cours des années 1960, Bouygues se rapprocha du groupe Suez, afin d'accroître sa marge de manoeuvre en matière d'immobilier. D'autres affaires suivront cette première opération de prestige, située dans les beaux quartiers de Paris. Elles se feront de plus en plus ambitieuses et de plus en plus controversées aussi. Dans le monde de la promotion, Francis Bouygues relève de cette « nouvelle vague immobilière », à laquelle appartient également Robert de Balkany, le promoteur de Parly II (Bouygues sera son constructeur). Les deux hommes s'illustreront par de grandes opérations en zones sauvegardées, contre, souvent, l'avis des municipalités concernées. Comme celle du Domaine du bois de la Grange évoquée en introduction.

En 1963, Bouygues créé une nouvelle filiale, l'Union immobilière d'investissement et de participation ou UNIVEST, qui, au contraire de la STIM, se contentait de participer financièrement à des opérations de promotion lancées par d'autres groupes. Le rôle d'UNIVEST ne cessa de s'accroître au cours des premières années 1970, au point qu'en 1973 son capital dépassait en importance celui de la STIM. Cette dernière engagea en outre, à partir de 1973 aussi, son redéploiement vers la province. Cette même année vit s'amorcer une réorientation au profit du marché de la maison individuelle : ce fut la raison de la création de France-Cottages, avant tout destinée à assurer la promotion de lotissements.

Au tournant des années 1970, la stratégie immobilière du groupe connut une sensible inflexion. Bien que la STIM eût continué à lancer des opérations de grand standing à Paris ou de logements aidés en banlieue, le départ de P. Granet — élu député UDR de l'Aube en mars 1967 — ,  la mise en cause de la société, largement médiatisée par les quotidiens de Gauche, concernant de nombreuses affaires de corruption (le Domaine de la Grange, Jouy-en-Josas, la rue de l'abbé Groult à Paris 7, etc.), et ses trop proches relations avec le ministre de l'Equipement, Albin Chalandon, incitèrent ses dirigeants à la prudence, sinon à plus de retenue mais de discrétion.

Dans sa politique de diversification, stratégie constante, Bouygues fonda en 1972 une filiale, la Gestion immobilière moderne, GIM, destinée à exercer les fonctions de syndic de copropriété et d'administrateur d'immeubles locatifs d'habitation, de bureaux ou de commerce. Le groupe chercha également à obtenir des concessions. En 1972, la société Bouygues prit une participation dans la SA du Parking Maillot, qui avait pour objet la construction et l'exploitation de ce dernier. Cette même année, elle devenait actionnaire d'APEL, société chargée de la construction, de l'exploitation et de l'entretien de l'autoroute A4 Paris-Metz. Cette nouvelle prise d'intérêts consacrait la réussite du groupe.


Le logement social



Si la carte de la promotion immobilière permet à Francis Bouygues de développer son sens des affaires, c'est le logement social qui révélera ses qualités d'entrepreneur et l'efficacité de ses méthodes industrielles. L'heure est à l'importance de la commande publique. Mais alors qu'avant guerre, celle-ci s'était adressée essentiellement au secteur des travaux publics, à partir de 1954, elle concernera le Bâtiment et portera en priorité sur le logement.

Les" besoins" sont  considérables : sur 14,5 millions de logements, la moitié ne dispose pas d'eau courante, les 3/4 de WC, 90 %  de salle de bains. On dénombre 350.000 taudis, 3 millions de logements surpeuplés et un déficit constaté de 3 millions d'habitations. Le blocage des loyers depuis 1947, très partiellement atténué par la Loi de 1948, ne favorise pas les investissements privés.

L'État tente de changer la situation en impulsant à l'industrialisation des entreprises du bâtiment : en 1950, Eugène Claudius-Petit, ministre de la reconstruction, lance le concours de la Cité Rotterdam à Strasbourg. Ce programme doit comporter 800 logements, et le concours, ouvert à un architecte associé à une entreprise de BTP, prend en compte des critères de coût et de rapidité d'exécution. En 1953 toujours, Pierre Courant, Ministre de la Reconstruction et du Logement, fait voter une loi qui met en place une série d'interventions (appelée "Plan Courant") facilitant la construction de logements tant du point de vue foncier que du point de vue du financement (primes à la construction, prêts à taux réduit, etc.) : la priorité est donnée clairement par le ministère aux logements collectifs et à la solution des grands ensembles. La même année, est créé le fameux "1 % patronal". Ces fonds sont réunis par l’Office Central Interprofessionnel du Logement (OCIL), à l'origine de la construction d'un certain nombre de grands ensembles.

Mais le véritable choc psychologique intervient en 1954 : le terrible hiver et l'action de l'Abbé Pierre engage le gouvernement à lancer une politique de logement volontariste. Un programme de "Logements économiques de première nécessité" (LEPN) est lancé en juillet 1955 : il s'agit de petites cités d'urgence sous la forme de pavillons en bandes. En réalité, ces réalisations précaires s'avèrent catastrophiques et se transforment en taudis insalubres dès l'année suivante. La priorité est donnée alors résolument à l'habitat collectif de grande taille et à la préfabrication en béton, comme seule solution au manque de logements en France.

L'Etat prend désormais à sa charge l'essentiel du financement du logement, à travers l'extension de la part du secteur H.L.M., qui passe de 20,5 % en 1953 à 31,5 % en 1959, dans un volume de production totale qui sera multiplié par 3,2, entre ces deux dates (la production annuelle de logements atteint 280 000 unités dès 1956) et l'on prévoit de l'accroître encore à travers les IVe et Ve plan (1962-1965 ; 1966-1970) : en trois ans, de 1961 à 1964, la production annuelle totale de logements passe de 300 000 à 400 000 logements pour atteindre les 500 000 en 1970. La part du logement HLM se stabilise à 30 % du total.


Bouygues prendra rapidement son essor dans ce secteur du bâtiment constitué de petites entreprises artisanales aux méthodes de constructions traditionnelles, incapables de construire des logements en grande quantité et rapidement. Le contexte est donc très favorable. En 1955, Bouygues se lance dans la construction de cités HLM dans le cadre de programmes largement financés par l'État français, lancés pour subvenir aux besoins grandissants de logements, dans la continuité de l'appel de l'abbé Pierre pendant l'hiver 54. A Nanterre en 1956-1961, 45 LOPOFA à Fresnes en 1955-1960, puis 160 HLM dont 45 LOPOFA en 1956-1965, 160 LEN à Bonneuil-sur-Marne en 1955-1964, 80 LEN à Maisons-Alfort en 1958-1960 ; 90 LOPOFA à Nanterre en 1956-1957 ; 80 LEN à Maisons-Alfort en 1956 ; 160 LOPOFA à Fresnes en 1956-1958, etc. 

Francis Bouygues, toutefois, ne se tourne pas d'emblée vers le marché du logement social, et préfère asseoir sa croissance sur des marchés plus rémunérateurs, ceux des bureaux, sièges sociaux et grands équipements publics , dont les hôpitaux.  Il lui faudra obtenir une commande de 3.000 logements pour l'opération de Choisy-Orly en 1959, pour qu'il commence à s'y intéresser plus sérieusement. A cette date, l'entreprise Francis Bouygues compte 10.000 logements sociaux à son actif ; elle en comptera 15.000 l'année suivante. Mais c'est l'arrivée dans l'entreprise, en 1965, de Charles Defontaines, polytechnicien, qui a véritablement convaincu Francis Bouygues de l'intérêt de développer ce marché, de créer un service commercial ad hoc pour le logement social, et d'élaborer une stratégie spécifique. L'occasion leur en sera donnée l'année suivante, lorsque le ministère de la Construction lance en 1966 le concours P.P.L. (Programmes Pluriannuels de Logements). Ce concours repose sur l'idée de la mise en compétition d'équipes architecte-entreprise constituées pour étudier un projet-type de bâtiment. Les lauréats se voient alors garantir le droit à des commandes de réalisation successives sur plusieurs années, donnant lieu à des marchés de gré à gré (en l'occurrence, le PPL garantit aux partenaires la construction de 1.000 logements par an pendant 5 ans). Ce concours préfigure la politique des modèles. Bouygues s'associe aux architectes Andrault et Parat. L'équipe est placée en tête des lauréats. Elle se bâtit une image de marque sur ce marché en pleine expansion.

La carte que Francis Bouygues jouera vise à limiter le risque attaché à l'appel à la concurrence et aux formes de compétition ouverte. Les marchés publics sont soumis à des règles strictes de mise en concurrence aux termes desquelles l'attribution va au moins-disant. Il se fera une spécialité de passer le maximum de ses marchés en gré à gré. Pour cela, il développe, le premier, la fonction commerciale destinée à le placer en lice dès la conception du projet.


Le logement social dès lors, occupera une place très importante dans les marchés de l'entreprise. Il représente 44 % du chiffre d'affaires de celle-ci en 1968 et constitue alors la première des activités de l'entreprise. La construction totale de logement, public et privé, représente 60 % du chiffre d'affaires de l'entreprise.


L'affaire du Quartier de la Grande Borne


La Grande Borne implantée à l'écart des communes de Grigny et Viry-Châtillon, est une cité d’habitat social comprenant 3.685 logements, imaginée par l’architecte Émile Aillaud sous la maîtrise d’ouvrage de l’Office public HLM interdépartemental de la Région parisienne. La cité fut bâtie à l’origine dans le cadre de la résorption des bidonvilles de la région parisienne et fut destinée à reloger les habitants du 13e arrondissement de Paris alors en pleine transformation. La réalisation entre 1967 et 1971, fut confiée à l’entreprise Bouygues.


La Grande Borne symbolise parfaitement les méthodes de Bouygues : une incroyable économie de moyens, une technique de panneaux béton défectueuse entrainant des malversations, et l'éviction de l'architecte Émile Aillaud par les ingénieurs Bouygues, dont le rôle s'arrêta à la conception du plan masse, et au choix des artistes venant ici « humaniser » les espaces et colorier les façades... 

Les ingénieurs Bouygues imposèrent une réalisation par coffrages-tunnel et panneaux de façade lourds exécutés suivant le procédé "Costamagna", malgré la complexité induite par les courbes des constructions. Une technique mal maîtrisée ne s'adaptant pas à l'architecture imaginée par l'architecte mais qui permettait la réalisation de longs édifices au moindre coût et en un temps record. La recherche d’économies vise à réduire au maximum l’isolation phonique et thermique. Le constructeur imposa de même seulement trois types de fenêtres pour l'ensemble des habitations (soit 21 000 fenêtres) : une fenêtre carrée (1,35 m × 1,35 m), une porte-fenêtre étroite (0,85 m × 2,1 m) et une porte-fenêtre large (1,35 m × 2,1 m) réservée aux séjours.

Le génie d'Émile Aillaud a donc dû composer avec ce mode construction et bâtir la cité à partir d'un panneau de façade de 2,7 mètres par 2,7 mètres et de trois types de fenêtres. Néanmoins, selon un témoignage, les propos d'Aillaud pouvaient parfois surprendre, il regrettait, par exemple d'être contraint à se tenir éloigné de l'autoroute, car les femmes s'ennuyant disait-il, auraient été heureuses de pouvoir regarder passer les voitures ...


Quelques mois seulement après la construction de la cité, les panneaux de façade présentèrent des microfissures. Elles seront à l'origine d'importantes infiltrations d'eau, qui entraînaient des moisissures dans les pièces d’habitation. Le phénomène s’amplifia et ce fut toute la cité qui fut victime des malfaçons, allant même jusqu’à rendre certains logements inhabitables. Moins de dix ans après la fin des travaux en 1982, plus de 750 logements étaient touchés : 300 logements étaient déclarés inhabitables pour cause d’insalubrité, et 450 bien que considérés comme insalubres étaient habités, le loyer de ces locataires ayant été minoré.

L’exigence par les résidents d’une réhabilitation lourde et couteuse des façades apparaît dès 1975. Les locataires se heurtèrent alors au silence et à la répression de la part du bailleur. La répression s'abat sur les locataires les plus actifs dans la contestation, certains d’entre eux n’hésitant pas à aller jusqu’à la suspension du paiement des loyers. La solidarité s’est alors renforcée, l’identité de la Grande Borne aussi, et les habitants s’organisent : en 1975, près de 1 000 locataires se retrouvent dans un gymnase pour exiger des mesures. La CNL de la Grande Borne a été créée à cette occasion et a engagé de nombreuses actions pour l'aide au relogement des personnes habitant des appartements insalubres, humides ou fissurés, le blocage des charges en vue d’obtenir que des travaux soient effectués immédiatement, et organisèrent nombre de manifestations pour exiger l'arrêt des expulsions de locataires en difficultés financières, ou bien l’augmentation des charges... Certains, par contre, se décourageaient et quittaient le quartier ; mais toutes les demandes de mutations, y compris dans les cas extrêmes, étaient refusées. La guerre était déclarée. Rien ne sera fait pour accompagner les locataires dans leurs difficultés.

Face à cette situation L’O.P.I.R.P demanda dans un premier temps à l’entreprise Bouygues de remédier à ces malfaçons dans le cadre de sa garantie décennale. Les résultats obtenus n’ayant donné que trop partiellement satisfaction, l’O.P.I.R.P engagea une action devant le tribunal administratif qui désigna un expert pour définir la nature, l’importance et les causes des désordres et pour indiquer quels étaient les travaux nécessaires. Dans ces conditions les deux antagonistes (l’O.P.I.R.P et Bouygues) recherchèrent par l’intermédiaire de leurs conseils une issue à l’amiable au conflit.


L’argent public va venir au secours des malfaçons. Un accord intervint entre les deux parties ; un marché de dupe pour les locataires : la réhabilitation contre 37 % d’augmentation du loyer. Aubaine pour le bailleur, pour l’Etat... Et pour Bouygues qui pourtant responsable de fautes graves ayant entrainé l'insalubrité de plusieurs centaines de logements et la dégradation rapide de la quasi totalité des façades de la cité, récupéra le marché de la réhabilitation lourde, d'un montant de 320 millions de francs. Pour les locataires, la réhabilitation marque le début de la descente aux enfers : la réhabilitation va durer 10 ans pendant lesquels le nouveau bailleur va favoriser l’arrivée en masse des catégories de population les plus défavorisées. La concentration s’organise méthodiquement, cage d’escalier par cage d’escalier. Les prestations minimums ne sont plus assurées.


La réhabilitation, fut réalisée en 5 tranches étalées entre 1983 et 1990 et fut confiée à Emile Aillaud, alors âgé et moins inspiré. Celle-ci consista en un bardage extérieur de toutes les façades et en une transformation de quelques appartements de type F5 en appartement plus petit. Cette réhabilitation, notamment visible au Labyrinthe, sera à son tour, frappée de vétusté. Une opération de rénovation commence à nouveau en 2004...


Bouygues interviendra également dans la construction de Grigny 2, une co-propriété de 5.835 logements destinés à la classe moyenne, érigée à proximité du quartier de la Grande Borne. L'affaire fut prise en main par la Direction Départementale de l'Équipement qui négocia au mieux les intérêts de l'Etat, sous l'oeil intéressé du ministre qui souhaitait que les partenaires privés puissent trouver leur place dans l'effort de construction. Le 10 décembre 1968 le Ministre de l’équipement, Albin Chalandon, délivre un accord préalable aux promoteurs, Balkany et la Banque de Suez, sans tenir compte des objections de la municipalité. A Parly 2, la publicité offrait un art de vivre ; à Grigny, destiné à une population moins favorisée, la publicité attaquait le problème du logement et offrait même à côté des logements prêts à vendre, des logements prêts à finir. C’était «un nouvel art de vivre», «la ville à la campagne» qui était vendue sur plan. A 25 km de Paris, le projet avait de quoi séduire. Contrairement à la Grande Borne, les constructions seront particulièrement soignées et ne souffriront d'aucune malfaçon...


L'affaire du Parc des Princes


Bouygues n'entend pas, cependant, se cantonner à la construction de logements H.L.M. Pour sa croissance, pour son image aussi, il souhaite prendre pied sur le terrain honorable des ouvrages d'art. Ce marché, dominé par les grandes sociétés, est toutefois plus difficilement accessible que celui du bâtiment. L'occasion d'y pénétrer lui sera fournie par le nouveau projet du Parc des Princes, en 1969. L'obtention et la réalisation de ce marché constitue sans doute l'épopée la plus risquée que l'entrepreneur ait eu à connaître jusqu'ici. Initié par Maurice Herzog, Ministre des Sports, ce projet d'un nouveau stade de 50 000 places relève du domaine des grands ouvrages d'art, véritable chasse gardée des cinq grands des travaux publics (Campenon Bernard, S.G.E., G.T.M., Spie Batignolles, Fougerolle). La conception en est confiée à Roger Taillibert, architecte en chef des bâtiments civils et palais nationaux, assisté de SEEE, bureau d'études de structures lié à G.T.M. Le projet est d'une grande complexité technique : la percée d'un tronçon souterrain pour le boulevard périphérique entre la porte de Saint-Cloud et la porte Molitor, impose des travaux sous le complexe sportif. En outre, le projet prévoit que la couverture du stade, sans point d'appui dans les gradins, doit être soutenue par 50 portiques de béton supportant des fléaux en porte à faux.

Bouygues ne peut croire sérieusement à ses chances : il lui manque la qualification technique nécessaire en matière de béton précontraint. Soucieux d'entrer dans le monde prestigieux des ouvrages d'art, il a, dans tous les cas, déjà recruté depuis quelque temps un ingénieur ENSI, Pierre Richard, spécialiste des travaux publics, et qui travaillait jusqu'ici aux côtés de Georges Pébereau, à l'arrondissement de la Seine. Pour avoir le visa de la qualification technique, Bouygues s'associe à la société Boussiron, spécialiste reconnue du béton précontraint. Les deux entreprises cependant mènent les études chacune de leurs côtés. Aux côtés de Pierre Richard, Jean Etcheverry, entré chez Bouygues en 1962, est quant à lui chargé de la proposition commerciale. Dans les coulisses on murmure que le projet doit revenir à G.T.M. Tous les compétiteurs préparent leur offre en fonction de cet accord discret. Francis Bouygues entend bien déroger à ces usages de la profession, ce « consensus des faibles », comme il le définit. Il doit donc parvenir à faire l'offre la moins chère.Trois facteurs lui assureront la victoire :

- le facteur technique, tout d'abord. Pierre Richard préconise l'application de méthodes de construction économiques pour la coque elliptique du stade : la préfabrication et l'assemblage par précontrainte des structures porteuses.
- Le second facteur tient à une astuce commerciale. L'offre doit être établie selon la méthode du « bordereau » : l'entreprise remet une liste de prix unitaire qu'il suffira d'appliquer aux quantités de matériaux réellement consommées sur le chantier. Or, reconnaissent les experts, sur les grands ouvrages, les quantités sont à la fois difficiles à estimer de façon précise. Mais surtout, pour entrer dans les prix des marchés publics, elles sont aussi souvent sous-évaluées par le client au départ, qui prend le risque de devoir réévaluer le marché par la suite. Toute l'astuce de Bouygues consiste à mettre des prix unitaires faibles là où les quantités unitaires sont bien évaluées et des prix forts là où elles sont sous-évaluées. L'optimisation de ces distorsions, sur un programme informatique permet alors à l'entreprise de baisser son prix de 4 à 5 %.
- Enfin le troisième facteur repose sur la renégociation du contrat, une fois le marché obtenu. Alors que le marché prévoyait que l'activité du stade continue pendant les travaux, Francis Bouygues obtient de pouvoir utiliser la pelouse pour y installer son usine de préfabrication ; il promet en échange une réduction de délais de six mois, qu'il tiendra. Prétextant la hausse des prix de l'acier, il réclame également que les prix soient revus.

Sous les feux de la critique, la ville de Paris vote des rallonges budgétaires. Le « Scandale du Parc des Princes » s'étale à la une des journaux. Les critiques concernent la conception défectueuse, pelouse à refaire et le prix de l'ouvrage : la facture de 32 millions de Francs à l'origine se monte à 94 millions, dont il faut encore ajouter 8 millions pour reprendre les vices de construction. En 1979, sept poutrelles formant la toiture se détachent et relancent par la même occasion la polémique.


Malgré les critiques et le « scandale », Francis Bouygues a acquis une belle référence. A bien des égards, cette opération est exemplaire des méthodes Bouygues. Du Palais des Congrès à l'Arche de la Défense, on retrouvera encore ce mélange de prouesses techniques, d'astuces commerciales, de réclamations et de contentieux. Elle lui ouvrira, dans tous les cas, la porte du Moyen Orient.


Les Lotissements Bouygues


Le domaine de la maison individuelle, pour toute la période de l'urbanisme des grands ensembles n'occupait pas une grande importance. Bouygues associé aux architectes Andrault et Parat avaient cependant répondu au concours international de la maison individuelle de 1969, dit « concours Chalandon », et la STIM avait engagé quelques opérations immobilières : Igoville, Eure (500 maisons), Villepinte, Seine-Saint-Denis (450 maisons), Baillet-en-France, Val d'Oise (1050 maisons), Châteaufort, Yvelines (450 maisons).

Ce n'est réellement que lorsque les grands ensembles seront progressivement proscrits, que Bouygues manifesta un intérêt croissant au marché de la maison individuelle, nouvelle solution politico-architecturale capable de se substituer aux barres et aux tours. Bouygues opéra un changement majeur, en développant ce secteur par la création de France Cottages en 1974 qui lui permet de développer des programmes de maisons individuelles groupées en ce qu'il nomme pompeusement « village ». Puis en 1978, est créée la filiale Maisons Bouygues dirigée par les deux fils cadets de l'entrepreneur. S'y ajoutèrent, en 1980 et 1986 respectivement, France Construction et Maisons Marianne, cette dernière société s'adressant à une clientèle bourgeoise. Dans le contexte nouveau résultant de l'institution, en 1978, des programmes d'accession à la propriété, ce secteur connaîtra un fort essor, Maisons Bouygues s'imposant rapidement au second rang national de la spécialité derrière Maisons Phénix.

Comme les autres groupes de ce secteur, Bouygues pratiqua largement la corruption, offrant aux maires réticents de financer leur campagne électorale, voire des avantages en nature, en contrepartie de dérogations ou de d'obtention rapide de permis de construire, ou les deux.

Ces lotissements de « maisons de maçon », édifiés à la périphérie des villes, défigurent encore aujourd'hui le paysage des villes de France et feront l'objet par leurs propriétaires dupés, de multiples procès pour défauts de construction, retards de livraison, en autres.

L’Ordre Minorange

L'architecte Pierre Riboulet définissait ainsi en 1970, le travail immigré :
Indispensable à plus d'un titre, et c'est là que ce problème est d'une grande importance théorique. La présence de cette main-d'oeuvre permet un taux d'exploitation plus élevé, et ce, de l'aveu même de la classe qui l'exploite. La présence de ces travailleurs est utile aussi à la classe capitaliste, dans la mesure où elle permet une division efficace de la classe ouvrière En créant un sous-prolétariat,le pouvoir économique et politique dominant montre, d'une façon concrète, aux ouvriers français que le statut social de la petite-bourgeoisie lui est ouvert et qu'ils peuvent avoir une place privilégiée dans la production. Il y a une concomitance frappante entre l'annonce de la société gaulliste de participation, c'est-à-dire une politique de collaboration de classes, l'idylle garantie entre le capital et le travail, d'une part, et l'existence des travailleurs étrangers, de plus en plus nombreux, d'autre part. La force de travail étrangère est en quelque sorte le soubassement indispensable sur lequel le gaullisme va, soi-disant, résoudre la question sociale. Au passage, et ce n'est pas là le moindre avantage pour le pouvoir, les forces constituées de la classe ouvrière française sont mises en porte-à-faux. Les intérêts de classe, bien qu'étant fondamentalement les mêmes entre les travailleurs français et les travailleurs immigrés, sont rendus différents par les situations historiques respectives dans lesquelles se trouvent ces travailleurs.

Des caractéristiques qui seront au coeur du système Bouygues, qui investira dans la mécanisation des chantiers et l'organisation scientifique du travail. L'organisation scientifique du travail se traduira très concrètement par la création d'un service d'études du travail, chargé de définir et de chronométrer les tâches, pour mieux cerner les temps et les coûts unitaires.

Avec l'explosion de la demande adressée au Bâtiment, en particulier en matière de logement, la question à l'ordre du jour est bien celle du passage à l'industrialisation pour la production des bâtiments. En rationalisant les tâches et en spécialisant le travail, Francis Bouygues peut recourir à une main-d'oeuvre moins qualifiée et donc abaisser ses coûts de production par rapport à ses concurrents. Bouygues se fait le pionnier de la taylorisation dans le bâtiment. L'une des conséquences en est l'accroissement spectaculaire du turn-over sur les chantiers. Avec 250 % de moyenne annuelle, le turn-over chez Bouygues au début des années 1960, crève tous les plafonds. Les ouvriers de métier refusent d'y venir travailler. Francis Bouygues développe alors des actions dans deux directions :
- la première est de se tourner massivement vers l'emploi de travailleurs étrangers. Leur part dans la structure du personnel ouvrier est rapidement l'une des plus fortes parmi les entreprises de bâtiment de la région parisienne. L'entrepreneur reconnaîtra plus tard que cette politique lui permet d'abaisser ses coûts de 10 % environ par rapport à ses concurrents ;
- la seconde porte sur la création d'un « ordre » compagnonique, réservé aux ouvriers de son entreprise, avec sa hiérarchie, ses mots d'ordre, ses symboles, ses droits et ses obligations. L'Ordre des Compagnons du Minorange (provenant de la contraction de Minium Orange, cette peinture anti-rouille que l'entrepreneur utilise déjà pour tout son matériel) voit le jour en 1963. Francis Bouygues en est le Président. L'accession à l'Ordre est destinée à récompenser les plus méritants. Les compagnons, dont la proportion voisinera toujours autour de 10 % du personnel de chantier, se remarquent sur les chantiers à la couleur de leur tenue de travail (bleu bugatti) et aux insignes qui les distinguent en fonction du grade occupé dans l'Ordre. Les droits réservés aux compagnons se réduisent au port de ces marques distinctives, à un banquet une fois l'an que préside Francis Bouygues, ainsi qu'à un voyage annuel offert par l'entreprise, de même qu'à leurs épouses. Au nombre de leurs devoirs, figure celui de « connaître l'obéissance et la discipline librement consentie ». A travers cette institution, l'entrepreneur cherche à se constituer un noyau stable de travailleurs dévoués, dont il attend qu'ils donnent l'exemple sur les chantiers pour tenir les délais, éponger les retards. Ainsi, Francis Bouygues réussit ce tour de force de couler la figure de l'ouvrier spécialisé dans l'image compagnonique.

De fait, l'efficacité de l'ordre reposera moins sur l'identification à l'entreprise que sur les caractéristiques sociales des compagnons, recrutés essentiellement dans la partie la plus captive de la main-d'oeuvre : les travailleurs étrangers sans formation. Ainsi, dès la première moitié des années 1960, l'entrepreneur met en place une organisation du travail d'inspiration taylorienne. Lorsque, en 1964, Francis Bouygues diagnostiquait une pénurie de main-d’œuvre, il se refusait dans le même texte à tenir l’immigration pour un remède, car la :

« main-d’œuvre immigrée […] est toujours d’une qualité très médiocre ».

Francis Bouygues n’hésitera pas à recourir largement aux ouvriers d’origine étrangère : dès la fin des années 1960, ils représentent 80 % de son personnel de chantier, soit une proportion bien plus forte qu’ailleurs. Francis Bouygues dira plus tard que cet emploi massif de travailleurs étrangers lui permet d’être à 10 % moins cher que ses concurrents. La contradiction n’est peut-être qu’apparente, la déconsidération d’une catégorie de main-d’œuvre préparant son exploitation.

La crise sociale de mai 1968 marqua une étape nouvelle dans la mise en place du modèle « Bouygues ». Bien qu'il y ait eu occupation des locaux — à l'usine de Villeneuve-le-Roi ou au dépôt des Sablons — , l'agitation sociale demeura limitée sur les chantiers, en raison, entre autres, de l'importance des effectifs étrangers qui y étaient employés. De surcroît, dès le 24 mai, F. Bouygues décréta le lock-out au siège social afin de parer à tout risque d'occupation, et des substantielles hausses de salaires consenties entre 1968 et 1974,.

A « l'esprit Minorange », encore très empreint des traditions du bâtiment, s'est substité peu à peu l'« esprit Bouygues », plus à même de favoriser l'intégration de personnels de toutes catégories et appartenant à des entreprises fort diverses. Au cours des années 1980, le groupe avait en effet pris le contrôle de firmes importantes, dont certaines caractérisées par une culture d'entreprise forte — à l'instar de Colas ou SACER — et une pratique sociale progressiste — dans le cas de SCREG, par exemple.

En France, cet « esprit Bouygues » se caractérise par la sous-traitance, employant hier des ouvriers non qualifiés d'Afrique du Nord, aujourd'hui des travailleurs originaires des pays de l’Est, et toujours par des conditions de travail inhumaines. Ainsi, par exemple, France Soir révélait que pour la construction du futur réacteur nucléaire de nouvelle génération EPR à Flamanville, Bouygues Construction, employait plus d’un millier d’étrangers sur les 3.200 salariés, essentiellement roumains et bulgares mais aussi espagnols ou portugais. Certains de ses travailleurs ont placardé sur le chantier une affichette pour exprimer leur ras-le-bol, sur lequel on pouvait lire “stress, oppression, désespoir, on en a marre”. Les syndicats s’inquiètent aussi des conditions de travail de ces salariés étrangers. “Elles ne sont pas tout à fait les mêmes que pour les travailleurs français, mais là, impossible de savoir combien ils sont payés et combien d’heures ils font réellement”, assure à France Soir Jacques Tord, délégué CGT sur le chantier de Flamanville. Toujours selon ce syndicat, la grande majorité des salariés roumains, employés par Bouygues Construction, travailleraient entre 10 et 15 heures par jour. “Parfois ils commencent à 6 heures du matin pour finir à 22 heures le soir. C’est inacceptable”, confie-t-il, au micro d’Europe 1.


Du côté de Bouygues Construction, premier employeur du chantier, on explique ce recours massif à des travailleurs des pays de l’Est par le fait que ces emplois “pénibles” n’auraient pas trouvé preneurs parmi les ouvriers français. “Le recrutement effectué au niveau local n’a pas tenu toutes ses promesses, [en raison du] manque de candidats expérimentés pour des postes de gros œuvre allant de la maçonnerie au banchage en passant par le ferraillage”, a précisé l’entreprise à France Soir.


L' Etat et Bouygues


Quelle est la part de responsabilité des uns et des autres dans cette formidable catastrophe urbaine et architecturale, dont les conséquences sociales – ghettorisation, révoltes urbaines, etc. - se font encore sentir de nos jours, et qui demandent encore aux gouvernements successifs des budgets considérables pour leur réhabilitation ou leur destruction ? Qui a impulsé les orientations successivement données au développement spatial des grandes villes et de la capitale ? Quels modèles ont irrigué la théorie de cette opération qui a d’abord été envisagée en termes d’extension, puis de planification, enfin d’aménagement ?

Des questions qui se placeront au coeur des préoccupations de la nouvelle génération de sociologues et d'architectes qui tentèrent de replacer ses mécanismes dans une perspective marxiste, autour de l'orbite de l'année 68, dont notamment François Ascher et Chrisitan Topalov qui signa une brillante étude à propos des promoteurs immobiliers. Une somme importante d'études et d'articles y sont consacrés dont nombre accusent ouvertement les pouvoirs publics – le capitalisme monopoliste d'Etat - d'offrir des conditions propices d'enrichissement – des dérogations – aux trois principaux acteurs associés, producteurs du cadre bâti : le monde de la finance, de la politique et des grandes entreprises, de construction et de fabrication de matériaux.
Aux critiques du monde universitaire, s'ajoutèrent celles virulentes du monde intellectuel, tel l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur qui publiait ce type d'article :
« Urbaniser ne signifie pas dépenser de l'argent, mais en gagner. Aujourd'hui la ville est le terrain de prédilection pour les opérations des concentrations bancaires. C'est dans leur entourage, en leur faveur et par leurs soins que les taux de profit les plus élevés peuvent être – et seront – réalisés. Les objectifs des maîtres d'ouvrage ne visent certainement pas à faire comprendre l'architecture, mais à faire du profit ; et ces maîtres d'ouvrage-là s'appellent Paribas, l'Union bancaire, le Crédit lyonnais, le groupe Weil, etc. »
De même que le socialiste Gilles Martinet :
« Pour Paris, toutes ces dérogations et ces changements interviennent parce qu'il y a une concertation et des compromis permanents entre d'une part les promoteurs et les banques, d'autre part les fonctionnaires, qui dans toute la mesure du possible, c'est vrai, cherchent à sauvegarder les meubles, mais qui doivent tenir compte de la logique du compromis, et puis les hommes politiques qui facilitent ses compromis, hommes politiques qui à Paris appartiennent à la majorité [de droite], des députés, conseillers municipaux... Voilà le mécanisme, voilà le système qui intervient à Paris, dans la banlieue parisienne et dans toute la France, et bien au-delà du secteur immobilier. »
Parmi la multitude de critiques, citons celle d'Henri Lefebvre, auteur du livre « Le droit à la ville » publié en 1967, qui estimait d'une coordination exemplaire entre l'Etat – et ses grands commis chargés de la ville et de l'architecture – et le « nouveau » monde de la finance, malgré les critiques des hommes de bonne volonté, philanthropes, humanistes contre les promoteurs qui imposent, en la rendant lisible, une idéologie du bonheur par la consommation :

La laideur bourgeoise, l’âpreté au gain visible et lisible dans les rues, s’installent à la place de la beauté un peu froide et du luxe aristocratique. La bourgeoisie progressiste prenant en charge la croissance économique, dotée d’instruments idéologiques aptes à cette croissance rationnelle, qui va vers la démocratie et remplace l’oppression par l’exploitation, cette classe en tant que telle ne créé plus : elle remplace l’œuvre par le produit (p.12).

Comme la démocratie urbaine menaçait les privilèges de la nouvelle classe dominante, celle-ci l’empêcha de naître. Comment ? En expulsant du centre urbain et de la ville elle-même le prolétariat, en détruisant l’urbanité (p.13). La IIIe République assurera la fortune des hommes politiques avisés, appartenant au centre droit. Ils conçoivent la notion d’habitat. Jusqu’alors habiter, c’était participer à une vie sociale, à une communauté, village ou ville. A la fin du XIXe siècle, les notables isolent une fonction, la détachent de l’ensemble.

Les banlieues, certes, ont été créées sous la pression des circonstances, pour répondre à la poussée aveugle de l’industrialisation, à l’arrivée massive des paysans conduits vers les centres urbains par l’exode rural. Le processus n’en a pas moins été orienté par une stratégie. Le caractère de classe semble d’autant plus profond que plusieurs actions concertées, axées sur plusieurs objectifs, ont cependant convergé vers un résultat final.

Il va de soi que tous ces notables ne se proposaient pas d’ouvrir une voie à la spéculation ; certains d’entre eux, hommes de bonne volonté, philanthropes, humanistes, semblent même souhaiter le contraire. Ils n’en ont pas moins étendu autour de la ville la mobilisation de la richesse foncière, l’entrée dans l’échange et la valeur d’échange sans restriction du sol et du logement. Avec les implications spéculatives. Ils ne se proposaient pas de démoraliser la classe ouvrière mais au contraire de la moraliser, ainsi ils imaginèrent avec l’habitat l’accession à la propriété (p 14-15).

La construction prise en charge par l’Etat ne transforme pas les orientations et conceptions adoptées par l’économie de marché. Les groupes et partis de gauche se contenteront de réclamer davantage de logements. Ce n’est pas une pensée urbanistique qui guide les initiatives des organismes publics et semi-publics, c’est simplement le projet de fournir le plus vite possible au moindre coût le plus possible des logements. (p.16).

L’urbanisme des administrateurs liés au secteur public se veut scientifique. Ce scientisme, qui s’accompagne de formes délibérées du rationalisme, tend à négliger le facteur humain. Tantôt à travers telle science, une technique prend le dessus et devient le point de départ ; c’est généralement une technique de circulation (p.22). Cet urbanisme technocratique et systématisé, avec ses mythes et son idéologie (à savoir la primauté de la technique), n’hésiterait pas à raser ce qui reste de la ville pour laisser place aux voitures (p.22).

Tandis que les promoteurs imposeront, en la rendant lisible, une idéologie du bonheur par la consommation. Cet urbanisme programme une quotidienneté opératrice de satisfaction. La consommation programmée et cybernétisées deviendra règle et norme pour la société entière.  D’autres promoteurs édifieront des centres décisionnels, concentrant les moyens de la puissance. Si une stratégie unitaire se constituait (entre les administrateurs et les promoteurs) et réussissait, ce serait peut-être irréparable (pour l’urbain) (p.23).

Puisque la société ne fonctionne pas d’une manière satisfaisante, n’y aurait-il pas une pathologie de l’espace, s’interrogeront certains. Dans cette perspective, on ne conçoit pas la priorité presque officiellement reconnue de l’espace sur le temps comme indice de pathologie sociale. On se représente au contraire des espaces malsains et des espaces sains (p.41).

Celui qui conçoit la ville et la réalité urbaine comme systèmes de signes les livre implicitement à la consommation comme objets intégralement consommables : comme valeur d’échange à l’état pur (p.62). Attribuer la crise de la ville à la rationalité bornée, au productivisme, à l’économisme, à la centralisation planificatrice soucieuse avant tout de croissance, à la bureaucratie de l’Etat et de l’entreprise, ce n’est pas faux (p.77).

Or, l’urbain est une forme mentale et sociale, celle de la simultanéité, du rassemblement, de la convergence, des rencontres. C’est une différence ou plutôt un ensemble de différences (p.79). L’urbain se fonde sur la valeur d’usage. Le conflit ne peut s’éviter (p.80).

En conclusion, le socialisme ne peut aujourd’hui se concevoir que comme production orientée vers les besoins sociaux et par conséquent vers les besoins de la société urbaine (p.117). Nécessaires, ces conditions ne suffisent pas. Une force sociale et politique capable de mettre en œuvre ces moyens est également indispensable. La proclamation et la réalisation de la vie urbaine comme règne de l’usage (de l’échange et de la rencontre dégagés de la valeur d’échange) réclament la maîtrise de l’économique (de la valeur d’échange, du marché et de la marchandise).

Pour la classe ouvrière, rejetée des centres vers les périphéries, dépossédée de la ville, ce droit à la ville a une portée et une signification particulières ; mais cette action virtuelle de la classe ouvrière représente aussi les intérêts généraux de la civilisation et les intérêts particuliers de toutes les couches sociales d’habitants, pour qui l’intégration et la participation deviennent obsessionnelles sans qu’ils parviennent à rendre efficaces ces obsessions (p.133).


Mix(cité), Villes en partage

Ainsi Bouygues ne manque ni de cynisme, ni d'indécence pour oser entreprendre une exposition à propos de mixité sociale et de villes en partage

Car on peut avancer l'idée que Bouygues ne constitue pas seulement une simple pièce d'engrenage répondant aux autres, celles de la multitude d'acteurs engagés dans le domaine de l'habitat, publics et privés, mais bien l'un des moteurs. En d'autres termes, Bouygues a contribué à façonner les nouvelles conditions de production du cadre bâti. Car le système spéculation-construction-promotion mis en place par Bouygues, cautionné par les politiciens gaullistes, aura pour vocation d'innover en permanence, ne serait-ce que pour contrer la concurrence, donc d'imaginer de nouvelles stratégies financières, d'élaborer des techniques de construction, de créer de nouveaux marchés, etc., afin de parvenir au maximum de profits avec un minimum de moyens, financier, matériel ou humain.  

Une vision qui pèsera - encore aujourd'hui - sur l'avenir  de centaines de milliers d'habitants, ceux des grands ensembles d'habitat social, comme ceux des lotissements de périphéries, mais aussi sur le destin de ces innombrables ouvriers immigrés qui bâtirent ces prisons au détriment de leur santé, du racisme et du paternaliste de Francis Bouygues, et en fait, auront fait la fortune d'une famille, leur unique préoccupation. Depuis plus de trente années, les efforts financiers conséquents de l'État et donc des contribuables, tentent de « réparer » le fruit empoisonné de leur malhonnêteté, de leur cupidité maladive, en réhabilitant ou en démolissant les grandes cités d'habitat social. 

L'architecte Christian Devillers, spécialiste de la chose, hier encore grand penseur de l'urbanisme, aujourd'hui associé à cet organisme représente parfaitement cette génération d'architecte-théoricien insipide léguant à la postérité la médiocrité de leurs réalisations, reflétant celle de leurs théories anesthésiantes, aussi tristes qu'inutiles. Une génération vieillissante, toujours plus avide de reconnaissance, qui se pavane en compagnie des grands administrateurs de l'Etat, dans cette fameuse Cité de l'architecture et du patrimoine.

La direction de la Cité de l'architecture et du patrimoine qui a accepté cette exposition était placé sous l'égide d'un président de la République proche de la famille Bouygues, qui lui a proposé d'ailleurs, après sa déchéance,  un poste au sein de leur entreprise. Cette Cité de l'architecture, tenait lieu de véritable office de propagande du gouvernement Sarkozy, et présentait de nombreuses expositions consacrant l'architecture du star-système, des architectes "amis", l'urbanisme académique, dont notamment celle du projet Grand Pari, et organisait régulièrement des conférences où étaient conviés hommes politiques et architectes : le maire Gaudin (dit Dingo à Marseille) et d'autres présentèrent ainsi le renouvellement urbain de leur ville. La - moindre - critique n'entrait pas dans ce temple dédié au politiquement correct. Il est désormais aux ordres du nouveau gouvernement socialiste de François Hollande qui en fera sa caisse de résonance, sa vitrine en matière d'architecture et d'urbanisme d'Etat. Espérons que les nouveaux dirigeants sauront apprécier la moralité et le passé des futurs exposants, et  éviteront une trop grande proximité avec ceux qui ont façonné la ville du profit, pour l'ouvrir au contraire vers d'autres horizons, mieux encore : à tous.



EXTRAITS

Elisabeth Campagnac
Francis Bouygues, entrepreneur
Histoire, économie et société | 1995

Dominique Barjot
Francis Bouygues. L'ascension d'un entrepreneur
Vingtième Siècle. Revue d'histoire | 1992

Gwenaëlle Legoullon
Regard sur la politique du logement dans la France des années 1950-1960
Centre d’histoire sociale-Université Paris I


SOURCES

E. Campagnac et V. Nouzille
Citizen Bouygues
Paris, Belfond | 1988

B. Vayssiere
Reconstruction : déconstruction :
le hard French ou l'architecture française des Trente Glorieuses.
Paris, Picard | 1988

M.-C. Blanc-Chaléard
La petite entreprise italienne du bâtiment et la banlieue parisienne : passage vers la société industrielle
Actes de l’histoire l’immigration | 2001.

D. Barjot
La grande entreprise française de travaux publics, 1883-1974
Paris, Economica | 2006.

C. Popis
L’argent, le bâtiment, la politique sous la Ve République
Paris, Albin Michel | 1992.

François Ascher | J.Lacoste
Les producteurs du cadre bâti | 1972

Jacotte Bobroff-Gutkin | Fabia Novatin-Lative
La politique d’Albin Chalandon : nécessité tactique et stratégie de classe
Espaces et Sociétés | mars 1971

INA
Emission télévisée
Pierre Sabbagh : Entretien avec Pierre Sudreau, ministre de la construction : aménagement de la région parisienne
| 20 novembre 1958



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire