Bruxelles | l’Urbanisme du Sacrifice




Bruxelles-Midi, l’urbanisme du sacrifice et des bouts de ficelle

Gwenaël Breës
Publié par les  éditions Aden | Mai 2009 


La grande rareté d'ouvrages d'investigation de cette qualité concernant le domaine de l'urbanisme politique, nous invite à vous intéresser à ce livre reportage. Le journaliste n'hésite pas à dénoncer, preuves à l'appui, les "manigances" et les ruses des hommes politiques pour parvenir à la démolition d'une grande partie d'un quartier populaire et bâtir un ensemble tertiaire à haut profit pour les investisseurs, les "vautours" précise l'auteur.


Une opération d'urbanisme placée sous le signe d'un PPP : « partenariat public-privé », c'est à dire une opération où les investisseurs sont considérés dès les premières phases d'étude comme le partenaire privilégié, l'acteur qui, dans les faits, décident de la viabilité économique du projet. La ville de demain sera au PPP ou ne sera pas, clament les investisseurs. A charge aux acteurs politiciens de freiner l'appétit des investisseurs ou bien au contraire de les laisser-faire. Gwenaël Breës note à ce propos : "Dans ces différents domaines, effectivement, les autorités publiques se mêlent de moins en moins de gérer des projets par elles-mêmes. Il est une idée reçue, de plus en plus répandue, qui prétend qu’elles en soient incapables, plombées par trop de culture procédurière, de lourdeurs administratives, d’intérêts électoraux, de débats, de critères de transparence et de contrôle… Bref, le secteur public serait inefficace par essence. [...] Le privé développe une tout autre image de lui-même : il serait par nature efficace, performant, souple, expérimenté, il dispose des moyens adéquats et a l’avantage de ne pas devoir trop s’embarrasser de procédures et autres lourdeurs administratives. Alors, le privé fait croire au public qu’il a besoin de lui, même si c’est plutôt l’inverse qui est vrai.

D'une manière plus générale, l'opération Bruxelles-Midi s'intègre dans celle plus vaste du Plan de développement international de Bruxelles dont les caractéristiques note Gwenaël Breës sont : 

Développer une stratégie d’image pour les quartiers 
(city marketing) afin de les caractériser, et notamment pour les quartiers les plus fragilisés afin de les revaloriser et d’éviter que leur image négative ne dépasse les frontières  et ne nuise au rayonnement international 
de la ville (effet « bronx»). […] 
Un plan de développement sur 10 ans pour chaque quartier 
doit permettre de vendre ces quartiers 
à des investisseurs et à des nouveaux habitants […]

Un document indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de Bruxelles, à l’urbanisme, l’architecture, la planification, la politique, la privatisation des services publics, le droit urbain, la sociologie, l’histoire des luttes urbaines…




Bruxelles-Midi, l’urbanisme du sacrifice 
et des bouts de ficelle  
Gwenaël Breës 
Publié aux éditions Aden | Mai 2009 | 
384 pages (dont 65 de documents et illustrations)

Livre complet format PDF : http://www.bruxelles-midi.be/livre-en-pdf

Extraits :


L’histoire de Bruxelles est jalonnée de grands projets immobiliers qui, cycliquement, ont dévasté le tissu urbain et se sont terminés par un « Plus jamais ça ! »

L’avènement de la région de Bruxelles-capitale, en 1989, portait l’espoir  que cesse cet urbanisme imposé d’en haut et que la ville ne subisse plus de saccages comme celui du quartier nord. avec l’annonce de l’arrivée du train à grande vitesse (TGV) en gare du midi, il a vite fallu déchanter. une nouvelle fois, le « progrès » et le « développement international » ont suscité les convoitises immobilières et déclenché le « nettoyage social » d’un quartier populaire…

Sur fond de crise du logement et de surproduction de bureaux, cette enquête dévoile comment le sort du quartier midi s’est joué telle une partie de monopoly, dans un combat opposant des investisseurs privés, une société ferroviaire métamorphosée en promoteur immobilier et des autorités publiques avides de recettes fiscales. Comment la commune de saint-Gilles et la région bruxelloise, menées par un même homme (le socialiste Charles Picqué), ont transformé ce champ de bataille en véritable guerre d’usure… contre les habitants. Ceux-ci ont payé le prix fort d’une politique basée sur la lenteur, la temporisation et l’utilisation paradoxale d’une menace d’expropriation «en extrême urgence».


Ce livre est le fruit d’une investigation dont le résultat donne une vision accablante de certaines pratiques de «gouvernance» marquées par l’amateurisme et la naïveté, mais aussi par le cumul de responsabilités, la concentration des pouvoirs, la confusion des rôles et des intérêts, la partialité des administrations et l’abus de position dominante, la discontinuité de l’action publique et l’absence de responsabilité politique, la désinformation et le harcèlement, ainsi qu’un profond mépris envers les habitants… Comme le confirmeront les rebondissements judiciaires où la Région bruxelloise se verra notamment condamnée pour avoir mené une «politique de pourrissement» et «bafoué de manière arrogante plusieurs droits de l’Homme».

Une lecture édifiante qui tombe à point nommé, au moment où les stratèges de cette opération de «revitalisation» évitent tout bilan de leur action et s’apprêtent à rempiler pour une législature dédiée au «développement international» de Bruxelles, en désignant une dizaine de nouvelles «zones prioritaires».

Un livre sur la saga du quartier Midi…

« Bruxelles-Midi, l’urbanisme du sacrifice et des bouts de ficelle » a été écrit à partir d’expériences vécues, de récits et témoignages d’habitants, d’interviews de différents intervenants du dossier, ainsi que d’abondantes archives écrites et audiovisuelles (articles et reportages de presse, courriers, comptes rendus de débats politiques, textes légaux, prescrits urbanistiques, documents judiciaires, rapports d’activités, etc.).

Chacun des 12 chapitres qui le composent propose une approche thématique, s’intéressant particulièrement à un aspect : historique du quartier, planification, judiciaire ; ou à un acteur de cette saga : la Région de Bruxelles-Capitale, la société «paravant» Bruxelles-Midi, la Commune de Saint-Gilles, Charles Picqué, la SNCB, les promoteurs immobiliers, et bien sûr les propriétaires, commerçants et locataires du quartier.





Acte 1. Le nouveau bourgmestre de Saint-Gilles, le socialiste Charles Picqué, procède à une transformation sociologique de sa commune. Il insuffle le « renouveau urbanistique » dans les quartiers du « haut » et stigmatise ceux du « bas » (le Midi), qu’il promet à un traitement « énergique ». Son but : lutter contre « la contagion de la pauvreté », en modifiant la sociologie et le tissu urbain de ce quartier populaire et historiquement immigré. L’arrivée du TGV est déjà dans l’air. Si le terminal venait à s’installer au Midi, cela pourrait être l’occasion de trouver d’une part les moyens de « nettoyer » le quartier et d’autre part d’y implanter, comme Saint-Josse et son quartier d’affaires, un « petit Manhattan ». Un quartier qui permettrait à la commune d’attirer, outre l’argent des bureaux, une population passible d’impôts plus conséquents et à la « sociologie » plus enviable… 

Acte 2. L’État belge décide d’installer un terminal TGV à Bruxelles. Ce sera bien à la gare du Midi. Mais le gouvernement national, dans l’optique européenne de libéralisation des services publics, pousse la Société nationale des chemins de fer (SNCB) à autofinancer l’opération. Ce qu’elle fera par la réalisation d’un projet immobilier, se transformant en promoteur et se mettant à spéculer sur des îlots avoisinant la gare.

Acte 3. Attirés par l’odeur des bureaux potentiellement constructibles, quelques grandes compagnies de promotion immobilière se ruent sur le quartier et y acquièrent de nombreux biens, afin de se rendre maîtres du foncier et de devenir incontournables dans la réalisation des futurs projets.

Acte 4. À peine créée, la Région de Bruxelles-Capitale, présidée par Charles Picqué, veut prendre la tête des opérations. Officiellement, pour éviter à tout prix qu’un  quartier Nord « bis » se produise. Pourtant, la Région ne s’oppose pas aux projets de bureaux que caressent la SNCB et les promoteurs, et qui impliquent la démolition d’une partie du quartier. Elle ne se contente pas non plus de planifier le développement de la zone et de s’assurer qu’une partie des surfaces seront construites sur le territoire 
de Saint-Gilles, le fief du ministre-président. La Région veut, en plus, devenir propriétaire des sols. Elle l’imposera de gré ou de force, grâce à son pouvoir d’expropriation. Son idée ? S’interposer entre les petits propriétaires et les promoteurs. Racheter les terrains aux uns pour les revendre aux autres, afin d’empocher de grasses plus-values.
[...]

Bruxelles-Midi, l’urbanisme du sacrifice 
et des bouts de ficelle  
Gwenaël Breës 
Publié aux éditions Aden | Mai 2009 



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